Commerce de détail non alimentaire

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 23 novembre 2004

N° de pourvoi : 04-81551

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois novembre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Eric,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème chambre, en date du 19 février 2004, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail, 1984 du Code civil, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Eric X... coupable du délit d’exercice d’un travail dissimulé pour avoir intentionnellement dissimulé l’emploi salarié de Didier Y..., Sandrine Y..., Chrystèle Z..., Guillaume A..., Sonia B..., Jacques C..., Véronique C..., Jean-Claude D..., Brigitte D..., Lionel E..., Marie-Madelaine E..., Céline F..., Yves G..., Cédric H..., Angélique I..., Christian J..., Chrystèle K..., Lydie L..., Flora M..., Grégory N..., David O..., Arnaud P..., Stéphanie Q..., Christophe Y..., Florence R... et Vincent S... sous le faux statut de gérant d’une SARL Y... Affaires créée pour éluder la loi, d’avoir omis de faire précéder leur embauche d’une déclaration préalable à l’embauche auprès de l’URSSAF de Lyon et omis de délivrer un bulletin de paie lors de leur rémunération mensuelle ;

”aux motifs que l’activité de la SARL Y... Affaires était l’animation commerciale du magasin Babou de Vénissieux, le personnel étant composé de deux gérants, neuf co-gérants et de 34 salariés ; qu’il est établi que sous le couvert de la convention de mandat conclue entre cette société et la société Eurotextile, les gérants et co-gérants de la SARL Y... Affaires se trouvaient placés à l’égard d’Eric X..., président directeur général de la société Eurotextile, dans une situation de subordination juridique et de dépendance économique caractérisant l’existence d’un contrat de travail ;

”1 ) alors que la cour d’appel ne pouvait tenir pour établis les faits de la prévention, qui concernaient l’emploi dissimulé de vingt-six personnes qui auraient été dissimulées sous le faux statut de gérants de la SARL Y... Affaires, tout en constatant explicitement dans son arrêt que cette société comptait deux gérants et neuf cogérants, soit onze gérants et cogérants au total ;

qu’en tenant pour établies les infractions reprochées caractérisées par l’emploi de 26 gérants, tout en constatant que la SARL Y... Affaires ne comptait que 11 gérants et co-gérants, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

”2 ) alors, subsidiairement, qu’à supposer que la Cour ait entendu constater la commission d’infractions relativement à l’emploi dissimulé de onze personnes seulement (deux gérants et neuf co-gérants), la prévention devant être écartée pour les autres, il lui appartenait d’énoncer précisément quelles personnes auraient été employées comme salariés dissimulés ; qu’en se prononçant par des motifs généraux, ne permettant pas d’identifier chacune des infractions sanctionnées et celles pour lesquelles une relaxe aurait (implicitement) été prononcée, l’arrêt attaqué ne met pas la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et se trouve privé de base légale” ;

Attendu qu’Eric X... a été déclaré coupable de la seule dissimulation des emplois de 11 salariés sous le couvert de leur qualité de gérants et de cogérants de la société Y... affaires ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail, 1984 du Code civil, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Eric X... coupable du délit d’exercice d’un travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ;

”aux motifs que le capital de la SARL Y... Affaires, soit 50 000 francs, était divisé en 500 parts réparties entre Didier Y... (225 parts), Sandrine T..., épouse Y... (230 parts) et les neuf co-gérants (5 parts chacun) ; ( ) que la SARL Y... Affaires s’est engagée par une convention de mandat du 8 février 1999 envers la société Eurotextile à assurer l’animation commerciale du magasin Babou de Vénissieux ; que la SA Eurotextile est propriétaire des locaux, du fonds de commerce et de l’enseigne sans qu’aucun loyer ne soit dû par la SARL Y... Affaires ; qu’il est interdit à celle-ci de vendre d’autres produits que ceux fournis par Eurotextile et qu’elle doit respecter les prix, les méthodes de vente, l’organisation et la présentation du magasin imposés par la SA Eurotextile, des inspecteurs étant régulièrement envoyés afin de vérifier le respect des prescriptions ; que les gérants de la SARL Y... Affaires doivent informer la société Eurotextile des jours et heures d’ouverture du magasin, l’accord de cette dernière étant nécessaire pour leur modification à peine de résiliation du mandat ;

