Contrat apparent

Le : 25/02/2015

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 30 avril 2014

N° de pourvoi : 12-35219

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00812

Publié au bulletin

Rejet

M. Lacabarats, président

Mme Ducloz, conseiller apporteur

Mme Courcol-Bouchard, avocat général

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 31 octobre 2012), que Mme X... a été engagée selon contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1977 en qualité de technico-commerciale par son père Léon Y..., ayant une activité d’imprimerie exploitée sous le nom Imprimerie L. Y... ; que la société Y... a été créée le 8 juin 1984 à la suite du décès de Léon Y..., sa veuve et la soeur de Mme X... étant nommées gérantes, et Mme X... en étant l’associée égalitaire avec sa soeur ; que Mme X... a, du 24 septembre 2001 au 7 février 2003, exercé les fonctions de gérante de la société Y... ; que cette société, placée en redressement judiciaire a, le 7 février 2003, été cédée, dans le cadre d’un plan de cession, à la société UGS, laquelle a engagé « à compter du 7 février 2003 » Mme X... en qualité de directeur commercial ; qu’à la suite de la liquidation judiciaire de la société UGS et de la cession d’une unité de production, le contrat de travail conclu entre celle-ci et Mme X... a, le 19 février 2004, été transféré à la société Vassel ; que Mme X..., licenciée pour motif économique le 7 août 2009, a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Vassel fait grief à l’arrêt de retenir une ancienneté de trente-deux ans et huit mois et de fixer en conséquence les sommes dues à la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat de travail conclu le 7 février 2003 entre Mme X..., alors gérante égalitaire de la société Y..., en redressement judiciaire, et la société UGS, repris par la société Vassel le 19 février 2004, mentionnait : « la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle à compter du 7 février 2003 » ; que ce contrat ne prévoyait ni transfert d’un éventuel contrat de travail antérieur, ni reprise d’ancienneté ; qu’en retenant à l’appui de sa décision que ce contrat caractérisait « les conséquences de la reprise d’un contrat de travail suite à reprise d’activité en l’occurrence reprise de la société Y... par la société UGS » la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat, a violé l’article 1134 du code civil ;
2°/ qu’il appartient au salarié qui revendique l’existence d’une relation de travail différente de celle résultant des mentions de son contrat de travail écrit d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que le contrat de travail conclu le 7 février 2003 entre Mme X..., alors gérante égalitaire de la société Y..., en redressement judiciaire, et la société UGS, repris par la société Vassel suivant contrat écrit du 7 décembre 2004, mentionnait : « la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle à compter du 7 février 2003 » ; que ces contrats ne prévoyaient ni transfert d’un éventuel contrat de travail antérieur au 7 février 2003, ni reprise d’ancienneté ; qu’il appartenait, dès lors, à Mme X... de rapporter, contre et outre les mentions de ces contrats de travail écrits, la preuve qu’elle avait bénéficié à cette occasion du transfert d’un contrat de travail antérieur ; qu’en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil ;
3°/ que lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l’apparence d’un contrat de travail ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’au moment de la conclusion, le 7 février 2003, d’un contrat de travail avec la société UGS, Mme X..., associée égalitaire et gérante de la société Y..., n’était plus sous la subordination de celle-ci ; qu’il lui incombait dès lors de démontrer, autrement que par la production de bulletins de salaire antérieurs, qu’elle était titulaire, au sein de la société Y..., d’un contrat de travail transféré de plein droit à la société UGS avec la société Y... ; qu’en décidant, au contraire, que la production, par Mme X..., des bulletins de salaire délivrés à partir de 1977 par l’entreprise L. Y... puis par la société Y... suffisait à établir l’existence d’un contrat de travail apparent dont la société Vassel échouait à démontrer la fictivité, la cour d’appel a violé derechef l’article 1315 du code civil ;
4°/ qu’en se déterminant aux termes de motifs, pris de la mention, sur les bulletins de paie délivrés à la salariée de février 2003 à novembre 2009, de sept calculs différents d’ancienneté, dont ne résulte pas la volonté claire et non équivoque de ses employeurs successifs de lui conférer une ancienneté remontant à l’année 1977 la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d’abord, que la qualité d’associé d’une société à responsabilité limitée n’est pas exclusive de celle de salarié ;
Attendu, ensuite, qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve ;
