Particulier employeur réel

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 février 2018

N° de pourvoi : 16-16237

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00220

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Farthouat-Danon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 11 mars 2016), que M. Y... a saisi la juridiction prud’homale pour revendiquer l’existence d’un contrat de travail avec M. et Mme X... en qualité de maître d’hôtel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir soulevée et de constater l’existence d’un contrat de travail avec M. Y..., alors, selon le moyen :

1°/ qu’il appartient à celui qui prétend qu’un contrat de travail est fictif de l’établir ; qu’il était constant en l’espèce que M. et Mme X... étaient cadres dirigeants de la société Lionspring de droit anglais, dont la cour d’appel a constaté qu’elle avait embauché M. Y... et qu’elle le rémunérait ; que pour retenir que le véritable employeur de M. Y... était, non pas la société Lionspring qui l’avait embauché et qui le rémunérait, mais M. et Mme X... à titre personnel, la cour d’appel a relevé que la propriété de Falaise où le salarié exerçait sa prestation de travail leur appartenait, qu’y travaillaient d’autres salariés rémunérés par eux et que M. Y... recevait exclusivement des directives de M. et Mme X... ; qu’en statuant ainsi par des motifs ne caractérisant pas que les consignes et directives reçues de M. et Mme X... étaient étrangères à l’exercice de leurs propres fonctions au sein de la société Lionspring, la cour d’appel a privé ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 1121-1 du code du travail ;

2°/ qu’il appartient à celui qui prétend qu’un contrat de travail est fictif de l’établir ; qu’en retenant que M. et Mme X... ne démontraient pas qu’ils recevaient, dans la propriété où travaillait M. Y..., les clients et prospects de la société Lionspring Enterprises Ltd, leur employeur, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que M. Y... travaillait exclusivement dans la propriété personnelle des époux X..., en même temps que d’autres employés salariés par ces derniers, qu’il ne recevait de consignes que des époux X..., et que la société Lionspring Enterprises Ltd n’était intervenue ni dans l’exécution du contrat de travail ni au moment de sa rupture, la cour d’appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, le caractère fictif du contrat de travail existant avec la société Lionspring Enterprises Ltd ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à verser à M. Y... une somme à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance de l’obligation de sécurité, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que la cassation à intervenir sur le troisième moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

3°/ que l’octroi de dommages-intérêts suppose l’existence d’un préjudice qu’il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu’en jugeant que le fait d’avoir travaillé au-delà de la durée maximale hebdomadaire sans repos hebdomadaire six mois par an avait nécessairement causé un préjudice au salarié, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Mais attendu, d’abord, que le rejet du premier et du troisième moyens rend sans portée les première et deuxième branches, qui invoquent une cassation par voie de conséquence ;

Attendu, ensuite, qu’ayant relevé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, la cour d’appel a souverainement apprécié le montant du préjudice dont elle justifié l’existence par l’évaluation qu’elle en a fait ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l’arrêt de dire le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse et de les condamner in solidum à verser à M. Y... diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que le licenciement est l’acte unilatéral par lequel l’employeur manifeste au salarié, de manière claire et non équivoque, sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que le mail du 11 octobre 2008 dans lequel M. X... indiquait à M. Y... connaître son souhait de se libérer à un moment approprié de ses engagements existants et écrivait que « pour le bien de votre santé, je pense que le mieux serait probablement de vous libérer sur le champ des engagements que vous estimez avoir envers nous », consistait en une simple « proposition de rupture » ; qu’en qualifiant néanmoins ce mail de lettre de rupture aux motifs inopérants que M. Y... l’avait lui-même analysé, dans son mail du 13 octobre 2008, comme un licenciement et que M. et Mme X... n’avaient pas contesté cette interprétation ni indiqué qu’ils souhaitaient poursuivre les relations contractuelles avec M. Y..., la cour d’appel qui n’a pas caractérisé une volonté claire et non équivoque des exposants de mettre fin au contrat de travail de M. Y... le 11 octobre 2008, a violé l’article L. 1231-1 du code du travail ;

3°/ qu’interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu’en réponse au mail du 13 octobre 2008 de M. Y..., dans lequel ce dernier se considérait comme licencié, M. X... répondait le même jour « Vous êtes évidemment conscient que la plupart des déclarations sont incorrectes (

