Constitution partie civile non recevable si la demande concerne l’exécution du contrat de travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 30 octobre 2012

N° de pourvoi : 11-81694

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Louvel , président

Mme Divialle, conseiller apporteur

M. Salvat, avocat général

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
 M. Patrick X...,

 La société Auchan France, civilement responsable,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 11 janvier 2011, qui, pour travail dissimulé, a condamné le premier à 3 000 euros d’amende avec sursis, prononcé sur les intérêts civils, et a déclaré la société Auchan Melun Boissenart civilement responsable ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 2 octobre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Divialle conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Buisson conseillers de la chambre, MM. Maziau, Barbier conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire DIVIALLE, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général SALVAT ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention des droits de l’homme, des articles L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8221-6, L. 8224-1 du code du travail, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable des faits de travail dissimulé et, en répression, l’a condamné à une amende de 3 000 euros assortie du sursis simple ainsi qu’à verser à la partie civile la somme de 9 870 euros ;
” aux motifs que, pour statuer, il y a lieu pour la cour de relever en droit qu’il n’est pas nécessaire, pour que l’infraction de l’article L. 8221-5 1° du code du travail soit constituée, que le salarié dissimulé soit employé de façon exclusive et continue par l’employeur poursuivi, que la présomption de non-salariat de l’article L. 8221-6 du code du travail est une présomption simple, qu’il doit de même être rappelé qu’il appartient au juge saisi d’une telle contestation de rechercher, dans les circonstances de l’espèce, la qualification qu’il convient licitement de donner à la relation litigieuse, soit ici dans la seule période de prévention du 03 novembre 2002 au 21 février 2005, et donc sans avoir à prendre en compte des éléments d’appréciation antérieurs ; qu’il y a lieu alors de juger que c’est à bon droit, et par des motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu la culpabilité de M. X..., titulaire d’une délégation de pourvoir effective, en sa qualité de directeur du magasin Auchan de Cesson, où M. Alain Y... exerçait l’activité litigieuse ; qu’en effet, tant le procès-verbal de synthèse du 4 mai 2007, accompagnant la transmission de l’enquête diligentée par la section économique et financière de l’antenne de police judiciaire de Melun ; que l’avis transmis au parquet de Melun le 24 avril 2008, après examen de cette procédure, par la Direction départementale du travail de l’emploi et de la formation professionnelle de Seine-et-Marne, cellule de lutte contre le travail illégal, ont procédé à la démonstration circonstanciée, à partir d’une analyse précise en fait, exacte en droit, de la réalité de l’infraction reprochée dans tous ses éléments ; qu’il a ainsi été établi que, sous le couvert d’une activité de travailleur indépendant, la société Auchan Melun Boissenart s’est assurée les services de M. Y..., dans des conditions de réalisation de ses prestations dont elle avait la pleine maîtrise, lui définissant les tâches à accomplir, déterminant ses modalités d’exercice sur les mêmes bases, notamment horaires ; que pour l’ensemble de ses personnels, mettant à sa disposition les moyens de les effectuer, sans lien direct de celui-ci avec les fournisseurs extérieurs qui les rémunéraient dans le cadre de la fourniture de leurs produits, et sans discussion avec eux de sa rémunération ; qu’en particulier, il y a lieu de relever d’abord que M. Z..., inspecteur de la DDCCRF, dans son audition du 13 novembre 2006, a pu faire la double observation qu’il n’existait pas ici de contrat justifiant une intervention de M. Y... pour le compte d’un fournisseur, et que sa rémunération était effectuée en grande partie par les fournisseurs au vu de facturations émises par lui sur prescriptions d’Auchan à l’issue de négociations directes du magasin avec les fournisseurs ou autrement au titre des frais généraux du magasin ; que l’observation relative à l’absence de contrat entre M. Y... et la société Auchan Melun Boissenart ne se trouve pas démentie par les déclarations des divers responsables du magasin Auchan de Cesson entendus par les enquêteurs (M. A... le 10 août 2006, M. Vincent B... le 11 août 2006, M. Martial C... le 31 août 2006, M. Patrick X... le 1er septembre 2006) ; que l’audition du directeur de la société Auchan, M. D... (29 janvier 2009) ne lui est pas davantage contraire, celui-ci affirmant que tous les directeurs de magasin ont pour consigne de faire signer un contrat à chaque prestataire intervenant dans son magasin ; que le modèle type de contrat d’animation annexé à la déclaration de M. D... précise qu’il est convenu entre le fournisseur, la société d’animation et l’animateur, les deux premiers devant être identifiés par leur n° de Siret, et stipule notamment une clause d’attestation d’emploi du démonstrateur pendant toute sa mission ; que force est de constater qu’aucun document de cette nature, applicable aux interventions de M. Y... au magasin Auchan de Cesson dans le temps de la prévention n’a été produit en défense par M. X... ; que l’observation relative aux conditions de rémunération de M. Y... trouve sa confirmation suffisante :