Attendu, enfin, qu’en vertu de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cession de l’entreprise en redressement judiciaire arrêtée par le tribunal de la procédure collective entraîne de plein droit le transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail des salariés attachés à l’entreprise cédée ; qu’il ne peut être dérogé à ces dispositions que lorsqu’en application de l’article L. 642-5 du code de commerce le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique ;
Et attendu que la cour d’appel a, pour retenir une ancienneté de trente-deux ans et huit mois, relevé que Mme X... avait produit l’intégralité de ses bulletins de salaire de 1977 à 1984, période pendant laquelle elle travaillait pour le compte de l’entreprise en nom personnel Y..., que, pour la période pendant laquelle elle était associée égalitaire de la société Y..., des bulletins de salaire mentionnant un emploi de Imp. Tech. Photogravure avaient été établis et que l’absence de cotisations aux Assedics à compter de 1989, alléguée par la société Vassel, ne suffisait pas à exclure l’existence d’un contrat de travail alors que l’intéressée n’était investie d’aucun mandat social ; qu’elle a ainsi pu retenir l’existence d’un contrat de travail apparent liant Mme X... à l’entreprise en nom personnel Y... et à la société Y... dont la société Vassel n’établissait pas le caractère fictif, ce dont elle a exactement déduit que c’est par suite du transfert de son contrat de travail et non d’une embauche que l’intéressée est devenue salariée de la société UGS ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en ses première et deuxième branches en ce que des stipulations contractuelles ne sauraient faire échec aux dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-1 du code du travail et en sa quatrième branche comme critiquant des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Vassel fait grief à l’arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu’un groupe de sociétés ne saurait exister qu’entre plusieurs sociétés entretenant une communauté d’intérêts, susceptible de naître de la détention de participations en capital, de clauses statutaires créatrices d’un pouvoir spécifique de vote ou de désignation des membres des organes de direction, ou encore de contrats commerciaux porteurs d’influence et source d’un courant d’échange permanent et important ; qu’en décidant l’appartenance de la Société Vassel au « Groupe Firopa » aux termes de motifs insusceptibles de caractériser, à la date du licenciement, l’existence de tels liens entre des sociétés du Groupe Firopa et la société Vassel, laquelle faisait valoir que Firopa ne détenait aucune participation dans son capital, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail ;
Mais attendu qu’ayant constaté que la société Vassel et le groupe Firopa faisaient état, dans leur documentation respective, de ce que celle-ci appartenait au groupe Firopa, que les directeurs généraux de la société holding Firopa et de la société Vassel étaient convoqués à la même réunion de la délégation unique du personnel, et que la société Vassel et l’ensemble des sociétés du groupe Firopa oeuvraient dans le même secteur d’activité, la cour d’appel a pu en déduire, en l’état des éléments qui lui étaient soumis, que l’employeur faisait partie du groupe Firopa, en sorte que la cause économique invoquée devait être vérifiée au niveau du secteur d’activité de ce groupe, et, qu’aucune justification n’étant produite à cet égard, le licenciement motivé par les seules difficultés de la société était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vassel aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vassel à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Vassel
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que l’ancienneté à prendre en compte au moment de la rupture du contrat de travail de Madame Marie-Hélène X... est de 32 ans et 8 mois, condamné la Société Vassel SAS à verser à cette salariée les sommes en principal de 53 358, 29 € à titre de complément d’indemnité de licenciement, 3 765, 06 € à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 220, 41 € à titre de rappel sur le 13ème mois, 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel, 1 000 € au titre des frais irrépétibles exposée en première instance ;
AUX MOTIFS QUE “ la société Vassel considère que l’ancienneté de Marie-Hélène X... remonte au mois de février 2003, date à laquelle elle a été embauchée en qualité de directeur de clientèle par la société UGS ; qu’elle conteste toute acquisition d’ancienneté de 1977 à 2003 au sein de l’entreprise en nom personnel “ Imprimerie L. Y... ”, puis au sein de la Sarl Y... immatriculée le 8 juin 1984 ;
QUE Marie-Hélène X... produit l’intégralité de ses bulletins de salaire de 1977 à 1984, sur lesquels elle apparaît comme technico-commercial, puis comme technico-commercial imprimeur, puis comme opérateur ; que l’existence d’un contrat de travail apparent résulte de la délivrance de ces bulletins de salaire par un employeur exerçant son activité en nom personnel, de sorte que c’est à la société Vassel de rapporter la preuve du caractère fictif de ce contrat, ce qu’elle ne fait pas ; qu’il convient donc de retenir que Marie-Hélène X... avait la qualité de salariée pendant toute la période où elle a travaillé pour le compte de l’entreprise en nom personnel Y... ;
