Blanchiment oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 27 mars 2018

N° de pourvoi : 16-87585

ECLI:FR:CCASS:2018:CR00376

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Soulard (président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

 

 

La société Y... auto sélection,

M. X... Y...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 2016, qui, pour omission de mention par revendeur sur le registre d’objets mobiliers, emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié, blanchiment aggravé et, en outre, pour M. Y..., travail dissimulé et travail dissimulé en récidive, a condamné la première à 20 000 euros d’amende, le second à trois mois d’emprisonnement, 40 000 euros d’amende et une interdiction définitive de gérer, et a prononcé des mesures de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 6 février 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4, 121-2 , 324-1, 324-1-1, 324-2 et 324-9 du code pénal, L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8224-1 du code du travail, R. 123-41 et R. 123-63 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... Y... coupable d’exécution d’un travail dissimulé pour non déclaration auprès de l’URSSAF de son établissement secondaire à [...] et déclaré M. X... Y... et la société Y... auto sélection respectivement coupables de blanchiment aggravé de ce délit, et de blanchiment par personne morale commis de façon habituelle de ce délit, et les a, en répression, respectivement condamnés à une peine d’amende de 40 000 euros et une peine d’emprisonnement de trois mois et à une peine d’amende de 20 000 euros, outre des peines complémentaires ;

”aux motifs que, le 19 décembre 1994, il a créé son entreprise individuelle, immatriculée [...] , ayant pour activité l’achat et la revente de véhicules d’occasion ; que celle-ci a connu plusieurs lieux d’activité et que, le 26 septembre 2012, M. Y... s’est établi à [...] (51) au [...] ; que toutefois, M. Y... vendait également des véhicules d’occasion sur un autre site, sis à [...] (51), mais il n’a jamais déclaré celui-ci en tant qu’établissement secondaire de son entreprise individuelle ; que, compte tenu de son expérience des affaires, M. Y... ne saurait sérieusement prétendre qu’il ne savait pas qu’il fallait procéder à cette déclaration (

) ; qu’outre son défaut de déclaration du site de [...], il apparaît que M. Y... avait minoré ses déclarations fiscales ; qu’en effet, en tant qu’entreprise individuelle relevant du régime fiscal de la micro-entreprise, et ayant une activité de vente de véhicules, M. Y... ne devait pas dépasser un chiffre d’affaires annuel hors taxes de 81 500 euros ; que la dernière période d’activité de M. Y... en tant qu’entreprise individuelle ayant débuté le 26 septembre 2012, celui-ci ne pouvait dépasser un chiffre d’affaires de 21 659 en 2012, selon le calcul suivant : (81 500 X 97 jours) : 365) ; que si M. Y... a déclaré au titre de ses revenus de l’année 2012 la somme de 1 478,00 euros correspondant au RSA, l’étude de ses livres de police a fait ressortir que, pour la période du 26 septembre au 31 décembre 2012, celui-ci avait vendu deux véhicules, générant un chiffre d’affaires de 8 000 euros ; que M. Y... avait crédité ses comptes bancaires d’une somme globale de 59 309 euros (dont 10 500 euros versés en espèces), correspondant à la vente de dix-neuf véhicules et donc à son activité commerciale, de sorte qu’il aurait dû être soumis fiscalement au régime réel simplifié et non à celui de la micro-entreprise ; que le même constat s’établit pour la période du 1er janvier au 17 juin 2013, car si Y... X... avait déclaré pour l’année 2013 les sommes suivantes : 1.646,00 euros au titre des salaires et assimilés, 1 222 euros au titre des salaires, pensions, rentes nets et 5 500 euros à titre d’auto-entrepreneur, il ressort de son livre de police qu’il avait vendu 113 véhicules pour un montant global de 412 581 ,50 euros ; que M. Y... avait, d’ailleurs, crédité ses comptes bancaires de 508 887,60 euros ; que, là encore, M. Y... aurait dû être soumis au régime réel simplifié, s’il n’avait omis de déclarer une partie de son chiffre d’affaires au fisc, éludant ainsi l’impôt sur les bénéfices et la taxe sur la valeur ajoutée ; que M. Y... a également établi ses déclarations auprès du RSI (Régime social des indépendants), avec des montants identiques à ceux qu’il a déclarés aux services fiscaux (soit 0,00 euro en 2012 et 5 500 euros en 2013), donc largement minorés par rapport à ses chiffres d’affaires réels, d’où une minoration de ses cotisations ; qu’il ne saurait prétendre qu’il n’y avait aucune intention frauduleuse de sa part, alors qu’il a sciemment tiré parti de ces minorations de son chiffre d’affaires annuel, dissimulant ainsi une partie de son activité, de sorte qu’est constitué le délit d’exécution d’un travail dissimulé commis entre le 26 septembre 2012 et le 31 janvier 2015 qui lui est reproché ;

