Quantification a priori - paiement complémentaire dû

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 15 juin 2016

N° de pourvoi : 15-10273

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01155

Non publié au bulletin

Cassation

M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 3171-4 du code du travail, ensemble l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Adrexo, le 16 janvier 2006, en qualité de distributeur de journaux et prospectus publicitaires ; que son contrat de travail à temps partiel mentionnait une durée annuelle contractuelle de référence de 363,60 heures, ultérieurement portée à 944 heures ; qu’il stipulait que la durée du travail pouvait varier, que le salarié devait être rémunéré chaque mois sur la base des durées inscrites sur les feuilles de route des distributions effectuées, et que la signature de ce document valait acceptation expresse des conditions de réalisation de la distribution, du délai maximum, du tarif de la poignée et du temps d’exécution prévus, ainsi que du montant de la rémunération totale indiquée et des consignes qualitatives de préparation et de distribution ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l’article L. 3171-4 du code du travail et qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, l’arrêt retient, que l’accord du salarié sur ses horaires était matérialisé par la signature de la feuille de route, qu’il reconnaissait que l’employeur ne lui imposait pas d’horaires de travail et déclarait exécuter son travail dans une complète autonomie d’organisation, sous réserve de respecter le délai maximum alloué pour réaliser la distribution, que les éléments contractuels ne présentaient aucune irrégularité au regard des textes légaux et de la convention collective, que le salarié connaissait son rythme et les jours de travail, notamment par la remise du programme indicatif de modulation qu’il signait ;

Qu’en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies, dont les feuilles de route n’étaient que la reprise alors qu’elle avait constaté que le salarié avait produit d’une part, le procès-verbal établi par l’inspectrice du travail mentionnant que les salariés de l’entreprise faisaient état de l’impossibilité de réaliser leurs tournées dans les délais impartis, d’autre part, un tableau indiquant pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2011 et pour les mois de janvier 2012 à mai 2012, les durées minimale et maximale de distribution pour chacune des journées, ainsi qu’un total mensuel d’heures que l’intéressé estimait nécessaires à ses missions, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu, conformément à l’article 624 du code de procédure civile, que la cassation encourue sur le premier moyen entraîne par voie de dépendance nécessaire, la cassation du chef de l’arrêt déboutant le salarié de ses demandes d’expertise judiciaire, rappel de salaires, travail dissimulé, indemnisation globale tous préjudices confondus au titre des pratiques illicites et abusives de l’employeur ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 12 novembre 2014, entre les parties par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;

Condamne la société Adrexo aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X... de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein ;

