Absence de convention individuellle de forfait oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 27 juin 2012

N° de pourvoi : 11-10491

Non publié au bulletin

Rejet

M. Lacabarats (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2010) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 16 décembre 2008, n° 07-42.107, Bull. n° 250) que Mme X... a été engagée par la société Fauchon, le 1er février 2000, par contrat à durée indéterminée en qualité d’assistante commerciale ; qu’elle a été promue, le 1er octobre 2000, au poste de chef de zone export ; qu’elle a été licenciée pour faute grave, le 25 mai 2004 ; qu’elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts au titre d’une inégalité de traitement subie en matière salariale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen :

1°/ que dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable en l’espèce, l’article L. 8221-5 du code du travail réputait travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, soit l’absence intentionnelle de déclaration préalable à l’embauche, soit le défaut intentionnel de délivrance d’un bulletin de paie ou la mention sur ce dernier d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli ; qu’en se fondant, pour condamner la société Fauchon à payer une indemnité pour travail dissimulé, sur la circonstance qu’elle n’avait ni payé, ni déclaré les heures supplémentaires que Mme X... justifiait, à ses yeux, avoir effectuées, faits qui ne caractérisaient pourtant pas les faits de travail dissimulé alors prévus par l’article L. 8221-5 du code du travail, la cour d’appel a violé ce texte, ensemble l’article L. 8223-1 du code du travail ;

2°/ en tout état de cause que l’octroi d’une indemnité pour travail dissimulé suppose que l’employeur se soit soustrait intentionnellement aux formalités auxquelles il est tenu ; qu’en énonçant, pour condamner la société Fauchon à payer à Mme X... une indemnité pour travail dissimulé, qu’en ne payant pas les heures supplémentaires que la salariée établissait, à ses yeux, avoir effectivement accomplies, et en s’abstenant de déclarer celles-ci, la société Fauchon avait délibérément et de façon intentionnelle dissimulé une partie des heures de travail effectuées par Mme X... sans constater qu’elle aurait su que la salariée, qui occupait le poste de chef de zone export, effectuait des heures supplémentaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que la société avait tenté d’imposer à la salariée le système du forfait en jours sans qu’aucune convention de forfait en jours ait été conclue par écrit et relevé que cette salariée travaillait régulièrement depuis plusieurs années un nombre d’heures sensiblement supérieur à la durée légale, a fait ressortir le caractère intentionnel de l’absence de mention, sur les bulletins de paie, de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Fauchon aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fauchon à payer la somme de 2 500 euros à Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour la société Fauchon

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Fauchon reproche à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à payer à Mme X... la somme de 12.660 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE force est de constater que la société Fauchon ne verse aucun élément susceptible d’établir les horaires réalisés par l’appelante ; qu’en revanche, celle-ci produit de nombreux courriers électroniques et télécopies faisant apparaître qu’elle travaillait jusqu’à 19 h 30 voire 20 h alors qu’elle avait commencé son activité à 9 h ; qu’elle verse également diverses attestations démontrant que sa journée de travail ne s’achevait pas avant ces mêmes horaires ; qu’enfin, elle produit un tableau récapitulatif des heures réellement effectuées ; qu’au vu de l’ensemble des pièces produites, la cour a la conviction que la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires est bien fondée ; qu’en ne payant pas les heures supplémentaires et en s’abstenant de déclarer celles-ci, l’employeur a délibérément et de façon intentionnelle dissimulé une partie des heures de travail effectuées par la salariée ; qu’il convient en conséquence de faire application de l’article L. 8223-1 du code du travail et de condamner la société Fauchon au paiement d’une indemnité qui sera fixée à la somme de 12.660 euros correspondant à six mois de salaire, le quantum de la demande n’étant pas contesté par l’intimée ;

ALORS QUE dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable en l’espèce, l’article L. 8221-5 du code du travail réputait travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié soit l’absence intentionnelle de déclaration préalable à l’embauche, soit le défaut intentionnel de délivrance d’un bulletin de paie ou la mention sur ce dernier d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli ; qu’en se fondant, pour condamner la société Fauchon à payer une indemnité pour travail dissimulé, sur la circonstance qu’elle n’avait ni payé, ni déclaré les heures supplémentaires que Mme X... justifiait, à ses yeux, avoir effectuées, faits qui ne caractérisaient pourtant pas les faits de travail dissimulé alors prévus par l’article L. 8221-5 du code du travail, la cour d’appel a violé ce texte, ensemble l’article L. 8223-1 du code du travail ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE l’octroi d’une indemnité pour travail dissimulé suppose que l’employeur se soit soustrait intentionnellement aux formalités auxquelles il est tenu ; qu’en énonçant, pour condamner la société Fauchon à payer à Mme X... une indemnité pour travail dissimulé, qu’en ne payant pas les heures supplémentaires que la salariée établissait, à ses yeux, avoir effectivement accomplies, et en s’abstenant de déclarer celles-ci, la société Fauchon avait délibérément et de façon intentionnelle dissimulé une partie des heures de travail effectuées par Mme X... sans constater qu’elle aurait su que la salariée, qui occupait le poste de chef de zone export, effectuait des heures supplémentaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Fauchon reproche à l’arrêt attaqué de l’avoir condamnée à payer à Mme X... les sommes de 4.856 euros à titre de rappel de salaire suite à la discrimination salariale, 485,60 euros à titre de congés payés afférents et 255,58 euros à titre d’incidence sur le treizième mois ;