) Comme nous l’avons dit depuis le début, c’est une question dont nous devrions discuter et nous serions heureux d’avoir une réunion dans la semaine, à votre convenance » ; qu’en retenant que dans ce mail, M. X... ne contestait pas l’interprétation que M. Y... avait faite de son courriel précédent, la cour d’appel a dénaturé ledit mail en violation du principe susvisé ;

Mais attendu, d’abord, que le rejet du premier moyen rend sans portée la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Attendu, ensuite, qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a constaté, hors toute dénaturation, que les époux X... avaient adressé à M. Y... le 11 octobre 2008 un courriel lui indiquant qu’en raison de son état de santé il serait préférable de le libérer sur le champ de ses engagements, lui demandant de rendre la clef et l’informant de l’annulation de la carte de crédit dont il disposait, et qu’ils avaient réitéré dans un courriel ultérieur leur demande de restitution de la clef, a pu en déduire que la rupture du contrat de travail s’était produite à cette date ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme X... et d’avoir constaté l’existence d’un contrat de travail entre M. Y... et M. et Mme X...

AUX MOTIFS QUE « Aucun contrat de travail écrit n’a été signé. Il est néanmoins constant que M. Y... a été embauché par la société de droit britannique Lionspring Enterprises Ltd -dont M. X... est dirigeant- et rémunéré par cette société.

Il soutient néanmoins que M. et Mme X... étaient ses véritables employeurs, ce que ces derniers contestent.

M. Y... fait valoir que la propriété du Moulin Bigot appartient à M. et Mme X... et qu’il travaillait exclusivement sur ce site où il était logé.

M. et Mme X... ne soutiennent pas et, a fortiori, n’établissent pas que la société Lionspring Enterprises Ltd en serait propriétaire. Ils indiquent certes qu’ils auraient été amenés “à (y) recevoir les clients et prospects de leur employeur” mais n’apportent aucun élément en ce sens. Il ressort en revanche des attestations produites par M. Y... et des courriels échangés que leur fille y séjournait et qu’ils y recevaient des amis.

Il ressort des pièces produites par M. et Mme X... qu’ils employaient et payaient personnellement divers salariés (horticultrice, femme de ménage et cuisinière) pour leur service dans cette propriété.

Les courriels et attestations produites établissent que seuls M. et Mme X... donnaient à M. Y... des consignes de travail et non la société Lionspring Enterprises Ltd qui n’est jamais intervenue dans l’exécution du contrat de travail. La rupture du contrat de travail, dans des conditions qui seront ultérieurement analysés, découle de courriels échangés entre M. et Mme X... et M. Y... sans intervention de la société Lionspring Enterprises Ltd.

Dès lors, M. Y... ayant fourni une prestation de travail au profit de M. et Mme X... dans une propriété leur appartenant en même temps que d’autres employés salariés par M. et Mme X..., sous la subordination exclusive de M. et Mme X..., les véritables employeurs de M. Y... sont M. et Mme X... et non la société Lionspring Enterprises Ltd.

En application du règlement européen 44/2001 du 22/12/2000 du règlement n°121512012 et de l’article R1412-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes de Caen -et partant la présente cour- est compétent pour connaître du litige à raison du lieu d’exécution du contrat de travail, ce qu’au demeurant, M. et Mme X... ne contestent pas, leur contestation portant seulement sur l’existence d’un contrat de travail les liant à M. Y.... La loi applicable est la loi française »

1 - ALORS QU’ il appartient à celui qui prétend qu’un contrat de travail est fictif de l’établir ; qu’il était constant en l’espèce que M. et Mme X... étaient cadres dirigeants de la société Lionspring de droit anglais, dont la cour d’appel a constaté qu’elle avait embauché M. Y... et qu’elle le rémunérait ; que pour retenir que le véritable employeur de M. Y... était, non pas la société Lionspring qui l’avait embauché et qui le rémunérait, mais M. et Mme X... à titre personnel, la cour d’appel a relevé que la propriété de Falaise où le salarié exerçait sa prestation de travail leur appartenait, qu’y travaillaient d’autres salariés rémunérés par eux et que M. Y... recevait exclusivement des directives de M. et Mme X... ; qu’en statuant ainsi par des motifs ne caractérisant pas que les consignes et directives reçues de M. et Mme X... étaient étrangères à l’exercice de leurs propres fonctions au sein de la société Lionspring, la cour d’appel a privé ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L 1121-1 du code du travail ;

2 – ALORS QU’il appartient à celui qui prétend qu’un contrat de travail est fictif de l’établir ; qu’en retenant que M. et Mme X... ne démontraient pas qu’ils recevaient, dans la propriété où travaillait M. Y..., les clients et prospects de la société Lionspring Enterprises Ltd, leur employeur, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné in solidum M. et Mme X... à verser à M. Y... les sommes de 73 657,43€ bruts de rappel de salaire et 7 365,74€ au titre des congés payés afférents, outre une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « Puisqu’il n’est pas écrit, le contrat liant les parties est présumé avoir été conclu à temps complet.

