Effet de la mise à disposition d’un fonctionnaire - transfert subordination oui

Extraits Revue Droit du travail Cour de cassation juin 2012

5. Statuts particuliers
*Fonctionnaires mis à disposition. Effet mise à disposition.
Sommaire
Dès lors qu’’un agent public, mis à la disposition d’un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail, il ne relève pas des dispositions spécifiques relatives à l’électorat et à l’éligibilité des salariés mis à disposition au sens de l’article L 2324-17-1 du code du travail.
Tel est le cas des agents relevant du Statut du personnel des industries électriques et gazières, mis à la disposition de la Caisse Centrale d’activité du Personnel des Industries Electriques et Gazières, organisme de droit privé.

Soc., 20 juin 2012 REJET

Arrêt n°1588 FS-P+B
N°11-20.145 – T.I. Montreuil, 7 juin 2011
M.Lacabarats, Pt. – MmeLambremon, Rap. – M.Aldigé, Av. Gén.

Note
La Caisse centrale d’activité du personnel des industries électriques et gazière (CCAS), organisme de droit privé chargé de la gestion des œuvres sociales des personnels de ces industries, a organisé des élections des membres de ses comités d’établissements.
Les syndicats CGT du personnel des services centraux EDF et CCAS et CGT-UFICT des services centraux EDF ont présenté, dans les différents collèges de l’établissement de Montreuil-sous-Bois, des listes de candidatures comportant les noms d’agents titulaires d’EDF ou de GDF-Suez, mis à la disposition de la CCAS en application des dispositions de l’article 25 du statut national du personnel des IEG et de l’article 28 du règlement de la CCAS, et électeurs dans cet établissement.
Déboutée de sa demande d’annulation de ces candidatures, la CCAS a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait que l’article L. 2324-17-1 du code du travail écarte la possibilité pour les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure d’être éligibles au comité d’entreprise de l’entreprise utilisatrice sans effectuer aucune distinction selon les différentes formes de mise à disposition. La CCAS précisait que les salariés dont les candidatures étaient contestées étant des agents statutaires d’EDF ou de GDF SUEZ qui avaient « été mis à disposition » de la CCAS sur leur demande, en vertu de l’article 25 du statut du personnel des IEG prévoyant cette possibilité, le tribunal d’instance ne pouvait considérer que les dispositions des articles L. 1111-2 et L. 2324-17-1 du code du travail ne leur étaient pas applicables, sans violer ces textes, comme l’article 25 du statut du personnel des IEG.
Les agents publics mis à la disposition d’un organisme de droit privé y sont-ils éligibles ? Telle était la question soumise à la chambre sociale.
L’article L. 2324-17-1, alinéa 1 er, du code du travail dispose que « Pour les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées au 2° de l’article L. 1111-2, la condition de présence dans l’entreprise utilisatrice est de douze mois continus pour y être électeur. Les salariés mis à disposition ne sont pas éligibles dans l’entreprise utilisatrice. »
La CCAS entendait faire application de ces dispositions pour obtenir l’annulation des candidatures présentées pour l’élection des membres des comités d’établissements par des agents publics mis à disposition.
Pour respecter les critères traditionnels de qualification du contrat de travail, la Cour de cassation exigeait initialement que le fonctionnaire accomplisse un travail pour le compte de la personne morale de droit privé dans un rapport de subordination pour qu’il lui soit lié par un contrat de travail. C’est ainsi que l’Assemblée plénière a jugé que « Le fonctionnaire mis à la disposition d’un organisme de droit privé et qui accomplit un travail pour le compte de celui-ci dans un rapport de subordination se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail. » (Ass. Plén., 20 décembre 1996, pourvoi n°92-40.641, Bull. 1996, AP, n°10).
Cette jurisprudence a évolué. Désormais, il suffit pour caractériser un contrat de travail que l’agent public, mis à la disposition d’un organisme de droit privé, accomplisse un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction (Soc., 15 juin 2010, pourvoi n°08-44.238, Bull. 2010, V, n°133).
C’est cette jurisprudence que vient confirmer le présent arrêt en rappelant qu’un agent public, mis à la disposition d’un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail. Ne se contentant pas de ce rappel, l’arrêt apporte une solution nouvelle en déduisant que détenteur d’un contrat de travail, l’agent public mis à disposition ne relève pas des dispositions spécifiques relatives à l’électorat et à l’éligibilité des salariés mis à disposition au sens de l’article L. 2324-17-1
Il ressort donc de la présente décision que les agents publics mis à disposition doivent être traités dans l’entreprise comme des salariés à part entière, soumis aux dispositions de droit commun du code du travail sur l’électorat et l’éligibilité des salariés. Antérieurement à l’adoption de la loi du 20 août 2008, de laquelle est issue la rédaction de l’article L. 2324-17-1, la chambre sociale avait déjà jugé que « Pendant le temps de leur mise à disposition, les fonctionnaires qui sont intégrés à la communauté des travailleurs de l’entreprise, peuvent se prévaloir de la qualité de salarié pour l’expression au sein de celle-ci des droits qui y sont attachés et dès lors sont électeurs et éligibles pour les élections des membres du comité d’entreprise dont l’objet est d’assurer l’expression collective des salariés et qui a vocation à prendre en compte les intérêts de tous les salariés de l’entreprise quel que soit leur statut. » (Soc., 23 mai 2006, pourvois n°05-60.119, 05-60.160, Bull. 2006, V, n°182).