Cadre dirigeant - critère direction

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 4 octobre 2017

N° de pourvoi : 16-17903

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02174

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Carbonnier, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 septembre 2013 par la société Mary Automobiles en qualité de cadre dirigeant, responsable commercial ; que sa période d’essai a été rompue le 21 octobre 2013 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes notamment à titre d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé ;

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 3111-2 du code du travail ;

Attendu que pour dire que le salarié n’avait pas la qualité de cadre dirigeant, l’arrêt, après avoir énoncé les fonctions de l’intéressé telles que définies par le contrat de travail, retient que si le salarié était effectivement cadre de direction puisqu’il avait la responsabilité du service des ventes automobiles de cette concession de Caen, il n’apparaît nullement qu’il bénéficiait d’une qualité de mandataire social et qu’il pouvait intervenir pour agir au nom de l’entreprise, qu’il participait aux prises de décision sur les orientations stratégiques, financières ou commerciales de la concession ;

Attendu, cependant, que si les trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il lui appartenait d’examiner la situation du salarié au regard des trois critères légaux, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Mary Automobiles Caen à payer à M. X... les sommes de 6 051,84 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de 605,18 euros de congés payés afférents, de 1 568,07 euros au titre de la contrepartie des repos compensateurs, de 156,80 euros de congés payés afférents et la somme de 42 705,90 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 25 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Mary Automobiles Caen

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la SAS Mary Automobiles Caen à payer à monsieur X... la somme de 6 051,84 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre celle de 605,18 € à titre des congés payés y afférents, la somme de 1 568,07 € au titre de la contrepartie des repos compensateurs non pris, la somme 156,80 € au titre des congés payés y afférents, la somme de 42 705,90 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ainsi que d’avoir ordonné à la SAS Mary Automobiles de remettre à monsieur X... les bulletins de paie et l’attestation Pôle emploi rectifiés et d’avoir dit que les sommes à caractère salarial produiraient intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et que celles à caractère indemnitaire produiraient intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... réclame paiement des heures supplémentaires qu’il dit avoir effectuées durant son temps de présence au sein de l’entreprise tandis que la société Mary Automobiles SAS, rappelant qu’il était cadre dirigeant, estime que ce statut lui conférait une large autonomie lui permettant d’organiser son emploi du temps sans directive de sa hiérarchie et impliquant que les dispositions légales sur le temps de travail ne lui étaient pas applicables. Le contrat de travail a qualifié M. Éric X... de “cadre dirigeant/responsable commercial” tandis que son bulletin de salaire indique qu’il est “cadre dirigeant/ chef des ventes” ; le salarié conteste cette qualité de cadre dirigeant. Il ressort du bulletin de salaire versé aux débats que M. X... bénéficiait d’un salaire de 4 000 euros outre un avantage en nature (voiture) de 173 euros et son contrat prévoyait qu’il bénéficierait d’une partie variable trimestrielle soumise à la réalisation d’objectifs ; son contrat de travail décrivait ses tâches lui donnant la responsabilité du service vente aux particuliers et sociétés, comportant les activités relatives à la commercialisation des produits et des services, et des activités assurées en appui de celles de responsable hiérarchique sur les conseillers commerciaux et vendeurs ; il était mentionné qu’il était cadre de niveau IV, c’est-à-dire, suivant la convention collective des services du commerce et de la réparation de l’automobile, “cadre de direction et plus généralement cadre titulaire d’une importante délégation de pouvoir nécessitée par l’obligation de coordonner plusieurs services ou établissements”. Si M. X... était effectivement cadre de direction puisqu’il avait la responsabilité du service des ventes automobiles de cette concession de Caen, il n’apparaît nullement qu’il bénéficiait d’une qualité de mandataire social et qu’il pouvait intervenir pour agir au nom de l’entreprise, qu’il participait aux prises de décision sur les orientations stratégiques, financières ou commerciales de la concession ; l’affirmation de la société Mary Automobiles SAS que la durée réduite de sa présence dans l’entreprise a limité sa participation à une réunion avec le directeur général de la société holding du groupe le 17 octobre 2013 n’est même pas justifiée ; ainsi, il n’est pas justifié que M. X... ait été cadre dirigeant de l’entreprise et dès lors, la législation relative au temps légal de travail lui est applicable. S’il résulte du texte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande. Pour étayer sa demande, M. X... fournit la copie de son agenda personnel mentionnant ses occupations pour les mois de septembre et d’octobre 2013 mais qui ne précise nullement les horaires qu’il effectuait en cours de journée ; il verse en pièce 10 un tableau récapitulant, jour après jour, ses heures de travail au sein de la société Mary Automobiles SAS pour aboutir à l’accomplissement de 246,50 heures au cours du premier mois travaillé et 177 heures pour le second mois. Il verse enfin trois attestations : - M. Y... qui affirme qu’il était le matin à 8h30 pour le rapport, - M. Z... qui atteste qu’il était toujours présent le matin à 8h30 pour le rapport des ventes et revené (revenait ?) tous les soirs après sa tournée d’agents, - M. A... qui précise qu’il arrivait vers 8h20-8h30 et que M. X... était systématiquement avant lui dans les locaux et que lorsqu’il partait à 19h, M. X... était encore présent comme la plupart des chefs de service. Ces pièces contiennent des éléments suffisamment précis quant aux horaires prétendument réalisés pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments ; il étaye donc sa demande. C’est alors que la société Mary Automobiles SAS ne verse aucune pièce pour justifier des horaires exactement accomplis par son salarié, se contentant de donner les horaires d’ouverture au public de la concession et contestant qu’il ait pu travailler les journées de « portes ouvertes ». Cependant, il n’est pas vraisemblable, s’agissant du chef des ventes et alors que ces journées sont destinées à accueillir plus largement le public dans le but évident de vendre des automobiles, que le chef de vente ne soit pas présent lors de telles journées, qui sont mentionnées dans l’agenda suivant le terme “concession”, de sorte qu’il convient de retenir les heures prétendues par M. X... comme étant celles réalisées, sauf à retirer 2,5 heures le mardi 10 septembre, la société indiquant, sans être contredite par le salarié, que la réunion a été suivie d’un dîner au restaurant pour les collaborateurs qui le souhaitaient et ne correspondent pas à du temps travaillé ; il convient dès lors de condamner la société Mary Automobiles SAS à lui verser la somme de 6 051,84 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 605,18 euros à titre des congés payés y afférents. En ce qui concerne les repos compensateurs, et compte tenu du nombre d’heures supplémentaires retenu, la société Mary Automobiles SAS doit être condamnée à lui payer la somme de 1 568,07 euros outre les congés payés y afférents (156,80 euros), le salarié n’ayant pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos sur ces heures supplémentaires. En ne faisant pas figurer dans ses bulletins de salaire le nombre d’heures de travail exactement accompli au motif qu’elle l’avait faussement qualifié de cadre dirigeant, et alors que le salarié accomplissait l’ensemble de ses tâches au sein de la concession automobile, la société Mary Automobiles SAS a dissimulé volontairement les heures de travail et doit être condamnée à verser à M. X... l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail, soit, compte tenu de son salaire et des heures supplémentaires retenues, la somme de 42 705,90 euros » ;