M. et Mme X... à qui il incombe de prouver que ce contrat serait à temps partiel, n’apportent aucun élément en ce sens. M. Y... peut donc prétendre à un rappel de salaire sur la base d’un temps complet.

Il retient comme salaire minimum conventionnel celui applicable au personnel hautement qualifié (niveau 5) et réclame au total 86 652,02€ pour la période du 9/12/2004 au 11/10/2008 incluant une prime d’ancienneté et une majoration d’un sixième pour présence de nuit.

Ce montant sera retenu puisque M. et Mme X... ne contestent ni le niveau de classification, ni les majorations appliquées ni les calculs effectués ni la somme finalement obtenue.

M. Y... déduit de ce montant le salaire versé pendant cette période (12 994,59€ en utilisant un taux de change livre/euro non contesté par M. et Mme X...) et réclame donc la somme de 73657,43€.

M. et Mme X... soutiennent toutefois qu’il conviendrait également de déduire 115 634,08€ que M. Y... aurait encaissés en Suisse.

Toutefois, le seul élément qu’ils fournissent est constitué par un courrier de la SA Banque Syz &co daté du 14/1 /20 1 0 adressé à M. X... dans lequel cette banque confirme avoir transféré à la banque cantonale de Genève à 16 reprises diverses sommes au profit M. Y... entre le 6/4/2005 et le 30/12/2008 pour un total de 76 361,74 livres. Cette lettre ne précise pas quel compte aurait été débité de ces montants ce qui ne permet de savoir si ces sommes provenaient de la société Lionspring Enterprises Ltd, de M. et Mme X... ou de quelque autre compte, sachant que M. Y... a travaillé du 1/12/2001 au 30/5/2002 en Suisse pour un autre employeur et avait donc des contacts dans ce pays.

À supposer même que ces sommes émanent bien de son employeur fictif (la société Lionspring Enterprises Ltd) ou réel (M, et Mme X... ), rien n’établit, en l’absence de tout autre élément, qu’elles ont été versées à titre de salaire et ce d’autant que M. et Mme X... produisent un document, listé dans le bordereau de pièces comme étant “une note interne du 25/7/2012 de Lionspring” (pièce 13), dans laquelle il est spécifié que M. Y... est à nouveau employé par M. et Mme X... à compter du 8/7 aux mêmes conditions (”same terms”) soit (”i.e”) 500 livres nettes par mois.

Il n’y a donc pas lieu de déduire, comme réclamé, la somme de 115 634,08€ »

M. et Mme X... seront donc condamnés in solidum à lui verser la somme réclamée outre les congés payés afférents »

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer que M. Y... ne travaillait qu’à temps partiel à la propriété de Falaise, M. et Mme X... versaient aux débats l’extrait d’un site de référencement de sociétés faisant apparaître la fiche internet de M. Y..., indiquant qu’il était dirigeant d’une société Wells Walk Management Company pour laquelle il exerçait les fonctions de journaliste ; qu’en retenant que M. et Mme X... n’apportaient aucun élément pour démontrer que le contrat était à temps partiel, sans examiner ni même viser cette pièce, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné in solidum M. et Mme X... à verser à M. Y... les sommes de 37 353,55€ bruts de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 3 735,35€ au titre des congés payés afférents, outre une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « S’il résulte de l’article L3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande

Au soutien de sa demande, M. Y... produit plusieurs attestations :

• Mme B..., cuisinière de M. et Mme X... de janvier à juin 2002 et à qui M. Y... a succédé, écrit que sa propre charge de travail excédait la limite légale du temps de travail et qu’il a été imposé à M. Y... des charges supplémentaires notamment du jardinage (s’occuper de la pelouse), l’entretien de deux voitures, les réparations dans la maison et le jardin (peinture, plomberie, maintenance électrique et des ordinateurs), des fonctions de chauffeur pour la famille et les amis.

• Mme C..., compagne de M. Y..., qui connaît M. Y... depuis 1999 et a vécu de 2006 à 2008 au Moulin Bigot indique qu’en l’absence de M. et Mme X... ses tâches consistaient notamment à effectuer de petites réparations, assurer la maintenance de la voiture, des ordinateurs, emporter les vêtements au pressing, cirer les chaussures, effectuer divers achats, entretenir la pelouse.

