Centre de beauté - assujetti code du travail oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 16 septembre 2015

N° de pourvoi : 14-17371

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01326

Publié au bulletin

Rejet

M. Frouin, président

M. Ludet, conseiller apporteur

M. Liffran, avocat général

SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 18 mars 2014), que le 25 juillet 1995 la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société Yves Rocher) et Mme Y... ont conclu un contrat de franchise, d’une durée de cinq ans renouvelable pour exploiter un centre de beauté Yves Rocher ; que, par lettre du 6 décembre 1999, la société Yves Rocher a notifié à Mme Y... sa volonté de ne pas renouveler le contrat de franchise, que Mme Y... ayant souhaité voir se poursuivre les relations commerciales, celles-ci se sont poursuivies, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée signé le 30 janvier 2007 ; que par lettre recommandée du 22 décembre 2007, Mme Y... a résilié le contrat de franchise qui la liait à la société Yves Rocher ; que Mme Y... a saisi la juridiction prud’homale ;

Sur le premier moyen pris en ses trois premières branches :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen pris en ses autres branches :

Attendu que la société Yves Rocher fait grief à l’arrêt de dire que Mme Y... pouvait se prévaloir du statut de gérant de succursale prévu par les articles L. 7321-1 et suivants du code du travail et de la condamner à payer à celle-ci des sommes à titre d’heures supplémentaires, d’indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d’appel a constaté que dès 1997 le local dans lequel Mme Y... exerçait son activité n’était plus conforme aux normes recommandées par la société Yves Rocher laquelle, en ce sens, ne l’avait pas « agréée » et que néanmoins le contrat s’était poursuivi postérieurement à cette date ; qu’il en résultait nécessairement que l’ « agrément » n’était pas nécessaire à la poursuite de l’activité de sorte que la condition tenant à l’exercice de la profession dans un local fourni ou agréé par l’entreprise n’était pas satisfaite en l’espèce ; que la cour d’appel a, pour décider du contraire, affirmé que la poursuite de la relation contractuelle démontrait que la société Yves Rocher avait « nécessairement maintenu son agrément » ; qu’en retenant que la poursuite de l’activité impliquerait l’existence d’un agrément tacite, quand il lui incombait au contraire de vérifier si l’agrément était nécessaire à la poursuite de l’activité, la cour d’appel a méconnu son office et a ainsi, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-1 du code du travail ;

2°/ qu’en vertu du règlement CE 2790/1999 applicable en la cause et du nouveau règlement 330/2010 (art. 4), les accords verticaux relatifs aux conditions de prix entre des partenaires qui se situent à un niveau différent au sein d’un même réseau peuvent améliorer l’efficience d’une chaîne de distribution et autoriser le fournisseur à imposer un « prix de vente maximal » ou à « recommander » un prix de vente sous certaines conditions ; que la société Yves Rocher faisait précisément valoir qu’elle se borne à fixer des prix maximaux en cas de campagne promotionnelle et, pour les autres cas, à indiquer dans le logiciel de gestion des « prix conseillés » que le distributeur est totalement libre de modifier par une simple manipulation informatique, ce que confirmait l’analyse à laquelle avait procédé le Conseil de la concurrence dans sa décision du 6 juillet 1999 ; qu’en refusant d’examiner ces pratiques particulières, propres au réseau de distribution, et en affirmant sans discernement que l’exploitante franchisée n’avait pas la liberté de fixer les prix de vente des marchandises de telle sorte que Mme Y... pouvait revendiquer l’application du code du travail, la cour d’appel a privé la société Yves Rocher de la faculté d’exercer normalement son activité en pratiquant seulement des « prix maxima » ou des « prix conseillés » dans un réseau constitué par des entreprises intervenant à un niveau différent, en conformité avec le droit européen et a violé ensemble les articles 101, § 3 du Traité, et les articles 4 des règlements 2790/1999 et 330/2010, les principes de primauté, d’effet direct, d’effectivité et de confiance légitime relevant du droit européen, et, par fausse application les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du code du travail ;

