Connaissance des heures supplémentaires par l’ employeur

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 27 novembre 2014

N° de pourvoi : 13-22171

ECLI:FR:CCASS:2014:SO02150

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, à compter du 1er mars 1987, par la société Kalistore, aux droits de laquelle vient la société Promosas, en qualité d’employé libre service avant d’être promu, en 2001, en qualité d’adjoint chef de magasin ; que licencié par lettre du 18 novembre 2005, il a saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement et obtenir paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l’employeur :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer une somme à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période postérieure au mois de juillet 2005, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié, sur qui ne pèse pas spécialement la charge de la preuve, d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que la cour d’appel qui, après avoir relevé que l’employeur avait versé, pour la période à compter de juillet 2005, les feuilles de présence mentionnant 35 heures hebdomadaires non signées par le salarié, s’est fondée, pour accueillir pour cette période sa demande en paiement d’heures supplémentaires, sur la seule circonstance que l’employeur n’avait pas réagi au refus de M. X... de signer les feuilles de présence, circonstance qui n’était pourtant pas de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectués, la cour d’appel s’est ainsi déterminée par des motifs inopérants et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu’en se bornant, pour condamner la société Promosas à payer à M. X... la somme de 6 720 euros au titre des heures supplémentaires, à affirmer péremptoirement, au vu des feuilles de présence fournies pour les mois de juillet à octobre 2005, que la demande du salarié sera accueillie pour un montant ramené à 6 720 euros, le surplus étant écarté, sans énoncer aucun motif à l’appui de cette allégation et expliquer comment elle parvenait à une telle somme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;
3°/ que le juge qui admet que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, ne peut pas procéder à une évaluation forfaitaire des sommes dues à ce titre et doit préciser le nombre d’heures supplémentaires retenues ; qu’en se bornant, pour condamner la société Promosas à payer à M. X... la somme de 6 720 euros au titre des heures supplémentaires, à affirmer péremptoirement, au vu des feuilles de présence fournies pour les mois de juillet à octobre 2005, que la demande du salarié sera accueillie pour un montant ramené à 6 720 euros, le surplus étant écarté, sans préciser le nombre d’heures supplémentaires retenues à l’appui de son évaluation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3171-4 et L. 3121-22 du code du travail ;
Mais attendu d’abord, que, contrairement aux énonciations du moyen, la cour d’appel a relevé, d’une part, que le salarié faisait valoir qu’après avoir été promu responsable adjoint du magasin à compter de l’année 2001, il avait en réalité exercé les fonctions de responsable, aucun autre salarié n’étant embauché pour exercer cette fonction, et qu’il avait effectué de nombreuses heures supplémentaires, travaillant chaque jour dès l’ouverture jusqu’à la fermeture du magasin, ce dont il résultait que la demande était étayée par des éléments suffisamment précis, et d’autre part, que l’employeur ne fournissait aucun élément justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Attendu, ensuite, qu’après avoir apprécié l’ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis, elle a, sans procéder à une évaluation forfaitaire et sans être tenue de préciser le détail du calcul appliqué, souverainement évalué l’importance des heures supplémentaires et fixé en conséquence les créances salariales s’y rapportant ;
D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer une somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, de l’arrêt en ce qu’il a condamné la société Promosas à verser au salarié la somme de 6 720 euros au titre des heures supplémentaires entraînera également par voie de conséquence l’annulation du chef de la décision l’ayant aussi condamnée en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, en application de l’article 625 du code de procédure civile ;
2°/ que l’absence de réaction de l’employeur face au refus du salarié de signer des feuilles de présence hebdomadaires mentionnant un horaire de 35 heures, ne suffit pas en soi à caractériser une dissimulation volontaire d’emploi ; qu’en se fondant, pour faire droit à la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, sur le seule circonstance que l’employeur n’avait pas réagi au refus du salarié de signer les feuilles de présence hebdomadaires indiquant un horaire de 35 heures, circonstance qui n’était pourtant pas de nature à caractériser l’élément intentionnel de la dissimulation, la cour d’appel qui s’est ainsi déterminée par des motifs inopérants a violé les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;
