Maison de retraite - salarié oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 8 octobre 1996

N° de pourvoi : 95-83319

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. Le GUNEHEC, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de Me J... et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" B... Annick, épouse I...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 14 avril 1995, qui l’a condamnée, pour travail clandestin, à 5 000 francs d’amende avec sursis et a prononcé sur les réparations civiles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, 427 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a reconnu Annick C... épouse I... coupable d’avoir exercé à but lucratif une activité de prestation de service en employant des salariés sans les déclarer aux organismes sociaux, sans leur délivrer de bulletins de paie et sans les inscrire sur le registre du personnel ;

”aux motifs que Annick I... est formellement mise en cause par les neuf personnes visées à la citation ; que certes, plusieurs d’entre elles ont introduit une instance prud’homale à l’encontre d’Annick I..., ce qui peut rendre leurs déclarations sujettes à caution, mais d’autres, parmi lesquelles figurent Marie-Christine D..., Nadine A... épouse Y... et Odette H..., épouse Z..., n’ont engagé aucune action judiciaire et n’avaient donc, a priori, aucun intérêt à porter de fausses accusations contre Annick I... ; que ces déclarations sont confortées par plusieurs témoignages de tiers ; que certes, ils ne sont pas toujours précis sur la période d’emploi, ce qui peut laisser subsister un doute sur l’existence d’un travail clandestin lorsque le salarié a été employé pendant un certain temps régulièrement mais qu’il n’en apparaît pas moins :

"-" que le témoin Danny F..., employé en qualité de stagiaire du 27 février au 14 mars 1989, a vu travailler dans l’établissement Marie-Thérèse X... ;

"-" que Mme Périn G..., infirmière, a constaté en 1990 que Marie-Christine D... était employée dans l’établissement ;

"-" que deux policiers municipaux ont constaté, lors de missions diurnes, entrant dans le cadre de leurs fonctions, la présence de Marie-Rose E..., laquelle, comme les précédents, n’a jamais été déclarée ;

"-" que la présence de Mme D... dans la maison de retraite est encore attestée par deux pensionnaires de l’établissement ;

"-" qu’enfin, comme l’a justement relevé le tribunal, il est manifeste que la prévenue ne pouvait héberger un effectif de 10 à 15 personnes âgées, à la satisfaction générale, en n’employant que le seul salarié qui figurait officiellement sur son registre du personnel ;

”alors, d’une part, qu’il appartient à la partie poursuivante de rapporter la preuve de la culpabilité du prévenu ; qu’en l’espèce, il résulte des motifs de l’arrêt que certains témoignages étaient sujets à caution et que d’autres n’étaient pas toujours précis sur la période d’emploi, ce qui pouvait laisser subsister un doute sur l’existence d’un travail clandestin au sens juridique du terme ; qu’en l’état de ces constatations, l’arrêt qui a caractérisé l’absence de preuve à l’encontre d’Annick I... et d’un doute en sa faveur ne pouvait légalement la retenir dans les liens de la prévention ;

”alors, d’autre part, que les attestations des tiers versées aux débats se bornent à indiquer “la présence” de certaines des parties civiles au sein de l’établissement d’Annick I... sans jamais caractériser l’accomplissement d’une tâche ou d’un travail effectif ni dans sa durée ni dans son contenu ; qu’ainsi, la Cour qui n’a pas caractérisé l’élément matériel de l’infraction n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, enfin, que la Cour doit apprécier tous les éléments de preuve versés aux débats, même pour les écarter ; qu’il résulte des conclusions de la prévenue qu’elle a versé aux débats les rapports respectifs de la DDASS, de l’URSSAF et de l’inspection du travail qui, sur commission rogatoire, ont été entendues et se sont livrées à un contrôle approfondi de l’établissement, ne mettant à jour aucune anomalie permettant de supposer l’existence d’un travail clandestin ;

que la Cour qui n’a pas apprécié ces éléments de preuve, même pour les rejeter, n’a pas légalement justifié son arrêt” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, par des motifs exempts d’insuffisance et répondant aux conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gunehec président, Mme Fossaert-Sabatier conseiller rapporteur, MM. Milleville, Guerder, Pinsseau, Joly, Mmes Françoise Simon, Chanet conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Dintilhac ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de REIMS chambre correctionnelle , du 14 avril 1995