Associé minoritaire et salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 23 octobre 2001

N° de pourvoi : 99-43286

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. LEMOINE JEANJEAN conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Jean-Claude X..., mandataire judiciaire, domicilié ..., agissant en sa qualité de liquidateur de la société à responsabilité limitée Compagnie française de recherche et de développement - fabrication matériel médical (CFRD),

en cassation d’un arrêt rendu le 7 avril 1999 par la cour d’appel de Paris (22e chambre, section A), au profit :

1 / de M. Jean-Denis Y..., demeurant ...,

2 / du Centre de gestion et d’études AGS (CGEA) d’Amiens, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 17 juillet 2001, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Nicolétis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, M. Poisot, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Nicolétis, conseiller référendaire, les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que M. Y..., engagé, le 1er avril 1995, en qualité de responsable de la recherche, par la Compagnie française de recherche et de développement - fabrication de matériel médical (CFRD), société qu’il a créée avec deux autres associés en novembre 1994 pour commercialiser ses inventions, n’a plus perçu de rémunération à compter d’août 1995 ; que, prenant acte de la rupture de son contrat de travail, il saisissait la juridiction prud’homale de diverses demandes en paiement ;

que la société CFRD a été déclarée en liquidation judiciaire le11 juin 1996 par jugement du tribunal de commerce de Beauvais ;

Attendu que M. X..., liquidateur de la société CFRD, fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 7 avril 1999) d’avoir retenu l’existence d’un contrat de travail entre M. Y... et la société CFRD et d’avoir alloué à ce dernier diverses sommes à titre de salaires, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts, alors, selon les moyens :

1 / que le contrat de travail place le salarié sous l’autorité de l’employeur qui lui donne des ordres concernant l’exécution de son travail, en contrôle l’accomplissement, en vérifie les résultats ; que la cour d’appel ne pouvait retenir l’existence d’une subordination en se fondant sur ce qu’aucune correspondance n’établissait que M. Y... n’était pas sous la subordination du gérant, ce qui signifiait tout autant que rien ne démontrait qu’il l’était ; que la cour d’appel, en se déterminant par des motifs dubitatifs ou ambigus, a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu’en matière de société, le principe de l’égalité entre associés est incompatible avec la notion de subordination ; que la qualité d’associé de la société de M. Y..., fondateur de la CFRD et détenteur de plus d’un tiers de ses parts, excluait sa subordination ; que la cour d’appel, en ne tenant pas compte de cet élément décisif, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; et que la subordination se caractérise par l’intégration d’un salarié dans la structure d’une entreprise ; que M. Y... accomplissait son travail à domicile, avec ses propres moyens techniques, sans aucun contrôle effectif ; qu’en l’absence d’appartenance à un service organisé, M. Y..., totalement indépendant dans son activité, ne pouvait être salarié de la CFRD ; qu’en ne procédant pas à des recherches suffisantes sur ses conditions d’emploi, la cour d’appel n’a pas, sur ce point encore, donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil ;

2 / que la cour d’appel s’est abstenue de toute motivation tant pour déterminer en quoi consistait le trouble inhérent à la rupture irrégulière du contrat de travail, que pour en chiffrer le montant ; qu’elle a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu’en présence d’un contrat de travail écrit, c’est à l’employeur qui invoque le caractère fictif de ce contrat d’en rapporter la preuve ; d’autre part, que la qualité d’associé n’est pas incompatible avec celle de salarié ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a relevé que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison du non-paiement des salaires par l’employeur, a pu décider que l’inexécution de ses obligations par l’employeur s’analysait en un licenciement qui, non motivé, était sans cause réelle et sérieuse, et a souverainement évalué le préjudice subi par le salarié ;

D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, prononcé et signé par Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l’audience publique du vingt-trois octobre deux mille un.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (22e chambre section A) , du 7 avril 1999

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Preuve - Fictivité prétendue - Charge de la preuve incombant à l’employeur.

Textes appliqués :
• Code civil 1315
• Code du travail L121-1