Mise en oeuvre clause mobilité - refus salarié

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 11 mars 2009

N° de pourvoi : 07-43378

Non publié au bulletin

Rejet

M. Texier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Boutet, SCP Peignot et Garreau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2007), M. X..., engagé par la société Altran technologies à compter du 2 avril 1991, en qualité d’ingénieur études, a fait l’objet le 16 mars 2004 d’un licenciement pour faute grave ; que contestant les conditions de son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt d’avoir dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l’avoir débouté de ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :

1° / que la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que le juge ne peut retenir d’autres griefs que ceux qu’elle énonce ; que la lettre de licenciement lui reprochait d’avoir commis une faute grave en refusant de prendre en charge un projet situé à Toulouse et d’avoir ainsi refusé de se soumettre aux instructions de son employeur ; qu’en retenant, pour énoncer que le licenciement reposait sur une faute grave qu’il avait refusé de rejoindre sa nouvelle affectation située à Toulouse dès lors qu’il démontrait qu’il n’avait pas l’intention de déménager à Toulouse, la cour d’appel qui a retenu un motif qui n’était pas contenu dans la lettre de licenciement, a violé l’article L. 122-14-2 du code du travail, ensemble les articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

2° / qu’il faisait valoir qu’il n’avait nullement refusé de prendre en charge le projet situé à Toulouse mais seulement précisé qu’il n’entendait pas déménager à Toulouse ; qu’il avait précisé qu’il avait manifesté son accord pour prendre en charge le projet sous le régime des déplacements prévus par les dispositions de la convention collective prévoyant la prise en charge des frais d’hôtel et de restaurant ainsi que la durée du projet ; qu’en retenant qu’il avait refusé de rejoindre sa nouvelle affectation à Toulouse, la cour d’appel a dénaturé ses écritures d’appel et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

3° / que par des écritures demeurées sans réponse, il faisait valoir qu’il avait manifesté son accord pour prendre en charge le projet sous le régime des déplacements prévus par les dispositions de la convention collective prévoyant la prise en charge des frais d’hôtel et de restaurant ainsi que de la durée du projet, mais refusé de déménager à Toulouse ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen déterminant de ses écritures d’appel, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4° / que le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail, s’il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave ; qu’en jugeant que son licenciement reposait sur une faute grave, la cour d’appel a violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que le salarié avait refusé de rejoindre sa nouvelle affectation à Toulouse alors que la clause de mobilité qui lui faisait obligation d’exercer ses fonctions dans les bureaux de la société, mais également de changer de lieu de travail, sur toute demande de l’employeur et à quelque date que ce soit ; qu’elle en a déduit que son refus de rejoindre sa nouvelle affectation reproché par l’employeur était fautif ;