3°/ que la société Yves Rocher avait fait valoir dans ses conclusions d’appel auxquelles les juges du fond se réfèrent, qu’il lui était impossible d’imposer des prix de vente à Mme Y... dès lors qu’en vertu du règlement CE 2790/1999 applicable en la cause et du nouveau règlement 330/2010 (art. 4), les accords verticaux relatifs aux conditions de prix entre des partenaires qui se situent à un niveau différent au sein d’un même réseau peuvent seulement autoriser le fournisseur à imposer un « prix de vente maximal » ou à « recommander » un prix de vente sous certaines conditions ; que la société Yves Rocher faisait précisément valoir qu’elle se bornait, en application de ces règles dont l’application directe découlait du contenu des accords contractuels qui la liaient à Mme Y..., à fixer des prix maximaux en cas de campagne promotionnelle et, pour les autres cas, à indiquer dans le logiciel de gestion des « prix conseillés » que le distributeur est libre de modifier par une simple manipulation informatique, ce que confirmait l’analyse à laquelle avait procédé le Conseil de la concurrence dans sa décision du 6 juillet 1999 ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen de défense décisif, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, qui a retenu que dès 1997 le local n’était plus aux normes « 4e génération » fixées par la société Yves Rocher en raison de l’opposition de l’architecte des bâtiments de France à leur évolution et qu’en poursuivant la relation contractuelle puis en concluant un contrat à durée indéterminée, la société Yves Rocher avait nécessairement maintenu son agrément pour toute la période contractuelle,

a fait ressortir que cette société ne pouvait utilement se prévaloir d’un défaut d’agrément du local de sa part dès lors qu’elle avait maintenu une relation contractuelle avec Mme Y... pour la poursuite par celle-ci de la commercialisation des produits Yves Rocher ;

Attendu, ensuite, que la circonstance que les pratiques de prix mises en oeuvre par la société Yves Rocher dans ses rapports avec ses distributeurs échapperaient, en vertu de règlements communautaires d’exemption, à la prohibition des ententes entre entreprises découlant des articles 81 et 82 du traité CE est dépourvue de lien avec la prise en considération, au titre des dispositions de l’article L. 7321-2, 2° du code du travail, qui permettent à des gérants de succursales de se prévaloir à l’égard de la société-mère de l’application de dispositions de ce code, de l’existence de prix imposés aux gérants de ses succursales par la société Yves Rocher sans qu’il en résulte la moindre prohibition de cette pratique qu’elle met ainsi en oeuvre ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Yves Rocher fait grief à l’arrêt de décider que le salaire de référence mensuel de Mme Y... devait être fixé à la somme de 2 687 euros et, sur le fondement de ce salaire de référence, de condamner la société Yves Rocher à lui payer des sommes à titre d’heures supplémentaires, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé ; que le travailleur qui obtient l’application des dispositions du code du travail par application de l’article L. 7321-2 du code du travail doit voir sa rémunération établie en considération de la classification conventionnelle résultant des fonctions qu’il a réellement exercées et au salaire minimum conventionnel correspondant ou, à défaut, par rapport au SMIC ; que le principe « à travail égal, salaire égal » commande seulement d’assurer l’égalité de rémunération entre salariés qui ont un même travail ou un travail de valeur égale, sous réserve de l’existence de raisons objectives et pertinentes pouvant justifier une différence de traitement ; que la demanderesse demandait à ce que lui soit attribué le même que salaire Mme Z..., directrice d’un institut Yves Rocher à Versailles à savoir 2 687 euros bruts mensuels ; que pour faire droit à cette demande, la cour d’appel a affirmé que la société Yves Rocher ne démontrait pas que ce salaire précité correspondait à la direction d’un institut de dimension et de chiffre d’affaires plus élevé que celui de Sarlat ; qu’en statuant de la sorte, sans examiner les pièces comptables de l’établissement de Versailles, produites aux débats par la société Yves Rocher, et expressément visées dans ses conclusions d’appel, en vue d’établir que l’institut de Versailles était d’une dimension non comparable à celui de Sarlat de sorte que la rémunération perçue par Mme Z... ne pouvait servir de référence pour la détermination de la rémunération à laquelle pouvait prétendre Mme Y..., la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut s’appliquer qu’entre salariés de la même entreprise ; qu’en attribuant à Mme Y... exactement le même salaire mensuel que celui que percevait Mme Z..., directrice de l’institut de Versailles, sans établir l’employeur de cette dernière, cependant que la société Yves Rocher faisait valoir que Mme Z... percevait un salaire qui lui était versé par une autre société, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard du « principe à travail égal, salaire égal », ensemble les articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du code du travail ;

Mais attendu que c’est à bon droit que la cour d’appel, motivant sa décision, ne s’est pas référée à un accord de salaires ne prévoyant pas le coefficient qu’elle retenait et a fixé le montant de la rémunération en fonction des éléments qui lui étaient soumis, relatifs au salaire perçu par une autre personne exerçant la même fonction ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen, qui vise, en sa deuxième branche, des motifs surabondants, ne tend pour le surplus qu’à contester l’appréciation souveraine par la cour d’appel des éléments de fait et de preuve produits par les deux parties, et du mode de calcul qui lui est apparu le meilleur ; qu’il ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Yves Rocher fait grief à l’arrêt de dire que la rupture des relations contractuelles produisait les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de la condamner à payer à Mme Y... des sommes au titre de cette rupture alors, selon le moyen :

