Loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises

Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises

Articles 1, 2 et 8 de la loi

Voir la loi (extraits)

La loi du 22 mai 2019, dite loi Pacte, contient des dispositions relatives aux formalités déclaratives des entreprises et des employeurs auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) compétent et des dispositions relatives au statut du conjoint du chef d’entreprise ; ces dispositions sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’existence et la constatation de l’infraction de travail dissimulé.

.1. Articles 1 et 2 de la loi
Présentation
L’article 1 de la loi PACTE crée un guichet unique électronique des entreprises qui a vocation à se substituer aux différents centres de formalités des entreprises (CFE), dont l’origine remonte à 1981 (voir le décret du 18 mars 1981), ainsi qu’à leurs différents sites. Les entreprises et autres employeurs (associations etc) effectueront désormais leurs formalités déclaratives de création, de modification et de cessation d’activité par l’intermédiaire de ce guichet de téléservice unique dont le déploiement complet est prévu pour le 1er janvier 2021 au plus tard.
Le routage des informations contenues dans les déclarations des entreprises et des employeurs vers les organismes officiels destinataires se fera automatiquement par le guichet unique, dénommé Guichet Entreprises.
L’étude d’impact (p. 28) du projet de loi précise que le guichet unique délivrera un accusé de d’enregistrement dématérialisé, en application de l’article L.112-11 du code des relations entre le public et l’administration. Cependant, le contrôle de la complétude et de la régularité du dossier reste de la compétence des organismes destinataires.
Un décret précisera les missions du guichet unique et la procédure de traitement et de contrôle des déclarations reçues.

L’article 2 de la loi PACTE crée un registre général dématérialisé des entreprises qui va recueillir et diffuser de façon centralisée les informations légales relatives aux entreprises et aux associations qui se trouvent aujourd’hui réparties dans différents registres ou répertoires (registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers, registres spéciaux des agents commerciaux, registre des actifs agricoles, registre de la batellerie etc), à l’exception des informations contenues dans le répertoire SIRENE de l’INSEE qui continuera à exister.
Les modalités de fonctionnement du registre général dématérialisé des entreprises seront précisées et détaillées par une ordonnance.

Commentaire
La création du guichet unique entreprises et du registre général dématérialisé des entreprises a une incidence sur les investigations qui sont conduites dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé.
.1. S’agissant des déclarations à effectuer par les entreprises via le CFE actuel, celui-ci délivre au déclarant, sous 48 heures, un récépissé justifiant la déclaration de création d’activité, dès qu’elle est considérée complète par le CFE compétent destinataire, et un récépissé justifiant la déclaration d’un établissement secondaire, adressé dans le même délai.
Cet accusé de réception est un document très important pour les agents de contrôle et pour le juge, puisqu’il constitue la preuve que la personne en activité au moment du contrôle a rendu transparente cette activité économique ou l’existence d’un établissement secondaire, et ne tombe pas sous le coup de l’article L.8221-3 du code du travail qui définit l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’activité.
Ce délai spécifique d’envoi de l’accusé réception, propre au fonctionnement du CFE, semble avoir été supprimé par l’article 1er de la loi du 22 mai 2019, pour être remplacé de facto par le délai de droit commun de l’article R.112-11-2 du code des relations entre le public et l’administration ; ce délai varie de un à dix jours.
Il faudra sans doute attendre la parution du décret d’application de l’article 1er de la loi pour savoir si ce délai de droit commun est confirmé ou si un délai spécifique est maintenu.

.2. L’existence d’un registre général dématérialisé des entreprises, qui sera d’accès public, dans lequel seront mentionnées l’ensemble des informations légales relatives à la vie d’un opérateur économique améliore la transparence de cet opérateur et facilite le recueil d’informations notamment par les agents de contrôle, les services de recouvrement, les salariés, les organisations syndicales, chacun dans le cadre des recherches et des vérifications qu’il souhaite effectuer auprès de cet opérateur.

.2. Article 8 de la loi
Présentation
Depuis la loi du 2 août 2005 (voir l’article 12 de la loi), le conjoint du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale, qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle est tenu de choisir l’un de ces trois statuts : salarié, collaborateur ou associé.
Dans la réalité, cette obligation n’est pas suffisamment respectée, ce qui porte préjudice en matière de protection sociale au conjoint, qui est souvent une femme. Le non respect de cette obligation peut générer par ailleurs du contentieux prud’homal engagé par le conjoint, voire des procédures pénales au titre du travail dissimulé, par dissimulation d’activité ou par dissimulation d’emploi salarié (voir la jurisprudence).
Pour sécuriser les conditions d’exercice de cette activité professionnelle, l’article 8 de la loi, qui modifie l’article L.121-4 du code de commerce, impose au chef d’entreprise d’effectuer lui-même la déclaration de l’activité professionnelle de son conjoint, marié ou pacsé, en précisant la nature du statut choisi. A défaut d’avoir effectué cette déclaration ou d’avoir précisé la nature du statut choisi, le conjoint est présumé, par défaut, exercer son activité sous le statut de salarié.
L’article 8 de la loi s’applique également au conjoint, marié ou pacsé, de l’exploitant agricole ou du chef d’une entreprise agricole.
Un décret va définir la qualité de conjoint collaborateur et les modalités de la déclaration du chef d’entreprise.

Commentaire
L’article 8 de la loi accentue sensiblement le risque pour le chef d’entreprise d’être verbalisé pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié de son conjoint.
En effet, si le chef d’entreprise, d’une part n’a pas effectué la déclaration prévue par l’article 8 de la loi PACTE et d’autre part n’a pas satisfait aux obligations sociales résultant de sa qualité d’employeur qui en résulte, et dont l’omission est constitutive de ce délit (défaut de déclaration préalable à l’embauche, défaut de remise de bulletin de paie et défaut de déclaration sociale), il pourra être mis en cause à ce titre en raison de l’emploi de son conjoint qui exerce une activité régulière.
Cette mise en cause était déjà possible dès lors qu’un lien de subordination juridique était avéré. Mais l’article 8 supprime l’obligation de démontrer l’existence du lien de subordination, en introduisant cette présomption de salariat qui semble irréfragable.