Aux motifs qu’il ressort des textes applicables au moment de l’embauche du salarié en matière de temps partiel modulé et notamment de l’article L. 3123-25 du code du travail qu’une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l’année, à condition que sur un an la durée hebdomadaire ou mensuelle n’excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail ; que l’article L. 3123-14, dans sa rédaction applicable, dispose que le contrat de travail d’un salarié à temps partiel est écrit, mentionne la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, sauf pour les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3121-25 (prévoyant la modulation du temps de travail) ; que cet article dispense donc les contrats de travail à temps partiel modulé d’une mention relative à la répartition de la durée du travail ; que la convention collective de la branche de la distribution directe du 9 février 2004, étendue par arrêté du 16 juillet 2004, entrée en vigueur le 18 juillet 2005, a mis en place le temps partiel modulé sur l’année pour les distributeurs ainsi qu’un mécanisme de référencement horaire a priori qui s’applique aux lieux et place d’un décompte a posteriori de la durée effective de travail du salarié, étant précisé que l’article 6.2, dont se prévaut l’appelant, qui prévoit une répartition de la durée hebdomadaire du travail sur les jours de la semaine ou les semaines du mois, se trouve inséré dans le chapitre III relatif aux dispositions communes concernant uniquement les contrats de travail à temps partiels classiques non modulés, ce qui n’est pas le cas du contrat de travail à temps partiel modulé de l’intéressé ; qu’un accord d’entreprise de modulation du 11 mai 2005 est entré en vigueur le 1er juillet 2005, fixant les règles du temps partiel modulé, du décompte du temps de travail et les barèmes de salaire ; que les arrêts rendus par le Conseil d’état les 11 mars 2009 et 28 mars 2012 annulant respectivement le décret n° 2007-12 du 4 janvier 2007 et le décret n° 2010-778 du 8 juillet 2010 ne remettent pas en cause le dispositif conventionnel de décompte du temps de travail mis en place par la convention collective, ayant sanctionné le défaut de précision des conditions dans lesquelles la détermination des modalités de contrôle des heures de travail devait intervenir et considéré que le mécanisme de quantification horaire préalable des tâches à réaliser ne pouvait s’imposer comme le décompte de la durée du travail effectif que si le législateur l’autorisait ; que ces arrêts n’ont pas remis en question les modalités conventionnelles de pré-quantification prévue par la branche de la distribution directe et le principe selon lequel les parties peuvent s’accorder sur la durée théorique nécessaire sur la base de barèmes précis ; que le contrat de travail à temps partiel modulé de M. X... n’est donc pas en lui-même irrégulier ; que par ailleurs, le contrat et les avenants ultérieurs comportent une durée annuelle contractuelle moyenne de référence et une durée indicative mensuelle moyenne de travail pouvant varier selon les prévisions du planning annuel avec une variation maximale d’un tiers (article 4 du contrat) ; que ce contrat indique que la Société Adrexo remet au salarié, à chaque période de modulation, un programme indicatif de modulation et arrête avec lui ses jours de disponibilité, ces jours pouvant être modifiés d’un commun accord, mentionne que la durée du travail varie dans les conditions définies par la convention collective en fonction du planning individuel fixé par l’employeur et porté à la connaissance du salarié 7 jours avant sa première mise en oeuvre, sauf délai plus court donné avec l’accord du salarié ; que ce planning peut être révisable par l’employeur moyennant communication donnée au salarié au moins 3 jours à l’avance, avec l’accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route, le salarié reconnaissant que l’employeur ne lui impose pas d’horaires de travail et déclarant exécuter son travail dans une complète autonomie d’organisation, sous réserve de respecter le délai maximum alloué pour réaliser la distribution ; que les éléments contractuels ne présentant aucune irrégularité au regard des textes légaux et de la convention collective, aucune présomption de temps complet ne peut être invoquée par M. X..., à qui incombe dès lors de prouver s’être trouvé dans l’impossibilité de prévoir à l’avance son temps de travail et dans l’obligation de rester de façon constante à disposition de son employeur ; que sur ce point, il ressort des bulletins de salaires et des fiches détaillées annexées à ces bulletins que M. X... a été rémunéré pour une moyenne mensuelle inférieure à 85 heures pour 2007 à 2010 et de 113 heures en 2011 ; qu’il produit des tableaux mensuels indiquant la durée d’heures mensuelles minimum pour chacun des mois de l’année 2010, ces durées étant toutes inférieures à un temps complet ; qu’il ne produit aucune donnée sur les autres années, et produit des tableaux pour les seuls mois d’octobre, novembre et décembre 2011, dont la présentation, qui mélange les missions de plusieurs mois, ne permet pas de comprendre les durées de travail prétendues pour chacun de ces mois ; que par ailleurs, l’examen des dates des missions indiquées sur les fiches détaillées annexées aux bulletins de paie fait ressortir la régularité des jours de la semaine (du lundi au jeudi)

lors desquels il était amené à travailler pour la société ; que dans ces conditions, M. X..., dont le rythme et les jours de travail étaient réguliers et connus, notamment de par la remise au salarié du programme indicatif de modulation qu’il signait, ne démontre pas qu’il ne pouvait prévoir à l’avance son rythme de travail ni qu’il devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur ;