AUX MOTIFS QUE Mme X... soutient que pendant 19 mois, elle a été victime d’une discrimination salariale ; que la société Fauchon conteste toute discrimination en faisant valoir que l’appelante avait une formation juridique et non commerciale à l’inverse de Mme Y..., qui justifiait de connaissances particulières en matière commerciale, utiles à l’exercice de la fonction occupée ; que Mme X... a été engagée en qualité d’assistante commerciale export, statut non-cadre, à compter du 1er février 2000 et a été promue, au 1er octobre 2000, au poste de chef de zone, son salaire ayant alors été porté à 1.829,39 euros ; qu’elle est titulaire d’une maîtrise en droit des affaires et d’un DESS en droit de l’exportation et possède le français, l’anglais, l’hébreu et l’arabe ; que son expérience professionnelle relève principalement du secteur juridique ; que Mme Y..., engagée deux mois après Mme X... en qualité de chef de zone export au salaire de 2.150 euros, est titulaire d’une maîtrise de langues étrangères appliquées (management de l’innovation, marketing, gestion, anglais et allemand des affaires) et d’un DESS affaires internationales (gestion des risques, stratégie financière, marketing, commerce et droit internationaux, stratégie de l’entreprise) ; qu’elle pratique l’anglais et l’allemand et justifie d’une légère expérience professionnelle en matière de marketing et de commerce ; que force est de constater que Mme X... et Mme Y... ont un diplôme d’un niveau et une expérience professionnelle en matière commerciale pas plus significative l’une que l’autre ; qu’elles étaient toutes deux chef de zone export et que Mme Y... atteste qu’elles avaient toutes deux les mêmes fonctions, assumaient les mêmes missions et pouvaient ponctuellement interchanger leurs zones respectives ; que la production de la fiche de poste définissant la fonction de chef de zone export n’apporte aucune justification à la différence de salaire entre ces deux personnes dès lors que l’employeur les a engagées toutes deux à cette fonction et leur a attribué les mêmes tâches et responsabilités ; qu’enfin, il convient de retenir que suite à une simple demande, la salariée a obtenu, à compter du 1er mai 2002, une augmentation de salaire amenant celui-ci à celui perçu par Mme Y... sans que la société Fauchon ne justifie d’un motif particulier à l’appui de cette augmentation ;

1°) ALORS QUE les diplômes et l’expérience professionnelle peuvent justifier une différence de rémunération entre salariés occupant le même emploi et disposant de diplômes et d’une expérience professionnelle équivalents lorsque les diplômes et l’expérience professionnelle du salarié le mieux rémunéré sont particulièrement utiles aux fonctions qu’il occupe ; qu’en retenant que la différence de traitement en matière de rémunération entre Mme X... et Mme Y..., qui occupait le même poste de chef de zone export et assumait les mêmes missions, n’était pas justifiée dès lors que leurs diplômes étaient équivalents et que leur expérience professionnelle en matière commerciale se valait sans rechercher, ainsi que les conclusions d’appel de la société Fauchon l’y invitaient expressément (p. 11 et p. 13 et 14), si la formation suivie par Mme Y..., qui, contrairement à celle suivie par Mme X..., comprenait du marketing, de la gestion, du commerce et du management, mais aussi son expérience professionnelle auprès de la direction commerciale de deux entreprises du secteur commercial puis auprès de la direction technique et marketing d’une autre entreprise relevant du même secteur n’attestaient pas de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction de chef de zone export au regard de la définition qu’en donne la fiche de poste, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;

2°) ALORS QU’en se fondant également, pour juger injustifiée la différence de salaire entre Mme X... et Mme Y..., sur la circonstance que la société Fauchon avait, à compter du 1er mai 2002, aligné, à la demande de Mme X..., le salaire de celle-ci sur celui de Mme Y... sans invoquer de motif particulier, circonstance qui n’était pourtant pas de nature à établir que la différence de salaire antérieure n’aurait pas été justifiée, la cour d’appel s’est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi une fois de plus sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal ».

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 4 novembre 2010