que la recette de la journée est déposée sur un compte bancaire de la société Eurotextile, laquelle rétrocède à la SARL Y... Affaires un pourcentage de 9,5 % du chiffre d’affaires mensuel ; que parmi les neuf co-gérants que comporte la SARL Y... Affaires, certains sont considérés comme “fixes” et choisis par les époux Y... avec l’accord de la SA Eurotextile et d’autre comme “stagiaires”, ces derniers étant recrutés directement par la société Eurotextile et susceptibles d’être affectés dans un délai de trois à six mois dans un autre magasin Babou ; qu’aucun des co-gérants ne bénéficie d’une autorisation de signature sur le compte bancaire de la SARL Y... Affaires et ne participe au recrutement des salariés sur lesquels ils n’ont aucun pouvoir disciplinaire ; que leur rémunération est fixe, les charges sociales correspondant au statut de travailleur indépendant étant réglées par la SA Eurotextile ; que leur responsabilité s’apparente à celle d’un chef de rayon ; que si le choix des entreprises extérieures intervenant dans le magasin incombe aux gérants, il s’effectue avec l’accord de la société Eurotextile ; que les démarches concernant l’immatriculation comme travailleurs indépendants des gérants et co-gérants de la SARL Y... Affaires, le paiement des charges sociales et la mise à jour des documents officiels sont réalisées par le cabinet comptable et le cabinet de conseil juridique de la société Eurotextile ; que la plupart des co-gérants sont dans l’ignorance du nombre et du prix

des parts qu’ils détiennent et qu’aucun ne se souvient d’avoir été convoqué à une assemblée générale de la SARL Y... Affaires ; qu’il est ainsi établi que sous le couvert de la convention de mandat conclue entre les deux sociétés, les gérants et co-gérants de la SARL Y... Affaires se trouvaient placés à l’égard de Monsieur X..., président directeur général de la société Eurotextile, dans une situation de subordination juridique et de dépendance économique caractérisant l’existence d’un contrat de travail, le montage juridique ainsi réalisé n’ayant d’autre but que d’éluder la législation sociale applicable aux travailleurs salariés ;

”1 ) alors qu’une situation de dépendance économique ne suffit pas à caractériser l’existence d’un contrat de travail ; qu’en se bornant à retenir que la SARL Y... Affaires était tenue à une obligation d’approvisionnement exclusif, devait respecter les prix et méthodes de vente fixés par Eurotextile et requérir son accord pour modifier les jours et heures d’ouverture du magasin, en y ajoutant que les recettes de l’activité étaient versées sur un compte de la société Eurotextile - ce qui était inhérent à la situation de mandante de celle-ci - sans constater que la société Eurotextile donnait quotidiennement des instructions aux époux Y... et avait le pouvoir de les sanctionner, au besoin par la révocation, s’ils ne respectaient pas ces instructions et sans rechercher si les époux Y... ne jouissaient pas d’une autonomie réelle dans l’exploitation du magasin qui leur était confiée, notamment pour le recrutement du personnel salarié, l’animation du magasin, la détermination des mesures propres à assurer son bon entretien, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

”2 ) alors, en outre, que constatant que la rémunération de la SARL Y... était exclusivement fonction du chiffre d’affaires du magasin qu’elle exploitait et que les époux Y... détenaient la majorité des parts sociales de la SARL du même nom, cependant que la SARL décidait seule de sa politique salariale (34 salariés) et réglait toutes les charges d’exploitation du magasin de Vénissieux, ce dont il se déduisait qu’elle assumait les risques de l’entreprise dans des conditions exclusives de toute relation salariale, la Cour ne pouvait, sans violer les textes susvisés, retenir que le dirigeant de la société Eurotextile se serait rendu coupable de la dissimulation du travail salarié des époux Y... ;

”3 ) alors que le fait que la société Eurotextile ait réglé les charges sociales de travailleurs indépendants des co-gérants “fixes”, et qu’elle ait en outre choisi les cogérants dits “stagiaires”, n’impliquait de la part de ces derniers aucun lien de subordination à son égard, dès lors qu’elle ne leur donnait aucune directive et ne contrôlait pas leur activité ; qu’en se fondant sur ces seuls motifs, sans constater que la société Eurotextile aurait eu le pouvoir d’imposer aux co-gérants “stagiaires” une mutation dans un autre magasin de l’enseigne Babou, pour décider qu’Eric X..., président directeur général de la société Eurotextile s’était rendu coupable de la dissimulation d’emploi salarié de ces cogérants, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”4 ) alors, enfin, qu’en retenant que la rémunération des neuf cogérants était fixe, tout en constatant qu’ils détenaient chacun cinq parts sociales, ce dont il résultait que, comme l’avaient relevé les premiers juges, ils profitaient à due proportion des bénéfices distribués, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations” ;

Attendu que le moyen se borne à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, que, sous le couvert de leur qualité de gérants de la société Y... affaires mandataire de la société Eurotextiles, pour deux d’entre eux, et de cogérants pour les neuf autres, le prévenu a employé en fait onze personnes sans effectuer aucune déclaration auprès des organismes sociaux et sans leur remettre de bulletin de paie ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Lyon, 4ème chambre du 19 février 2004