Alors 1°) que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail, prévue par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l’article L. 3171-4 du code du travail ; que selon l’arrêt attaqué, M. X... a travaillé pour la société Adrexo en qualité de distributeur de journaux et prospectus dans le cadre d’un contrat à temps partiel modulé, en application de la convention collective ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir notamment sa requalification en un contrat à temps plein ; que pour rejeter cette demande, la cour d’appel a relevé que l’accord du salarié sur ses horaires était matérialisé par la signature de la feuille de route, qu’il reconnaissait que l’employeur ne lui imposait pas d’horaires de travail et déclarait exécuter son travail dans une complète autonomie d’organisation, sous réserve de respecter le délai maximum alloué pour réaliser la distribution ; que les éléments contractuels ne présentaient aucune irrégularité au regard des textes légaux et de la convention collective ; que le salarié connaissait son rythme et les jours de travail, notamment par la remise du programme indicatif de modulation qu’il signait ; qu’en statuant ainsi, en se fondant sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies, dont les feuilles de route n’étaient que la reprise, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Alors 2°) qu’en n’ayant pas répondu aux conclusions de M. X... faisant valoir que sa tâche était variable du seul fait de l’employeur en fonction des feuilles de route remises par l’entreprise à chaque distribution, ce qui était source d’une grande incertitude, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X... de ses demandes d’expertise judiciaire, rappel de salaires, travail dissimulé, indemnisation globale tous préjudices confondus au titre des pratiques illicites et abusives de l’employeur ;