1°/ que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d’une démission ; qu’en l’espèce il était constant aux débats que Mme Y... avait manifesté sans réserve, et sans faire état d’un différend avec la société Yves Rocher, sa volonté de mettre fin à la relation contractuelle par un courrier en date du 22 décembre 2007, et que ce n’est que trois mois plus tard, par un courrier en date du 28 mars 2008, qu’elle a formulé pour la première fois un reproche à l’égard de la société Yves Rocher en lui imputant la responsabilité de la rupture ; qu’en requalifiant en prise d’acte de la rupture la manifestation de volonté claire et non équivoque de Mme Y... tendant à rompre le contrat de travail, sans caractériser l’existence d’un différend antérieur ou contemporain de ladite manifestation de volonté ni faire ressortir en quoi celle-ci était équivoque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du code civil ensemble les articles L. 1237-1 et L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que la cour d’appel s’est bornée à relever, pour dire que la prétendue prise d’acte était justifiée, que la société Yves Rocher avait refusé à six reprises le transfert du local de l’institut dirigé par Mme Y..., et qu’elle avait refusé de faire droit à sa demande de prendre la direction des instituts de Brive et Trélissac ; qu’en statuant de la sorte, sans faire ressortir en quoi ces refus étaient fautifs ni en quoi ils rendaient impossible la poursuite de la relation contractuelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1134 du code civil, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que le local n’était plus aux normes nouvelle génération de la société Yves Rocher depuis 1997 et que celle-ci avait refusé sans justification six propositions de transfert de local de l’institut sur Sarlat qu’avait formulées Mme Y..., et n’avait pas fait droit à sa demande d’étendre son activité aux instituts de Brive et Trélissac, faisant ressortir que le déséquilibre économique de son activité acculait Mme Y... au départ, sans pouvoir vendre sa clientèle et son fonds de commerce ni pouvoir faire reprendre le contrat de travail de ses salariées qu’elle avait dû licencier, a caractérisé l’existence d’un différend antérieur à sa lettre du 22 décembre 2007 de même que des manquements suffisamment graves de la société Yves Rocher empêchant la poursuite de la relation contractuelle ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Madame Y... pouvait se prévaloir du statut de gérant de succursale prévu par les articles L. 7321-1 et suivants anciennement L. 781-1 et suivants du Code du travail et d’AVOIR, en conséquence, condamné la société YVES ROCHER à lui payer les sommes de 33.240 € à titre de rappel d’heures supplémentaires congés payés compris, 8.736 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la requalifiçation du contrat de franchise en contrat de gérante de succursale visé par les articles L,7321.-2 du code du travail, sollicitée par Madame Y... L’article L.7321-2 2° du code du travail dispose qu’est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont exclusivement ou presque exclusivement fournies par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agrée par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise. 1ère condition : essentiellement vendre des marchandises de toute nature qui sont exclusivement ou presque exclusivement fournies par une seule entreprise. En l’espèce, il n’est pas contesté que la Madame Y... vendait des marchandises fournies exclusivement par Yves Rocher (la société Yves Rocher reconnait elle-même dans ses conclusions que seule la cire utilisée pour les épilations n’était pas nécessairement fournie par elle). Il est établi que chaque année d’exploitation, le CA généré par la vente de produits était bien supérieur à celui généré par les soins. C’est ainsi qu’en 2008 Madame Y... a enregistré un chiffre d’affaires de 240 k€ en produits Yves Rocher contre 41 K€ pour les soins. Ce qui est, d’ailleurs, confirmé par les tableaux établis par la société Yves Rocher, elle-même, (page 18 de ses conclusions) dont il résulte que le chiffre d’affaires annuel de Madame Y... était réalisé entre 84,7 % et 86,3 % par la vente de produits Yves Rocher et entre 13,7 % et 15,3 % par l’activité de soins, réalisés exclusivement avec des produits Yves Rocher, activité de soins, également expressément prévue par le contrat de franchise qui précisait que seuls les produits et traitements autorisés par la société Yves Rocher pouvaient être respectivement utilisés et effectués (6.6). Il s’en déduit que la profession de Madame Y... consistait bien essentiellement à vendre des marchandises fournies exclusivement par Yves Rocher et qu’en conséquence le premier critère est rempli. 