Entrée gratuite

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 juin 2010

N° de pourvoi : 09-85621

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

"-" X... Alain,
"-" Y... Nadine,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2009, qui a condamné, le premier, pour travail dissimulé, abus de biens sociaux et présentation de comptes inexacts, à vingt-quatre mois d’emprisonnement dont seize mois avec sursis, 20 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction de gérer, et, la seconde, pour recels de travail dissimulé et d’abus de biens sociaux, à six mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires, en demande et en défense, produits ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 388, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de motifs ;

” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable de travail dissimulé et l’a condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois avec sursis, à une amende délictuelle de 20 000 euros et à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale pour une durée de cinq ans ;

” aux motifs que, s’agissant des infractions pour exercice d’un travail dissimulé reprochées à Alain X..., l’enquête a démontré qu’il y avait dissimulation partielle d’activité ; que ce soit à la discothèque, l’opéra ou la discothèque le Nulle Part ailleurs, vingt salariés déclaraient dans leurs auditions avoir signé des contrats de travail prévoyant une prise de service à 23h30, heure de l’ouverture de la discothèque et une fin de service à 4 heures, heure de fermeture des établissements mais qu’en réalité, ils commençaient leur activité dès 23 heures pour la mise en place de la salle et terminaient après 4 heures du matin à la fin du ménage qu’ils effectuaient eux-mêmes tous les matins ; que ces mêmes salariés ajoutaient encore que le temps passé à distribuer de la publicité et à décorer les salles pour les soirées à thème n’était pas non plus payé ;

” alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer que sur les faits dont elles sont saisies ; qu’en déclarant Alain X... coupable de travail dissimulé par dissimulation d’activité, alors qu’il n’était prévenu que de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, la cour d’appel a excédé les limites de sa saisine et a méconnu les textes susvisés “ ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’Alain X..., gérant de deux sociétés ayant pour objet la gestion de discothèques, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment, du chef de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés pour avoir, d’une part, mentionné, sur des bulletins de paie de vingt salariés appartenant à ces sociétés, un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectué et pour avoir, d’autre part, omis de remettre un bulletin de paie lors du paiement de la rémunération et de procéder à la déclaration préalable d’embauche de quatre autres salariés de ces mêmes sociétés ainsi que de Luc C... ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt, qu’en dépit d’une erreur de plume, les juges du second degré ont déclaré Alain X... coupable de recours au travail dissimulé dont ils étaient saisis ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1 et suivants du code du travail, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de motifs ;

” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable de travail dissimulé et l’a condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois avec sursis, à une amende délictuelle de 20 000 euros et à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale pour une durée de cinq ans et Nadine Y... coupable de recel du produit du délit de travail dissimulé et l’a condamnée à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende délictuelle de 5 000 euros ;

” aux motifs que Luc C... a été interpellé alors qu’il s’apprêtait à effectuer un travail de petite maintenance chez un particulier qui a déclaré l’avoir rencontré le jour même ; qu’il a été retrouvé la somme de 7 950 euros en espèces à son domicile alors qu’il ne perçoit que le revenu minimum d’insertion ; qu’il était déclaré auprès de l’URSSAF comme salarié de la SARL Lamia Seheiah depuis le 29 novembre 2007 ; qu’il a indiqué n’avoir jamais travaillé pour cette société et avoir juste effectué quelques petits dépannages dans des appartements contre des entrées gratuites en discothèque ; qu’il reconnaît également avoir posé de la moquette dans un des appartements ; qu’Alain X... a reconnu que Luc C... venait parfois le conseiller au niveau de l’installation des cloisons sèches ; que de nombreux salariés ont expliqué que Luc C... était l’homme à tout faire d’Alain X... ; que Luc C... a bien travaillé pour le compte d’Alain X... à la rénovation d’appartements anciens et destinés à la location appartenant à sa concubine depuis juin 2005 ; que l’infraction est constituée pour la période de juin à novembre 2005 ; … ; que Nadine Y... se voit reprocher d’avoir bénéficié, en connaissance de cause d’un travail dissimulé à l’occasion de l’exécution de travaux dans ses appartements de la place d’Alger au Mans effectués par Luc C... ;