Quand M. et Mme X... étaient présents, M. Y..., indique-t’elle, n’avait pas un jour de repos, il se levait vers 7H (voire 5 ou 6H si le repas était long à préparer) pour aller acheter le pain, préparait le petit déjeuner, débarrassait, prenait les ordres pour le déjeuner et le dîner, allait acheter les ingrédients nécessaires, préparait le déjeuner, commençait à préparer le dîner, servait le déjeuner, débarrassait. Il était alors 15H et M. Y... s’était restauré debout dans la cuisine en continuant à travailler. Il avait alors parfois quelques heures de liberté mais devait aussi souvent répondre aux demandes de M. et Mme X... qui lui confiaient alors quelques tâches (nettoyer la voiture, aller au pressing ... ). En outre, s’il y avait des invités, le menu fastueux et complexe du dîner nécessitait d’en commencer la préparation dès 15H.

Il recommençait à travailler le soir entre 15H et 19H et achevait son travail vers 21H mais pouvait aussi travailler jusqu’à 22H ou 23H et était parfois appelé dans la soirée pour diverses tâches.

Il lui arrivait également de servir de chauffeur y compris pour aller chercher M. et Mme X... ou des invités à l’aéroport à Paris.

• M. Y... produit également les écrits : d’un ami, M. D... qui indique que M. Y... a dû à plusieurs reprises annuler des invitations car son employeur avait besoin de ses services, de Mme E..., ancienne cuisinière, qui indique qu’au vu des menus que lui a donné M. Y..., ce travail réclamait à lui seul un plein temps sans tenir compte des courses, du service et de l’agencement insuffisant et mal conçu de la cuisine qui majorait le temps nécessaire.

Sera en revanche écarté des débats un écrit établi au nom de Mme G... , non signé.

Les éléments produits étayent la demande de M. Y....

M. et Mme X... n’apportent, quant à eux, aucun élément de nature à justifier les horaires réalisés par M. Y.... En effet, s’ils justifient avoir employé pour le jardinage une paysagiste, un autre salarié (à raison chacun d’un jour par semaine) et une autre personne quelques heures par mois, il ressort toutefois de l’attestation de la paysagiste que M. Y... “s’impliquait parfois” lui-même dans l’entretien de la pelouse.

Ils justifient également avoir employé une femme de ménage (60H par mois) et une employée de maison.

L’existence de ces différents salariés établit que M. Y... n’effectuait pas seul l’intégralité des tâches afférentes à cette propriété, toutefois, leurs tâches étaient différentes de celles que M. Y... indique avoir exécutées et aucun de ceux qui ont attesté en faveur de M. et Mme X... ne contredisent les indications fournies, notamment par Mme C..., concernant la charge de travail de M. Y....

Les heures de travail exécutées par M. Y... seront évaluées de manière différente pendant les périodes de présence et d’absence de M. et Mme X....

Pendant leur présence évaluée à 6 mois par an par les employeurs lors de l’embauche tant de Mme B... que de M. Y..., ce qu’aucun élément ne vient contredire, il sera retenu, au vu des éléments évoqués, ci-dessus un horaire habituel de travail de 10H par jour (7H à 15H et 19H à 21H) 7 jours par semaine, soit 30 heures supplémentaires hebdomadaires par rapport à l’horaire normal de travail indiqué par M. Y... comme étant de 40H hebdomadaires.

M. Y... ayant effectivement retenu 30 heures supplémentaires hebdomadaires, il y a lieu de retenir ses calculs pour la période de présence des employeurs.

En revanche, les éléments apportés par M. Y... ne permettent pas de considérer qu’il a effectué des heures supplémentaires pendant les absences de ses employeurs, l’essentiel de ses fonctions consistant en effet à préparer des repas “haut de gamme” pour ses employeurs.

En conséquence, M. Y... ayant chiffré sa demande sur 12 mois (déduction faite des congés payés), sera retenue la moitié de la somme réclamée (sur laquelle M. et Mme X... n’émettent aucune critique quant aux paramètres utilisés et aux calculs effectués) correspondant aux six mois de présence de ses employeurs.