2ème condition : dans un local fourni ou agréé par cette entreprise La Société Yves Rocher reconnait à l’appui de son appel que le fonds de commerce et le local acquis par Madame Y... correspondait bien aux normes fixées par elle (franchiseur) et qu’elle avait donc agréé ce local. Toutefois, dès 1997 ce local n’était plus aux nonnes “4ème génération” fixées par la Société Yves Rocher et encore moins en 2004 ou les nouvelles normes de la 5ème génération avaient été établies. Raison pour laquelle elle ne pouvait “agréer” le local d’exploitation de Madame Y.... L’architecte des bâtiments de France ayant refusé l’autorisation de travaux envisagés par Madame Y... pour lui permettre de faire évoluer son local, en vue (l’obtenir l’agrément de la Société Yves Rocher. Celle-ci fait valoir que ce deuxième critère n’est pas rempli par Madame Y.... La Société Yves Rocher reconnaît que la transformation de ce magasin ne relève pas de l’absence volonté de Madame mais seulement de l’avis de l’architecte des bâtiments de France. Or, en poursuivant la relation contractuelle puis en passant ce contrat à durée indéterminée, Yves Rocher a nécessairement maintenu son agrément pour toute la période contractuelle en conséquence, réforme la décision attaquée. 3ème condition : conditions d’exploitation imposées par l’entreprise Il résulte des pièces produites par Madame Y... que la Société Yves Rocher fixait les objectifs de l’institut, (pièces K) procédait mois par mois aux évaluations des résultats commerciaux, de la qualité des prestations et services de l’évolution du fichier clients, donnait des instructions nombreuses et détaillées quant aux conditions d’exploitation du fonds : opérations publicitaires, signalétique, agencement et décoration de l’institut, tenues vestimentaires des esthéticiennes, les compétences de l’équipe, la planification de l’emploi du temps, les guides de procédures imposaient à Madame Y... de se conformer dans les moindres détails aux instructions de la société Yves Rocher, sans lui laisser de marge de manoeuvre dans un quelconque domaine. Il résulte également des pièces versées que la société Yves Rocher organisait des contrôles réguliers des conditions de travail, du respect des règles d’hygiène et de sécurité, des tarifs, les tenues, de la présentation des produits, afin de vérifier le respect de toutes les consignes données. La Société Yves Rocher ne conteste pas avoir communiqué à Madame Y... les grilles de salaire qu’il fallait appliquer aux esthéticiennes et vendeuses de l’institut. Madame Y... référait systématiquement à la société Yves Rocher du nombre de ses salariées, de leur qualification et du salaire de chacune d’elles. Dès lors, la société Yves Rocher ne peut soutenir que Madame Y... avait une parfaite maîtrise de la masse salariale et encore moins qu’elle avait une parfaite autonomie dans l’exploitation de son fonds de commerce, au motif que c’était elle qui procédait aux embauches et au licenciement des salariées, prérogatives qui sont habituellement celles d’une directrice de succursale. Dès lors, force est de constater que la troisième condition est également remplie. 4ème condition : des prix imposés par cette entreprise Il résulte des pièces produites par Madame Y... (tome V) (tome IV) que les prix fixés par la société Yves Rocher étaient inscrits sur les supports publicitaires, dans des mailings transmis directement à la clientèle et que, dès lors, il est difficile de soutenir comme le fait la société Yves Rocher qu’il s’agissait simplement là, de prix conseillés. La responsable de l’institut était bien obligée de vendre les produits aux prix déterminés et contrôlés par la société Yves Rocher. L’exploitante franchisée n’ayant pas la liberté de fixer les prix de vente des marchandises la quatrième condition est elle aussi remplie. Aussi réformant la décision attaquée, la cour dit que les conditions visées à l’article L.7321-2 du code du travail sont remplies, et en conséquence requalifie la relation contractuelle du contrat de franchise entre Madame Y... et la société Yves Rocher, en celui de gérant de succursale. Il s’ensuit que Madame Y... titulaire d’un contrat de franchise remplissant les conditions visées à l’article L.7321-2 du code du travail, bénéficie des dispositions du code du travail suivant l’article L.7321-1 du code du travail sans qu’il y ait à prouver l’existence d’un lien de subordination » ;

