Liens étroits non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 17 octobre 2000

N° de pourvoi : 98-45864

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GELINEAU-LARRIVET, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Joaquim X..., demeurant chez Mme Y..., 1, Galerie des Alliés, appartement 1113, 94600 Choisy le Roi,

en cassation d’un arrêt rendu le 22 mai 1998 par la cour d’appel de Paris (21e chambre, section B), au profit de la société Tap air Portugal, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 11 juillet 2000, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., de Me Luc-Thaler, avocat de la société Tap air Portugal, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... a été engagé le 2 mars 1960 par la compagnie aérienne Tap air Portugal, en qualité de salarié faisant partie du personnel au sol de la compagnie et affecté au siège de la société à Lisbonne ; qu’il a été nommé à compter du 8 janvier 1990 aux fonctions de responsable de la délégation France de cette compagnie à Paris par un avenant à son contrat de travail intitulé “accord de déplacement” régulièrement prorogé par des avenants successifs de durée limitée jusqu’au 30 juin 1994 ; que le 17 mars 1994, les parties ont signé un accord de rupture de leur relation contractuelle à compter du 1er juin 1994 ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale en contestant la validité de cet accord et en soutenant qu’il avait fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 22 mai 1998) d’avoir déclaré la loi portugaise seule applicable au litige, alors que, selon le moyen, 1 ) en vertu de l’article 3 de la convention de Rome du 19 juin 1980, applicable en l’espèce, le choix de la loi définie par les parties pour régir le contrat doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ;

qu’en application de ce texte, pour qu’il y ait choix de la loi, il faut constater que les parties ont voulu se soumettre à un ordre juridique global et n’ont pas choisi certaines de ses dispositions pour les incorporer dans leur contrat, auquel cas celles-ci perdent leur caractère de loi étatique pour dégénérer en stipulations contractuelles ; qu’en affirmant, en l’espèce, que les parties avaient désigné, dans leurs avenants, la loi portugaise à titre de lex contractus en relevant qu’elles avaient expressément précisé qu’elles entendaient incorporer dans leur contrat les dispositions du statut portugais concernant le personnel détaché à l’étranger, ce qui excluait nécessairement l’existence d’un véritable choix de loi applicable, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article susvisé ; 2 ) en vertu de l’article 6-2 de la convention de Rome, le contrat de travail est régi, à défaut de choix exprès de loi, par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ; qu’en se bornant à relever que le salarié avait toujours conservé l’intention de retourner dans son pays d’origine pour décider que son détachement à Paris, quelle que fût sa durée, était nécessairement temporaire, sans rechercher, comme l’y invitaient expressément les conclusions de celui-ci, si le fait d’avoir travaillé sans discontinuité pendant plus de quatre ans, jusqu’à ce que survienne la rupture du contrat de travail, en France où il avait fixé la résidence de sa famille et où il acquittait ses impôts, ne démontrait pas que le lieu de travail habituel se situait, au moment de la rupture, dans ce pays, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ; 3 ) enfin, et subsidiairement, en vertu de l’article 6-1 de la convention de Rome, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du lieu d’exécution du travail ; qu’en affirmant qu’en l’espèce il n’y avait pas lieu de toute façon d’écarter la loi portugaise au profit de la loi française au seul motif que la première contenait des dispositions protectrices du salarié, sans rechercher si la loi française n’était pas, comme l’avait souligné le salarié, plus favorable pour le salarié, ce qui aurait justifié alors sa compétence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Mais attendu que par une appréciation souveraine de la commune intention des parties et des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a constaté que les parties avaient convenu de manière certaine de soumettre leur relation contractuelle à la loi portugaise et que le lieu habituel du travail du salarié était au Portugal, pays avec lequel le contrat de travail présentait les liens les plus étroits ;

qu’au vu de ses constatations, elle a décidé, à bon droit, que la loi portugaise était applicable au litige ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille.

Décision attaquée : cour d’appel de Paris (21e chambre, section B) du 22 mai 1998