Et attendu que la cour d’appel qui a constaté que le salarié s’était vu notifier un avertissement pour avoir déjà refusé en février 2004 trois missions qui impliquaient sa mobilité, a pu décider que ce refus réitéré rendait impossible son maintien dans l’entreprise ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le licenciement de Monsieur Christophe X... reposait sur une faute grave et de l’avoir débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement du 16 mars 2004 est ainsi rédigée : « nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants : nous constatons que depuis la fin de votre dernier projet réalisé fin octobre 2002, vous ne respectez plus les directives de vos supérieurs hiérarchiques et refusez d’exercer vos fonctions de consultant conformément à vos obligations contractuelles ; en effet, depuis cette date, nous recherchons activement un projet correspondant à vos compétences et à vos domaines d’activité et, à cet effet, nous vous avons mis en relation avec différents managers pour identifier un projet potentiel ; or, le 3 janvier 2004, nous avons été contraints de vous notifier par écrit un rappel de vos obligations professionnelles en raison de votre manque d’implication et de reporting sur un dossier de réponse d’appel d’offres réalisé en nos locaux ; par ailleurs courant février 2004, nous vous avons confié un avertissement pour vos refus, justifiés par des raisons liées à la mobilité ainsi qu’au domaine de compétence, d’intervenir sur trois projets qui vous ont été proposés les 4, 11 et 19 février 2004 ; nos mises en garde répétées n’ont pas eu d’effet sur votre comportement ; en effet, en date du 23 février 2004, Monsieur Z..., manager, vous a proposé d’intervenir sur un projet situé à TOULOUSE dans le secteur de l’aéronautique civile, ce projet prenait en compte votre volonté de ne pas travailler dans le secteur militaire ; pourtant, vous avez, une nouvelle fois, clairement refusé de prendre en charge ce projet ; vous avez encore une fois invoqué l’éloignement géographique pour expliquer les raisons de votre refus ; nous ne pouvons plus admettre de votre part ce nouveau refus ; nous vous rappelons que votre contrat de travail prévoit que vous devez vous conformer aux directives, plans de travail et instructions (écrites ou verbales) émanant de la direction de la société ou de vos supérieurs hiérarchiques et que, par ailleurs, vos fonctions de consultant impliquent nécessairement le changement de votre lieu de travail en fonction des projets qui vous sont confiés ; vous comprendrez donc aisément que la gravité et la répétition de faits ci-dessus mentionnés rendent impossible votre maintien dans notre société, fût-ce pendant la durée du préavis ; de ce fait, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave » ; que l’activité de la société ALTRAN TECHNOLOGIES consiste à placer des consultants ingénieurs auprès de sociétés clientes ; que la société ALTRAN TECHNOLOGIES reproche à Monsieur X..., qui était en inter-contrats depuis le mois de novembre 2002, d’avoir refusé, et 23 février 2004, une mission à TOULOUSE dans le domaine de l’aéronautique civile, alors qu’il avait déjà fait l’objet d’un avertissement pour avoir refusé trois missions au cours du même mois ; que la société ALTRAN TECHNOLOGIES précise que la société LOGIQUAL, représentée par Monsieur Z..., avait pris contact par téléphone avec Monsieur X..., le 23 février 2004 ; que celui-ci lui avait répondu ne pas avoir demandé de mobilité dans le sud-ouest ; que le marché avait alors été perdu pour la société ALTRAN TECHNOLOGIES ; que la société ALTRAN TECHNOLOGIES verse aux débats une attestation de Monsieur Y... qui déclare « étant manager responsable de Monsieur X... alors en recherche de projet, mon rôle consiste à le mettre en contact avec différents business managers ayant une opportunité de projet pouvant correspondre ; une fois le contact établi, le consultant et le manager vérifient ensemble l’adéquation des compétences et prennent leurs dispositions pour organiser une réunion avec le client final ; or, à chaque contact, j’ai pu constater la mauvaise foi caractérisée et la volonté délibérée de Monsieur X... de se présenter sous un jour défavorable dès le moment où le projet se situait hors de la région parisienne et / ou s’il concernait le secteur de la défense nationale ; ainsi, suite à une recherche de compétences émanant de Monsieur David Z..., ingénieur d’affaires LOGIQUAL (filiale du groupe ALTRAN), j’ai mis en contact Messieurs Z... et X... le jeudi 19 février 2004 ; le projet concernait le secteur aéronautique civile, ce qui correspond au domaine de compétences et d’activité de Monsieur X... ; suite à ce contact, Monsieur Z... m’informe en date du 23 février 2004 que Monsieur Z... lui a dit ne pas être mobile sur la région sud-ouest pour réaliser ce projet », un courrier électronique de Monsieur X... rédigé comme suit : « David Z... (LOGIQUAL) m’a téléphoné le 23 février de la part de Gilles Y..., à propos d’un projet (aéronautique civile) à TOULOUSE ; m’a demandé si j’avais une mobilité dans le sudouest, ce qui n’est pas le cas » ; que Monsieur X... verse aux débats un courrier électronique de Monsieur Z..., daté du 30 mars 2004, qui lui confirme : « la raison pour laquelle nous n’avons pas avancé avec votre dossier tient au coût estimé trop important étant donné votre localisation parisienne à supporter par LOGIQUAL » ; qu’ainsi, le salarié démontre qu’il n’avait pas l’intention de déménager à TOULOUSE ; que Monsieur X... exerçait des fonctions de consultant impliquant de sa part une certaine mobilité ; que l’article 1er B de son contrat de travail stipulait qu’il exercerait ses fonctions dans les bureaux de la société, 70833 / BP / MAM comme dans les établissements des clients de la société et qu’il serait appelé à changer de lieu de travail, sur toute demande de la société et à quelque date que ce soit ; que Monsieur X... avait déjà fait l’objet d’un avertissement, pour avoir refusé, au mois de février 2004, trois missions qui impliquaient, soit une mobilité, soit une activité dans le domaine militaire ; que l’employeur, conformément à la demande de Monsieur X..., lui avait trouvé une mission dans le domaine civil ; que Monsieur X... ne démontre pas que la décision de l’envoyer à TOULOUSE, alors qu’il était en inter-contrats depuis 16 mois, a en réalité été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise et que l’employeur a fait un usage abusif de la clause de mobilité ; qu’il ne démontre pas, non plus, que son licenciement était en fait un licenciement économique déguisé ; qu’il résulte de ces divers éléments que l’affectation de Monsieur X... à TOULOUSE ne constituait pas une modification de son contrat de travail, dès lors qu’une clause de mobilité était incluse dans son contrat, dont l’objet était de travailler chez les clients de son employeur ; que son refus de rejoindre sa nouvelle affectation a rendu impossible son maintien dans l’entreprise pendant la période de préavis et constituait une faute grave ; qu’ayant été licencié en raison d’une faute grave, il doit être débouté de ses demandes d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, et d’indemnité conventionnelle de licenciement » ;