 d’une part dans le courrier électronique du 14 avril 2004 de M. A... à M. X... contenant l’indication que M. Y... ” coûte tout de même plus de 1 200 euros par mois au rayon (si pas de prise en charge par les fournisseurs) “

 d’autre part, dans le courrier électronique du 11 décembre 2004 de M. A... à M. Y... dont la teneur s’analyse clairement en une prescription d’avoir à facturer à la « maison Thorin » une journée d’animation, sur le modèle de l’année précédente, quand bien même il n’avait pas eu de contact effectif avec ce fournisseur ;

 de troisième part, dans la concordance entre la commande passée par le magasin Auchan de Cesson au fournisseur Pierre Chainier (selon courrier de confirmation de ce dernier du 11 juillet 2003) dont le prix inclut un budget animation de deux journées au coût unitaire de 157, 40 euros HT, avec la facture établie le 27 juillet 2003 sur cette base par M. Y... à Auchan pour cette animation ; que les factures de journée d’animation de M. Y... à Auchan ne sauraient venir contredire les éléments d’appréciation ci-dessus, pour avoir été établies à partir de bons de commande de journées d’animation émanant d’Auchan directement à M. Y... à titre de frais généraux, sans aucun justificatif de ce que ce dernier avait été sollicité d’effectuer une telle prestation directement par un fournisseur ; qu’il ne ressort pas davantage des réponses apportées à cet effet aux enquêteurs par les fournisseurs Auchan, la preuve d’une relation directe de M. Y..., en nom propre ou sous couvert d’ARM Conseil, pour convenu d’une prestation au sein du magasin Auchan et de sa rémunération ; qu’il y a lieu encore de retenir de façon spécifique quant aux conditions de travail de M. Y... au magasin Auchan de Cesson :

 premièrement, le courrier adressé le 3 août 2004 par Auchan, notamment sous la signature de M. X..., à M. Y..., dans un contexte de reproches de non-respect par lui de sa prestation de travail de conseil en vins, pour lui rappeler précisément et fermement les objets de sa prestation, son coût journalier, ses horaires quotidiens de début et de fin de journée, ainsi que des pauses de matin et d’après-midi, comme de déjeuner,