1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE peuvent se prévaloir du statut de gérant de succursale les personnes dont la profession consiste à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; que la cour d’appel s’est bornée, pour déterminer si la profession de Madame Y... consistait essentiellement à vendre des marchandises, à examiner les proportions respectives du chiffre d’affaires, à l’exclusion de la marge respective des activités de vente et de soins et le temps de travail respectivement consacré par Madame Y... à chaque activité ; qu’en statuant de la sorte cependant qu’il lui incombait d’examiner l’ensemble des éléments produits aux débats pour déterminer si l’activité de vente représentait l’activité essentielle de Madame Y..., la cour d’appel a méconnu son office et a ainsi privé de base légale sa décision au regard de l’article L. 7321-2 du Code du travail ;

2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE la société YVES ROCHER avait expressément contesté, dans ses conclusions d’appel (pages 20 à 22), que les marchandises vendues par Madame Y... eussent été fournies « exclusivement ou presque exclusivement » par elle ; qu’elle soulignait au contraire que cette dernière avait la possibilité de vendre des marchandises autres que celles de la gamme YVES ROCHER, seuls les produits utilisés lors des soins, c’est-à-dire dans le cadre d’une activité distincte de la vente de marchandises, devant obligatoirement faire partie de la gamme YVES ROCHER, à l’exception encore des produits épilatoires pour lesquels le franchisé n’avait aucune obligation d’exclusivité même dans le cadre des soins ; qu’en affirmant qu’il n’était pas contesté que Madame Y... vendait des marchandises fournies exclusivement par la société YVES ROCHER et que celle-ci reconnaissait dans ses conclusions « que seule la cire utilisée pour les épilations n’était pas fournie par elle-même », la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

3°/ QU’en s’abstenant, dès lors, de rechercher si dans les faits les produits vendus par Madame Y... dans le cadre de son activité de vente de marchandises étaient ou non fournis exclusivement ou presque exclusivement par la société YVES ROCHER, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-2 du Code du travail ;

4°/ ALORS, DE QUATRIÈME PART QUE la cour d’appel a constaté que dès 1997 le local dans lequel Madame Y... exerçait son activité n’était plus conforme aux normes recommandées par la société YVES ROCHER laquelle, en ce sens, ne l’avait pas « agréée » et que néanmoins le contrat s’était poursuivi postérieurement à cette date ; qu’il en résultait nécessairement que l’ « agrément » n’était pas nécessaire à la poursuite de l’activité de sorte que la condition tenant à l’exercice de la profession dans un local fourni ou agréé par l’entreprise n’était pas satisfaite en l’espèce ; que la cour d’appel a, pour décider du contraire, affirmé que la poursuite de la relation contractuelle démontrait que la société YVES ROCHER avait « nécessairement maintenu son agrément » ; qu’en retenant que la poursuite de l’activité impliquerait l’existence d’un agrément tacite, quand il lui incombait au contraire de vérifier si l’agrément était nécessaire à la poursuite de l’activité, la cour d’appel a méconnu son office et a ainsi, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-1 du Code du travail ;

5°/ ALORS, DE CINQUIÈME PART, QU’en vertu du règlement CE 2790/1999 applicable en la cause et du nouveau règlement 330/2010 (art. 4), les accords verticaux relatifs aux conditions de prix entre des partenaires qui se situent à un niveau différent au sein d’un même réseau peuvent améliorer l’efficience d’une chaîne de distribution et autoriser le fournisseur à imposer un « prix de vente maximal » ou à « recommander » un prix de vente sous certaines conditions ; que la société YVES ROCHER faisait précisément valoir qu’elle se borne à fixer des prix maximaux en cas de campagne promotionnelle et, pour les autres cas, à indiquer dans le logiciel de gestion des « prix conseillés » que le distributeur est totalement libre de modifier par une simple manipulation informatique, ce que confirmait l’analyse à laquelle avait procédé le Conseil de la Concurrence dans sa décision du 6 juillet 1999 (p. 20-21) ; qu’en refusant d’examiner ces pratiques particulières, propres au réseau de distribution, et en affirmant sans discernement que l’exploitante franchisée n’avait pas la liberté de fixer les prix de vente des marchandises de telle sorte que Madame Y... pouvait revendiquer l’application du Code du travail, la Cour a privé la Société YVES ROCHER de la faculté d’exercer normalement son activité en pratiquant seulement des « prix maxima » ou des « prix conseillés » dans un réseau constitué par des entreprises intervenant à un niveau différent, en conformité avec le droit européen et a violé ensemble les articles 101, §3 du Traité, et les articles 4 des règlements 2790/1999 et 330/2010, les principes de primauté, d’effet direct, d’effectivité et de confiance légitime relevant du droit européen, et, par fausse application les articles L.7321-1 et L.7321-2 du Code du Travail ;