”et aux motifs adoptés que le 19 décembre 1994, M. Y... créait une entreprise individuelle ayant pour activité l’achat et la revente de véhicules d’occasion ; que le 26 septembre 2012, il établissait son activité à [...] ; qu’il convient de remarquer que le site de [...] où s’exerçait également l’activité n’a fait l’objet d’aucune déclaration (

) ; que de la même façon il prétendait ignorer qu’il aurait dû déclarer le site secondaire de [...] auprès des services de l’URSSAF ; que déclaré en tant qu’entreprise individuelle et donc soumise au régime fiscal de la micro-entreprise, le chiffre d’affaires annuel de M. Y... dans le cadre de son activité de vente de véhicules ne pouvait être supérieur à 81 500 euros ; que, pour la période du 26 septembre 2012 au 31 décembre 2012, le chiffre d’affaires ne pouvait donc dépasser 21 659 euros ; qu’il ressort des investigations effectuées par les enquêteurs que les conditions semblaient respectées puisqu’en effet le prévenu déclarait au titre des revenus de l’année 2012 la somme de 1 478 euros au titre du RSA et pour l’année 2013 la somme de 1646 euros au titre des salaires et assimilés, la somme de 1 222 euros au titre des salaires pensions et rentes et la somme de 5 500 euros au titre du régime micro auto entrepreneur ; que si l’étude des livres de police pour l’année 2012 laisse penser que deux véhicules seulement ont été vendus pour un montant de 8 500 euros, l’étude des comptes bancaires révèle qu’une somme de 59 309 euros exercés par le prévenu dont 10 500 euros en liquide ; que cette somme qui équivaudrait à la vente des 19 véhicules et donc à l’activité de M. Y... correspond au chiffre d’affaires réel de l’activité et de ce fait le prévenu aurait dû être soumis au régime réel simplifié ; que, pour la période allant du 1er janvier 2013 à la date du contrôle, le 17 juin 2013, M. Y... a selon son livre de police vendu 113 véhicules pour un total de 412 580,50 euros ; que c’est une somme totale de 508 887,60 euros qui est créditée sur les comptes bancaires de l’intéressé, sommes largement supérieure aux 80 500 euros permettant d’être soumis au régime fiscal micro ; que le chiffre d’affaires de M. Y... n’a pas fait l’objet de déclarations aux services fiscaux ; que les enquêteurs ont ainsi pu évaluer que le préjudice des services fiscaux était supérieur à 283 000 euros ; que M. Y... a établi sa déclaration auprès du régime social des indépendants (RSI) avec les mêmes montants minorés par rapport à son chiffre d’affaires réel ; que ces déclarations minorées ont par voie de conséquence entraîner des cotisations minorées et le préjudice subi par le RSI est évalué par les enquêteurs est supérieur à 78 000 euros ; qu’entendu sur ces faits de travail dissimulé par dissimulation d’activité, M. Y... a donné plusieurs explications comme une méconnaissance des règles ou des erreurs

toutes explications tendant à faire admettre qu’il n’y avait rien intentionnel dans son comportement ;

”alors que le délit de dissimulation d’activité suppose un défaut d’immatriculation laquelle ne s’impose, à l’égard des personnes morales immatriculées ouvrant un établissement secondaire, que lorsque ce dernier est situé hors du ressort de l’établissement principal ; qu’en se fondant, pour déclarer M. Y... coupable de travail dissimulé par dissimulation d’activité, sur l’absence de déclaration du site de [...] où il exerçait une activité identique à celle exercée sur le site de [...] qui avait fait l’objet d’une immatriculation quand ce nouveau site relevait du même ressort que l’établissement principal et ne nécessitait donc pas une immatriculation secondaire, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés” ;