ALORS D’UNE PART QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que le juge ne peut retenir d’autres griefs que ceux qu’elle énonce ; que la lettre de licenciement reprochait au salarié d’avoir commis une faute grave en refusant de prendre en charge un projet situé à TOULOUSE et d’avoir ainsi refusé de se soumettre aux instructions de son employeur ; qu’en retenant, pour énoncer que le licenciement reposait sur une faute grave que le salarié avait refusé de rejoindre sa nouvelle affectation située à TOULOUSE dès lors qu’il démontrait qu’il n’avait pas l’intention de déménager à TOULOUSE, la Cour d’appel qui a retenu un motif qui n’était pas contenu dans la lettre de licenciement, et a violé l’article L. 122-14-2 du Code du travail, ensemble les articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail ;

ALORS D’AUTRE PART QUE Monsieur X... faisait valoir qu’il n’avait nullement refusé de prendre en charge le projet situé à TOULOUSE mais seulement précisé qu’il n’entendait pas déménager à TOULOUSE ; qu’il avait précisé qu’il avait manifesté son accord pour prendre en charge le projet sous le régime des déplacements 70833 / BP / MAM prévus par les dispositions de la convention collective prévoyant la prise en charge des frais d’hôtel et de restaurant ainsi que de la durée du projet ; qu’en retenant que Monsieur X... avait refusé de rejoindre sa nouvelle affectation à TOULOUSE, la Cour d’appel a dénaturé les écritures d’appel de Monsieur X..., et violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE par des écritures demeurées sans réponse, Monsieur X... faisait valoir qu’il avait manifesté son accord pour prendre en charge le projet sous le régime des déplacements prévus par les dispositions de la convention collective prévoyant la prise en charge des frais d’hôtel et de restaurant ainsi que de la durée du projet, mais refusé de déménager à TOULOUSE ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen déterminant des écritures d’appel du salarié, la Cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile.

ALORS ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail, s’il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave ; qu’en jugeant que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une faute grave, la Cour d’appel a violé l’article L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 11 mai 2007