Paiement des heures complémentaires dû

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 16 juin 2010

N° de pourvoi : 08-42758

Publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp, président

M. Flores, conseiller apporteur

Mme Taffaleau, avocat général

Me Copper-Royer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud’hommes d’Angers, 7 avril 2008), que M. X... a été engagé le 5 avril 2006 suivant un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 39 heures par mois en qualité de distributeur de journaux et prospectus ; qu’après avoir démissionné le 7 août 2006, le salarié a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que l’employeur fait grief au jugement de l’avoir condamné à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire, d’indemnité de déplacement et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la convention collective est, par définition, un acte conclu entre des organisations syndicales chargées de la défense des intérêts collectifs des salariés, et des organisations d’employeurs ; que la convention collective nationale de la distribution directe a été conclue par l’ensemble des organisations syndicales représentatives ; qu’en particulier, l’avenant du 1er juin 2006 afférent à la détermination et au contrôle de la durée du travail a été conclu à l’unanimité des organisations syndicales ; qu’en postulant néanmoins, pour écarter l’application de la convention collective nationale de la distribution directe, que la quantification de la durée du travail résultant de cette application constituerait un « temps moyen favorable au seul employeur », et que, par cette application, l’employeur « imposerait » au salarié une distorsion de temps, le conseil de prud’hommes a méconnu la notion même de convention collective, et violé l’article L. 132-2 du code du travail, devenu L.2231-1 ;

2°/ qu’aux termes de l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 étendue par arrêt du 16 juillet 2004 - relatif à la quantification de la durée du travail -, « le calcul de la durée du travail procède, pour les activités de distribution effectuées pour l’essentiel en dehors des locaux de l’entreprise et hors d’un collectif de travail, d’une quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail, conformément aux dispositions de l’annexe III. Cette procédure de quantification au préalable permet de remplir les exigences de l’article L. 212-1-1 du code du travail et les décrets D. 212-7 à 34 relatifs à la mesure et au contrôle du temps de travail » ; que l’annexe III définit les secteurs de distribution, ainsi que les cadences de distribution en fonction des secteurs et du poids de la poignée objet de la distribution ; que l’article 2.3.2.3 de la convention collective prévoit qu’est mentionné sur la feuille de route remise et signée par le distributeur lors de la prise en charge de chaque distribution, le temps d’exécution ainsi défini correspondant à la distribution de chaque poignée ; qu’il s’évince de l’ensemble de ces dispositions que la durée réelle de la distribution est celle résultant de la convention collective, et que le salarié ne peut contester la durée de la distribution telle qu’elle résulte d’une application conforme des règles de quantification préalable fixées par la convention collective, et portée sur la feuille de route, ni en particulier prétendre que le temps réellement nécessaire à l’exécution de sa tournée est supérieur à celui déterminé par la convention collective dont il n’y aurait pas lieu de tenir compte ; qu’en l’espèce, en considérant qu’il y avait lieu de déterminer le temps « réel et nécessaire passé à la distribution », abstraction faite des prévisions de la convention collective nationale de la distribution directe, le conseil de prud’hommes a violé, par refus d’application, ladite convention collective, en particulier ses dispositions précitées ;

3°/ qu’en outre, la durée d’une tournée « test » effectuée par un autre salarié que celui réclamant le rappel de salaire litigieux, à titre de simulation dans le cadre d’une mesure d’instruction diligentée par le conseil de prud’hommes, ne permet en rien de déterminer la durée effective des distributions au titre desquelles le salarié demandeur réclame un rappel de salaires ; qu’il s’agit, tout au plus, d’un référentiel théorique sui generis, qui ne saurait en aucun cas supplanter le dispositif de quantification de la durée du travail mis en place par la convention collective, ni justifier la rémunération du salarié sur la base de ce référentiel distinct de sa propre durée effective de travail ; qu’en l’espèce, en écartant l’application du système de quantification de la durée du travail issu de la convention collective, au motif inopérant qu’il faisait référence à un temps moyen par tournée, pour lui substituer un référentiel théorique, ne correspondant en rien au temps effectivement mis par M. X... pour effectuer ses tournées, tout en condamnant l’employeur à rémunérer le salarié sur la base de ce référentiel, le conseil de prud’hommes a violé par refus d’application la convention collective nationale de la distribution directe, ensemble les articles L. 212-1-1 et L. 212-4 du code du travail, devenus L. 3171-4 et L. 3121-1, et a entaché sa décision d’excès de pouvoir ;

Mais attendu que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Et attendu, qu’usant des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 3171-4 du code du travail, le conseil de prud’hommes a examiné les éléments produits par chacune des parties, au nombre desquels se trouve la quantification préalable conventionnelle de la durée du travail du salarié, ainsi que le résultat de la mesure d’enquête qu’il avait ordonnée, et a fixé le montant du rappel de salaire dû au titre des heures supplémentaires effectuées ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Adrexo aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la société Adrexo et condamne celle-ci à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Adrexo