Attendu que M. Y... est poursuivi du chef d’exécution d’un travail dissimulé par dissimulation d’activité pour avoir exercé l’activité de revente de véhicules en ne procédant pas aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale, en l’occurrence pour avoir, entre le 26 septembre 2012 et le 31 janvier 2015, omis de déclarer, d’une part, une partie de son chiffre d’affaires auprès des services fiscaux et du régime social des indépendants, d’autre part, l’activité de l’établissement secondaire de vente de véhicules sis à [...] (Marne) auprès de l’URSSAF, c’est-à-dire pour un cas de travail dissimulé visé au 2° de l’article L. 8221-3 du code du travail, et non pour avoir omis de demander, lorsqu’il a constitué la société Y... Auto Sélection le 9 octobre 2013, une immatriculation secondaire au registre du commerce et des sociétés au titre dudit établissement, au sens du 1° du même texte ;

D’où il suit que le moyen, qui repose sur l’argumentation, inopérante en l’espèce, selon laquelle une telle immatriculation secondaire n’était pas légalement requise, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-3, 111-4, 324-1, 324-1-1 et 324-2 du code pénal, L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de récidive d’exécution d’un travail dissimulé pour avoir minoré les déclarations de salaires faites à l’URSSAF et coupable de blanchiment aggravé de ce délit, et l’a, en répression, condamné à une peine d’amende de 40 000 euros et une peine d’emprisonnement de trois mois, outre des peines complémentaires ;

”aux motifs que les enquêteurs ont, en outre, relevé plusieurs infractions relatives à l’emploi des salariés ; qu’ils ont établi que Mme Murielle B... avait travaillé depuis le 16 avril 2013 en tant que secrétaire comptable de l’entreprise individuelle M. Y... mais qu’à la date du 17 juin 2013, l’intéressée n’avait fait l’objet d’aucune déclaration préalable à l’embauche auprès des services de l’URSSAF ; que cette déclaration ayant été faite le 18 juin 2013, soit le lendemain du contrôle, le délit d’exécution d’un travail dissimulé en récidive commis entre le 16 avril 2013 et le 17 juin 2013 reproché à M. Y... est constitué ; que, de même, M. Farid C... a été embauché le 25 octobre 2012 par M. Y..., mais celui-ci n’a procédé que le 5 décembre 2012 à la déclaration préalable à l’embauche de l’intéressé auprès de l’URSSAF ; que le délit d’exécution d’un travail dissimulé en récidive commis entre le 25 octobre 2012 et le 5 décembre 2012 reproché à M. Y... est constitué ; que les enquêteurs ont relevé que M. Sébastien D... avait été embauché le 3 décembre 2012 par M. Y... et avait travaillé jusqu’au mois de juin 2013, en tant que vendeur à mi-temps sur le site de [...] ; que, pour sa part, M. Yassine E... avait été embauché le 7 janvier 2013 par Y... X... et avait travaillé pour celui-ci en tant que gardien de nuit ; que, pour le premier trimestre de l’année 2013, M. Y... avait déclaré à l’URSSAF l’emploi de deux salariés et un montant global de salaires de 4.179,00 euros, mais qu’après comparaison avec les bulletins de paie de MM. D... et E..., il est apparu que le prévenu avait minoré ses déclarations de salaires de 2 979,38 euros ; que, pour le deuxième trimestre 2013, M. Y..., ayant employé trois personnes (M. D..., M. E..., Mme B...), avait déclaré à l’URSSAF l’emploi de deux salariés et un montant global de salaires de 4 682,00 euros, mais qu’après comparaison avec les bulletins de paie de MM. D... et E..., il est apparu que le prévenu avait minoré ses déclarations de salaires de 7 135,50 euros ; que, pour la période du 1er juillet 2013 au 8 octobre 2013, M. X... avait employé deux personnes (M. E... et Mme B...), mais n’avait fait aucune déclaration de salaires à l’URSSAF ; que le délit d’exécution d’un travail dissimulé en récidive commis entre le 25 septembre 2012 et le 08 octobre 2013 reproché à M. X... est constitué ; qu’en effet, compte tenu de son expérience des affaires, M. Y... ne saurait sérieusement prétendre que ces minorations de déclaration de salaires étaient des erreurs et n’étaient pas volontaires ;