Aux motifs que M. X... soutient qu’il a effectué un nombre important d’heures de travail qui ne lui ont pas été rémunérées et ce en raison du fait que le temps imparti pour la distribution était insuffisant au regard de la classification volontairement erronée du secteur imparti et qu’il devait en plus travailler à domicile pour préparer la tournée sans être payé ; que l’article L 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile ; qu’il en résulte que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que M. X... produit 1°- le procès-verbal du 24 novembre 2011, établi par l’Inspectrice du travail du département de l’Hérault à la suite de visites et contrôles effectués dans les locaux de l’entreprise Adrexo située à Mudaison, qui rappelle : - les dispositions de l’article R 3171-9-1 du code du travail, qui prévoit que le temps de travail des salariés qui exercent une activité de distribution ou de portage de documents fait l’objet d’une quantification préalable selon des modalités établies par convention ou accord collectif de branche étendu, en fonction du secteur géographique sur lequel s’effectue le travail, de la part relative dans ce secteur de l’habitat collectif et de l’habitat individuel, du nombre de documents à distribuer et du poids total à emporter, la convention ou l’accord collectif de branche étendu pouvant fixer des critères complémentaires et l’employeur remettant au salarié avant chacune de ses missions le document qui évalue a priori sa durée de travail à partir des critères susmentionnés, ce document étant tenu à la disposition de l’Inspecteur du travail pendant une durée d’un an ; - l’article 2.3.2.3 de la convention collective étendue de la distribution directe qui prévoit la mise en place de feuilles de route devant permettre de déterminer la pré-quantification du temps de travail selon les critères rappelés dans l’article précité et notamment le secteur géographique sur lequel s’effectuera le travail et sa qualification (urbain 1,2, suburbain 1, 2 ou 3 , rural, 1, 2 ou 3) et la part relative de l’habitat collectif individuel ; que ce procès-verbal, rappelant que l’établissement emploie 140 salariés, mentionne : « Par dérogation aux règles relatives à la durée du travail, les entreprises de distribution de publicité sont autorisées à pré-quantifier le temps de travail de leurs salariés selon des critères de poids, de nombre de documents, de type de secteur et d’habitat à distribuer. L’entreprise Adrexo emploie des salariés à la distribution de prospectus dans les boîtes aux lettres sans respecter ses obligations en matière de pré-quantification de la durée du travail ce qui génère des pertes de salaire pour les salariés et l’impossibilité de contrôler leur temps de travail : faits constitutifs de l’infraction aux dispositions de l’article R 3171-9-1 du code du travail » ; que plus précisément il contient les remarques suivantes : - en page 4 : « nous questionnons le directeur régional d’Adrexo sur l’absence d’indication de la répartition entre habitat collectif et individuel sur les feuilles de route. Celui-ci nous indique que cette répartition est réalisée sur l’annexe aux feuilles de route avec les notions de HVRAC pour chaque document, les habitats étant classés suivant 5 catégories définies par l’entreprise selon les lettres H (HLM logement collectif) R (Résidence, immeuble de logement collectif) V (Villa, habitat individuel) A (Autre : tout logement collectif ou individuel n’appartenant pas à la catégorie HRV) C (Commerce). Il apparaît une première anomalie, les habitats dits Autres et Commerces ne sont pas classés suivant les critères d’habitat individuel et collectif, alors que le pourcentage d’habitat collectif est déterminant de son classement et de la grille de cadence qui en fonction du poids et du type d’habitat pré quantifie le nombre de documents à distribuer par heure sur un secteur donné » ; - En page 5 : « Il résulte de la réponse d’Adrexo que la part relative dans chaque secteur de l’habitat collectif et individuel ne peut être contrôlée...le fait de ne pas définir la répartition de l’habitat collectif et de l’habitat individuel sur chaque secteur et de ne pas les transcrire sur les feuilles de route permet à la société de prévoir des cadences sans lien avec le temps réellement nécessaire à la réalisation de la tâches. » ; - En page 6 : « Nous constatons sur les feuilles de route remise par le chef de centre aux salariés que les secteurs ne sont pas classés en urbain, Suburbains, rural selon les critères de la convention collective et que la part de l’habitat individuel n’est pas explicite : en appliquant la répartition HRVAC suivant les critères donnés par le Directeur régional, les cadences sont sans rapport avec la répartition déclarée de l’habitat collectif et individuel lorsqu’elle est déterminable la notion de « Autres » n’étant pas définie, il est impossible de connaître la répartition habitat collectif/ individuel » ; - En page 7 : « A l’exception de l’un d’eux, tous les salariés rencontrés nous font part de l’impossibilité qu’ils ont à réaliser leurs tournées dans les délais impartis. Ils nous indiquent qu’ils réalisent leurs tournées en moyenne en deux fois plus d’heure que celles pré quantifiées par Adrexo. (Lors du 3° contrôle) il ressort de ces constats que les modalités de calcul de la part relative de l’habitat collectif et individuel ne sont pas partagées par l’ensemble des acteurs de l’entreprise et qu’elles n’ont pas évolué depuis notre premier contrôle : pour les chefs de centre, l’habitat est collectif dès lors qu’il est désigné comme HLM et individuel quand il s’agit de villa et ne sera pas défini pour les commerces et Autres. pour la DRH, l’habitat est collectif dès qu’il est groupé sans que cette notion ne soit inscrite ni dans la convention collective ni prévue par le code du travail. Il en résulte l’impossibilité de contrôler la durée du travail » - En page 6 : « Pour Mr X..., sa feuille de route pour le secteur 121 comporte la distribution de 134 résidences, 410 villas et 100 autres. La classification qui lui est appliquée est Suburbain 1 alors qu’avec un pourcentage de 80 % d’individuel, ce secteur devait être claissé en Rural 1. De même le secteur 116 comporte la distribution de 70 résidences, 196 villas et 270 autres. La notion de « Autres » n’étant pas définie il est impossible de