Vente de produits de beauté - gérant de succursale assujetti oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 8 février 2005

N° de pourvoi : 03-40731

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. CHAGNY conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... a conclu le 17 mai 1988 avec la société laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (Yves Rocher) un contrat de franchise d’une durée de cinq années pour le distribution des produits de cette marque ; que le magasin qu’elle exploitait ayant été transféré en 1993 dans de nouveaux locaux appartenant à une filiale de la société Yves Rocher, Mme X... est devenue en 1995 gérante libre du fonds de vente de produits de beauté et de soins de la société Yves Rocher, exploité en ce lieu, les marchandises proposées à la vente lui étant alors fournies en dépôt, avec mandat de les vendre et de remettre le produit de la vente à la société Yves Rocher, propriétaire du fonds loué ; qu’après un nouveau changement de local, fourni par la société Yves Rocher, celle-ci a résilié au mois de mai 2000 le contrat de gérance libre, avec effet au 15 juillet suivant ; que Mme X... a saisi le juge prud’homal de demandes en paiement de salaires, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la société Yves Rocher fait grief à l’arrêt attaqué (Nîmes, 20 décembre 2002) d’avoir dit que les dispositions du Code du travail étaient applicables à Mme X... et que le juge prud’homal était compétent pour connaître des demandes de cette dernière, en renvoyant la cause et les parties devant le conseil de prud’hommes alors, selon le moyen :

1 / qu’en se bornant à relever que les contrats passés par la société Yves Rocher avec Mme X... “avaient pour objet de vendre des produits de beauté et des soins esthétiques”, ce dont il ne résulte pas que la profession de cette dernière ait consisté essentiellement dans la vente de marchandises et de denrées fournies exclusivement ou presque exclusivement par la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 781-1, 2 du Code du travail ;

2 / qu’en s’abstenant de toute explication et précision quant aux conditions d’exercice par Mme X... de son activité, autres que celles relatives à l’agencement du magasin et au prix des produits, bien que la société Yves Rocher ait soutenu dans ses conclusions que Mme X... conservait la responsabilité exclusive de sa gestion et des résultats de son exploitation, qu’elle affectait comme bon lui semblait, qu’elle tenait seule ses livres de comptabilité et respectait les obligations légales et réglementaires qui lui incombaient, qu’aucune clause ne limitait sa liberté de choix des membres de son personnel, ni ne la liait aux horaires d’ouverture et aux jours de congés, la cour d’appel, d’une part, n’a pas répondu aux conclusions de la société et a ainsi violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, d’autre part, en tout état de cause, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 781-1, 2 du Code du travail ;

3 / qu’en se bornant à relever que Mme X... était dans l’impossibilité de pratiquer une politique personnelle de prix, sans qu’il résulte de ses énonciations que celle-ci ait été tenue de se conformer aux prix imposés par la société Yves Rocher et sans s’expliquer sur l’importance ou la faiblesse de la marge résultant de la commission dont elle bénéficiait, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 781-1, 2 du Code du travail ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 781-1, 2 du Code du travail, les dispositions de ce Code qui visent les apprentis, ouvriers, employés et travailleurs sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises ou denrées de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par ladite entreprise ; qu’il résulte de ce texte que dès lors que les conditions sus-énoncées sont, en fait, réunies, quelles que soient les énonciations du contrat, les dispositions du Code du travail sont applicables, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence d’un lien de subordination ;

Et attendu que la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer la recherche visée dans la deuxième branche du moyen, a retenu que Mme X..., qui exerçait en dernier lieu son activité dans des locaux fournis par la société Yves Rocher et exploités sous l’enseigne “Centre de beauté Yves Rocher”, assurait essentiellement dans ce magasin la vente au public des marchandises que la société Yves Rocher, son seul fournisseur, lui confiait en dépôt, que les conditions d’exercice de cette activité étaient définies par le fournisseur et que sa contractante ne disposait plus de la liberté de fixer le prix de vente des marchandises déposées ; qu’elle a, par ces seuls motifs et sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laboratoires Yves Rocher aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille cinq.

Décision attaquée : cour d’appel de Nîmes (chambre sociale) du 20 décembre 2002