Abus mise en oeuvre

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 mai 2009

N° de pourvoi : 07-45483

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

Me Balat, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er octobre 2007), que M. X... a été engagé le 4 janvier 1999 en qualité d’ingénieur d’affaires par la société Inéo infracom sur le site d’Antibes, son contrat de travail comportant une clause de mobilité, et a été licencié le 18 janvier 2006 à la suite de son refus d’accepter une mutation à Dijon ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une clause de mobilité, doit contenir une définition précise de sa zone géographique d’application ; qu’aux termes de la clause de mobilité opposée par la société Inéo infracom à M. X..., il “est convenu d’un commun accord que notre société se réserve la possibilité, ainsi que nous vous l’avons indiqué verbalement, de vous affecter ou de vous charger de toute mission, dans l’une quelconque des entreprises de notre groupe, ou relevant de celui-ci, en France ou à l’étranger, en fonction des opportunités qui pourraient lui paraître dans l’intérêt de ses affaires” ; qu’en s’abstenant de rechercher si cette clause, qui autorisait en définitive la mutation de M. X... partout dans le monde et à tout moment, à la seule condition qu’existe en ce lieu une entreprise ayant un lien quelconque avec le groupe auquel appartient la société Inéo infracom, avait un champ d’application suffisamment délimité pour en assurer la validité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail et 1134 du code civil ;

2°/ qu’aux termes du contrat de travail, l’employeur déclare au salarié prendre “bonne note de votre déclaration nous précisant que votre résidence est sise à proximité immédiate de votre lieu d’affectation” ; qu’en estimant que la référence faite dans le contrat de travail à la résidence de M. X... n’avait qu’une valeur “d’information”, nécessaire pour le calcul des indemnités de trajet allouées à l’intéressé (arrêt attaqué, p. 4 § 2), cependant que la stipulation précitée n’a d’autre sens que de faire entrer dans le champ contractuel le fait que la prestation de travail devait s’effectuer sur le site d’Antibes, situé à proximité de la résidence du salarié, la cour d’appel a dénaturé une clause claire et précise de la convention et a violé l’article 1134 du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d’appel (p. 4 § 5), M. X... faisait valoir qu’il n’était nullement établi que le poste de Dijon avait finalement été pourvu, après le refus de mutation qu’il avait opposé, ce qui démontrait que l’ordre de mutation ne constituait finalement qu’une manoeuvre destinée à l’évincer ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que dans ses conclusions d’appel (p. 4 § 9 à 13), M. X... contestait la réalité de la baisse d’activité du centre d’Antibes, censée justifier sa mutation au centre de Dijon ; qu’en se bornant à relever sur ce point que “les tableaux comptables de la société Inéo infracom et du centre Inéo infracom Méditerranée pour les années 2004 et 2005 démontrent l’existence des difficultés économiques rencontrées par le centre d’Antibes à l’époque du licenciement”, “que notamment en décembre 2004, la marge nette était de – 2 073 Keuros et fin décembre 2005 de 17 Keuros” et ne permettent pas de connaître la situation économique à la date de la mutation soit en novembre 2005” (arrêt attaqué, p. 4 § 3 ), la cour d’appel, qui n’a ainsi nullement caractérisé l’existence des difficultés économique invoquées par l’employeur pour justifier la mutation litigieuse, et qui n’a pas caractérisé l’incidence de ces difficultés sur le poste de M. X..., a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du code du travail et 1134 du code civil ;