connaître la répartition de l’habitat collectif et de l’habitat individuel. Ce salarié ayant contesté les cadences qui lui étaient appliquées.. l’employeur lui répond par courrier du 12 Août 2011 d’une part qu’il ne partage pas les modalités de calcul et d’autre part que le salarié ne peut pas demander de régularisation des salaires antérieures car les secteurs peuvent faire l’objet d’une évolution de classification, selon Adrexo » ; - En page 8 : « Le tableau ci-dessous reprend l’ensemble des feuilles de route…Il ressort de l’analyse : que certains classements n’ont rien à voir avec le type d’habitat ; que certains classements pourraient être valides si Adrexo avait précisé comme demandé depuis 2008, si le A est collectif ou individuel. Le nombre d’habitat classé Autre est tel qu’il peut modifier le classement retenu » ; - En page 14 : « Il ressort de ces constats que les feuilles de route émises par l’entreprise pour l’établissement de Mudaison pour la période de janvier à octobre 2011 ne mentionnent pas la répartition des habitats collectifs et des habitats individuels concernant plusieurs salariés (parmi lesquels Mr Y...), ce qui constitue une infraction à l’article R 3171-9-1 du code du travail. Les deux principaux responsables de l’entreprise ont parfaitement connaissance du fait que les feuilles de route ne mentionnent pas la répartition de l’habitat collectif et de l’habitat individuel, d’où il découle que le contrôle de la durée du travail ne peut être réalisé dans l’entreprise qu’ils dirigent. Cette situation est préjudiciable aux distributeurs : en effet une partie importante est liée aux temps de distribution des prospectus dans les boîtes aux lettres, temps qui est déterminé en fonction de la proportion de l’habitat collectif et individuel et du poids réel des documents transportés. Par ailleurs, cela : - empêche le contrôle de la durée du travail et interdit tout constat de travail dissimulé par dissimulation d’activité salariée, - empêche les distributeurs ainsi de vérifier la bonne application des dispositions relatives à la préquantification du temps de travail - empêche les salariés de contester les cadences imposées - évite le paiement de toute heure supplémentaire, - minore les remboursements des frais de déplacement réellement engagés par les salariés » ; 2°) un document établi par ses soins indiquant, pour chacun de ses trois secteurs habituels d’intervention, (secteurs Arènes n° 116, Mairie n° 121, Gymnase n° 124) le nombre de « poignées » à distribuer selon le nombre de boîtes à lettres correspondant à des habitats individuels (villas, commerces, autres habitats) et collectifs (résidences), le pourcentage d’habitat collectif obtenu ainsi que la classification qui aurait, selon lui, dû être appliquée au vu de ce pourcentage ; 3 °) un tableau récapitulatif établi par ses soins pour l’année 2010, établi à partir de tableaux mensuels indiquant le nombre d’heures payées (correspondant au nombre indiqué sur les feuilles de route) et la durée du travail minimum mensuelle prétendument nécessaire la différence obtenue sur l’année étant de 373,42 heures, représentant un salaire en euros de 3 308, 48 euros ; 4°) un tableau indiquant pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2011 et pour les mois de janvier 2012 à mai 2012 la durée minimale et maximale de distribution nécessaire pour chacune des journées de distribution ainsi qu’un total mensuel d’heures prétendument nécessaires à ses missions ; 5°) l’ordonnance de référé du Président du tribunal de grande instance de Montpellier du 17 février 2011 ordonnant, sous astreinte, à la Société Adrexo pour son établissement de Mudaison, d’équiper ses personnels travaillant sur tout lieu d’utilisation d’engins de levage de chaussures de sécurité, d’assurer le chauffage des locaux de travail et d’installer des postes de travail ergonomiques avec une chaise ; 6°) l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 20 septembre 2012 infirmant l’ordonnance du juge des référés du 8 décembre 2011, liquidant l’astreinte fixée pour chacune des trois infractions relevées à l’encontre de la SAS Adrexo aux prescriptions mises à sa charges par l’ordonnance du 17 février 2011 et la condamnant à payer la somme de 15 000 euros à l’Ordonnateur du Budget du travail de l’emploi et de la formation professionnelle, relevant que les conditions de travail dans l’atelier ne sont pas satisfaisantes en ce que le local de tri ne présente aucune des caractéristiques de vrais postes ergonomiques et que seuls trois salariés peuvent y travailler ; que la Société Adrexo, déclare que M. X..., à l’instar de l’Inspection du travail, s’abstient de prendre en compte la définition conventionnelle du secteur et occulte une grande partie des termes de la convention collective et de la classification mise en place par ce texte reposant sur une analyse morphologique et métrique de la zone considérée ; qu’elle produit : 1°) les bulletins de salaire de M. X... et les listes détaillées annexées à ces bulletins indiquant dans le détail les lignes de sa rémunération pour chacune de ses missions ; 2°) des photographies aériennes montrant huit zones de densité différentes correspondant aux huit zones de la classification conventionnelle ; 3°) une analyse métrique et morphologique des secteurs litigieux, servant de base à la détermination de l’espacement des boîtes aux lettres les unes par rapport aux autres par un calcul reposant tant sur le nombre total de boîtes à lettres à desservir que sur les plans géographique et cartographique NAVTECH du secteur donnant notamment le nombre de kilomètres des voies, calcul aboutissant à un résultat « d » permettant à la société d’obtenir un nombre de boîtes à lettres géographiquement groupées et un nombre de boîtes à lettre espacées et de déterminer ainsi la proportion sur un secteur donné, des habitats individuels et des habitats collectifs ; qu’il ressort de l’ensemble des éléments fournis que : - le fait que la société n’ait pas indiqué de façon précise et expresse sur les feuilles de route la proportion sur le secteur concerné des habitats collectifs et des habitats individuels, constitutif d’une infraction aux dispositions du code du travail, dans la mesure où il empêche de vérifier l’application correcte des critères de classification et la durée du travail, ne signifie pas pour autant que la