Maintien subordination à la maison mère

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 octobre 2011

N° de pourvoi : 09-43536

Non publié au bulletin

Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Boullez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 27 octobre 2009), qu’aux termes d’un contrat à durée indéterminée prenant effet à compter du 3 février 2003, Mme X... a été engagée par la société Cuisine solutions en qualité de responsable administration des ventes ; que le 3 septembre 2007, Mme X... a été mutée en Espagne, à sa demande, pour y développer l’activité commerciale de la société dans ce pays ; qu’un contrat de travail espagnol a été établi faisant état de sa prise de fonction le 15 octobre 2007 ; que le 7 février 2008, Mme X... a été convoquée à un entretien informel avec le directeur des ventes à Madrid, à l’issue duquel elle a été licenciée sur-le-champ ;

Attendu que le moyen fait grief à l’arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à verser à Mme X... diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que le contrat de travail est, en principe, régi par la loi que les parties ont expressément choisie ; qu’il ressort des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé que la société de droit français Cuisine solutions, après avoir recruté Mme X... pour travailler en France, l’avait affectée en Espagne, au service d’une filiale de droit espagnol, la société Cuisine solutions Espagne, aux termes d’un contrat de travail espagnol du 15 octobre 2007 ; qu’en énonçant, pour écarter l’application de la loi espagnole au profit de la loi française, que la société de droit espagnole se trouvait sous la dépendance de la société mère qui était restée l’employeur de Mme X..., de sorte que sa mutation en Espagne n’avait pas affecté le contrat initial qui restait en vigueur, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d’où il résulte que le droit français a cessé d’être applicable aux relations du salarié avec la société mère à la date d’effet du nouveau contrat de travail de droit espagnol ; qu’ainsi, elle a violé les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, ensemble l’article 1134 du code civil ;

2°/ qu’il résulte des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que le contrat de travail est, en principe, régi par la loi que les parties ont expressément choisie ; qu’il résulte des conclusions de la société Cuisine solutions qu’elle avait recruté Mme X... pour travailler en France avant de l’affecter en Espagne, au service d’une filiale de droit espagnol, la société Cuisine solutions Espagne, aux termes d’un contrat de travail du 15 octobre 2007 prévoyant expressément, en son article 8, qu’il « est régi par les dispositions espagnoles du texte refondu du statut des travailleurs » ; qu’en énonçant, pour écarter l’application de la loi espagnole au profit de la loi française, que la société de droit espagnol se trouvait sous la dépendance de la société mère qui était restée l’employeur de Mme X..., de sorte que sa mutation en Espagne n’avait pas affecté le contrat initial qui restait en vigueur, au lieu de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le droit français a cessé d’être applicable aux relations du salarié avec la société mère à la date d’effet du nouvel engagement prévoyant expressément l’application du droit espagnol, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, ensemble l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel a constaté que, malgré son détachement auprès d’une société espagnole avec laquelle elle était liée par un contrat de travail, Mme X... était demeurée sous la subordination effective de la société Cuisine solutions, qui avait en outre pris en charge sa rémunération ; qu’elle en a déduit à bon droit que la rupture du contrat unissant la salariée à la société Cuisine solutions demeurait soumise à la loi française, quelle que soit la loi applicable dans les relations avec la société de droit espagnol ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cuisine solutions aux dépens ;

Vu l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Cuisine solutions à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Cuisine solutions

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la société CUISINES SOLUTIONS à payer à Mme X... diverses indemnités et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et D’AVOIR décidé que la loi française était applicable au licenciement de Mme X..., à l’exclusion de la loi française ;