M. et Mme X... seront donc condamnés à lui verser 37 353,55E (outre les congés payés afférents) »

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE si la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande ; que tel n’est pas le cas de l’évaluation forfaitaire moyenne de 70 heures de travail hebdomadaire invoquée par le salarié dans ses conclusions sur la seule base d’attestations totalement imprécises (cf. productions 6 à 9) se bornant à évoquer une importante charge de travail d’une part, le fait que six mois par an « il se levait vers 7 heures, voire 5 ou 6 heures », qu’il avait « parfois quelques heures de liberté » à partir de 15 heures, qu’il « recommençait à travailler le soir entre 15h et 19 h » et « achevait son travail vers 21 heures mais pouvait aussi travailler jusqu’à 22- 23 heures » d’autre part ; qu’en jugeant que ces seules attestations étayaient la demande de M. Y..., lorsqu’elles étaient insuffisamment précises faute de déterminer l’amplitude des journées de travail de l’intéressé, la cour d’appel a violé l’article L 3171-4 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné in solidum M. et Mme X... à verser à M. Y... la somme de 10 596,60 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, outre une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « M. Y... a été embauché et payé par un employeur fictif, il n’a fait l’objet d’aucune déclaration préalable à l’embauche, n’a pas reçu de bulletins de paie.

Ces éléments caractérisent une dissimulation d’emploi salarié qui justifient l’octroi d’une indemnité. La somme demandée à ce titre (1 766,10E), inférieure à six mois de salaire sera retenue »

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié requiert un élément intentionnel ; qu’en retenant que M. Y... a été embauché et payé par un employeur fictif, n’a fait l’objet d’aucune déclaration préalable à l’embauche, n’a pas reçu de bulletins de paie, pour en déduire une dissimulation d’emploi salarié justifiant l’octroi de l’indemnité prévue par l’article L 8221-5 du Code du travail, la Cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de cette dissimulation, a violé la disposition précitée.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné in solidum M. et Mme X... à verser à M. Y... la somme de 5000 € de dommages et intérêts pour méconnaissance de l’obligation de sécurité

AUX MOTIFS QUE « M. Y... réclame dans le corps de ses conclusions 21 193,20€

à ce titre -cette demande étant ensuite omise dans le dispositif de ses conclusions-.

Il indique qu’à raison de sa charge très importante de travail, l’absence de pause, son état de santé s’est dégradé (crampes aux jambes, maux de tête, extrême fatigue puis hypertension, pancréatite et maladie de Horton). Il indique également avoir dû travailler la veille de noël 2007 malgré une mauvaise chute ayant entraîné une fracture de la symphyse pubienne, de nombreux hématomes et lui occasionnant de vives douleurs.

Hormis des arrêts maladie en octobre 2008, M. Y... n’a pas bénéficié d’arrêts de travail notamment en décembre 2007. Il ne justifie pas non plus, par des documents médicaux, des pathologies qu’il évoque. Seule sa compagne en fait état.

Néanmoins, en faisant travailler M. Y... plus de 48 H par semaine, qui constitue la durée maximale de travail, 6 mois par an pendant plusieurs années de suite, et ce, sans lui accorder de repos hebdomadaire, M. et Mme X... ont méconnu des obligations destinées à préserver la santé des salariés.

En réparation du nécessaire préjudice qui en est résulté pour M. Y..., il seront condamnés à lui verser 5000€ de dommages et intérêts »

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le troisième moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE l’octroi de dommages et intérêts suppose l’existence d’un préjudice qu’il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu’en jugeant que le fait d’avoir travaillé au-delà de la durée maximale hebdomadaire sans repos hebdomadaire 6 mois par an avait nécessairement causé un préjudice au salarié, la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse et d’AVOIR en conséquence condamné in solidum M. et Mme X... à verser à M. Y... les sommes de 1 589,49€ au titre de l’indemnité de licenciement, 3 532,20€ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 353,22€ bruts au titre des congés payés afférents, 3000 € de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, 39000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « M. Y... a été placé en arrêt de travail du 2 au 25/10/2008.

Le 11/10/2008, M. X... lui a adressé un courriel en lui indiquant connaître son souhait de se libérer à un moment approprié de ses engagements existants et écrit que “pour le bien de votre santé, je pense que le mieux serait probablement de vous libérer sur le champ des engagements que vous estimez avoir envers nous “(”I think that for the sake of your health, it would probably be best if we released you from such commitmenls as you feel you have to us forthwith “). Il indique être prêt à en discuter mais indique avoir dû formuler cette proposition par écrit car M. Y... refuse de prendre ses appels.

