Bucheron - présomption salariat oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 17 mars 1992

N° de pourvoi : 90-87775

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept mars mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me DEVOLVE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général PERFETTI ; Statuant sur le pourvoi formé par :

Y... André,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 1990, qui, pour travail clandestin, l’a condamné à une amende de 4 000 francs ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 324-9, L. 32410, L. 362-3 du d Code du travail, articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ; “en ce que l’arrêt attaqué a déclaré André Y... coupable d’avoir recouru aux services d’un travailleur clandestin et l’a condamné à 4 000 francs d’amende ; “aux motifs que André Y..., exploitant forestier et propriétaire d’une scierie, sous-traite à des particuliers des coupes de bois ; qu’il a ainsi attribué à Bernard Z... une coupe située en forêt de Paucourt sur une parcelle numérotée 138 sur laquelle celui-ci a été victime d’un accident de travail survenu le 13 décembre 1988 ; que Bernard Z... est décédé étouffé sous le poids de son tracteur, et n’était alors couvert par aucune assurance contre les accidents du travail ; que Y... a fait valoir que sur ses conseils Bernard Z... s’est inscrit au registre du commerce le 25 octobre 1988 à compter du 3 octobre 1988 pour une activité de débardeur et soutient que l’intéressé n’était pas un de ses employés mais qu’il effectuait un travail à son propre compte ; mais que l’inscription au registre du commerce n’est pas suffisante pour pouvoir exercer l’activité d’entrepreneur de travaux forestiers ; que Y... devait avant de sous-traiter un travail forestier à Bernard Z... s’assurer que celui-ci était bien affilié auprès de la caisse de mutualité sociale agricole ; qu’en outre il aurait dû lui demander le constat de levée de présomption de salariat qui est délivré par la Direction départementale de l’agriculture et de la forêt ; que Y... s’est rendu coupable de l’infraction visée dans la citation ; “alors que le fait d’avoir recours aux services d’un travailleur clandestin est une infraction intentionnelle qui requiert pour être

constituée la connaissance par son auteur de la qualité de clandestin du travailleur ; et qu’en se bornant à reprocher à Y... de ne pas s’être assuré que M. Z..., qui s’était fait inscrire au registre du commerce sur ses conseils, était également bien affilié auprès de la caisse de mutualité sociale agricole en qualité d’entrepreneur de travaux forestiers, sans constater que le prévenu savait que M. Z... n’avait pas satisfait à cette obligation et qu’il avait intentionnellement omis d’effectuer les formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 143-5 du Code du travail, la Cour n’a pas légalement justifié sa décision” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du d procès-verbal de l’inspecteur du travail, base de la poursuite, que l’exploitant forestier André Y... a sous-traité des travaux au débardeur André Z... ; que, malgré la présomption de salariat prévue pour les travaux forestiers par l’article 1147-1 du code rural, il ne l’a pas inscrit sur le registre de paie de l’entreprise et ne lui a pas délivré de bulletins de paie, obligations prévues par les articles L. 143-3 et L. 143-5 du Code du travail ; qu’il a été poursuivi, en application des articles L. 324-9 et L. 324-10 dudit Code du chef de travail clandestin ; Attendu que, pour le déclarer coupable et rejeter son argumentation fondée sur le fait que le débardeur était inscrit en cette qualité au registre du commerce et aurait été un travailleur indépendant, la juridiction du second degré énonce notamment que la présomption de salariat n’est levée que si l’intéressé satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle et d’autonomie de fonctionnement fixées par le décret du 6 août 1986 et qui sont appréciées par une commission départementale, et s’il demande son affiliation au régime de protection sociale des membres non salariés des professions agricoles ; qu’elle observe que la seule inscription du débardeur au registre de commerce, ne pouvait en l’absence de la reconnaissance de ses capacités à diriger une entreprise de travaux forestiers, suffire à le faire considérer comme un entrepreneur de travaux forestiers et qu’il appartenait au prévenu de s’assurer que la présomption de salariat était levée ; Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a légalement justifié sa décision sans encourir le grief allégué ; que l’élément intentionnel de l’infraction résulte de ce que le prévenu s’est volontairement soustrait à l’obligation, imposée par la présomption de salariat, de procéder aux formalités prévues par les articles L. 143-3 et L. 143-5 du Code du travail ; D’où il suit que le moyen ne peut être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de d Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :

M. Zambeaux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Dardel, Fontaine, Milleville, Alphand, Guerder, Jorda conseillers de la chambre, Mme X..., M. Echappé conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre .

Décision attaquée : Cour d’appel d’Orléans du 27 novembre 1990

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Formalités imposées par la présomption de salariat - Omission - Constatations suffisantes.

Textes appliqués :
* Code du travail L143-3, L143-5, L324-9 et L324-10