Entreprise d’accueil - employeur de fait

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 octobre 2015

N° de pourvoi : 14-13376

ECLI:FR:CCASS:2015:SO01712

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que dans le cadre d’un contrat conclu le 17 janvier 2005 entre la société Déolis et la société Chimicmétal, M. X... a été mis à disposition de cette dernière en qualité de manager moyennant des « honoraires » de 8 450 euros ; que ce contrat de mise à disposition d’une durée annuelle a été renouvelé en 2006, 2007 et 2008 ; que la société Chimictetal ayant mis fin à sa mission par lettre du 23 mai 2008, M. X... a saisi la juridiction prud’homale en vue d’une requalification de la relation de travail en un contrat de travail à l’égard de la société Chimicmetal ;

Attendu que pour le débouter de sa demande, l’arrêt retient qu’il se trouve dans l’incapacité de démontrer qu’il a effectivement perçu une rémunération, fût-ce de façon indirecte, que s’il affirme que la société Déolis lui reversait la totalité des honoraires qu’elle percevait de la part de la société Chimicmétal, il ne fournit aucun élément de preuve en ce sens, que les seuls éléments qu’il verse aux débats sont tout à fait insuffisants puisqu’ils ne font apparaître des salaires et revenus assimilés que de 6 848 euros en 2005, 6966 € en 2006, 7012 € en 2007 et une absence totale de revenus en 2008, tous ces montants étant inférieurs au montant d’un seul mois d’honoraires dont il prétend qu’ils lui auraient été rétrocédés en intégralité ;

Attendu, cependant, que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;

Qu’en se déterminant comme elle l’a fait, sur le seul critère de la rémunération, alors qu’il résultait de ses constatations que M. X... avait exercé au sein et pour le compte de la société Chimicmétal une activité professionnelle pour laquelle une rémunération forfaitaire était prévue, la cour d’appel, qui n’a pas recherché les conditions de fait dans lesquelles elle était exercée, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 mars 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Chimicmétal aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. Francis X... de sa demande tendant à voir requalifier les liens qui l’unissait à la société Chimicmétal en contrat de travail,

AUX MOTIFS QUE

« le contrat de travail est un contrat aux termes duquel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération.

Il s’en déduit que l’existence d’un contrat suppose la réunion de trois éléments : une prestation de travail, une rémunération et une subordination juridique ;

Or en l’espèce, comme l’a justement retenu le conseil de prud’hommes, l’appelant se trouve dans l’incapacité de démontrer qu’il a effectivement perçu une rémunération, fut-ce de façon indirecte ;

S’il affirme en effet que la Sarl Déolis lui reversait la totalité des honoraires qu’elle percevait de la part de la Sas Chimicmétal, il ne fournit aucun élément de preuve en ce sens ;

Les seuls éléments qu’il verse aux débats, à savoir les avis d’imposition relatifs aux années considérées sont tout à fait insuffisants puisqu’ils ne font apparaître des salaires et revenus assimilés déclarés que 6848 € en 2005, 6966 € en 2006, 7012 € en 2007 et une absence totale de revenus salariaux ou assimilés en 2008, tous ces montants étant inférieurs au montant d’un seul mois d’honoraires dont il prétend qu’ils lui auraient été rétrocédés en intégralité ;

De surcroît, comme le fait observer la Sas Chimicmétal, il s’abstient de fournir aux débats les déclarations de revenus elles-mêmes ce qui aurait permis de distinguer de façon précise la nature des revenus figurant sur l’avis d’imposition ;

(...)

Si en effet les circonstances de l’espèce laissent supposer l’existence de manoeuvres frauduleuses notamment par prêt de main d’oeuvre illicite puisque le contrat de mise à disposition ne portait pas sur une tâche spécifique à accomplir, ce qui relèverait d’une opération de sous-traitance, mais visait bien l’assistance du directeur général par un manager, le contrat décrivant précisément les compétences et le profil de la personne recherchée, la rémunération forfaitaire étant calculée sur la base d’un travail effectif pendant un certain nombre de jours par mois, force est de constater que la Sas Chimicmétal, qui n’explique toujours pas pour quelle raison elle n’a pas procédé à l’embauche directe de M. Francis X... en qualité de directeur opérationnel y a donc prêté la main »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