Mais attendu, d’une part, que le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche du présent moyen, et d’autre part, que la cour d’appel n’a pas déduit le caractère intentionnel du travail dissimulé de la seule absence de réaction de l’employeur face au refus du salarié de signer des feuilles de présence hebdomadaires mentionnant un horaire de 35 heures, mais a constaté que cette intention résultait nécessairement de la connaissance que l’employeur avait des nombreuses heures supplémentaires effectuées par le salarié ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu l’article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de juillet 2005, l’arrêt relève que celle-ci n’est pas suffisamment étayée en présence des attestations contradictoires de l’un des témoins et de celle d’un autre salarié, également en litige avec l’employeur ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que la demande de l’intéressé, qui avait indiqué que ses horaires de travail correspondaient aux heures d’ouverture du magasin, était suffisamment précise pour permettre à l’employeur de répondre et que celui-ci n’avait fourni aucun élément justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ;
Vu l’article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le moyen unique du pourvoi du salarié entraîne par voie de conséquence l’annulation du chef de l’arrêt ayant limité l’indemnisation au titre du défaut d’information sur les repos compensateurs qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS, sans qu’il y soit nécessaire de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de juillet 2005 et limite l’indemnisation au titre du défaut d’information sur les repos compensateurs, l’arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Promosas aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Promosas et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Promosas
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Promosas fait grief à l’arrêt confirmatif de l’avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 6720 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, outre 672 euros à titre de congés payés s’y rapportant ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le salarié verse aux débats :
"-" l’attestation de M. A..., employé de libre-service, qui indique que M. X... arrivait vers 7h45 et repartait à des heures très tardives, à cause des nouveaux patrons qui l’obligeaient à rester et à fermer le magasin,
"-" celle de M. Y..., employé de libre-service, qui témoigne, le 27 juin 2006, que M. X... arrivait une heure et quart avant l’ouverture, vers 7h45, et repartait après 20 heures, prenant ses pauses de 12h à 13 h ;
L’employeur produit une attestation de M. Z... rédigée postérieurement à celle versée par le salarié, dans laquelle l’intéressé indique avoir subi des pressions de la part de M. X... pour rédiger une attestation en sa faveur et ajoute : “ Comment pourrais savoir qu’il était là tous les jours puisque moi même je ne suis pas là toute la journée “. Il verse également, pour la période à compter de juillet 2005, les feuilles de présence mentionnant 35 heures hebdomadaires, non signées par le salarié.
Au vu des pièces et des explications versées de part et d’autre, la cour retient que la demande de M. X... n’est pas suffisamment étayée pour la période antérieure à juillet 2005 en présence des attestations contradictoires de M. Z... et de celle de M. A..., salarié également en litige avec l’employeur, mais qu’elle apparaît en revanche fondée pour la période postérieure, l’employeur n’ayant pas réagi au refus du salarié de signer les feuilles de présence. En définitive, la cour confirme le jugement qui a condamné l’employeur à payer à M. X... la somme de 6720 €, outre les congés payés afférents ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la demande de rappel au titre des heures supplémentaires, à défaut d’éléments contraires sérieux, apparaît suffisamment étayée pour la période de travail effectif pour lesquels les feuilles de présence sont fournies (juillet octobre, soit 13 semaines) ; que la demande sera donc accueillie pour un montant ramené à 6720 euros, outre 672 euros de congés payés induits, le surplus étant écarté ;
1°) ALORS QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié, sur qui ne pèse pas spécialement la charge de la preuve, d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que la cour d’appel qui, après avoir relevé que l’employeur avait versé, pour la période à compter de juillet 2005, les feuilles de présence mentionnant 35 heures hebdomadaires non signées par le salarié, s’est fondée, pour accueillir pour cette période sa demande en paiement d’heures supplémentaires, sur la seule circonstance que l’employeur n’avait pas réagi au refus de M. X... de signer les feuilles de présence, circonstance qui n’était pourtant pas de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectués, la cour d’appel s’est ainsi déterminée par des motifs inopérants et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
2°) ALORS QU’en tout état de cause, le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu’en se bornant, pour condamner la société Promosas à payer à M. X... la somme de 6720 euros au titre des heures supplémentaires, à affirmer péremptoirement, au vu des feuilles de présence fournies pour les mois de juillet à octobre 2005, que la demande du salarié sera accueillie pour un montant ramené à 6720 euros, le surplus étant écarté, sans énoncer aucun motif à l’appui de cette allégation et expliquer comment elle parvenait à une telle somme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le juge qui admet que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, ne peut pas procéder à une évaluation forfaitaire des sommes dues à ce titre et doit préciser le nombre d’heures supplémentaires retenues ; qu’en se bornant, pour condamner la société Promosas à payer à M. X... la somme de 6720 euros au titre des heures supplémentaires, à affirmer péremptoirement, au vu des feuilles de présence fournies pour les mois de juillet à octobre 2005, que la demande du salarié sera accueillie pour un montant ramené à 6720 euros, le surplus étant écarté, sans préciser le nombre d’heures supplémentaires retenues à l’appui de son évaluation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des L. 3171-4 et L. 3121-22 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société Promosas fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d’information sur le repos compensateur ;
AUX MOTIFS QUE M. X... n’a pas été en mesure de formuler, du fait de l’employeur, une demande portant sur le repos compensateur auquel les heures supplémentaires effectuées lui donnaient droit. Il doit être indemnisé pour son préjudice par l’allocation de la somme de 2000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, de l’arrêt en ce qu’il a condamné la société Promosas à verser au salarié la somme de 6720 euros au titre des heures supplémentaires entraînera également par voie de conséquence l’annulation du chef de la décision l’ayant aussi condamnée en paiement de dommages intérêts pour défaut d’information sur le repos compensateur au titre de ces heures supplémentaires, en application de l’article 625 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société Promosas fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué de l’avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 21054 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE l’élément intentionnel de l’infraction de travail dissimulé résulte, en l’espèce, de la connaissance que l’employeur, resté sans réaction face au refus du salarié de signer les feuilles de présence hebdomadaires mentionnant un horaire de 35 heures, avait nécessairement des heures supplémentaires effectuées et du nombre important des heures accomplies. Compte tenu du salaire à prendre en compte (3509 €, soit le salaire brut mensuel moyen (sur 12 mois) de 1829 €, majoré des heures supplémentaires (1680 € par mois), M. X... recevra une indemnité de 21054 € ; le jugement de première instance sera infirmé sur ce point ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, de l’arrêt en ce qu’il a condamné la société Promosas à verser au salarié la somme de 6720 euros au titre des heures supplémentaires entraînera également par voie de conséquence l’annulation du chef de la décision l’ayant aussi condamnée en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, en application de l’article 625 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU’en tout état de cause, l’absence de réaction de l’employeur face au refus du salarié de signer des feuilles de présence hebdomadaires mentionnant un horaire de 35 heures, ne suffit pas en soi à caractériser une dissimulation volontaire d’emploi ; qu’en se fondant, pour faire droit à la demande du salarié en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, sur le seule circonstance que l’employeur n’avait pas réagi au refus du salarié de signer les feuilles de présence hebdomadaires indiquant un horaire de 35 heures, circonstance qui n’était pourtant pas de nature à caractériser l’élément intentionnel de la dissimulation, la cour d’appel qui s’est ainsi déterminée par des motifs inopérants a violé les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
La société Promosas fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement de M. X..., prononcé pour faute grave, était sans cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamnée à payer à ce dernier les sommes de 7018 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 701, 80 euros de congés payés s’y rapportant, de 15439, 60 euros à titre d’indemnité de licenciement et de 84 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents M. X... peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de 7018 €, outre les congés payés afférents (...) ; sur l’indemnité de licenciement M. X... peut prétendre à une indemnité de licenciement de 15439, 60 € ;
1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu’en se bornant à condamner la société Promosas à payer à M. X... les sommes de 7018 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 701, 80 au titre des congés payés s’y rapportant, sans préciser ni faire apparaître les éléments sur lesquels elle s’était fondée pour justifier un tel montant, la cour d’appel n’a pas motivé sa décision et a ainsi violé l’article 455 du code de procédure civile.
2°) ALORS QU’en se contentant encore de condamner la société Promosas à payer à M. X... la somme de 15439, 60 euros à titre d’indemnité de licenciement, sans préciser ni faire apparaître les éléments sur lesquels elle s’était fondée pour justifier un tel montant, la cour d’appel n’a pas motivé sa décision et a de nouveau violé l’article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils pour M. X...
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents pour la période antérieure à juillet 2005, et d’avoir en conséquence limité l’indemnisation au titre du défaut d’information sur les repos compensateurs, et l’indemnité pour travail dissimulé.
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société PROMOSAS s’oppose à la demande d’heures supplémentaires en faisant valoir que le salarié ne démontre pas la réalité des heures alléguées qu’il n’a jamais réclamées avant le licenciement ; que le seul fait qu’il ait refusé de signer les feuilles de présence hebdomadaires et que l’employeur n’ait pas réagi n’établit pas la réalité et le quantum des heures réclamées ; que M. X... travaillait en réalité 5 jours par semaine-les lundi de 8h à 12h et de 13h à 17h, mardi de 8h à 13h et de 14h à 17h, jeudi de 8h à 12h et de 13h à 16h, vendredi ou samedi ou dimanche en alternance de 8h à 12h et de 13h à 17h ; que les attestations produites par le salarié sont sans valeur probante ; que M. X... répond qu’à compter de sa promotion comme responsable adjoint de magasin en 2001, il a effectué de nombreuses heures supplémentaires, travaillant 11h45 cinq jours par semaine, en arrivant dès 7h45 et repartant à 20h30 après la fermeture avec une pause déjeuner d’une heure, et 5h15 (de 7h45 à 13h) le jour où il ne travaillait qu’une demi-journée ; qu’il était en fait le seul responsable du magasin ; qu’en juillet 2005, il a été remplacé par M. B..., engagé en qualité de chef de magasin et que quelques semaines avant son licenciement, un autre responsable adjoint a été en engagé pour le remplacer ; qu’il a refusé de signer les feuilles de présence hebdomadaires sans que l’employeur le lui reproche ; que son témoin, M. Z..., s’est rétracté sous la pression de l’employeur ; que le salarié verse aux débats :- l’attestation de M. A..., employé de libre-service, qui indique que M. X... arrivait vers 7h45 et repartait à des heures très tardives, à cause des nouveaux patrons qui l’obligeaient à rester et à fermer le magasin,- celle de M. Z..., employé de libre-service, qui témoigne, le 27 juin 2006, que M. X... arrivait une heure et quart avant l’ouverture, vers 7h45, et repartait après 20 heures, prenant ses pauses de 12h à 13h ; que l’employeur produit une attestation de M. Z... rédigée postérieurement à celle versée par le salarié, dans laquelle l’intéressé indique avoir subi des pressions de la part de M. X... pour rédiger une attestation en sa faveur et ajoute : « Comment pourrais savoir qu’il était là tous les jours puisque moi même je ne suis pas là toute la journée » ; qu’il verse également, pour la période à compter de juillet 2005, les feuilles de présence mentionnant 35 heures hebdomadaires, non signées par le salarié ; qu’au vu des pièces et des explications versées de part et d’autre, la cour retient que la demande de M. X... n’est pas suffisamment étayée pour la période antérieure à juillet 2005 en présence des attestations contradictoires de M. Z... et de celle de M. A..., salarié également en litige avec l’employeur, mais qu’elle apparaît en revanche fondée pour la période postérieure, l’employeur n’ayant pas réagi au refus du salarié de signer les feuilles de présence ; qu’en définitive, la cour confirme le jugement qui a condamné l’employeur à payer à M X... la somme de 6. 720 € outre les congés payés afférents.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la partie requérante expose avoir accompli des heures supplémentaires depuis 2001 ce que conteste la société PROMOSAS, arguant d’un planning d’horaires fixe et d’une réclamation tardive ; que, si la preuve de l’existence d’heures supplémentaires n’incombe spécialement à aucune des parties au litige, il importe toutefois que le salarié fournisse préalablement des éléments de nature à étayer sa demande ; qu’en l’espèce, il est versé par la partie requérante des feuilles de présence signées par certains salariés mais non pas par monsieur X... de juillet à décembre 2005, au motif qu’il aurait refusé de valider un nombre d’heures qui ne correspondait pas au temps de travail effectué ; qu’il est produit une attestation de monsieur Z... qui a ensuite été rétractée ; que la société PROMOSAS ne peut se borner à soutenir que la contestation est tardive alors même qu’elle n’a pas réagi au refus de monsieur A... de signer les feuilles de présence sur la période litigieuse ; que dans ces conditions, la demande de rappel au titre des heures supplémentaires, à défaut d’éléments contraires sérieux, apparaît suffisamment étayée pour la période de travail effectif pour lesquels les feuilles de présence sont fournies (juillet-octobre soit 13 semaines) ; que la demande sera donc accueillie pour un montant ramené à 6. 720 €, outre 672 € pour les congés payés induits, le surplus étant écarté.
1°/ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments de preuve ; que dans son attestation de juin 2006, Monsieur Z... attestait que Monsieur X... arrivait une heure et quart avant l’ouverture, vers 7h45, et repartait après 20 heures, prenant ses pauses de 12h à 13h ; que dans son attestation de septembre 2006, Monsieur Z... ne revenait nullement sur ces déclarations relatives à l’amplitude des horaires de travail de Monsieur X... mais se bornait à indiquer sans se contredire que : « Monsieur X... m’a demandé pendant 3 mois de lui faire (un courrier) disant qu’il était là tous les jours. (...). Comment pourrais savoir qu’il était (là) tous les jours puisque moi même je ne suis pas là toute la journée » ; qu’il s’ensuit que dénature les termes clairs et précis des attestations de Monsieur Z... et viole le principe susvisé et l’article 1134 du Code civil l’arrêt attaqué qui retient que la demande du salarié en paiement d’heures supplémentaires n’est pas suffisamment étayée pour la période antérieure à juillet 2005 « en présence des attestations contradictoires de Monsieur Z... ».
2°/ ALORS surtout QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que dès lors, en rejetant la demande du salarié en paiement d’heures supplémentaires alors que sa prétention était étayée notamment par un décompte des heures de travail accomplies compte tenu des horaires d’ouverture et de fermeture du magasin au sein duquel il a exercé les fonctions de responsable de magasin, décompte qui était inséré dans ses conclusions et corroboré tant par l’attestation du 27 juin 2006 de Monsieur Z... que par celle de Monsieur A..., et que l’employeur, ainsi qu’il résulte des constatations de la cour d’appel, ne fournissait aucun élément justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d’appel, qui a retenu que la demande du salarié « n’est pas suffisamment étayée pour la période antérieure à juillet 2005 », a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et, partant, violé l’article L. 3171-4 du Code du travail.
3°/ QU’à tout le moins, en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le salarié, au regard des fonctions exercées, n’était pas obligé d’ouvrir et de fermer le magasin, en sorte qu’il accomplissait des heures supplémentaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3171-4 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 16 mai 2013