”et aux motifs adoptés que M. B... a travaillé pour l’entreprise individuelle à compter du 16 avril 2013 ; que le jour du contrôle, aucune déclaration n’avait été faite, celle-ci n’est intervenue que le 18 juin 2013 ; que le contrat de travail a été établi entre Mme B... et la société Y... auto sélection, société qui ne sera créée que le 9 octobre suivant ; que les fiches de paie remises à Mme B... sont aussi au nom de la société ; que M. Y... a déclaré sur ce point que c’est Mme B... qui avait rédigé ce contrat de travail et qu’elle avait dû commettre une erreur ; que selon lui c’est également Mme B... qui aurait dû faire la DPAE ; qu’on voit mal cependant comment Madame B... aurait pu établir la DPAE avant de commencer à travailler ; qu’entendue sur ce point, Mme B... confirmait que c’est bien elle qui avait rédigé le contrat travail et les fiches de paie, mais qu’elle avait agi selon les directives de M. Y... qui lui disait que la société devait être créée rapidement ; que M. Farid C... a été embauché le 25 octobre 2012 et la DPAE n’est intervenue que le 5 décembre 2012, soit postérieurement à sa date d’embauche ; qu’il en est de même pour M. Sébastien D... ; qu’entendu sur ces points, M. Y... se contentait d’affirmer qu’il s’était rendu le jour même de l’embauche à l’URSSAF pour y faire les DPAE mais aucun récépissé ne lui était remis en échange ; que les enquêteurs constataient également que sur la période du 7 janvier 2000 13 au 16 avril 2013, M. Y... avait minoré les déclarations de salaires à l’URSSAF de 2 979,38 euros ; que la minoration de déclaration se montait à 7 135,50 euros du 16 avril 2013 à fin juin 2013 et aucune déclaration n’avait été faite pour le troisième trimestre ; que le prévenu niait toute intention frauduleuse et prétendait qu’il ne s’agissait que d’erreurs ;

”alors que si la délivrance d’un bulletin de paie minorant le nombre d’heures de travail accompli, d’une part, et le défaut de déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales, d’autre part, sont réputés être un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, tel ne saurait être le cas de la minoration des montants déclarés auprès des organismes sociaux qui n’est pas visées par l’article L. 8221-5 du code du travail ; qu’en se fondant, pour déclarer M. Y... coupable de récidive d’exécution d’un travail dissimulé, sur la minoration, par rapport aux bulletins de paie, des déclarations de salaires à l’URSSAF, la cour d’appel, qui a sanctionné un comportement qui n’était pas légalement incriminé, a violé les textes susvisés” ;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, l’article L. 8221-5, 3°, du code du travail, qui répute travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations, légalement requises, relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci, auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale, s’applique aussi bien au défaut de souscription de toute déclaration qu’au fait, lorsqu’une déclaration a été souscrite, d’y porter des informations tendant à minorer les obligations de l’employeur ;

D’où il suit que le moyen, pris de ce que la seule minoration des salaires déclarés à l’URSSAF, reprochée à M. Y..., ne constitue pas un comportement légalement incriminé, ne peut qu’être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 324-1, 324-1-1, 324-2 et 324-9 du code pénal, L. 228 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a respectivement déclaré M. Y... et la société Y... auto sélection de blanchiment aggravé et de blanchiment par personne morale commis de façon habituelle du délit de blanchiment de fraude fiscale et les a en répression, respectivement condamnés à une peine d’amende de 40 000 euros et une peine d’emprisonnement de trois mois, d’une part, et à une peine d’amende de 20 000 euros, d’autre part, outre des peines complémentaires ;

