Abus mise en oeuvre

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 mars 2009

N° de pourvoi : 07-45281

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Texier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Richard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 122-14-5 du code du travail ensemble l’article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Protection service ouest sécurité en qualité d’agent de surveillance par contrat de travail à effet du 8 novembre 2002 qui comportait une clause de mobilité, a été affectée au Monoprix de Doullens à compter du 25 mars 2004 ; qu’à la suite de son refus, elle a été licenciée le 10 mai 2004 pour absence sans motif ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale pour notamment contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à voir juger que son licenciement était abusif et à se voir allouer la somme de 7 230 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt énonce par motifs adoptés des premiers juges que la clause de mobilité litigieuse peut permettre à l’employeur de muter la salariée dès lors qu’il justifie que la mutation a été mise en oeuvre dans l’intérêt de l’entreprise et démontre l’impossibilité de la maintenir sur les sites de Monoprix Dunkerque et Marionnaud Coquelles ; que, le licenciement est fondé sur le refus de Mme X... de rejoindre les effectifs de la société Protection service en se rendant sur le site de Doullens ; qu’au surplus, la société Protection service s’engageait à payer à Mme X... les frais de transport engendrés par la mutation ; que, dès lors, il apparaît que la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail a été mise en oeuvre dans l’intérêt de l’entreprise et est justifiée par un motif objectif ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher comme l’y invitait la salariée, si l’abus de droit par l’employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne résultait pas du fait que le poste auquel la salariée était affectée située à environ 150 kilomètres de son domicile n’était pas desservi par les transports en commun, qu’elle ne disposait pas d’un moyen de transport personnel et que l’employeur ne lui avait pas assuré les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail, ce dont il résultait son absence de faute à l’origine de son licenciement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a condamné la société Protection service ouest sécurité à payer à Mme X... la somme de 39, 87 euros au titre de la prime d’habillage et celle de 211, 56 euros au titre d’un rappel de congés payés, l’arrêt rendu le 31 janvier 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;

Condamne la société Protection services ouest sécurité aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mademoiselle Jessy X... de ses demandes tendant à voir juger que son licenciement, par la Société PROTECTION SERVICE OUEST SECURITE, était abusif et à se voir allouer la somme de 7. 230 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRE QUE la Cour estime que le Conseil de prud’hommes à fait des éléments de la cause une analyse pertinente par des motifs précis et circonstanciés que la Cour adopte expressément ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’aux termes de l’article L 122-14-3 du Code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la SARL PROTECTION SERVICE a demandé à Mademoiselle X... Jessy de se rendre sur le site de DOULLENS et que cette dernière a refusé ; qu’à ce titre, Mademoiselle X... Jessy verse aux débats deux courriers adressés à son employeur, l’un daté du 26 avril 2004 et l’autre non daté, dans lesquels elle expose ses difficultés pour se rendre sur le site de DOULLENS ; que la SARL PROTECTION SERVICE quant à elle verse aux débats différents courriers dont un du 3 mai 2004 faisant apparaître que la salariée refuse de prendre son poste à DOULLENS ; que la lettre de licenciement du 10 mai 2004 mentionne comme motif de licenciement l’absence irrégulière de la salariée sur son lieu de travail ; que, Mademoiselle X... Jessy indique que ces faits ne peuvent constituer un motif réel et sérieux de licenciement en dépit de l’existence d’une clause de mobilité figurant dans son contrat de travail ; qu’à cet égard, il ressort du contrat de travail versé aux débats que la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail de Mademoiselle X... Jessy est ainsi libellée : « le salarié pourra être amené à exécuter son contrat de travail et à effectuer des vacations sur l’ensemble des sites des clients géographiquement rattachés aux départements de la Somme, l’Aisne, le Nord, le Pas-de-Calais et l’Oise. » ; qu’il est admis que la clause de mobilité est licite à condition d’être édictée dans l’intérêt de l’entreprise et de ne pas constituer un abus de droit ou un détournement de pouvoir de la part de l’employeur ; que Toutefois, il n’existe ni de limitation légale, ni de limitation jurisprudentielle quant à la distance ou à l’éloignement qui peut être imposé au salarié ; qu’ainsi, la clause de mobilité litigieuse peut permettre à l’employeur de muter la salariée dès lors qu’il justifie que la mutation a été mise en oeuvre dans l’intérêt de l’entreprise et démontre l’impossibilité de la maintenir sur les sites de MONOPRIX DUNKERQUE et MARIONNAUD COQUELLES ; que sur ce point, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des attestations régulièrement établies et contradictoirement débattues qu’il n’y avait pas de poste disponible sur le site de MARIONNAUD COQUELLES ; que de plus, il apparaît également que la décision de ne pas maintenir la salariée sur le site de DUNKERQUE résultait de la décision de la direction du site en raison d’une appréciation objective quant aux qualités professionnelles de la salariée, le lieu étant décrit notamment par Monsieur Z... comme particulièrement violent et dangereux ; qu’en outre, le licenciement n’est pas fondé sur le sexe, mais sur le refus de Mademoiselle X... Jessy de rejoindre les effectifs de la SARL PROTECTION SERVICE en se rendant sur le site de DOULLENS ; qu’au surplus, la SARL PROTECTION SERVICE s’engageait à payer à Mademoiselle X... Jessy les frais de transport engendrés par la mutation ; que dès lors, il apparaît que la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail a été mise en oeuvre dans l’intérêt de l’entreprise et est justifiée par un motif objectif ; qu’en conséquence, la mutation de la salariée correspond à la mise en oeuvre de la clause de mobilité, et son licenciement qui est motivé par le refus de rejoindre les effectifs de l’entreprise doit être considéré comme fondé sur un motif réel et sérieux ; que Mademoiselle X... Jessy sera donc déboutée de sa demande formée à ce titre et des demandes subséquentes ;

ALORS QUE ne commet pas une faute, de nature à justifier son licenciement, le salarié qui refuse de rejoindre le poste désigné par l’employeur en exécution d’une clause de mobilité, lorsque la mise en oeuvre de cette clause révèle, de la part de l’employeur, un abus de droit ou un détournement de pouvoirs ; que l’employeur qui met en oeuvre la clause de mobilité sans assurer au salarié le moyen de se rendre sur son nouveau lieu de travail abuse du droit qu’il tient de la clause de mobilité et de son pouvoir de direction ; qu’en se bornant à affirmer que la mise en oeuvre de la clause de mobilité par la Société PROTECTION SERVICE OUEST SECURITE était justifiée par l’intérêt de l’entreprise et l’impossibilité de maintenir Mademoiselle X... sur les sites auxquels elle avait été précédemment affectée, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l’abus de droit par l’employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité résultait du fait que le poste auquel Mademoiselle X... avait été affectée était situé à environ 150 kilomètres de son domicile, qu’il n’était pas desservi par les transports en commun, que Mademoiselle X... ne disposait pas d’un moyen de transport personnel et que la Société PROTECTION SERVICE OUEST SECURITE ne lui avait pas assuré les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail, de sorte que Mademoiselle X... n’avait pas commis de faute justifiant une mesure de licenciement, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-5 du Code du travail et 1134, alinéa 3, du Code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai du 31 janvier 2007