classification appliquée aux secteurs concernés ait été systématiquement erronée ou abusive et ne peut constituer un obstacle à la démonstration par la société de ce qu’elle a effectué une application correcte de la classification conventionnelle aux secteur litigieux ; qu’il sera rappelé sur ce point que l’article 2.3.2.3 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe prévoit que lors de la prise en charge de chaque distribution, il est remis au distributeur une feuille de route ou bon de travail comportant notamment le secteur géographique sur lequel s’effectuera le travail et sa qualification (urbain 1,2, suburbain 1,2 ou 3, rural 1,2 ou 3), la part relative de l’habitat collectif individuel, le jour de la programmation de la tournée et le délai butoir pour l’accomplissement de la distribution, la quantité et le nombre de documents à distribuer, le poids emporté, le montant du salaire brut de la tournée et le temps d’exécution défini ; que l’annexe 3 de cette convention collective définit les secteurs en fonction du pourcentage d’habitat collectif et individuel et définit comme suit les secteurs géographiques concernés par le présent litige : - Suburbain 1 : Habitat collectif : 55 à 75 %, Habitat individuel : 25 à 45 %, Secteurs situés en zone suburbaine, avec habitat collectif résidentiel et zone pavillonnaire concentrée plus commerces ; - Suburbain 2 : Habitat collectif : 45 à 55 %, Habitat individuel : 45 à 55 %, Secteur situé en zone suburbaine, constituée égalitairement d’habitat collectif ou individuel, en zone pavillonnaire concentrée ou SIDEX plus commerces ; -Suburbain 3 : Habitat collectif : 25à 45 %, Habitat individuel : 55 à 75 %, Secteur situé en zone suburbaine, constitué d’habitat individuel, villas et pavillons espacés plus commerces ; -Rural 1 : Habitat collectif : 10 à 25 %, Habitat individuel : 75 à 90 %, Secteur en zone rurale constitué d’habitat ancien en un ou plusieurs petits villages distribués de panneaux à panneaux + habitats moderne limitrophe ; -Rural 2 : Habitat collectif : moins de 10 %, Habitat individuel : supérieur à 90 % Secteur en zone rurale, hors village et lotissement, surtout constitué d’habitat individuel neuf ou ancien regroupé en hameau, lieux dits ou SIDEX plus commerces ; -Rural 3 : Habitat collectif : moins de 3 %, Habitat individuel : 97 %, Habitat individuel diffus en zone rurale hors SIDEX. Secteur situé en zone commerciale et/ou en zone industrielle ; que ces définitions intègrent donc des critères morphologiques (habitat collectif vertical, zone pavillonnaire concentrée, villas et pavillons espacés, etc..) et de densité en plus du nombre et du type d’habitat au sens urbanistique du terme, de sorte qu’une villa peut être considérée au rang d’habitat collectif si la zone présente une structure concentrée, de même que certaines zones pavillonnaires dont les boîtes à lettres se trouvent regroupées peuvent être assimilées à des immeubles dans lesquels les boîtes à lettres se trouvent situées à l’entrée de ceux-ci ; que cette même annexe III précise également que la détermination des cadences tient compte de la topographie du secteur, du nombre total de boîtes aux lettres, des problèmes d’accessibilité aux boîtes aux lettres, de la prévention des risques de la présence d’animaux dangereux ou agressifs, et de la prise en compte des problèmes de stationnement ; qu’il en résulte que l’analyse de l’Inspection du travail ne peut être retenue comme élément étayant de la demande formée par M. X..., en ce qu’elle ne repose que sur une analyse urbanistique du type d’habitat et ne se fonde sur aucune constatation de terrain concrète et effective ; que les tableaux établis par M. X... manquent singulièrement de clarté et de précision, en ce que pour chacun des mois concernés ils contiennent des données afférentes au mois précédent, ce qui fausse le résultat final de ses demandes mensuelles, sans par ailleurs que des éléments factuels précis et concrets permettent de confirmer ou de vérifier le volume des heures ainsi avancées et leur adéquation à l’exécution des tâches imparties ; que surtout il ne fournit aucune donnée qui permettrait de remettre en cause les résultats obtenus à partir du logiciel obtenu par la Société Adrexo et de se convaincre de ce que les secteurs qui lui étaient attribués auraient dû être classés en secteur rural 1 en ce qu’ils comprendraient moins de 25 % d’habitat collectif au sens de la convention collective ; que la société justifie ainsi avoir appliqué des critères objectifs aux secteurs concernés par le présent litige et démontre avoir, au vu du taux d’habitat collectif déterminé par l’application de ses critères, justement classé les secteurs 121 et 116 en zone S1 et le secteur 124 en zone S2, ces secteurs ne pouvant relever de la zone rurale au vu de leur définition conventionnelle et de leur configuration ; que par ailleurs, il ressort de l’analyse des feuilles détaillées annexées aux bulletins de salaire que M. X... était rémunéré de son passage au dépôt, ses temps d’attente, de déplacement et de ses temps de préparation des poignées pour chacune de ses missions conformément aux dispositions conventionnelles ; que ses affirmations selon lesquelles il aurait été amené à travailler chez lui pour des temps de travail non rémunérés ne sont d’une part justifiées par aucun élément précis ou concret et d’autre part se trouvent contredites par l’examen du détail de sa rémunération ; qu’il en résulte que la société apporte la démonstration de l’application conforme de la méthode conventionnelle de classification aux secteurs impartis à M. X... et des horaires effectifs de travail en découlant, alors que les éléments apportés par le salarié ne sont pas de nature à étayer l’affirmation selon laquelle sa charge de travail aurait été supérieure à celle pour laquelle il a été rémunéré ; qu’enfin, l’examen des bulletins de paie et du nombre d’heures indiqué sur les listes détaillées mensuelles annexées permet de vérifier que M. X... a été réglé sur la base du SMIC horaire en vigueur ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande en expertise judiciaire, en rappel de salaires et au titre d’un travail dissimulé ; que le rejet des prétentions ci-dessus examinées emporte celui de sa demande d’indemnisation globale tous préjudice confondus au titre de pratiques illicites et abusives de l’employeur ;

