Heures au delà forfait non payées - travail dissimulé oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 1 décembre 2016

N° de pourvoi : 15-15805

ECLI:FR:CCASS:2016:SO02247

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er décembre 1986 par la société Arban ; qu’au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de directeur des ventes particuliers et était soumis à une convention de forfait en jours ;

Sur le second moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser une certaine somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut modifier l’objet de la demande tel que cet objet est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en jugeant que l’employeur avait sciemment dissimulé des jours de réduction du temps de travail, ce que ne prétendait pas le salarié, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu’ayant constaté que le salarié ne remettait pas en cause la validité de son forfait en jours et que son manque d’organisation avait été retenu au titre de la cause réelle et sérieuse de son licenciement, en prononçant une condamnation pour travail dissimulé aux motifs inopérants de l’absence de contrôle des conditions d’application de la convention de forfait, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

3°/ qu’en cas de forfait en jours, il n’y a lieu de mentionner sur le bulletin de salaire que la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire ; qu’en condamnant l’employeur au titre d’un travail dissimulé à défaut de mention de la totalité des jours de réduction du temps de travail, la cour d’appel a violé les articles R. 3243-1, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’employeur avait imposé au salarié de travailler au-delà des jours prévus dans la convention de forfait en jours sans mentionner les jours de travail sur les bulletins de paie, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, caractérisé l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l’arrêt condamne l’employeur à payer une certaine somme au titre des jours de réduction du temps de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le salarié réclamait l’allocation de dommages-intérêts pour abus de la convention de forfait en jours et non-respect du repos hebdomadaire, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Arban à verser à M. X... la somme de 23 138,21 euros en paiement des jours de réduction du temps de travail, l’arrêt rendu le 25 février 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Arban.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Société Arban, employeur, à payer à M. Bernard X..., salarié, la somme de 23 138,21 € de paiement de jours de réduction de temps de travail ;

AUX MOTIFS QUE Bernard X... était soumis à un forfait de 204,5 jours ; qu’il ne remet pas en cause la validité du forfait, mais invoque un non-respect du forfait, dans la mesure où il soutient qu’il a travaillé un nombre de jours plus important que celui prévu par le forfait ; que Bernard X... verse son emploi du temps, ses notes de frais et la liste de ses trajets en avion, ainsi que des courriers électroniques envoyés tard le soir, 21 heures, 22 heures et 23 heures ; que l’employeur ne produit pas de document contraire ; qu’il résulte des pièces du salarié un dépassement du forfait de 22,5 jours en 2008, de 18,5 jours en 2009, de 22,5 jours en 2010 et de 21,5 jours en 2011, soit un total de 85 jours ; que Bernard X... invoque une violation des règles relatives au repos hebdomadaire, mais réclame uniquement le paiement de 85 jours de réduction du temps de travail ; que la fiche de paie d’octobre 2012 atteste que l’indemnité par jour de réduction du temps de travail se monte à la somme de 310,58 € et qu’il a été versé à Bernard X... une indemnité de 10,5 jours de réduction du temps de travail ; qu’il reste donc dû le paiement de 74,5 jours de réduction du temps de travail se montant à la somme de 23 138,21 € ; qu’en conséquence, la S.A.R.L. Arban doit être condamnée à verser à Bernard X... la somme de 23 138,21 € en paiement des jours de réduction du temps de travail ;

1) alors en premier lieu que le juge ne peut modifier l’objet de la demande tel que cet objet est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en allouant au salarié la somme de 23 138,21 € en paiement de jours de réduction de temps de travail, quand il demandait la condamnation de l’employeur à lui payer des jours de travail dépassant le forfait en jours non compensés par des jours de repos, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2) alors en outre que la motivation d’une décision de justice s’entend de motifs cohérents et compréhensibles ; qu’en déterminant la somme due en retranchant d’un montant prétendu de jours travaillés au-delà du forfait, des jours de réduction du temps de travail, qui sont de nature différente, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3) alors en tout état de cause que la cour d’appel qui a jugé fondé par une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié prononcé pour insuffisance professionnelle consistant, entre autres, à faire preuve de désorganisation n’a pas tiré les conséquences de ce constat, d’où il résultait nécessairement que l’employeur n’était pas en situation de pouvoir contrôler le temps de travail, la cour d’appel a violé l’article L 3171-4 du code du travail ;

4) et alors enfin que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse aux conclusions d’une partie équivaut à un défaut de motifs ; qu’en condamnant l’employeur sans tenir compte du rappel par ce dernier dans ses conclusions (p. 21), oralement soutenues à l’audience et non contestées sur ce point, que « des sommes éventuellement dues à M. X..., il convient de déduire celles qui lui ont été versées lors de son départ, afférentes aux congés payés, aux congés payés d’ancienneté et au solde d’heures de repos, soit un montant global de 11 430,26 € », la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Société Arban, employeur, à payer à M. Bernard X..., salarié, la somme de 40 512 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE l’article L 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour l’employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que le fait de ne pas inscrire sur les bulletins de paie tous les jours de réduction du temps de travail auquel le salarié avait droit et à ne pas les rémunérer revient à dissimuler une partie du temps travaillé par le salarié et rend applicable le texte précité ; qu’en cas de rupture de la relation de travail, l’article L 8223-1 du code du travail octroie au salarié dont le travail a été dissimulé une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que Bernard X... verse : * une note du comité de direction de Grosfillex du 7 septembre 2010, laquelle indique que la société traverse une des périodes les plus difficiles de son histoire et invite les cadres qui ont droit à 25,5 jours de réduction du temps de travail par an à limiter la prise de leur réduction du temps de travail à 10 jours par an maximum ; * l’attestation de son ancien collaborateur direct, qui témoigne que l’importance de la charge de travail imposait de travailler tard le soir et le week-end et que l’employeur en avait parfaitement conscience et n’a jamais assuré le suivi du forfait ; que l’employeur ne démontre pas qu’il a assuré le suivi du forfait jour comme la loi le lui impose ; qu’il s’évince de ces éléments que l’employeur a sciemment dissimulé le travail du salarié et qu’il est donc redevable de l’indemnité pour travail dissimulé ; que Bernard X... percevait un salaire mensuel de 6 752 € en 2012 ; que l’indemnité se monte donc à la somme de 40 512 € ; qu’en conséquence, la S.A.R.L. Arban doit être condamnée à verser à Bernard X... la somme de 40 512 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

1) alors d’une part que le juge ne peut modifier l’objet de la demande tel que cet objet est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en jugeant que l’employeur avait sciemment dissimulé des jours de réduction du temps de travail, ce que ne prétendait pas le salarié, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2) alors d’autre part qu’ayant constaté que le salarié ne remettait pas en cause la validité de son forfait en jours et que son manque d’organisation avait été retenu au titre de la cause réelle et sérieuse de son licenciement, en prononçant une condamnation pour travail dissimulé aux motifs inopérants de l’absence de contrôle des conditions d’application de la convention de forfait, la cour d’appel a violé les articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail ;

3) alors enfin qu’en cas de forfait en jours, il n’y a lieu de mentionner sur le bulletin de salaire que la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire ; qu’en condamnant l’employeur au titre d’un travail dissimulé à défaut de mention de la totalité des jours de réduction du temps de travail, la cour d’appel a violé les articles R 3243-1, L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 25 février 2015