6°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la société YVES ROCHER avait fait valoir dans ses conclusions d’appel auxquelles les juges du fond se réfèrent (pages 33-34), qu’il lui était impossible d’imposer des prix de vente à Madame Y... dès lors qu’en vertu du règlement CE 2790/1999 applicable en la cause et du nouveau règlement 330/2010 (art. 4), les accords verticaux relatifs aux conditions de prix entre des partenaires qui se situent à un niveau différent au sein d’un même réseau peuvent seulement autoriser le fournisseur à imposer un « prix de vente maximal » ou à « recommander » un prix de vente sous certaines conditions ; que la société YVES ROCHER faisait précisément valoir qu’elle se bornait, en application de ces règles dont l’application directe découlait du contenu des accords contractuels qui la liaient à Madame Y..., à fixer des prix maximaux en cas de campagne promotionnelle et, pour les autres cas, à indiquer dans le logiciel de gestion des « prix conseillés » que le distributeur est libre de modifier par une simple manipulation informatique, ce que confirmait l’analyse à laquelle avait procédé le Conseil de la Concurrence dans sa décision du 6 juillet 1999 (p. 20-21) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen de défense décisif, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR décidé que le salaire de référence mensuel de Madame Y... devait être fixé à la somme de 2.687 € et d’AVOIR, sur le fondement de ce salaire de référence, condamné la société YVES ROCHER à lui payer les sommes de 33.240 € à titre de rappel d’heures supplémentaires congés payés compris, 8.736 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, outre 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « Madame Y... demande à la Cour de fixer sa rémunération de référence à la somme de 2.687 € ce qui correspond à la rémunération versée par la société Yves Rocher à ses directrices d’institut (2.687 € x 48 mois = 128.976 € bruts). La société Yves Rocher fait valoir mais sans le démontrer que Madame Y... ne peut prétendre à ce salaire, correspondant à la taille d’un institut et à un chiffre d’affaires bien supérieurs à celui de Sarlat » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé ; que le travailleur qui obtient l’application des dispositions du Code du travail par application de l’article L. 7321-2 du Code du travail doit voir sa rémunération établie en considération de la classification conventionnelle résultant des fonctions qu’il a réellement exercées et au salaire minimum conventionnel correspondant ou, à défaut, par rapport au SMIC ; que le principe « à travail égal, salaire égal » commande seulement d’assurer l’égalité de rémunération entre salariés qui ont un même travail ou un travail de valeur égale, sous réserve de l’existence de raisons objectives et pertinentes pouvant justifier une différence de traitement ; que la demanderesse demandait à ce que lui soit attribué le même que salaire Madame Z..., directrice d’un institut YVES ROCHER à VERSAILLES (ses conclusions, page 38) à savoir 2.687 € bruts mensuels ; que pour faire droit à cette demande, la cour d’appel a affirmé que la société YVES ROCHER ne démontrait pas que ce salaire précité correspondait à la direction d’un institut de dimension et de chiffre d’affaires plus élevé que celui de SARLAT ; qu’en statuant de la sorte, sans examiner les pièces comptables de l’établissement de VERSAILLES, produites aux débats par la société YVES ROCHER, et expressément visées dans ses conclusions d’appel (page 41), en vue d’établir que l’institut de VERSAILLES était d’une dimension non comparable à celui de SARLAT de sorte que la rémunération perçue par Madame Z... ne pouvait servir de référence pour la détermination de la rémunération à laquelle pouvait prétendre Madame Y..., la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut s’appliquer qu’entre salariés de la même entreprise ; qu’en attribuant à Madame Y... exactement le même salaire mensuel que celui que percevait Madame Z..., directrice de l’institut de VERSAILLES, sans établir l’employeur de cette dernière, cependant que la société YVES ROCHER faisait valoir que Madame Z... percevait un salaire qui lui était versé par une autre société, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard du « principe à travail égal, salaire égal », ensemble les articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du Code du travail.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société YVES ROCHER à payer à Madame Y... la somme de 33.240 € à titre de rappel d’heures supplémentaires congés payés compris outre celle de 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « Madame Y... demande 65.144 € au titre des heures supplémentaires, aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. En l’espèce, Madame Y... Danielle fait valoir qu’elle était présente en permanence dans son institut dont l’amplitude horaire était la suivante de 9 heures à 19 heures du mardi au samedi, (5 jours par semaines soit 50 heures) et qu’elle devait en outre consacrer 5 heures minimum par semaine à la tenue de la comptabilité. Elle estime donc son temps de travail à 55 heures par semaine. Pour étayer ses dires, elle produit uniquement les attestations de deux anciennes salariées. Or, en l’espèce la société Yves Rocher rappelle que les heures d’ouverture étaient laissées à la libre appréciation de la franchisée. Elle conteste avoir fixé les conditions de travail ou même que celles-ci aient été soumises à son accord. Elle conteste les attestations produites par Madame Y... notamment celle de Madame A..., qui en contrat de qualification, n’était pas présente tous les jours dans le magasin et encore moins le dimanche. Elle indique que Madame Y... se contredit puisque dans un de ses propres courriers elle précise qu’elle n’était pas présente à l’institut depuis deux mois, suite à des problèmes de santé. La société Yves Rocher soutient contrairement à ce que prétend Madame Y... qu’elle n’exigeait pas des franchisées ou des locataires gérantes une présence permanente dans l’institut, elle établit d’ailleurs que bon nombre de franchisées pouvaient être responsables de deux, voire trois instituts, en ayant le temps le temps de s’organiser pour les gérer. (pièces 61-1 à 61-11 de la société Yves Rocher). Si au vu des éléments assez succints produits par Madame Y..., la Cour n’a pas la conviction que Madame Y... était en permanence à l’institut ni faisait 55 heures de permanence par semaine, il est évident cependant qu’avec les systèmes excessivement sophistiqués mis en place par la société Yves Rocher pour contrôler l’activité, les conditions de travail, les performances ,l’amplitude d’ouverture de l’institut, la Société Yves Rocher avait parfaitement connaissance du fait que Madame Y... effectuait des heures supplémentaires , c’est si vrai que l’intimée dans ses conclusions reconnaît que Madame Y... a effectué des heures supplémentaires pour une somme supérieure à 30.000 €. Aussi au vu des éléments produits par les parties et sans qu’il soit nécessaire de procéder à une expertise, la Cour a la conviction que Madame Y... a effectué les heures supplémentaires qui sont justifiés à hauteur de 33.240 € congés payés compris » ;