” alors que la dissimulation d’emplois salariés suppose un contrat de travail, condition préalable du délit ; qu’alors que Luc C... soutenait avoir accompli ses quelques interventions à titre bénévole et en tous cas en dehors de tout lien de subordination, la cour d’appel s’est totalement abstenue de caractériser l’existence d’un contrat de travail, notamment par le versement d’une rémunération et par l’existence d’un rapport de subordination ; que, ce faisant, elle a insuffisamment caractérisé l’infraction constatée “ ;

Attendu que, pour dire établi le délit de recours au travail dissimulé de Luc C..., l’arrêt relève notamment que celui-ci a déclaré avoir effectué pour Alain X... et sa concubine, Nadine Y..., quelques “ dépannages “ dans des appartements appartenant au couple en 2007, 2006 et 2005 contre des entrées gratuites en discothèque et avoir posé une moquette dans ces appartements ; que les juges ajoutent que de nombreux salariés des deux discothèques ont expliqué que Luc C... était “ l’homme à tout faire “ d’Alain X... ; qu’ils en déduisent qu’il est établi que Luc C... a travaillé pour le compte de ce dernier à la rénovation d’appartements anciens et destinés à la location appartenant à sa concubine depuis juin 2005 ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations dont il résulte qu’Alain X... a employé Luc C... dans des conditions établissant l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a justifié sa décision au regard de l’article L. 8221-1 du code du travail ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du code pénal, L. 8221-1 et suivants du code du travail, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de motifs ;

” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable de travail dissimulé et l’a condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois avec sursis, à une amende délictuelle de 20 000 euros et à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale pour une durée de cinq ans ;

” aux motifs que les salariés embauchés en contrats d’extra étaient rémunérés en espèces pour un montant variant de 40 à 50 euros par soirée, les montants apparaissant sur les bulletins de salaire remis étant, selon leurs déclarations unanimes, inférieurs à ceux réellement perçus ; … ; que M. Z... prétend qu’après avoir été embauché de 2003 à juillet 2005 dans le cadre de son activité à la discothèque Le Divino, il a travaillé à l’opéra, pour la période de novembre 2005 à juin 2006, sans percevoir aucun bulletin de salaires jusqu’en juillet 2005, pour le compte de la discothèque Le Divino pour ce salarié ; qu’en revanche, Eloïse A..., dans son audition du 22 octobre 2007, indiquait notamment parmi les personnes ayant travaillé avec elle à l’opéra entre le mois de novembre 2005 et le mois de décembre 2006, Xavier Z..., lequel était au vestiaire ;

” alors que le délit de dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisé que s’il est constaté que l’infraction était intentionnelle ; qu’en omettant totalement de vérifier qu’Alain X... était l’auteur volontaire et averti de ces pratiques, alors même qu’elle a constaté qu’il était très peu présent dans ses sociétés, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction en violation des textes susvisés “ ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des autres faits de travail dissimulé, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifé sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne sautait être admis ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, préliminaire, 591 à 593 du code de procédure pénale, L. 241-3 du code de commerce, manque de base légale, défaut de motifs ;

” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain X... coupable d’abus de bien sociaux et de présentation de comptes annuels inexacts par gérant de SARL pour dissimuler la situation de la société et l’a condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois avec sursis, à une amende délictuelle de 20 000 euros et à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale pour une durée de cinq ans et Nadine Y... coupable de recel du produit du délit d’abus de biens sociaux et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende délictuelle de 5 000 euros ;

