Concubin - auto école - salarié oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 15 février 2000

N° de pourvoi : 99-80156

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" Y... Sylvie,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 8 décembre 1998, qui pour travail dissimulé, publicité fausse et tromperie, l’a condamnée à 3 mois d’emprisonnement avec sursis, 10 000 d’amende, à une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-1, L. 121-1 et L. 121-6 du Code de la consommation, 1, 2, et 446 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt mentionne que la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes était partie intervenante à la procédure et que son représentant a été entendu en qualité de témoin après avoir prêté serment ;

”1) alors qu’à partir du moment où, en cas de poursuites pour tromperie ou publicité de nature à induire en erreur, les agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne tenaient d’aucun texte le droit d’intervenir comme partie à l’instance, la cour d’appel ne pouvait mentionner que cette administration figurait à l’instance en qualité de partie intervenante ;

”2) alors qu’une partie à l’instance devant le juge répressif ne peut être entendue en qualité de témoin ; que, dès lors, la cour d’appel ne pouvait tout à la fois constater que la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes figurait à l’instance comme partie intervenante et entendre son représentant en qualité de témoin après avoir prêté serment” ;

Attendu que, si c’est à tort que l’arrêt qualifie de partie intervenante la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, il n’en est résulté aucun grief pour la demanderesse, dès lors qu’au cours des débats, le représentant de cette administration n’a été entendu qu’en qualité de témoin, serment préalablement prêté ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3, L. 362-4 et L. 620-3 du Code du travail, 131-35 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Sylvie Y... coupable du délit de recours au service d’un travailleur clandestin et l’a condamnée à la peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 F d’amende, tout en ordonnant la publication de sa décision dans divers journaux et en la condamnant à indemniser les parties civiles ;

”aux motifs que le suivi des cours de code audiovisuel était généralement assuré par Charles X..., concubin de Sylvie Y..., lequel s’occupait également du secrétariat tout en assurant la permanence de l’auto-école ; que celui-ci n’était pas, à l’époque des faits, déclaré auprès des organismes fiscaux et sociaux comme conjoint collaborateur, ce qui constitue le délit de recours au service d’un travailleur clandestin ;

”1) alors qu’en se bornant à relever que le concubin de la prévenue exerçait une activité dans l’entreprise mais n’était pas déclaré comme conjoint collaborateur, sans constater qu’il y exécutait un travail à titre lucratif ni que Sylvie Y... l’aurait employé contre le versement d’une rémunération occulte, sans se conformer aux obligations prescrites par l’article L. 324-10 du Code du travail, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision de retenir la prévenue dans les liens de la prévention ;

”2) alors qu’en déclarant Sylvie Y... coupable des faits reprochés, quand il ne résultait d’aucune de ses énonciations que l’infraction aurait été constatée par une personne habilitée à cette fin, la cour d’appel n’a pas davantage justifié légalement sa décision” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-1 et L. 216-3 du Code de la consommation, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Sylvie Y... coupable du délit de tromperie sur la qualité de la prestation et l’a condamnée à la peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 F d’amende, tout en ordonnant la publication de sa décision dans divers journaux et en la condamnant à indemniser les parties civiles ;

”aux motifs que Sylvie Y..., seule titulaire du diplôme nécessaire à l’enseignement de la conduite, n’était pas présente au début et à la fin de chaque séance audiovisuelle de code comme le prescrit la circulaire du 5 mars 1991 dans les cas d’utilisation d’un système d’auto-correction ; que les constatations des agents verbalisateurs et les déclarations concordantes de plusieurs élèves caractérisent suffisamment une telle absence ; que l’emploi du temps de la prévenue ne lui laissait pas la possibilité matérielle d’assurer le suivi des cours de code d’une durée de deux heures ouverts en permanence ; que ce suivi était généralement assuré par son concubin non titulaire d’un diplôme de moniteur d’auto-école garantissant le sérieux de ses prestations, ce qui caractérise le délit de tromperie, peu important que la plupart des candidats aient obtenu leur code dès la première présentation ;

”1) alors que le délit de tromperie suppose que les destinataires du service promis aient été induits en erreur sur les qualités substantielles de la prestation ; qu’en déclarant néanmoins la prévenue coupable de ce chef pour avoir confié à son concubin le soin d’assurer seul les cours de code audiovisuel avec procédé d’auto correction, sans constater que la présence de Sylvie Y... en début et en fin de séance avait constitué un élément déterminant du consentement des clients amenés à contracter, la cour d’appel, qui a relevé que la plupart d’entre eux avaient obtenu leur code dès la première présentation, n’a pas caractérisé les éléments constitutifs de l’infraction ;

”2) alors que le délit de tromperie suppose la preuve de l’intention frauduleuse ; qu’en se bornant à relever que les cours de code audiovisuel avec procédé d’auto correction étaient assurés non par la prévenue mais par son concubin, tout en admettant que la plupart des candidats avaient obtenu leur code dès la première présentation, la cour d’appel n’a pas établi contre Sylvie Y... une quelconque volonté de tromper sa clientèle” ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de la circulaire n° 93/94 du 17 décembre 1993, de l’arrêté du 28 novembre 1994 et de la circulaire du 22 décembre 1994 relatifs à l’apprentissage anticipé de la conduite, des articles L. 121-1, L. 121- 4, L. 121-5 et L. 121-6 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Sylvie Y... coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur et l’a condamnée à la peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 F d’amende, tout en ordonnant la publication de sa décision dans divers journaux et en la condamnant à indemniser les parties civiles ;

”aux motifs que Sylvie Y... proposait un forfait alléchant par rapport au tarif moyen habituellement pratiqué comprenant notamment vingt heures de conduite ; qu’il est constant que, contrairement à cette annonce, les élèves ne bénéficiaient que de quinze heures de conduite effective, les cinq heures restantes étant consacrées à des explications pédagogiques ; que Sylvie Y... est mal fondée à se retrancher derrière les ambiguïtés ou imprécisions de la réglementation, alors que tant l’arrêté du 28 novembre 1994 que la circulaire du 22 décembre 1994 applicables à l’époque des contrôles prévoyaient un volume minimum de conduite en circulation sur voie publique de vingt heures et précisaient qu’il s’agissait d’une conduite effective ; que sa culpabilité est ainsi suffisamment établie de ce chef ;

”alors que la cour d’appel ne pouvait retenir la prévenue dans les liens de la prévention sans s’être expliquée, ainsi qu’elle y était invitée, sur la définition de l’heure de conduite donnée par la circulaire du 17 décembre 1993 relative au suivi de l’enseignement de la conduite dispensé par les établissements habilités à cette fin, et d’où il résulte qu’une leçon de conduite en circulation d’une heure se décompose en trois phases, une définition de la leçon pendant cinq minutes, une conduite effective durant quarante-cinq à cinquante minutes puis un bilan et des commentaires pédagogiques pendant cinq à dix minutes” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu, d’une part, qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni d’aucunes conclusions que la demanderesse ait invoqué, avant toute défense au fond, la nullité du procès-verbal ou du rapport constatant l’infraction de travail dissimulé ;

Attendu, d’autre part, que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, et ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice découlant de ces infractions ;

D’où il suit que les moyens, pour partie irrecevables en application de l’article 385-1 du Code de procédure pénale, qui se bornent pour le surplus, à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Limoges, chambre correctionnelle du 8 décembre 1998