Il suggère à M. Y..., qui a déménagé ses affaires de la propriété d’effectuer son changement d’adresse auprès de la poste, lui demande de restituer la clef de la porte sur la rue, indiquant souhaiter soit disposer du cottage pour quelqu’un d’autre soit le louer, l’informe que la carte de crédit dont il disposait pour les achats de la maison a été annulée.

Le 13/10, M. Y... répond à ce courriel en indiquant qu’il n’avait pas l’intention de partir avant fin 2009 et avait simplement souhaité que le prochain été s’organise de manière différente. Il semble indique-t’il puisque “vous me demandez de rendre mes clefs et que vous annulez la carte de crédit” que vous avez décidé de mettre définitivement fin à mon emploi et s’étonne d’être ainsi congédié pour sa première maladie en 8 ans. Il conclut son courrier en faisant état de dépenses impayées dont il se propose de donner rapidement le détail.

M. X... répond le même jour sans contester l’interprétation que M. Y... a faite de son courriel précédent en proposant une rencontre, « de toute façon

pour finaliser les comptes impayés » et réitère sa demande de restitution d’une clef.

Le premier courriel de M. et Mme X... pouvait s’analyser comme une proposition de rupture et non comme une rupture en elle-même -bien que dès ce moment-là, M. et Mme X... aient déjà privé M. Y... d’un de ses outils de travail-. M. Y... l’a toutefois analysé comme un licenciement et M. et Mme X... n’ont pas contesté cette interprétation ni indiqué qu’ils souhaitaient poursuivre les relations contractuelles avec M. Y....

Dès lors, à la lumière des échanges postérieurs, ce mail caractérise une rupture du contrat de travail.

Cette rupture intervenue sans procédure ni lettre de licenciement est irrégulière et caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. Y... est donc fondé à obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts.

Les sommes réclamées par M. Y... au titre des indemnités de rupture seront retenues n’étant pas contestées, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, par M. et Mme X....

CD Il est fondé à obtenir des dommages et intérêts pour absence de procédure de licenciement sans pouvoir cumuler, comme il le réclame, indemnisation pour inobservation de la procédure de licenciement et inobservation des dispositions relatives à l’assistance du salarié. Il lui sera alloué de ce chef 3000 E.

M. Y... ne justifie pas de sa situation depuis son licenciement.

Compte tenu des autres éléments connus : son âge (69 ans), son ancienneté (8 ans et 6 mois déduction faite d’une interruption de 5 mois dans les relations contractuelles du 1/12/2001 au 30/5/2002), son salaire (3 869,97€ en prenant en compte le salaire de base majoré de la prime d’ancienneté et de la présence de nuit ainsi que du rappel pour heures supplémentaires) au moment du licenciement, il y a lieu de lui allouer 39 OOOE de dommages et intérêts » ;

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif par application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE le licenciement est l’acte unilatéral par lequel l’employeur manifeste au salarié, de manière claire et non équivoque, sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que le mail du 11 octobre 2008 dans lequel M. X... indiquait à M. Y... connaître son souhait de se libérer à un moment approprié de ses engagements existants et écrivait que « pour le bien de votre santé, je pense que le mieux serait probablement de vous libérer sur le champ des engagements que vous estimez avoir envers nous », consistait en une simple « proposition de rupture » ; qu’en qualifiant néanmoins ce mail de lettre de rupture aux motifs inopérants que M. Y... l’avait lui-même analysé, dans son mail du 13 octobre 2008, comme un licenciement et que M. et Mme X... n’avaient pas contesté cette interprétation ni indiqué qu’ils souhaitaient poursuivre les relations contractuelles avec M. Y..., la Cour d’appel qui n’a pas caractérisé une volonté claire et non équivoque des exposants de mettre fin au contrat de travail de M. Y... le 11 octobre 2008, a violé l’article L 1231-1 du Code du travail ;

3/ ALORS en outre QU’interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu’en réponse au mail du 13 octobre 2008 de M. Y..., dans lequel ce dernier se considérait comme licencié, M. X... répondait le même jour « Vous êtes évidemment conscient que la plupart des déclarations sont incorrectes (

) Comme nous l’avons dit depuis le début, c’est une question dont nous devrions discuter et nous serions heureux d’avoir une réunion dans la semaine, à votre convenance » ; qu’en retenant que dans ce mail, M. X... ne contestait pas l’interprétation que M. Y... avait faite de son courriel précédent, la Cour d’appel a dénaturé ledit mail en violation du principe susvisé.

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen , du 11 mars 2016