AUX MOTIFS QUE Mme X... a été transférée et non mise à la disposition, de la société CUISINE SOLUTIONS où elle travaillait à la société CUISINE SOLUTIONS ESPAGNE, société de droit espagnol, filiale de la première ; qu’à cette fin, a été signé un contrat de travail, le 15 octobre 2007 ; que la salariée soutient, à juste titre, que cette relation contractuelle n’a pas pour autant rompu le lien juridique avec la société mère de telle sorte qu’elle peut l’attraire en justice pour contester le licenciement ; qu’en effet, la persistance du lien juridique et le rôle prépondérant de celle-ci sont démontrés ; que c’est ainsi que M. Y..., directeur général de la société française (CSF), mais aussi administrateur de la société espagnole, adressait des directives à l’en-tête CUISINE SOLUTIONS FRANCE, ou encore des demandes d’explications à l’ensemble des salariés des deux sociétés, sans distinguer entre les salariés basés en France et ceux travaillant en Espagne ; que, de même, M. Z..., lui aussi membre du conseil d’administration de CONCEPT CUISINE SOLUTIONS et directeur administratif et financier de la société CUISINE SOLUTIONS intervenait, et a signé les documents relatifs à la mutation, l’attestation ASSEDIC et le certificat de travail ; que ces pièces, ajoutées au fait que c’est la société mère qui a adressé à Mme X... son contrat de travail de droit espagnol et qui a assuré le paiement de ses salaires jusqu’au 15 octobre 2007, ainsi que les virements mensuels de salaire émis par cette même société française jusqu’en janvier 2008, permettent de considérer que la société CSF assurait l’entière direction ; que sa filiale était dans une totale dépendance vis-à-vis de la société mère et que la salariée se trouvait sous la subordination de celle-ci, de telle sorte que le contrat initial entre Mme X... et la société mère avait subsisté après la mutation la salariée en Espagne, c’est ce contrat qui commande en conséquence la compétence du conseil de prud’hommes de Louviers ; que ce point de la décision doit être confirmé ; que Mme X... a été licenciée à tort selon la procédure espagnole, inapplicable en l’espèce, verbalement, sans préavis, ni respect d’une quelconque procédure de licenciement, de telle sorte que le licenciement est abusif ; que, compte tenu en outre de la rémunération de la salariée et de son ancienneté, la somme réclamée par elle de 45.894,80 € sera confirmée, (Mme X... n’ayant toujours pas trouvé de travail), seront confirmées également les sommes allouées au titre du préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement et indemnité au titre des congés payés ; que la société CUISINE SOLUTIONS a réglé la totalité des sommes dues de ces chefs, selon bulletin de salaire de mai 2008 ; que Mme X... ne justifie pas d’un préjudice moral distinct, non réparé par les dommages-intérêts alloués en réparation du licenciement abusif ;

1. ALORS QU’il résulte des articles 3 et 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980 que le contrat de travail est, en principe, régi par la loi que les parties ont expressément choisie ; qu’il ressort des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé que la société de droit français CUISINE SOLUTIONS, après avoir recruté Mme X... pour travailler en France, l’avait affectée en Espagne, au service d’une filiale de droit espagnol, la société CUISINE SOLUTIONS ESPAGNE, aux termes d’un contrat de travail espagnol du 15 octobre 2007 ; qu’en énonçant, pour écarter l’application de la loi espagnole au profit de la loi française, que la société de droit espagnole se trouvait sous la dépendance de la société mère qui était restée l’employeur de Mme X..., de sorte que sa mutation en Espagne n’avait pas affecté le contrat initial qui restait en vigueur, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d’où il résulte que le droit français a cessé d’être applicable aux relations du salarié avec la société mère à la date d’effet du nouveau contrat de travail de droit espagnol ; qu’ainsi, elle a violé les articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, ensemble l’article 1134 du Code civil ;

2. ALORS QU’il résulte des articles 3 et 6 de la convention de Rome du 19 juin 1980 que le contrat de travail est, en principe, régi par la loi que les parties ont expressément choisie ; qu’il résulte des conclusions de la société CUISINES SOLUTIONS (p. 8) qu’elle avait recruté Mme X... pour travailler en France avant de l’affecter en Espagne, au service d’une filiale de droit espagnol, la société CUISINE SOLUTIONS ESPAGNE, aux termes d’un contrat de travail du 15 octobre 2007 prévoyant expressément, en son article 8, qu’il « est régi par les dispositions espagnoles du texte refondu du statut des travailleurs » ; qu’en énonçant, pour écarter l’application de la loi espagnole au profit de la loi française, que la société de droit espagnol se trouvait sous la dépendance de la société mère qui était restée l’employeur de Mme X..., de sorte que sa mutation en Espagne n’avait pas affecté le contrat initial qui restait en vigueur, au lieu de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le droit français a cessé d’être applicable aux relations du salarié avec la société mère à la date d’effet du nouvel engagement prévoyant expressément l’application du droit espagnol, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, ensemble l’article 1134 du Code civil ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Rouen du 27 octobre 2009