5°/ que dans ses conclusions d’appel (p. 4 in fine et p. 5 § 1 à 4), M. X... faisait valoir que la société Inéo infracom s’était délibérément affranchie de l’obligation de reclassement qui aurait pesé sur elle si elle avait procédé à un licenciement pour motif économique, comme elle l’aurait dû dans la situation de difficulté qu’elle décrivait elle-même ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’entreprise rencontrait des difficultés économiques dans le centre d’Antibes, la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé le contrat de travail et n’était pas tenue de répondre aux conclusions prétendument laissées sans réponse qui étaient inopérantes, a constaté dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve apportés par le salarié, que celui-ci ne justifiait pas de la mise en oeuvre abusive de la clause de mobilité eu égard à sa situation familiale ; qu’elle a pu décider que le refus de celui-ci d’accepter la mutation justifiait la mesure de licenciement prise à son encontre ; que le moyen, nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur X... de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la Société INEO INFRACOM ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail du 18 décembre 1998 conclu entre les parties prévoit expressément une clause de mobilité précise, claire et dénuée d’ambiguïté ; que la mention “le lieu de votre affectation sera notre centre de travaux d’Antibes au sein de notre activité “TECHNICOMM”, et nous avons pris bonne note de votre déclaration nous précisant que votre résidence est sise à proximité immédiate de votre lieu d’affectation. Toutefois, étant donné les fonctions que vous occupez, vous serez susceptible de déplacement tant en France qu’à l’étranger…” ne caractérise pas un renoncement à la clause de mobilité mais une indication nécessaire au calcul des indemnités de trajet allouées à l’intéressé conformément à la convention collective applicable ; que cette seule mention du lieu de travail de Monsieur X... a une valeur d’information, mais qu’en l’absence de toute indication claire et précise sur le fait que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, elle ne contredit pas la clause de mobilité et ne fonde pas le refus de mutation de Monsieur X... ; que par courrier du 22 novembre 2005, l’employeur a informé Monsieur X... d’un changement de son lieu de travail, qui n’entraînait pas de modification de son contrat de travail, eu égard à la clause de mobilité ; que les tableaux comptables de la Société INEO INFRACOM et du centre INEO INFRACOM MEDITERRANEE pour les années 2004 et 2005 démontrent l’existence des difficultés économiques rencontrées par le centre d’ANTIBES à l’époque du licenciement ; que notamment en décembre 2004, la marge nette était de – 2.073 Keuros et fin décembre 2005 de 17 Keuros ; que les offres d’emploi formulées en juillet et décembre 2006 ne permettent pas de connaître la situation économique à la date de la mutation soit en novembre 2005 ; que Monsieur X... avisé le 22 novembre de la mutation envisagée n’a fait connaître sa réponse que le 19 décembre 2005 ; que l’employeur a respecté un délai de réflexion suffisant ; que Monsieur X..., père d’un enfant scolarisé en terminale ES et dont l’épouse travaille à temps partiel et dans le cadre d’un emploi à durée déterminée, ne justifie pas d’une situation familiale critique empêchant tout déplacement ; que par ailleurs, Madame Z..., responsable des ressources humaines au centre INEO Rhône-Alpes, fait état d’une demande de mutation sur l’île de la Réunion formulée à la fin de l’année 2005 par l’intéressé ; que le salarié qui refuse une mutation qui ne constituait pas une modification de son contrat en raison de l’existence d’une clause de mobilité acceptée, commet une faute de nature à justifier la rupture de son contrat de travail ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU’ une clause de mobilité, doit contenir une définition précise de sa zone géographique d’application ; qu’aux termes de la clause de mobilité opposée par la Société INEO INFRACOM à Monsieur X..., il “est convenu d’un commun accord que notre Société se réserve la possibilité, ainsi que nous vous l’avons indiqué verbalement, de vous affecter ou de vous charger de toute mission, dans l’une quelconque des entreprises de notre Groupe, ou relevant de celui-ci, en France ou à l’étranger, en fonction des opportunités qui pourraient lui paraître dans l’intérêt de ses affaires” ; qu’en s’abstenant de rechercher si cette clause, qui autorisait en définitive la mutation de Monsieur X... partout dans le monde et à tout moment, à la seule condition qu’existe en ce lieu une entreprise ayant un lien quelconque avec le groupe auquel appartient la Société INEO INFRACOM, avait un champ d’application suffisamment délimité pour en assurer la validité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU’ aux termes du contrat de travail, l’employeur déclare au salarié prendre “bonne note de votre déclaration nous précisant que votre résidence est sise à proximité immédiate de votre lieu d’affectation” ; qu’en estimant que la référence faite dans le contrat de travail à la résidence de Monsieur CAIRASCHI n’avait qu’une valeur “d’information”, nécessaire pour le calcul des indemnités de trajet allouées à l’intéressé (arrêt attaqué, p. 4 § 2), cependant que la stipulation précitée n’a d’autre sens que de faire entrer dans le champ contractuel le fait que la prestation de travail devait s’effectuer sur le site d’ANTIBES, situé à proximité de la résidence du salarié, la cour d’appel a dénaturé une clause claire et précise de la convention et a violé l’article 1134 du Code civil ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE dans ses conclusions d’appel (p. 4 § 5), Monsieur X... faisait valoir qu’il n’était nullement établi que le poste de DIJON avait finalement été pourvu, après le refus de mutation qu’il avait opposé, ce qui démontrait que l’ordre de mutation ne constituait finalement qu’une manoeuvre destinée à l’évincer ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE dans ses conclusions d’appel (p. 4 § 9 à 13), Monsieur X... contestait la réalité de la baisse d’activité du centre d’ANTIBES, censée justifier sa mutation au centre de DIJON ; qu’en se bornant à relever sur ce point que “les tableaux comptables de la société INEO INFRACOM et du centre INEO Infracom Méditerranée pour les années 2004 et 2005 démontrent l’existence des difficultés économiques rencontrées par le centre d’Antibes à l’époque du licenciement”, “que notamment en décembre 2004, la marge nette était de – 2 073 Keuros et fin décembre 2005 de 17 Keuros” et “que les offres d’emploi formulées en juillet et décembre 2006 ne permettent pas de connaître la situation économique à la date de la mutation soit en novembre 2005” (arrêt attaqué, p. 4 § 3), la cour d’appel, qui n’a ainsi nullement caractérisé l’existence des difficultés économique invoquées par l’employeur pour justifier la mutation litigieuse, et qui n’a pas caractérisé l’incidence de ces difficultés sur le poste de Monsieur X..., a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE dans ses conclusions d’appel (p. 4 in fine et p. 5 § 1 à 4), Monsieur X... faisait valoir que la Société INEO INFRACOM s’était délibérément affranchie de l’obligation de reclassement qui aurait pesé sur elle si elle avait procédé à un licenciement pour motif économique, comme elle l’aurait dû dans la situation de difficulté qu’elle décrivait elle-même ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 1 octobre 2007