Arrêt de principe - cumul oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 31 janvier 2006

N° de pourvoi : 05-80833

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un janvier deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Pascal,

contre l’arrêt de la cour d’appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 27 janvier 2005, qui, pour marchandage et travail dissimulé, l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, à 5 000 euros d’amende et a ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1, L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pascal X... coupable de fourniture illégale de main d’oeuvre à but lucratif par personne morale, marchandage, et de travail dissimulé, et l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende délictuelle de 5 000 euros et à la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné dans le journal Ouest France ;

”aux motifs qu’ il apparaît que la société ABC ne disposant pas d’un personnel suffisant pour accomplir le marché important obtenu auprès de la SCA Ouest a eu recours non pas à des entreprises de travail intérimaire (sauf pour quelques rares ouvriers), mais à différentes entreprises qualifiées de sous-traitantes et nombre d’entre elles ont fait travailler des ouvriers maçons sans avoir accompli les formalités de déclaration préalable à l’embauche ;

qu’il est établi également que certaines entreprises ont ainsi commencé les travaux avant même qu’un contrat de sous-traitance soit signé ; que l’ensemble des personnels ainsi engagés étaient placés sous les ordres directs du responsable local de la société ABC, Joseph Y..., qui procédait lui-même au pointage des divers ouvriers présents appartenant en apparence à plusieurs entreprises différentes ; que le maître de l’ouvrage, le maître d’oeuvre et aussi le coordinateur ignoraient l’existence de ces sous-traitants, lesquels ne disposaient d’aucun matériel propre, ne fournissant que la main d’oeuvre payée à la tâche et non selon une prestation prédéfinie ;

que les travaux n’étaient pas dirigés par chacun des chefs d’entreprise “ sous-traitants “ mais directement par le chef de chantier, Joseph Y..., ou par Pascal X..., interlocuteur de chacun des “ sous-traitants “ ; que les entrepreneurs “ sous-traitants “ n’avaient en fait aucune indépendance, nombre d’entre eux d’origine turque ne savaient ni lire ni écrire le français, n’étant au mieux que de simples chefs d’équipe de leur personnel ;

qu’il s’ensuit que les contrats de sous-traitance n’ont eu qu’une apparence et qu’en réalité, les sous-traitants et leurs propres salariés étaient dans un lien de subordination caractérisé, l’un d’eux, M. Z..., n’ayant même créé son entreprise qu’à l’incitation du prévenu dans le but de recruter ses compatriotes d’origine turque comme lui ; que cette procédure permettait à la société ABC d’éluder les règles relatives à l’embauche et de laisser supporter à ses sous-traitants les contraintes inhérentes à la rupture des contrats de travail à la fin du chantier ;

”alors que le délit de marchandage suppose que l’entreprise utilisatrice exerce une subordination sur les salariés qu’elle emploie ; qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer Pascal X... coupable du délit de marchandage, que l’ensemble du personnel de l’entreprise sous-traitante, qui ne disposait d’aucune indépendance, était dirigé par le chef de chantier de la société ABC X... et que Pascal X... était leur principal interlocuteur, sans constater que ce dernier exerçait une subordination effective sur ces salariés, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1, L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pascal X... coupable de fourniture illégale de main d’oeuvre à but lucratif par personne morale, marchandage, et de travail dissimulé, et l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende délictuelle de 5 000 euros et à la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné dans le journal Ouest France ;

”aux motifs qu’ il apparaît que la société ABC ne disposant pas d’un personnel suffisant pour accomplir le marché important obtenu auprès de la SCA Ouest a eu recours non pas à des entreprises de travail intérimaire (sauf pour quelques rares ouvriers), mais à différentes entreprises qualifiées de sous-traitantes et nombre d’entre elles ont fait travailler des ouvriers maçons sans avoir accompli les formalités de déclaration préalable à l’embauche ;

qu’il est établi également que certaines entreprises ont ainsi commencé les travaux avant même qu’un contrat de sous-traitance soit signé ; que l’ensemble des personnels ainsi engagés étaient placés sous les ordres directs du responsable local de la société ABC, Joseph Y..., qui procédait lui-même au pointage des divers ouvriers présents appartenant en apparence à plusieurs entreprises différentes ; que le maître de l’ouvrage, le maître d’oeuvre et aussi le coordinateur ignoraient l’existence de ces sous-traitants, lesquels ne disposaient d’aucun matériel propre, ne fournissant que la main d’oeuvre payée à la tâche et non selon une prestation prédéfinie ;

que les travaux n’étaient pas dirigés par chacun des chefs d’entreprise “ sous-traitants “ mais directement par le chef de chantier, Joseph Y..., ou par Pascal X..., interlocuteur de chacun des “ sous-traitants “ ; que les entrepreneurs “ sous-traitants “ n’avaient en fait aucune indépendance, nombre d’entre eux d’origine turque ne savaient ni lire ni écrire le français, n’étant au mieux que de simple chefs d’équipe de leur personnel ;

