Fraude non nécessaire

Le : 05/12/2015

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 26 novembre 2015

N° de pourvoi : 14-17976

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01988

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 8221-5 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 5 septembre 2010 en qualité de cuisinier par la société Emma a saisi la juridiction prud’homale en requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient que le contrat de travail à durée indéterminée n’a pas été rompu le 31 décembre 2010 et s’est dans les faits poursuivi après cette date ; que cette dissimulation d’emploi salarié ne saurait ouvrir droit à une indemnité pour travail dissimulé dès lors qu’il n’est pas démontré une intention de fraude caractérisée ;

Qu’en se déterminant ainsi, tout en relevant l’existence d’une dissimulation d’emploi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute le salarié de sa demande en fixation d’une créance au titre de l’indemnité pour travail dissimulé au passif de la société Emma, l’arrêt rendu le 27 mars 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Monsieur X... de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE l’employeur a remis à son salarié une attestation ASSEDIC et un certificat de travail mentionnant que la relation de travail avait pris fin le 31 décembre 2010 ; que la remise de ces documents aurait pu matérialiser la rupture du contrat de travail ; que Monsieur X... conteste l’effectivité de cette rupture et soutient qu’en réalité, la relation de travail sur le même poste et pour le même employeur s’était poursuivie après le 31 décembre 2010 ; qu’à cet égard, il produit de multiples attestations qui témoignent toutes de façon précise que Monsieur X... avait travaillé pour le compte de cette Société dans le restaurent de celle-ci entre le mois de janvier 2011 et le mois de mai 2011, puisque ces personnes rapportent avoir été servies par lui ou l’avoir vu travailler dans le restaurant pendant cette période ; qu’en outre, Monsieur X... verser aux débats les photocopies de trois chèques bancaires tirés par la Société EMMA les 2 février 2011, 2 mars 2011 et 4 mai 2011 pour un montant chaque fois de 400 ¿, chèques qu’il avait remis ensuite à son ex-compagne, qui le confirme dans une attestation, au titre de sa contribution à l’entretien de leurs enfants communs ; que la Société EMMA, qui n’avait aucun lien avec cette ex-compagne, reste totalement taisante sur la cause de ces chèques tirés après le 31 décembre 2010 et avant le 1er juin 2011 ; qu’en l’état de ces indices concordants sur la relation de travail et le versement d’une rémunération, il convient de retenir que, nonobstant la remise des documents susvisés, le contrat de travail à durée indéterminée n’avait pas été rompu et s’était, dans les faits, poursuivi après le 31 décembre 2011 ; que cette dissimulation d’un emploi salarié ne saurait cependant ouvrir droit à une indemnité pour travail dissimulé au profit du salarié, dès lors qu’il n’est pas démontré une intention de fraude caractérisée ;

ALORS QU’aux termes de l’article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu’en concluant que n’était pas établie l’intention de fraude de la part de la Société EMMA, quand il ressortait de ses propres constatations que, se prévalant du terme d’un contrat à durée déterminée inopposable au salarié puisqu’elle était engagée avec lui par un contrat à durée indéterminée, la Société EMMA, tout en prétendant avoir cessé d’employer Monsieur X..., l’avait en réalité fait travailler pendant 5 mois en qualité de cuisinier, sans établir, ni lui remettre de bulletins de paie et sans le déclarer aux organismes sociaux, de sorte que l’intention de dissimuler son emploi de ce salarié était amplement caractérisée, la Cour d’appel a violé l’article susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir évalué les dommages et intérêts de Monsieur X... pour absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement à la somme de 3.500 ¿, toutes causes de préjudices confondues ;

AUX MOTIFS QU’il est constant et non contesté que la relation de travail a débuté le 5 septembre 2010 (...) ; que la fin de la relation de travail à la date du 31 août 2011, matérialisée par la remise des documents légaux afférents à cette remis et reconnue par les deux parties s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de surcroît irrégulier ; que compte tenu de ces circonstances, du montant du salaire brut mensuel (2.971,91 €), de la très faible ancienneté du salarié (7 mois), du nombre de salariés dans l’entreprise (moins de onze) et de ce que le salarié a retrouvé ensuite des emplois, il y a lieu de fixer la créance de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non-respect de la procédure de licenciement, à la somme de 3.500 € toutes causes de préjudices confondues

ALORS QU’en retenant, pour évaluer le préjudice subi par le salarié du fait à la fois du caractère injustifié de son licenciement et de l’irrégularité de la procédure de rupture, qu’il bénéficiait de 7 mois d’ancienneté au jour de la rupture le 31 août 2011, quand elle avait elle-même constaté (arrêt p. 5, § 4) qu’il avait été engagé le 5 septembre 2010, soit quasiment douze mois auparavant, ce qui aurait nécessairement dû la conduire à une évaluation supérieure, la Cour d’appel a violé l’article L.1235-S du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 27 mars 2014