Alors 1°) que la cour d’appel a constaté que M. X... produisait, d’une part, le procès-verbal du 24 novembre 2011, établi par l’Inspectrice du travail du département de l’Hérault, à la suite de visites et contrôles effectués dans les locaux de l’entreprise Adrexo située à Mudaison, où travaillait M. X..., et que ce rapport énonçait qu’« à l’exception de l’un d’eux, tous les salariés rencontrés nous font part de l’impossibilité qu’ils ont à réaliser leurs tournées dans les délais impartis. Ils nous indiquent qu’ils réalisent leurs tournées en moyenne en deux fois plus d’heure que celles pré-quantifiées par Adrexo » et, d’autre part, un tableau indiquant pour la période de septembre 2011 à mai 2012 la durée minimale et maximale de distribution nécessaire pour chacune des journées de distribution ainsi qu’un total mensuel d’heures prétendument nécessaires à ses missions ; qu’en décidant que le salarié n’étayait pas son affirmation selon laquelle sa charge de travail aurait été supérieure à celle pour laquelle il avait été rémunéré, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors 2°) qu’après avoir relevé que l’infraction aux dispositions du code du travail commise par la société Adrexo, qui n’avait pas indiqué de façon précise et expresse sur les feuilles de route la proportion sur le secteur concerné des habitats collectifs et des habitats individuels, « empêche de vérifier (…) la durée du travail », la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que l’employeur n’avait pas rapporté la preuve du temps de travail effectif de M. X..., a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors 3°) que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail, prévue par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l’article L. 3171-4 du code du travail ; que selon l’arrêt attaqué, M. X... avait été engagé par la société Adrexo en qualité de distributeur de journaux et prospectus dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel modulé, en application de la convention collective ; que pour débouter le salarié de ses demandes de salaire pour le temps réel de travail, la cour d’appel a relevé qu’il ressortait des feuilles de route annexées aux bulletins de salaire que M. X... était rémunéré de son passage au dépôt, ses temps d’attente, de déplacement et de ses temps de préparation des poignées pour chacune de ses missions « conformément aux dispositions conventionnelles » ; qu’en se fondant ainsi exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies, dont les feuilles de route n’étaient que la reprise, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier , du 12 novembre 2014