ALORS, TOUT D’ABORD, QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en l’espèce, après avoir estimé que Madame Y... n’avait produit que des éléments succincts et qu’elle n’était pas présente en permanence à l’institut, la cour d’appel s’est bornée à relever l’existence de « systèmes extrêmement sophistiqués mis en place par la société YVES ROCHER pour contrôler l’activité, les conditions de travail, les performances et l’amplitude d’ouverture de l’institut » ; qu’en se bornant au constat de ces seuls éléments, impuissant en lui-même à caractériser l’accomplissement d’heures supplémentaires ni même à faire ressortir que le salarié étayait sa demande, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du Code du travail ;

ALORS, ENSUITE, QUE la société YVES ROCHER avait contesté l’accomplissement d’heures supplémentaires de travail au delà de la durée légale par Madame Y... durant la période concernée par la demande ; qu’elle avait précisé à titre subsidiaire, dans ses conclusions d’appel (pages 53-54), que même s’il fallait suivre le calcul de la salariée celle-ci ne pourrait bénéficier, au plus, que de 159 € par semaine soit 33.231 € ; qu’en affirmant, pour faire droit à la demande de rappel de salaire, que « l’intimée dans ses conclusions reconnaît que Madame Y... a effectué des heures supplémentaires pour une somme supérieure à 30.000 € », la cour d’appel a dénaturé lesdites conclusions et a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la cour d’appel a expressément constaté que Madame Y... avait perçu à titre de bénéfice commercial, durant l’exécution de la relation de travail, la somme de 168.222 €, laquelle ne pouvait se cumuler avec les sommes dues à titre de salaires, cependant que sa créance, au titre des salaires correspondant à un travail à temps plein, était d’un montant de 123.320 € ; qu’il en résultait nécessairement que le reliquat, après compensation, de ces montants (savoir, la somme de 44.902 €) ne pouvait se cumuler avec les sommes dues à Madame Y... à titre de rappel d’heures supplémentaires ; qu’en condamnant néanmoins la société YVES ROCHER à payer à Madame Y... la somme de 33.240 € à titre de rappel d’heures supplémentaires et congés payés confondus, la cour d’appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l’article L. 7321-3 du Code du travail.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que la rupture des relations contractuelles entre la société YVES ROCHER et Madame Y... produisait les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’AVOIR, en conséquence, condamné la société YVES ROCHER à payer à Madame Y... les sommes de 8.736 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, outre 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture de la relation contractuelle Madame Y... Danielle a résilié le contrat de franchise par courrier du 22 décembre 2007. La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celleci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d’une démission. Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur. Elle fait valoir que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher a refusé ses six propositions de transfert de local de l’institut qu’elle lui a proposé sur Sarlat, sans justifier sa décision ; et a refusé de faire droit à sa demande de prendre la direction des instituts de Brive et Trélissac. En conséquence, de quoi elle a été acculée au départ, sans pouvoir vendre sa clientèle ni son fonds de commerce ni pouvoir faire reprendre le contrat de travail de ses salariées qu’elle a été obligée de licencier. Elle estime cette rupture abusive et demande, en conséquence, d’analyser sa démission comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher ne conteste pas les faits dénoncés par Madame Y... qui ont conduit à son départ sans pouvoir vendre sa clientèle. Ce qui lui a nécessairement causé un préjudice important. Aussi la Cour considère en l’espèce, que la rupture du contrat de franchise est la conséquence directe des manquements imputables à la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher et en conséquence requalifie cette rupture en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au moment de la rupture Madame Y... avait 13 ans d’ancienneté, 61 ans, le fait de ne pas pouvoir vendre sa clientèle du fait la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher... Compte tenu de son âge et du montant très faible de sa pension de retraite, la Cour fixe le montant de la réparation de son préjudice à la somme de 35.