”aux motifs qu’en dissimulant volontairement au services fiscaux et sociaux tout ou partie du chiffre d’affaires généré par son activité de vente de véhicules d’occasion, M. Y... a ainsi éludé le paiement des impôts et taxes y afférents ; que les revenus réels qu’il a tirés de cette activité ont été crédités sur ses comptes bancaires ou sur ceux de son épouse et, de ce fait, ré-injectés dans le circuit financier légal, car ils ont été utilisés pour l’achat de véhicules d’occasion, pour régler les dépenses de la famille du prévenu et même pour constituer le capital de la société Y... auto sélection, lequel a été libéré par le versement de la somme de 1 000 euros en espèces le 16 octobre 2013 ; que M. Y... a déclaré qu’avait servi à acheter des véhicules l’argent qui aurait dû être affecté au paiement de l’impôt qui aurait été le sien s’il avait déclaré ses chiffres d’affaires réels au fisc ; qu’est constitué le délit de blanchiment de fraude fiscale et de blanchiment de travail dissimulé par dissimulation totale ou partielle d’activité et de salariés objet des poursuites ;

”et aux motifs adoptés que l’enquête a également permis d’établir qu’en dissimulant sciemment aux services fiscaux et sociaux une partie du chiffre d’affaires de son activité professionnelle, M. Y... s’est exonéré les droits y afférents ; que ses revenus ont été crédités sur les différents comptes bancaires ouverts au nom du prévenu ou de son épouse, pour être ensuite réinjectés dans le circuit financier légal puisqu’ils ont servi soient à racheter d’autres véhicules d’occasion (activité commerciale de M. Y...), soit pour les dépenses de la famille, mais aussi pour constituer le capital de la nouvelle société, la société Y... auto sélection, la somme de 1 000 euros étant versée en espèces sur un compte Crédit agricole ouvert au nom de la société, puis virée sur le compte actuel de la société ; qu’entendu sur ces faits de blanchiment, M. Y... a reconnu que l’argent avait servi à acheter des véhicules au lieu de payer les impôts si le chiffre d’affaires avait été déclaré ; que ces faits compte tenu de leur régularité ont été commis de façon habituelle ;

”1°) alors que le principe de nécessité des peines, qui s’oppose, sauf dans les cas les plus graves, au cumul de sanctions pénales et fiscales en cas de fraude fiscale, justifie que la mise en mouvement de l’action publique soit, en ce domaine, subordonnée à l’intervention d’une plainte de l’administration après avis de la commission des infractions fiscales afin de décider de poursuivre pénalement, administrativement, ou sur les deux plans dans les cas les plus graves, une fraude fiscale ; que cette compétence doit donc désormais être étendue au blanchiment de fraude fiscale, afin de permettre à l’administration de décider du type de poursuites à mettre en oeuvre ; qu’en déclarant M. Y... et la société Y... auto sélection respectivement coupables de blanchiment aggravé et de blanchiment par personne morale commis de façon habituelle du délit de blanchiment de fraude fiscale quand il ne résulte d’aucun élément de la procédure que la mise en mouvement de l’action publique ait été précédée d’une plainte de l’administration précédée de l’avis de la commission des infractions fiscales, la cour d’appel, qui aurait dû juger irrecevables les poursuites, a méconnu les textes susvisés ;

”2°) et alors que le blanchiment de fraude fiscale suppose la réalisation d’une opération destinée à opacifier le rapport entre les sommes correspondant à l’impôt éludé et leur provenance infractionnelle de sorte que le seul placement de ces sommes sur un compte bancaire ayant servi à des dépenses courantes ne saurait être regardé comme un tel blanchiment ; qu’en condamnant M. Y... pour blanchiment aggravé de fraude fiscale pour avoir crédité ses comptes bancaires ouverts en son nom ou au nom de son épouse et avoir utilisé ces sommes pour régler les dépenses de la famille, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé d’opération visant à dissimuler l’impôt éludé, n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la réserve d’interprétation, émise par le Conseil constitutionnel au paragraphe 21 de sa décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016, est dépourvue d’incidence sur la règle selon laquelle la poursuite du délit de blanchiment, infraction générale, distincte et autonome, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;

