Contrat de travail apparent oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 3 mai 2018

N° de pourvoi : 16-26066

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00632

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Balat, SCP Boulloche, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 20 septembre 2016), qu’estimant être lié à Georges Z..., décédé le [...] , par un contrat de travail, M. X... a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en paiement de diverses sommes ;

Attendu que l’intéressé fait grief à l’arrêt de juger qu’il n’existait pas de contrat de travail avec Georges Z... et de le débouter de ses demandes en paiement de diverses sommes dirigées contre les ayants droit, alors, selon le moyen :

1°/ que pour les salariés qui ne sont pas investis d’un mandat social, la production de bulletins de paie attestant du versement d’une rémunération mensuelle, pendant plusieurs années, crée l’apparence d’un contrat de travail, peu important la personne qui établit les bulletins de paye ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a jugé que la production des bulletins de paie de M. X... pendant plus de treize ans était insuffisante pour créer l’apparence d’un contrat de travail dès lors qu’ils émanaient du cabinet Fiducial sur la base d’un contrat signé par M. X... sans preuve que celui-ci avait reçu un mandat en ce sens ; que pourtant, ces bulletins attestaient du versement mensuel de la rémunération de M. X... pendant plus de treize ans ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1134 du code civil, et l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, en présence de bulletins de paie, attestant du versement mensuel de la rémunération de M. X... pendant treize ans, la cour d’appel a sollicité que ce dernier établisse la réalité du contrat de travail en particulier de son état de subordination ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que M. X... a soutenu que dans le cadre d’une curatelle simple, Georges Z... avait conservé « le pouvoir de percevoir l’ensemble de ses revenus et d’en faire emploi » et « le pouvoir d’accomplir seul sur son patrimoine tous les actes conservatoires et d’administration courants » ; qu’en considérant que M. X... n’évoquait aucun élément permettant d’établir que Georges Z... a pu exercer son pouvoir de direction et de surveillance malgré son très lourd handicap, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que la cour d’appel a relevé que dans un courrier du 23 février 2010, Mme Laurence Z... a rappelé que son père avait été reconnu invalide à 100 % et qu’il était incapable d’effectuer aucun acte de la vie quotidienne seul ; que dans le même courrier dont la cour d’appel a constaté qu’il n’était pas contesté, Mme Z... avait attesté que son père employait trois salariés pour s’occuper de lui ; que la cour d’appel ne pouvait donc écarter l’existence d’un contrat de travail entre Georges Z... et M. X... sans préciser avec quelles personnes ces trois contrats avaient été conclus ; qu’en jugeant néanmoins qu’il n’existait aucun contrat de travail entre Georges Z... et M. X... tout en constatant que Georges Z... vivait au domicile de ce dernier et que l’existence du contrat de travail les liant n’avait jamais été contestée du vivant de Georges Z..., sans s’expliquer sur ces trois contrats de travail, ainsi que l’y invitait M. X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui, appréciant souverainement la valeur et la portée des pièces produites par le demandeur, hors toute dénaturation, a constaté que les bulletins de paye produits n’avaient pas été délivrés par Georges Z..., a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen de cassation fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir jugé qu’il n’existait pas de contrat de travail entre M. Z... et M. X... et, en conséquence, d’avoir débouté M. X... de ses demandes en paiement des salaires dus pour les 10 premiers jours du mois de mars 2011 et des indemnités de rupture ;

Aux motifs que « la preuve du contrat de travail est soumise aux règles de droit commun. Il appartient donc à la partie qui s’en prévaut d’en prouver l’existence conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil, à moins qu’elle ne démontre l’existence d’un contrat de travail apparent et, dans ce cas, la preuve de son caractère fictif incombe alors à celui qui l’invoque.

En l’espèce, M. Z... était lourdement handicapé à la suite de blessures de guerre.

Ainsi, dans son jugement du 30 septembre 1996, le juge des tutelles de Brive-la-Gaillarde mentionne que “le médecin psychiatre fait état d’un handicap moteur sensoriel très sévère affectant la vue et l’élocution et rendant M. Georges Z... dépendant de son environnement social et d’une altération de son raisonnement et de son jugement par les mouvements passionnels actuels”.

Le juge des tutelles indique ensuite que “l’audition de M. Z... a permis d’apprécier les difficultés d’élocution mais surtout les graves problèmes de vision et l’impossibilité de lire, écrire et signer”.