1°) ALORS QUE les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II « Durée du travail, répartition et aménagement des horaires » et III « Repos et jours fériés » du code du travail ; que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que monsieur X... n’était pas cadre dirigeant de la SAS Mary Automobiles Caen, la cour d’appel a considéré qu’il ne bénéficiait pas de la qualité de mandataire social et qu’il pouvait intervenir pour agir au nom de l’entreprise, subordonnant ainsi implicitement mais nécessairement la qualification de cadre dirigeant à une condition non prévue par la loi ;

Qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 3111-2 du code du travail ;

2°) ALORS QUE sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que monsieur X... n’était pas cadre dirigeant de la SAS Mary Automobiles Caen, la cour d’appel a considéré qu’il ne bénéficiait pas de la qualité de mandataire social et qu’il pouvait intervenir pour agir au nom de l’entreprise, se déterminant ainsi par un motif impropre à exclure la qualification de cadre dirigeant ;

Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail ;

3°) ALORS QUE sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que monsieur X... n’était pas cadre dirigeant de la SAS Mary Automobiles Caen, la cour d’appel a considéré qu’il ne bénéficiait pas de la qualité de mandataire social, qu’il pouvait intervenir pour agir au nom de l’entreprise et qu’il ne participait pas aux prises de décision sur les orientations stratégiques, financières ou commerciales de la concession, sans constater que ne lui avaient pas été confiées des responsabilités dont l’importance impliquait une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, ou qu’il n’était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, ou encore qu’il ne percevait pas une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués au sein de la SAS Mary Automobiles Caen ;

Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail ;

4°) ALORS QUE, pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d’un salarié, il appartient au juge d’examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l’article L. 3111-2 du code du travail ;

Qu’en l’espèce, pour retenir que monsieur X... n’était pas cadre dirigeant de la SAS Mary Automobiles Caen, la cour d’appel a considéré qu’il ne bénéficiait pas de la qualité de mandataire social, qu’il pouvait intervenir pour agir au nom de l’entreprise et qu’il ne participait pas aux prises de décision sur les orientations stratégiques, financières ou commerciales de la concession, sans examiner la fonction que monsieur X... occupait réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l’article précité ;

Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la SAS Mary Automobiles Caen à payer à monsieur X... la somme de 42 705,90 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QU’« en ne faisant pas figurer dans ses bulletins de salaire le nombre d’heures de travail exactement accompli au motif qu’elle l’avait faussement qualifié de cadre dirigeant, et alors que le salarié accomplissait l’ensemble de ses tâches au sein de la concession automobile, la société Mary Automobiles SAS a dissimulé volontairement les heures de travail et doit être condamnée à verser à M. X... l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail, soit, compte tenu de son salaire et des heures supplémentaires retenues, la somme de 42 705,90 euros »,

ALORS QU’en vertu de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie dudit code ; que le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ;

Qu’en l’espèce, pour dire que la SAS Mary Automobiles avait dissimulé « volontairement » les heures de travail, la cour d’appel s’est bornée à constater que cette société avait faussement qualifié monsieur X... de cadre dirigeant, que, par conséquent, elle n’avait pas fait figurer dans les bulletins de salaire de son salarié le nombre d’heures de travail exactement accompli et enfin que monsieur X... avait accompli l’ensemble de ses tâches au sein de la concession automobile ;

Qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, ensemble l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen , du 25 mars 2016