QU’après le décès de Léon Y..., sa veuve et ses deux filles Geneviève Z... et Marie-Hélène X... ont constitué le 8 juin 1984 la Sarl Y... ; que la gérance de la société a dans un premier temps été exercée par Madame veuve Y..., puis en cogérance par Madame veuve Y... et Geneviève Z... ; que la cogérance a duré jusqu’au 24 septembre 2001, date à laquelle Madame veuve Y... et Geneviève Z... ont démissionné de leur mandat de cogérantes, Marie-Hélène X... étant alors nommé en qualité de gérante, ainsi qu’il résulte de l’extrait du registre du commerce et des sociétés versé aux débats (pièce intimée n° 7) ; qu’elle a exercé ces fonctions jusqu’au 7 février 2003, date de la cession de l’entreprise à la société UGS ;
QUE contrairement à ce qu’affirme la société Vassel en page 13 de ses conclusions, le fait que de 1984 à 2001, Marie-Hélène X... ait été associée dans la Sarl Y..., même de façon égalitaire avec sa soeur Geneviève Z..., n’était nullement incompatible avec l’exercice d’un contrat de travail dans le cadre d’un lien de subordination ; que tous les bulletins de salaire établis pendant cette période mentionnent un emploi de “ Imp. Tech. Photogravure “ ; que l’absence de cotisations aux Assedic à compter de 1989, ne suffit pas à exclure l’existence d’un contrat de travail alors que l’intimée n’était investie d’aucun mandat social ;
QU’en revanche, à compter du moment où elle a assuré la gérance de la société en raison de la maladie et de l’éloignement de sa soeur, Marie-Hélène X... a nécessairement occupé dans l’entreprise une position exclusive de tout lien de subordination, puisque de fait, elle ne se trouvait plus sous l’autorité d’un employeur qui avait le pouvoir de lui donner des directives et d’en contrôler l’exécution ; qu’il est peu important à cet égard qu’elle ait continué d’exercer des fonctions techniques distinctes de ses responsabilités de gérante ; qu’en l’absence de lien de subordination, critère essentiel du contrat de travail, Marie-Hélène X... n’est pas fondée à invoquer le cumul du contrat de travail avec le mandat social ; qu’il en résulte que le contrat de travail qui n’avait pas été rompu s’est trouvé suspendu à compter du mois de septembre 2001 ;
QUE (cependant) lorsque que Marie-Hélène X... n’a plus exercé de mandat social après la cession de l’entreprise, la suspension du contrat de travail a pris fin au mois de février 2003 ; qu’ainsi, c’est bien par suite du transfert de son contrat de travail et non d’une embauche qu’elle est devenue salariée de la société UGS ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que Marie-Hélène X... justifie de l’existence d’un contrat de travail de 1977 à 2009 avec une période de suspension du mois de septembre 2001 au mois de février 2003 ;
QUE la convention collective nationale de travail du personnel des imprimeries de labeur dispose en son article 210 : “ Dans tous les cas où il est fait état de l’ancienneté dans l’entreprise, cette ancienneté s’entend depuis le jour de l’entrée dans l’entreprise (période d’essai ou de coup de main compris) sans que soient déductibles les périodes d’absence (maladie, accident, périodes militaires, etc.) qui n’ont pas pour effet de rompre le contrat de travail. Elle s’entend pour le total des périodes de présence dans l’entreprise à l’exception des périodes qui seraient d’une durée inférieure à 3 mois consécutifs “ ; qu’il ressort de ces dispositions, que la période de suspension du contrat de travail de Marie-Hélène X... est sans incidence sur son ancienneté qui était bien de 32 ans et 8 mois à la date de la rupture du contrat de travail ; qu’il n’est pas nécessaire de commenter les nombreuses modifications de l’ancienneté observées sur les bulletins de salaire et fort opportunément relevées par le conseil de prud’hommes ; que c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a fait droit aux demandes de Marie-Hélène X... au titre du rappel sur l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis ; qu’il sera également fait droit à sa demande au titre du rappel sur le 13ème mois non contesté ni dans son principe ni dans son montant “ ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE “ à la lecture de la totalité des pièces et notamment de l’ensemble des bulletins de paie dont l’existence et (la) réalité (ne sont) pas remises valablement en cause, il apparaît que Madame Marie-Hélène X... a été salariée successivement et sans interruption des entreprises Y..., UGS et Vassel entre 1977 (et) 2009 ;
QUE le contrat de travail a été transmis et poursuivi d’une entité à une autre par reprise des contrats de travail des (...) salariés concernés ; que ceci découle en outre de la lettre des écritures des contrats de travail entre la Société UGS et Madame Marie-Hélène X... et la Société Vassel et Madame Marie-Hélène X... où l’on peut lire en substance :