Il est fait grief au jugement attaqué d’AVOIR condamné un employeur, la société Adrexo (exposante), à payer à son salarié, diverses sommes à titre de rappels de salaires et d’indemnités de déplacement et de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE du rapport d’enquête déposé, il ressortait que le temps nécessaire pour effectuer une tournée était de 4H40, ce qui ne correspondait ni au temps réclamé par le salarié, 13 heures, ni à celui rémunéré, 2h30 ; qu’il importait peu que la CCN et le protocole d’accord fassent référence à un temps moyen par tournée, le salarié n’ayant pas à subir la distorsion de temps que lui imposait l’employeur ; que ce qui était contesté par le salarié était le temps imparti pour chaque mission ; que le salarié devait être rémunéré sur le temps nécessaire et réel passé à la distribution et non pas sur un temps moyen favorable au seul employeur ;

1°) ALORS QUE la convention collective est, par définition, un acte conclue entre des organisations syndicales chargées de la défense des intérêts collectifs des salariés, et des organisations d’employeurs ; que la convention collective nationale de la distribution directe a été conclue par l’ensemble des organisations syndicales représentatives ; qu’en particulier, l’avenant du 1er juin 2006 afférent à la détermination et au contrôle de la durée du travail a été conclu à l’unanimité des organisations syndicales ; qu’en postulant néanmoins, pour écarter l’application de la convention collective nationale de la distribution directe, que la quantification de la durée du travail résultant de cette application constituerait un « temps moyen favorable au seul employeur », et que, par cette application, l’employeur « imposerait » au salarié une distorsion de temps, le conseil de prud’hommes a méconnu la notion même de convention collective, et violé l’article L. 132-2 du Code du travail, devenus L.2231-1 ;

2°) ALORS QU’aux termes de l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 étendue par arrêt du 16 juillet 2004 – relatif à la quantification de la durée du travail -, « le calcul de la durée du travail procède, pour les activités de distribution effectuées pour l’essentiel en dehors des locaux de l’entreprise et hors d’un collectif de travail, d’une quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail, conformément aux dispositions de l’annexe III. Cette procédure de quantification au préalable permet de remplir les exigences de l’article L. 212-1-1 du code du travail et les décrets D.212-7 à 34 relatifs à la mesure et au contrôle du temps de travail » ; que l’annexe III définit les secteurs de distribution, ainsi que les cadences de distribution en fonction des secteurs et du poids de la poignée objet de la distribution ; que l’article 2.3.2.3 de la convention collective prévoit qu’est mentionnée sur la feuille de route remise et signée par le distributeur lors de la prise en charge de chaque distribution, le temps d’exécution ainsi défini correspondant à la distribution de chaque poignée ; qu’il s’évince de l’ensemble de ces dispositions que la durée réelle de la distribution est celle résultant de la convention collective, et que le salarié ne peut contester la durée de la distribution telle qu’elle résulte d’une application conforme des règles de quantification préalable fixées par la convention collective, et portée sur la feuille de route, ni en particulier prétendre que le temps réellement nécessaire à l’exécution de sa tournée est supérieur à celui déterminé par la convention collective dont il n’y aurait pas lieu de tenir compte ; qu’en l’espèce, en considérant qu’il y avait lieu de déterminer le temps « réel et nécessaire passé à la distribution », abstraction faite des prévisions de la convention collective nationale de la distribution directe, le conseil de prud’hommes a violé, par refus d’application, ladite convention collective, en particulier ses dispositions précitées ;

3°) ALORS QU’en outre, la durée d’une tournée « test » effectuée par un autre salarié que celui réclamant le rappel de salaire litigieux, à titre de simulation dans le cadre d’une mesure d’instruction diligentée par le conseil de prud’hommes, ne permet en rien de déterminer la durée effective des distributions au titre desquelles le salarié demandeur réclame un rappel de salaires ; qu’il s’agit, tout au plus, d’un référentiel théorique sui generis, qui ne saurait en aucun supplanter le dispositif de quantification de la durée du travail mis en place par la convention collective, ni justifier la rémunération du salarié sur la base de ce référentiel distinct de sa propre durée effective de travail ; qu’en l’espèce, en écartant l’application du système de quantification de la durée du travail issu de la convention collective, au motif inopérant qu’il faisait référence à un temps moyen par tournée, pour lui substituer un référentiel théorique, ne correspondant en rien au temps effectivement mis par M. X... pour effectuer ses tournées, tout en condamnant l’employeur à rémunérer le salarié sur la base de ce référentiel, le conseil de prud’hommes a violé par refus d’application la convention collective nationale de la distribution directe, ensemble les articles L. 212-1-1 et L. 212-4 du Code du travail, devenus L. 3171-4 et L.3121-1, et a entaché sa décision d’excès de pouvoir.

Publication : Bulletin 2010, V, n° 144

Décision attaquée : Conseil de prud’hommes d’Angers , du 7 avril 2008

Titrages et résumés : TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Travail effectif - Accomplissement - Preuve - Documents fournis aux juges - Quantification du travail par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective de la distribution directe du 9 février 2004 - Elément suffisant (non)

La quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l’exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévu par l’article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l’article L. 3171-4 du code du travail

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective de la distribution directe du 9 février 2004 - Chapitre IV - Article 2.2.1.2 - Quantification de la durée du travail - Portée

Textes appliqués :
• article 2.2.1.2 du Chapitre IV de la convention collective de la distribution directe du 9 février 2004 ; article L. 3171-1 du code du travail