Dans un courrier daté du 23 février 2010 dont les termes ne sont pas contestés, Mme Laurence Z... rappelait au juge des tutelles du tribunal d’instance de Brive-la-Gaillarde que son père avait été reconnu invalide à 100 %, qu’il était malvoyant, qu’il ne pouvait “effectuer seul aucun acte de la vie quotidienne à savoir marcher, manger, se laver, aller aux toilettes seul, s’habiller ou se déshabiller, téléphoner, écrire, signer des documents etc”. Elle ajoutait que son élocution était particulièrement laborieuse et que l’on ne pouvait le comprendre que difficilement.

Pour établir la preuve de son contrat de travail, M. X... qui ne dispose pas d’un contrat de travail écrit, produit les bulletins de salaire établi du 1er janvier 1998 au 10 mars 2011. Ces documents ne sont pas suffisants pour établir l’existence d’un contrat de travail apparent dès lors que ceux-ci n’ont pas été établis par M. Z... qui était dans l’incapacité de le faire mais par le cabinet Fiducial sur la base d’un contrat portant lettre de mission établi le 21 mars 1996 au nom de M. Z... mais signé par M. X..., sans que celui-ci qui ne conteste pas sa signature, ne rapporte la preuve d’avoir reçu mandat en ce sens.

Par ailleurs, il convient de constater que M. X... n’évoque aucun élément permettant d’établir que M. Z... a pu exercer son pouvoir de direction et de surveillance malgré son très lourd handicap qui fait présumer, au contraire, son incapacité à exercer un tel pouvoir. En outre, il convient de constater qu’aucune des pièces produites par M. X... ne fait ressortir que M. Z... a effectivement pu exercer ce pouvoir de direction et de surveillance, caractéristique du lien de subordination.

Enfin, le fait que les héritières de M. Z... ont pu évoquer dans des écrits antérieurs à la présente procédure, le licenciement de M. X... ne peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un lien de subordination entre le premier et le second.

En l’absence de preuve d’un lien de subordination, M. X... n’est pas fondé à se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail.

La décision des premiers juges sera donc infirmée et M. X... sera débouté de l’intégralité de ses demandes. Il sera en outre condamné à rembourser les sommes qu’il a reçues en exécution de la décision des premiers juges » (arrêt p 5) ;

1°) Alors que pour les salariés qui ne sont pas investis d’un mandat social, la production de bulletins de paie attestant du versement d’une rémunération mensuelle, pendant plusieurs années, crée l’apparence d’un contrat de travail, peu important la personne qui établit les bulletins de paye ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a jugé que la production des bulletins de paie de M. X... pendant plus de treize ans était insuffisante pour créer l’apparence d’un contrat de travail dès lors qu’ils émanaient du cabinet Fiducial sur la base d’un contrat signé par M. X... sans preuve que celui-ci avait reçu un mandat en ce sens ; que pourtant, ces bulletins attestaient du versement mensuel de la rémunération de M. X... pendant plus de treize ans ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1134 du code civil, et l’article L 1221-1 du code du travail ;

2°) Alors qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve ; qu’en l’espèce, en présence de bulletins de paie, attestant du versement mensuel de la rémunération de M. X... pendant treize ans, la cour d’appel a sollicité que ce dernier établisse la réalité du contrat de travail en particulier de son état de subordination ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L 1221-1 du code du travail ;

3°) Alors que M. X... a soutenu que dans le cadre d’une curatelle simple, M. Georges Z... avait conservé « le pouvoir de percevoir l’ensemble de ses revenus et d’en faire emploi » et « le pouvoir d’accomplir seul sur son patrimoine tous les actes conservatoires et d’administration courants » (conclusions d’appel p 14 § 2) ; qu’en considérant que M. X... n’évoquait aucun élément permettant d’établir que M. Z... a pu exercer son pouvoir de direction et de surveillance malgré son très lourd handicap, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

4°) Alors que la cour d’appel a relevé que dans un courrier du 23 février 2010, Mme Laurence Z... a rappelé que son père avait été reconnu invalide à 100 % et qu’il était incapable d’effectuer aucun acte de la vie quotidienne seul ; que dans le même courrier dont la cour d’appel a constaté qu’il n’était pas contesté, Mme Z... avait attesté que son père employait trois salariés pour s’occuper de lui ; que la cour d’appel ne pouvait donc écarter l’existence d’un contrat de travail entre M. Z... et M. X... sans préciser avec quelles personnes ces trois contrats avaient été conclus ; qu’en jugeant néanmoins qu’il n’existait aucun contrat de travail entre M. Z... et M. X... tout en constatant que M. Z... vivait au domicile de ce dernier et que l’existence du contrat de travail les liant n’avait jamais été contestée du vivant de M. Z..., sans s’expliquer sur ces trois contrats de travail, ainsi que l’y invitait M. X... (conclusions p 14 § 6), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des article 1134 du code civil et L 1221-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Limoges , du 20 septembre 2016