D’où il suit que le grief, qui revient à invoquer un défaut de conformité de l’article 324-1 du code pénal aux droits et libertés que la Constitution garantit, en ce que ce texte ne soumet pas la poursuite dudit délit à la procédure prévue par ledit article L. 228, sans qu’une question prioritaire de constitutionnalité ait été régulièrement posée à cet effet, ne saurait être admis ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que, pour dire établi le délit de blanchiment de fraude fiscale imputé à M. Y..., l’arrêt prononce par les motifs, propres et réputés adoptés, repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que l’intéressé a déposé le produit des impositions éludées sur différents comptes bancaires ouverts à son nom ou à celui de son épouse, et que les fonds ainsi placés ont été affectés, non seulement au financement des dépenses courantes du ménage, mais également à l’acquisition de véhicules d’occasion ainsi qu’à la constitution du capital de la société Y... auto sélection, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé l’existence d’une opération de placement et de conversion du produit du délit originaire de fraude fiscale, a justifié sa décision au regard de l’article 324-1, alinéa 2, du code pénal ;

D’où il suit que le grief, qui manque par le fait même qui lui sert de base, n’est pas fondé ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 131-37, 131-38, 132-19, 132-20, 321-7 et 321-9 du code pénal, L. 8224-1 et L. 8256-2 du code du travail, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

en ce que l’arrêt attaqué a confirmé les peines d’amende de 40.000 euros à l’encontre de M. Y... et de 20 000 euros à l’encontre de la société Y... auto selection ;

aux motifs qu’en raison de la gravité des faits, des circonstances de la cause et de la personnalité de M. Y..., déjà condamné le 30 avril 2003 par cette chambre pour non tenue du registre par un revendeur d’objets mobiliers et qui se trouve en état de récidive légal pour les quatre délits d’exécution d’un travail dissimulé qui lui sont reprochés, la peine d’amende de 40 000 euros prononcée par le tribunal est justifiée et doit être confirmée ; que doit être confirmée l’amende de 20.000 euros prononcée à l’encontre de la société Y... auto sélection ;

”et aux motifs éventuellement adoptés qu’il convient cependant de noter que le prévenu a été condamné à huit reprises ; que sa première condamnation le 7 septembre 1999 est une condamnation pour des faits de travail dissimulé ; qu’il a également été condamné le 30 janvier 2007 à la peine d’un an d’emprisonnement dont neuf mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans pour des faits de banqueroute et de travail dissimulé ; qu’en 2003, il est condamné à une amende pour la tenue d’un registre par un revendeur d’objets mobiliers ; qu’il ressort tant de l’étude du casier judiciaire que des pièces de la procédure que M. Y... est un individu qui ne s’embarrasse pas avec la loi mais qui a pour seul but la recherche du profit ; qu’il convient en conséquence d’entrer en voie de condamnation à son égard ;

”alors qu’en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et ses charges ; qu’en prononçant à l’encontre de M. Y... une amende de 40 000 euros et à l’encontre de la société Y... auto sélection une amende de 20 000 euros sans aucunement motiver ces peines au regard notamment des ressources et charges de M. Y..., et de la situation financière de la société Y... auto sélection, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Et sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 132-1, 132-27 et 324-7 du code pénal, L. 8224-3 du code du travail, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a confirmé, sans motif, l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société à titre définitif ;

”alors que toute peine, y compris une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité commerciale ou industrielle, a fortiori lorsqu’elle est prononcée à titre définitif, doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu’en prononçant une telle peine, à titre définitif, sans aucune justification, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que, selon le second, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu, que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale ;

Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Y... auto sélection à 20 000 euros d’amende et M. Y... à 40 000 euros d’amende outre une interdiction de gérer à titre définitif, l’arrêt prononce par les motifs, propres et réputés adoptés, repris aux moyens ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, d’une part, sans s’expliquer ni sur les ressources et, le cas échéant, les charges particulières de M. Y..., ni sur la situation financière de la société Y... auto sélection, alors qu’il lui appartenait de prendre ces éléments en considération pour fonder sa décision sur les peines d’amende, d’autre part, en s’en tenant, pour confirmer la peine d’interdiction de gérer, à la gravité des faits et la personnalité de M. Y..., sans examiner sa situation personnelle, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu’elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n’encourt pas la censure ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu d’examiner les quatrième et septième moyens de cassation proposés :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Reims, en date du 13 octobre 2016, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept mars deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Reims , du 13 octobre 2016