Dans le contrat de travail Société Vassel et Madame Marie-Hélène X... du 07 décembre 2004 (pièce n° 2 du défendeur) : “ Préalable Madame Marie-Hélène X..., par le biais de l’article L. 122-12 du Code du travail, a rejoint les effectifs de la société ; à ce titre, son contrat de travail se trouve transféré de la Société UGS et elle conserve les avantages de son statut de cadre et son ancienneté “ ;
QUE dans le contrat de travail Société UGS et Madame Marie-Hélène X... du 7 février 2003 ¿ on peut lire ; “ la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle à compter du 7 février 2003 ¿ La salariée a pour mission de continuer à assurer l’animation et la promotion commerciale des liens qu’elle entretenait dans la Société Y... . La salariée préconisera, développera des solutions techniques et commerciales développées antérieurement par la société Y... et réalisées à ce jour au sein d’UGS. La facturation s’effectuera, au moins dans un premier temps, à l’en-tête de Y... ” ;
QUE le conseil constate les conséquences de la reprise d’un contrat de travail suite à reprise d’activité en l’occurrence reprise de la Société Y... par la Société UGS découlant de la décision du Tribunal de commerce de Bourgoin-Jallieu du même 7 février 2003 (...) ;
QUE le conseil de céans relève trois façons de comptabiliser l’ancienneté de Madame X...- Y... pendant sa période de travail chez UGS, quatre façons différentes de comptabiliser l’ancienneté de Madame X...- Y... sur les bulletins de paie que la Société Vassel édite pour celle-ci ; que sauf preuve contraire, une non concordance entre la date d’entrée et l’ancienneté exprime le besoin, la nécessité, la volonté d’indiquer une reprise d’ancienneté dans l’entreprise précédente ; que les pièces transmises, en premier lieu les contrats de travail établis lors des deux changements d’entreprises, sont muets sur la question de la reprise d’ancienneté ; que les bulletins de paie de la Société UGS et de la Société Vassel sont de même présentation, facture, modèle, cadre, caractère et impression ; qu’on pourrait dire qu’ils sortent tous de la même imprimerie ; que 7 calculs différents d’ancienneté se sont succédé de février 2003 à novembre 2009 ; que sauf preuve contraire non rapportée lors des débats, ces 7 façons répétées de traduire une même notion ne peuvent être une simple “ faute de frappe “ comme le défendeur y répond dans un courrier à son salariée ; qu’elles traduisent un besoin, une action volontaire, délibérée ; que les débats et pièces transmises au conseil n’apportent aucun élément probant expliquant ou justifiant valablement ces modifications sur l’ancienneté de Madame Marie-Hélène X..., reprise par la Société Vassel ; que la seule lettre du mandataire judiciaire Maître A... ne saurait suffire à affirmer et justifier l’ancienneté de Madame Marie-Hélène X... ; que l’absence de cotisations Assedic ne prouve pas l’absence ou la non réalité du contrat de travail, d’autant que les autres charges et taxes patronales et salariales apparaissant bien au bulletin de paie ; que le mandataire judiciaire travaille à la reprise des activités et des contrats de travail ; qu’on ne saurait se fonder sur un seul écrit informatif de sa part pour justifier de l’ancienneté d’un salarié concerné ; que seule la continuité des contrats et de leurs éléments essentiels ou les accords des parties pour les modifier peuvent justifier des contenus réels des contrats de travail ; que de ces éléments de droit et de fait, le conseil juge et dit que l’ancienneté de Madame Marie-Hélène X... remonte à l’année 1977, soit 32 années et 8 mois au moment de son licenciement “ ;
1°) ALORS QUE le contrat de travail conclu le 7 février 2003 entre Madame X..., alors gérante égalitaire de la SARL Y..., en redressement judiciaire, et la Société UGS, repris par la Société Vassel le 19 février 2004, mentionnait : “ la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle ¿ à compter du 7 février 2003 “ ; que ce contrat ne prévoyait ni transfert d’un éventuel contrat de travail antérieur, ni reprise d’ancienneté ; qu’en retenant à l’appui de sa décision que ce contrat caractérisait “ les conséquences de la reprise d’un contrat de travail suite à reprise d’activité en l’occurrence reprise de la Société Y... par la Société UGS “ la Cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat, a violé l’article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QU’il appartient au salarié qui revendique l’existence d’une relation de travail différente de celle résultant des mentions de son contrat de travail écrit d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que le contrat de travail conclu le 7 février 2003 entre Madame X..., alors gérante égalitaire de la SARL Y..., en redressement judiciaire, et la Société UGS, repris par la Société Vassel suivant contrat écrit du 7 décembre 2004, mentionnait : “ la société engage la salariée en qualité de directeur de clientèle à compter du 7 février 2003 “ ; que ces contrats ne prévoyaient ni transfert d’un éventuel contrat de travail antérieur au 7 février 2003, ni reprise d’ancienneté ; qu’il appartenait, dès lors, à Madame X... de rapporter, contre et outre les mentions de ces contrats de travail écrits, la preuve qu’elle avait bénéficié à cette occasion du transfert d’un contrat de travail antérieur ; qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du Code civil ;
3°) ALORS QUE lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production de bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l’apparence d’un contrat de travail ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’au moment de la conclusion, le 7 février 2003, d’un contrat de travail avec la Société UGS, Madame X..., associée égalitaire et gérante de la SARL Y..., n’était plus sous la subordination de celle-ci ; qu’il lui incombait dès lors de démontrer, autrement que par la production de bulletins de salaire antérieurs, qu’elle était titulaire, au sein de la SARL Y..., d’un contrat de travail transféré de plein droit à la Société UGS avec la SARL Y... ; qu’en décidant, au contraire, que la production, par Madame X..., des bulletins de salaire délivrés à partir de 1977 par l’entreprise L. Y... puis par la SARL Y... suffisait à établir l’existence d’un contrat de travail apparent dont la Société Vassel échouait à démontrer la fictivité, la Cour d’appel a violé derechef l’article 1315 du Code civil ;
4°) ALORS subsidiairement QU’en se déterminant aux termes de motifs, pris de la mention, sur les bulletins de paie délivrés à la salariée de février 2003 à novembre 2009, de 7 calculs différents d’ancienneté, dont ne résulte pas la volonté claire et non équivoque de ses employeurs successifs de lui conférer une ancienneté remontant à l’année 1977 la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la Société Vassel à verser à Madame X... la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et celle de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à rembourser aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Marie-Hélène X... dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE “ dans la lettre de licenciement du 27 août 2009, la société Vassel explique qu’elle subit les conséquences de la crise mondiale et invoque la baisse de l’activité et du chiffre d’affaires, le résultat déficitaire du premier semestre 2009 et l’insuffisance des mesures prises depuis le début de l’année ; qu’il y est invoqué l’impossibilité de reclassement en l’absence de poste disponible correspondant aux capacités de la salariée ;
QUE pour contester l’existence du motif économique de son licenciement, Marie-Hélène X... invoque au premier chef l’absence d’éléments sur la santé financière du groupe Firopa auquel appartient la société Vassel ; qu’en réponse, la société Vassel réplique qu’elle n’appartient à aucun groupe, que son capital est exclusivement détenu par des personnes physiques et que si la société Firopa détient directement ou indirectement 20 sociétés, elle ne figure pas dans la liste ;
QUE cette affirmation non étayée par des documents fiables (la pièce 71 à laquelle elle se réfère est incomplète) est contredite par les pièces suivantes versées aux débats :

"-" la présentation du site Internet de la société Vassel qui se situe clairement au sein du groupe Firopa “ qui réalise des produits de communication “,

"-" son dossier de presse dans lequel elle indique “ Vassel Graphique fait partie du groupe Firopa, 100 millions de chiffre d’affaires en 2005 “,

"-" un article de 2001 présentant la société Vassel comme la filiale locale du groupe Firopa,

"-" la liste des sociétés faisant partie du groupe, parmi lesquelles “ Vassel Graphique Grenoble “, toutes ces sociétés oeuvrant dans le même secteur d’activité,

"-" la page d’accueil du groupe Firopa et sa position nationale,

"-" les renseignements obtenus à partir des données collectées auprès des greffes selon lesquelles Denis B... est le Président de la SAS Firopa (holding) et Etienne C... directeur général,

"-" une convocation à la réunion de la DUP signée par le président et adressée entre autres destinataires à Etienne C... et Philippe D..., directeur général de la société Vassel ;
QUE l’appartenance de la société Vassel au groupe Firopa est amplement démontrée ;
QU’il est de jurisprudence constante que lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés s’apprécient au niveau du groupe, dans la limite de son secteur d’activité ; que Marie-Hélène X... observe à juste titre qu’aucun élément n’est produit sur la situation économique du groupe Firopa, de sorte que la réalité du motif économique invoqué pour justifier le licenciement, ne peut être vérifiée ; que pour ce seul motif, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse “ ;
QU’en l’état d’un groupe qui oeuvre sur le territoire national à travers 20 sociétés, c’est à bon droit que Marie-Hélène X... invoque surabondamment un manquement de la société Vassel à son obligation de reclassement ; qu’il ressort en effet des termes mêmes de la lettre de licenciement, qu’aucune recherche de reclassement n’a été faite au sein du groupe Firopa qui compte pourtant quatre sociétés sur les départements du Rhône et de l’Isère ; que le préjudice causé à Marie-Hélène X... par la perte de son emploi doit être apprécié non seulement au regard de son âge et de son ancienneté, mais aussi au regard de l’attitude déloyale qui a présidé à son départ ; que cette attitude déloyale est caractérisée par la négation de sa véritable ancienneté qui s’est traduite par quatre modifications sur les bulletins de salaire établis par la société Vassel, qui a néanmoins considéré pendant de nombreux mois que l’ancienneté remontait à 1977 ; que son directeur général en a d’ailleurs attesté dans un document établi le 28 juillet 2006 ; qu’un seul cadre commercial ayant été licencié au mois d’août 2009, Marie-Hélène X... serait restée dans l’entreprise si son ancienneté avait été loyalement la prise en compte ; qu’il lui sera alloué la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts ; QU’il y a lieu en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par Marie-Hélène X... (...) “ ;
ALORS QU’un groupe de sociétés ne saurait exister qu’entre plusieurs sociétés entretenant une communauté d’intérêts, susceptible de naître de la détention de participations en capital, de clauses statutaires créatrices d’un pouvoir spécifique de vote ou de désignation des membres des organes de direction, ou encore de contrats commerciaux porteurs d’influence et source d’un courant d’échange permanent et important ; qu’en décidant l’appartenance de la Société Vassel au “ Groupe Firopa “ aux termes de motifs insusceptibles de caractériser, à la date du licenciement, l’existence de tels liens entre des sociétés du Groupe Firopa et la Société Vassel, laquelle faisait valoir que Firopa ne détenait aucune participation dans son capital, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1235-3 et L. 1235-4 du Code du travail.
Publication : Bull. 2014, V, n° 107

Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble , du 31 octobre 2012

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Contrat de travail apparent - Caractérisation - Applications diverses - Production de bulletins de paie - Portée

En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve. La production de bulletins de paie délivrés par une société à l’un de ses associés crée l’apparence d’un contrat de travail.

Doit dès lors être approuvée une cour d’appel, qui, pour dire qu’un associé avait la qualité de salarié, relève que celui-ci produit des bulletins de salaire émanant de la société dont il est l’associé et que celle-ci n’établit pas le caractère fictif du contrat de travail apparent

PREUVE - Règles générales - Eléments de preuve - Insuffisance - Applications diverses - Contrat de travail apparent - Caractère fictif - Défaut - Portée

Précédents jurisprudentiels : Sur le principe selon lequel en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve, dans le même sens que :Soc., 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-22.769, Bull. 2012, V, n° 319 (cassation partielle), et l’arrêt cité. Sur les éléments caractérisant ou non l’existence d’un contrat de travail apparent, à rapprocher :Soc., 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-22.769, Bull. 2012, V, n° 319 (cassation partielle), et l’arrêt cité ;Soc., 10 juin 2008, pourvoi n° 07-42.165, Bull. 2008, V, n° 127 (rejet)

Textes appliqués :
* article 1315 du code civil