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher est, en outre, condamnée à payer à Madame Y... 8.736 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, en prenant comme salaire de référence 2.687 € au vu des éléments produits par Madame Y... relatifs au salaire perçu par une autre directrice Yves Rocher exerçant des fonctions assimilées aux siennes » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d’une démission ; qu’en l’espèce il était constant aux débats que Madame Y... avait manifesté sans réserve, et sans faire état d’un différend avec la société YVES ROCHER, sa volonté de mettre fin à la relation contractuelle par un courrier en date du 22 décembre 2007, et que ce n’est que trois mois plus tard, par un courrier en date du 28 mars 2008, qu’elle a formulé pour la première fois un reproche à l’égard de la société YVES ROCHER en lui imputant la responsabilité de la rupture ; qu’en requalifiant en prise d’acte de la rupture la manifestation de volonté claire et non équivoque de Madame Y... tendant à rompre le contrat de travail, sans caractériser l’existence d’un différend antérieur ou contemporain de ladite manifestation de volonté ni faire ressortir en quoi celle-ci était équivoque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du Code civil ensemble les articles L. 1237-1 et L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS, D’AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la cour d’appel s’est bornée à relever, pour dire que la prétendue prise d’acte était justifiée, que la société YVES ROCHER avait refusé à six reprises le transfert du local de l’institut dirigé par Madame Y..., et qu’elle avait refusé de faire droit à sa demande de prendre la direction des instituts de BRIVE et TRÉLISSAC ; qu’en statuant de la sorte, sans faire ressortir en quoi ces refus étaient fautifs ni en quoi ils rendaient impossible la poursuite de la relation contractuelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1134 du Code civil, ensemble l’article L. 1221-1 du Code du travail.
Publication : Bulletin 2016, n° 835, Soc., n° 170

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 18 mars 2014

Titrages et résumés : STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l’article L. 7321-2 du code du travail - Activité du distributeur de produits au service du fournisseur - Existence de prix imposés - Prise en considération par le juge - Fondement - Droit de l’Union européenne - Absence d’influence

La circonstance que les pratiques de prix mises en oeuvre par une société dans ses rapports avec ses distributeurs échapperaient, en vertu de règlements communautaires d’exemption, à la prohibition des ententes entre entreprises découlant des articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne est dépourvue de lien avec la prise en considération, au titre des dispositions de l’article L. 7321-2, 2°, du code du travail, de l’existence de prix imposés par la société mère aux gérants de ses succursales sans qu’il en résulte la moindre prohibition de cette pratique qu’elle met ainsi en oeuvre.

Est dès lors inopérant le moyen tiré de ce que la prise en considération par une cour d’appel, saisie d’un litige relatif à des gérants de succursales, d’une pratique de prix imposés à ces derniers par la société mère, violerait le droit de l’Union européenne

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l’article L. 7321-2 du code du travail - Activité du distributeur de produits au service du fournisseur - Existence de prix imposés - Mise en oeuvre par la société mère - Licéité - Fondement - Détermination

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Traité de Rome - Article 81 - Règles de concurrence - Règles applicables aux entreprises - Exemption - Lien avec un litige prud’homal - Exclusion - Cas

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Traité de Rome - Article 82 - Règles de concurrence - Règles applicables aux entreprises - Exemption - Lien avec un litige prud’homal - Exclusion - Cas

Précédents jurisprudentiels : Sur l’appréciation souveraine par les juges du fond du caractère exclusif ou quasi exclusif de l’activité consacrée par un distributeur de produits au service du fournisseur, à rapprocher :Soc., 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-20.460, Bull. 2012, V, n° 327 (1) (rejet et cassation partielle), et l’arrêt cité

Textes appliqués :
• articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du code du travail ; articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne, devenus articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne