Proposition communautaire de création d’une Autorité européenne du travail (AET)

Proposition communautaire de création d’une Autorité européenne du travail (AET)

Voir la rubrique Actualités du 22 décembre 2018

Voir la déclaration de la Commission européenne du 14 février 2019

Voir la fiche d’information questions-réponses de la Commission européenne du 14 février 2019

Présentation
Le 14 février 2019, le Parlement européen et le Conseil européen sont parvenus à un accord provisoire sur la proposition de la Commission européenne de créer une Autorité européenne du travail (AET).
Le texte doit être soumis pour approbation au comité des représentants permanents du Conseil (COREPER), avant un vote final au Parlement européen.

L’AET commencerait à fonctionner en 2019, pour être pleinement opérationnelle en 2023.
L’objectif général de l’AET est de veiller à une bonne application des règles sociales (législation du travail et législation de sécurité sociale) de l’Union européenne en matière de mobilité transfrontalière de la main d’œuvre et des salariés ; à ce titre, l’AET aura à connaître des situations d’abus et de fraude liées à cette mobilité.
Dans le cadre de cet objectif général, l’AET se dotera de compétences en matière de détachement du salarié et de travail non déclaré.

Au regard de cet objectif général, l’AET exercera les missions suivantes :
.- faciliter l’accès des particuliers et des employeurs aux informations concernant leurs droits et obligations dans les situations transfrontières ainsi que l’accès aux services compétents en matière de mobilité transfrontière de la main-d’œuvre,
.- faciliter la coopération et l’échange d’informations entre les autorités nationales pour garantir l’application effective du droit de l’Union européenne,
.- coordonner et faciliter, à la demande des États membres, les inspections et activités de contrôle concertées et conjointes afin de lutter contre la fraude, les abus et le travail non déclaré,
.- servir de médiateur entre autorités des États membres en cas de litige concernant l’application du droit de l’UE,
.- effectuer des analyses et des évaluations des risques concernant des aspects de la mobilité transfrontière de la main-d’œuvre,
.- aider les États membres à se doter de moyens par l’apprentissage mutuel, la formation et la promotion de bonnes pratiques.

En relation possible avec la lutte contre le travail illégal et le dumping social telle qu’elle est organisée sur le territoire français, et en déclinaison opérationnelle de ses missions, l’AET pourra, à la demande des États membres concernés, coordonner et accompagner des inspections concertées et conjointes sur les questions de mobilité de la main-d’œuvre. En pratique, l’AET aidera les autorités nationales en proposant un modèle pour les accords d’inspection conjointe, en organisant des réunions de coordination et en fournissant un appui logistique et technique pouvant comprendre des services de traduction et d’interprétation.
Avec l’accord des États membres concernés, le personnel de l’Autorité pourra participer et contribuer à ces inspections.
L’Autorité servira de médiateur dans les cas de litiges entre autorités nationales concernant l’application du droit de l’Union dans le domaine de la mobilité de la main-d’œuvre et de la coordination de la sécurité sociale, dans un souci de résolution rapide et efficiente des différends. Un conseil de médiation sera spécialement créé à cet effet.
Pour accomplir ces missions, l’AET sera dotée d’agents de liaison nationaux représentants les différents membres. La localisation du siège de l’AET n’est pas encore décidée.

Commentaire
Le texte de l’accord de compromis trouvé le 14 février 2019, ainsi que la déclaration faite par la Commission et la fiche d’information questions-réponses du même jour mise en ligne sur son site, n’apportent pas d’éléments nouveaux concernant les cinq points qui sont détaillés dans notre commentaire du 22 décembre 2018.
En matière opérationnelle, il reste acquis que l’AET ne disposera d’aucun pouvoir à l’égard des Etats membres ; toutes les interventions de l’AET dans ce domaine seront conditionnées soit par une demande d’un Etat membre, soit par son accord préalable. Tout se fera par discussion, médiation, dialogue et persuasion. Mais au final, l’Etat membre restera maître chez lui et pourra s’opposer à une initiative à vocation opérationnelle de l’AET. L’appellation "Autorité" donnée à cette nouvelle structure de l’Union européenne semble donc peu appropriée.

En matière de coordination des régimes de sécurité sociale et de délivrance et d’utilisation de certificats de détachement abusifs ou frauduleux, qui est un enjeux déterminant en France, l’AET sera tenue par les textes communautaires et la jurisprudence de la CJUE qui sacralise ce formulaire et qui reconnaît à l’institution de sécurité sociale qui l’a émis toute latitude pour le maintenir ou le retirer, sans réel recours effectif auprès de la commission administrative de coordination des systèmes de sécurité sociale, réduite à un rôle consultatif.

On voit mal la plus value de l’AET sur cet aspect déterminant de la lutte contre les abus et les fraudes au détachement du salarié qui est cependant un de ses objectifs.
S’agissant de la lutte contre le travail non déclaré, qui n’est pas un concept juridique en France, il faudra attendre des précisions communautaires pour apprécier les compétences et l’influence de l’AET dans le dispositif français de lutte contre le travail illégal.

Le seul point positif, visible et identifiable à ce jour, de la création de l’AET est la constitution d’un lieu officiel, complet et à jour de ressources d’informations sur le droit applicable (droit social, droit fiscal et droit commercial), en lien avec la prestation de services et le détachement, dans chaque Etat de l’Union européenne. La constitution d’un lieu ressources de cette nature est attendue depuis fort longtemps ; à titre d’exemple, il n’existe en effet à ce jour aucun lieu ressources d’information sur la législation relative au travail temporaire, sur les agences de mannequins, sur les congés payés et les caisses de congés payés, sur les différents modèles de bulletin de paie… de chaque Etat de l’Union européenne. La constitution d’une telle base de données pourrait ainsi enfin voir très utilement le jour.