« (...) M. Francis X... s’est borné à produire aux débats la copie de ses avis d’imposition et non de ses déclarations de revenus comme l’exigeait le jugement rendu le 16 septembre 2010 ;

Or, il convient de rappeler que le demandeur avait auparavant fait valoir que les honoraires versés à la société Déolis par la société défenderesse lui auraient été rétrocédés en totalité, la société Déolis ne constituant selon le premier qu’un écran, entre lui et la société Chimicmétal ;

Dans ces conditions, il y a lieu d’estimer que la preuve du paiement, fut-il indirect d’une rémunération servie par le prétendu employeur, laquelle constitue l’un des éléments caractéristiques du contrat de travail, n’est aucunement rapportée au vu des productions faites aux débats ;

Ces seuls motifs suffisent à débouter M. Francis X... de l’intégralité de ses prétentions. »

ALORS, D’UNE PART, QUE les juges sont tenus d’examiner les éléments de preuve qui leurs sont soumis ; qu’en déboutant M. X... de sa demande tendant à voir requalifier les liens qui l’unissait à la société Chimicmétal en contrat de travail aux motifs qu’il n’aurait pas produit ses déclarations de revenus pour les années 2005 à 2008, la cour d’appel qui a omis de prendre en compte les pièces versées au n° 16 du bordereau de communication portant sur les déclarations de revenus de M. X... de 2005 à 2008, a violé les articles 455 du code de procédure civile et 1353 du code civil,

ALORS D’AUTRE PART, QUE l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle et que l’existence d’une rémunération n’a pas à être démontrée dans son étendue mais dans son principe ; qu’en estimant que les montants des avis d’imposition produits par M. X... étaient insuffisants pour établir l’existence d’une relation de travail avec la société Chimicmétal quand elle relevait bien qu’il s’agissait d’une rémunération et que les montants importaient peu, la cour d’appel a violé l’article L.121-1 du code du travail ancien devenu l’article L.1221-1 du code du travail,

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le lien de subordination juridique est un des éléments caractéristiques du contrat de travail et qu’il est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que dans ses conclusions d’appel M. X... rappelait qu’il était dans un lien de subordination à l’égard de la direction générale de la société Chimicmétal et se fondait pour ce faire sur l’article 5.1 du contrat de mise à disposition aux termes duquel il était indiqué qu’il était placé sous l’autorité de la Direction Générale et devait participer aux réunions du comité de direction de Chimicmétal ; qu’en se fondant, pour rejeter la demande de M. X..., sur le seul critère relatif à la rémunération et sans rechercher, comme elle y était pourtant tenue et invitée, si cet élément n’était pas de nature à caractériser l’existence du lien de subordination, élément essentiel du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.121-1 du code du travail ancien devenu l’article L.1221-1 du code du travail,

ALORS ENFIN QUE l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ; qu’en relevant, pour écarter la demande reconventionnelle de la société Chimicmétal tendant à la condamnation de M. X... à des dommages et intérêts pour recours abusif, que « si en effet les circonstances de l’espèce laissent supposer l’existence de manoeuvres frauduleuses notamment par prêt de main d’oeuvre illicite puisque le contrat de mise à disposition ne portait pas sur une tâche spécifique à accomplir, ce qui relèverait d’une opération de sous-traitance, mais visait bien l’assistance du directeur général par un manager, le contrat décrivant précisément les compétences et le profil de la personne recherchée, la rémunération forfaitaire étant calculée sur la base d’un travail effectif pendant un certain nombre de jours par mois, force est de constater que la Sas Chimicmétal, qui n’explique toujours pas pour quelle raison elle n’a pas procédé à l’embauche directe de M. Francis X... en qualité de directeur opérationnel y a donc prêté la main », la cour d’appel qui a bien constaté que M. X... avait exercé une activité rémunérée pour le compte de la société Chimicmétal et que cette dernière n’avait pas procédé à son embauche de manière régulière, pour en déduire toutefois que M. X... ne rapportait pas la preuve d’une activité salariée au sein de la société, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l’article L.121-1 du code du travail ancien devenu l’article L.1221-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 13 mars 2013