” aux motifs que M. B... a déclaré avoir été employé par la SARL Acteor Création pour s’occuper de l’installation électrique dans les deux discothèques et avoir en réalité été employé pour refaire l’électricité des appartements de Nadine Métivier ; qu’Alain X... a reconnu que M. B... était venu une dizaine de fois lui donner des conseils en électricité ; que de nombreux salariés ont déclaré que Ludo s’occupait de l’électricité ; que les parties civiles présentes à l’audience ont déclaré ne pas connaître ce barman ; que les faits apparaissent donc établis pour la période de juin à novembre 2005 ; … ; que l’agence immobilière de Saint-Martin, qui s’était chargée de lui louer un appartement depuis le mois de mai 2005 jusqu’en septembre 2007, a indiqué qu’il avait payé ses loyers en espèces et lors de la signature du bail, il avait déclaré que la société Acteor Création louait l’appartement pour lui ; qu’il a également réglé en espèce de nombreux voyages Paris-Saint-Martin ; qu’il a également acquis sans aucune facture et en espèces des bouteilles de Champagne sur la période de septembre 2004 à novembre 2005 pour un montant total de 15 000 euros ; qu’Alain X... a été en possession de plus de 77 000 euros en espèces entre le mois de mai 2005 et mars 2008 dont l’origine n’est pas déterminée alors que seuls deux retraits d’espèces ont été effectués sur son compte bancaire ; que des apports en compte courant ont été effectués sur son compte bancaire entre 2005 et 2007 en espèces pour 45 000 euros au bénéfice de la SARL Lamia Seheiah et 3 000 euros au bénéfice de la SARL Acteor Création ; … ; que la comptable des deux SARL a expliqué qu’on ne lui remettait pas les tickets z, ni la comptabilité des caisses ni la plupart du temps, une quelconque somme d’argent à déposer en banque ; … ; que les policiers enquêteurs du SRPJ ont tenté une simulation des détournements en espèces avec un ratio de 30 % d’espèces ; qu’il apparaît au vu du chiffre d’affaire déclaré un détournement pour les deux SARL de 474 892 euros de 2005 à 2007 et un détournement de 1 247 582 euros si le ratio est de 50 % ; que l’infraction de présentation et publication de bilans inexacts est donc établie au vu des prélèvements importants opérés par Alain X... à son profit ;

” 1) alors qu’en vertu du principe de la présomption d’innocence, la preuve de la culpabilité rapportée par la partie poursuivante doit être décisive et suffisante ; que, dès lors, il appartenait au ministère public et aux parties civiles d’établir que M. B... aurait accompli ses fonctions de salarié à la réfection de l’électricité des appartements de Nadine Métivier, tel que reproché dans la prévention ; qu’en retenant la culpabilité d’Alain X... sans dire que ce fait était établi et au seul motif que, selon des attestations de salariés, M. B... n’avait pas travaillé comme barman mais comme électricien auprès des discothèques, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve et violé les textes et principe susvisés ;

” 2) alors que le seul fait pour un gérant d’avoir effectué des paiements privés en espèces n’induit pas qu’il a utilisé des biens sociaux de ses sociétés ; que, dès lors, en se bornant à constater, pour retenir la culpabilité d’Alain X..., qu’il a payé en espèces des loyers, des billets d’avion et des bouteilles de champagne, sans s’assurer que ces espèces provenaient bien des sociétés concernées, la cour d’appel a insuffisamment caractérisé le délit d’abus de biens sociaux et violé les textes susvisés “ ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit d’abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-24 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné Alain X... à une peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois avec sursis ;

” aux motifs que la gravité des infractions reprochées ne peut que conduire la cour à confirmer la peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois assortis d’un sursis simple et l’amende de 20 000 euros prononcée par les premiers juges ;

” et aux motifs adoptés qu’au vu de la gravité des infractions reprochées, Alain X... sera condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement dont seize mois assortis d’un sursis simple et à une amende de 20 000 euros ;

” alors qu’en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; qu’en se référant à la seule qualification de l’infraction poursuivie pour justifier la condamnation d’Alain X... à une peine d’emprisonnement ferme, la cour d’appel a méconnu l’exigence de motivation prescrite par l’article 132-19 du code pénal “ ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a prononcé une peine d’emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l’article 132-19 du code pénal ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 1 600 euros la somme qu’Alain X... et Nadine Y... devront payer, chacun, à l’URSSAF de la Sarthe au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Degorce conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers du 23 juin 2009