qu’il s’ensuit que les contrats de sous-traitance n’ont eu qu’une apparence et qu’en réalité, les sous-traitants et leurs propres salariés étaient dans un lien de subordination caractérisé, l’un d’eux, M. Z..., n’ayant même créé son entreprise qu’à l’incitation du prévenu dans le but de recruter ses compatriotes d’origine turque comme lui ; que cette procédure permettait à la société ABC d’éluder les règles relatives à l’embauche et de laisser supporter à ses sous-traitants les contraintes inhérentes à la rupture des contrats de travail à la fin du chantier ; que le délit apparaît bien imputable au prévenu quoiqu’il s’en défende ; que, certes, seulement administrateur et non président du conseil d’administration, même sans délégation de pouvoirs, il a non seulement assumé des fonctions techniques de conducteur de travaux, mais aussi des responsabilités juridiques engageant l’entreprise en signant lui-même certains des contrats de sous-traitance figurant au dossier, ainsi qu’il en a convenu au vu des pièces sur lesquelles le juge d’instruction ne l’avait pas formellement interpellé ; qu’il est considéré par tous les sous-traitants comme le chef d’entreprise et n’a rien fait pour les en dissuader, en participant au contraire activement à l’incitation des “ sous-traitants “ apparents à créer leur entreprise pour se voir confier du travail ; qu’il s’ensuit qu’il doit être considéré comme auteur principal du délit à la commission duquel il a participé en toute connaissance de cause, quand bien même le dirigeant de droit de la société ABC aurait pu également être poursuivi ;

”alors qu’en se bornant à affirmer que Pascal X... disposait de responsabilités juridiques engageant l’entreprise en signant lui-même certains contrats de sous-traitance, sans indiquer le fondement juridique sur la base duquel Pascal X... aurait pu engager la société ABC X..., la cour d’appel a privé sa décision de motifs” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 125-1, L. 324-9, L. 324-10 du Code du travail, 132-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, violation du principe non bis in idem ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Pascal X... coupable de fourniture illégale de main-d’oeuvre à but lucratif par personne morale, marchandage, et de travail dissimulé, puis l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende délictuelle de 5 000 euros et à la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné dans le journal Ouest France ;

”aux motifs qu’il apparaît que la société ABC ne disposant pas d’un personnel suffisant pour accomplir le marché important obtenu auprès de la SCA Ouest a eu recours non pas à des entreprises de travail intérimaire (sauf pour quelques rares ouvriers), mais à différentes entreprises qualifiées de sous-traitantes et nombre d’entre elles ont fait travailler des ouvriers maçons sans avoir accompli les formalités de déclaration préalable à l’embauche ;

qu’il est établi également que certaines entreprises ont ainsi commencé les travaux avant même qu’un contrat de sous-traitance soit signé ; que l’ensemble des personnels ainsi engagés étaient placés sous les ordres directs du responsable local de la société ABC, Joseph Y..., qui procédait lui-même au pointage des divers ouvriers présents appartenant en apparence à plusieurs entreprises différentes ; que le maître de l’ouvrage, le maître d’oeuvre et aussi le coordinateur ignoraient l’existence de ces sous-traitants, lesquels ne disposaient d’aucun matériel propre, ne fournissant que la main d’oeuvre payée à la tâche et non selon une prestation prédéfinie ;

que les travaux n’étaient pas dirigés par chacun des chefs d’entreprise “ sous-traitants “ mais directement par le chef de chantier, Joseph Y..., ou par Pascal X..., interlocuteur de chacun des “ sous-traitants “ ; que les entrepreneurs “ sous-traitants “ n’avaient en fait aucune indépendance, nombre d’entre eux d’origine turque ne savaient ni lire ni écrire le français, n’étant au mieux que de simple chefs d’équipe de leur personnel ;

qu’il s’ensuit que les contrats de sous-traitance n’ont eu qu’une apparence et qu’en réalité, les sous-traitants et leurs propres salariés étaient dans un lien de subordination caractérisé, l’un d’eux, M. Z..., n’ayant même créé son entreprise qu’à l’incitation du prévenu dans le but de recruter ses compatriotes d’origine turque comme lui ; que cette procédure permettait à la société ABC d’éluder les règles relatives à l’embauche et de laisser supporter à ses sous-traitants les contraintes inhérentes à la rupture des contrats de travail à la fin du chantier ; que le délit apparaît bien imputable au prévenu quoiqu’il s’en défende ; que, certes, seulement administrateur et non président du conseil d’administration, même sans délégation de pouvoirs, il a non seulement assumé des fonctions techniques de conducteur de travaux, mais aussi des responsabilités juridiques engageant l’entreprise en signant lui-même certains des contrats de sous-traitance figurant au dossier, ainsi qu’il en a convenu au vu des pièces sur lesquelles le juge d’instruction ne l’avait pas formellement interpellé ; qu’il est considéré par tous les sous-traitants comme le chef d’entreprise et n’a rien fait pour les en dissuader, en participant au contraire activement à l’incitation des “sous-traitants” apparents à créer leur entreprise pour se voir confier du travail ; qu’il s’ensuit qu’il doit être considéré comme auteur principal du délit à la commission duquel il a participé en toute connaissance de cause, quand bien même le dirigeant de droit de la société ABC aurait pu également être poursuivi ; que, compte tenu de ce qui précède, le délit de travail dissimulé se trouve également établi puisque nombre d’ouvriers engagés par les “ sous-traitants “ n’ont pas fait l’objet de déclaration préalable à l’embauche auprès de l’organisme social dont relevait l’entreprise ;

”alors qu’en vertu de la règle non bis in idem, les mêmes faits ne peuvent être poursuivis sous deux qualifications identiques ; qu’en déclarant Pascal X... coupable tout à la fois du délit de marchandage et de celui de travail dissimulé, pour avoir employé sans les déclarer des salariés d’entreprises sous-traitantes, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé et exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits de marchandage et de travail dissimulé, lesquels constituent des infractions distinctes, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, dont le troisième allègue en vain que les mêmes faits auraient été poursuivis sous deux qualifications et qui, pour le surplus, se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Rennes, 3ème chambre du 27 janvier 2005