 deuxièmement, de l’ordonnance de non-lieu (définitive) du 28 décembre 2007, suit la plainte d’Auchan (violation du secret des correspondances, vols de documents, abus de confiance) que les investigations menées avaient permis de relever que M. A... reconnaissait avoir remis des plans de masse du magasin à M. Y... pour effectuer des plans d’implantation des grands crus à l’occasion des foires aux vins, que M. A... reconnaissait aussi que M. Y... était amené à utiliser son ordinateur professionnel, donnant accès à toutes les applications du logiciel de gestion du magasin ; que ces circonstances doivent bien s’analyser, ensemble, les unes par rapport aux autres, et donc sur la totalité de la période de prévention de la part de la société Auchan Melun Boissenart, sans aucun concours extérieur, en termes de directives de travail données, d’horaires fixés, de détermination de rémunération, d’avertissement d’ordre disciplinaire formulé, comme de mise à disposition de moyens de travail appropriés, et caractérisent donc suffisamment un réel pouvoir de direction de la société Auchan Melun Boissenart à l’égard de M. Y..., et d’une subordination de celui-ci à celle-là, dans le cadre de son activité de conseil en vins au rayon “ liquide “ du magasin auchan ; qu’aucun élément du dossier ne permet de dire que M. X... n’avait pas connaissance de ses obligations en la matière, ni que la situation de M. Y... était d’une complexité telle qu’elle ne lui aurait pas permis de l’apprécier correctement ; que, dans ces conditions, c’est bien à juste titre qu’il est fait grief à M. X..., dans l’exercice de son pouvoir d’employeur, d’avoir intentionnellement dissimulé de ce chef une activité de nature salariale par M. Y... à défaut d’avoir procédé à sa déclaration préalable à l’embauche dans les termes de l’article L. 1221-10 du code du travail ;
” 1) alors que le délit de travail dissimulé suppose l’existence d’un contrat de travail ; que les personnes physiques immatriculées auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation à moins qu’il ne soit établi qu’elles aient fourni directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ; que dans ses conclusions, M. X... faisait valoir que M. Y... avait travaillé pour d’autres sociétés et dans d’autres supermarchés, soit en tant que salarié, soit par le biais de l’entreprise de conseils qu’il avait créée, concomitamment à la réalisation d’animations pour le magasin Auchan de Cesson ; qu’en retenant l’existence d’un contrat de travail sans rechercher si la réalisation de prestations par la partie civile au profit d’autres sociétés et au sein d’autres supermarchés n’excluait pas toute relation de travail exclusive avec ce dernier, partant tout lien de subordination juridique permanente, la cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
” 2) alors que le délit de travail dissimulé suppose l’existence d’un contrat de travail caractérisé par l’accomplissement, moyennant rémunération, d’une prestation par une personne au profit d’une autre sous la subordination juridique de laquelle elle se place ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en retenant l’existence d’un contrat de travail entre la société Auchan et M. Y... sans constater la moindre directive précise donnée par M. X... à la partie civile quant à la façon d’effectuer sa prestation d’animation au sein du magasin comme du moindre contrôle exercé sur le prestataire, soit directement par la soumission de celui-ci à une surveillance physique soit indirectement par la remise obligatoire de rapports d’activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
” 3) alors que ne sauraient constituer un indice susceptible de caractériser un lien de subordination, les instructions imposées par le donneur d’ordre lorsqu’elles sont inhérente à l’objet de la prestation commerciale confiée à son cocontractant ; qu’en déduisant du courrier du 3 août 2004, par lequel M. X... se bornait à rappeler à M. Y... l’objet de ses obligations contractuelles et à lui signaler un manquement à celles-ci, l’exercice d’un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction caractéristique d’un lien de subordination juridique, la cour a violé les textes susvisés ;
” 4) alors que ne sauraient constituer un indice susceptible de caractériser un lien de subordination, les instructions imposées par le donneur d’ordre lorsqu’elles sont inhérente à l’objet de la prestation commerciale confiée à son cocontractant ; qu’en retenant l’existence d’un lien de subordination sans rechercher si en l’état de l’absence d’obligation de pointage pesant sur le prestataire, la présence de celui-ci pendant une durée totale de huit heures durant les heures d’ouverture du supermarché n’était pas inhérente à l’objet même de la prestation d’animation confiée à M. Y... qui supposait, par nature, la présence de la clientèle dans le magasin et qui était, au surplus, rémunérée sur la base d’un forfait journalier de huit heures, la cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
” 5) alors que ne sauraient constituer un indice susceptible de caractériser un lien de subordination, les instructions imposées par le donneur d’ordre lorsqu’elles sont inhérentes à l’objet de la prestation commerciale confiée à son cocontractant ; qu’en retenant l’existence d’un lien de subordination juridique sans rechercher si l’accès par le prestataire aux plans de masse et à un logiciel informatique n’étaient pas inhérents à l’objet même des prestations d’animation et de gestion du stock supposant respectivement l’agencement des gondoles lors des foires à vins et l’étiquetage des grands crus arrivés en caisse sans étiquetage, la cour a privé de base légale sa décision ;
” 6) alors que le versement d’une rémunération fixe est insuffisant à établir l’existence d’un contrat de travail ; que, dans ses conclusions, M. X... établissait par les éléments du dossier, la réalité des prestations d’animation effectuées par la partie civile au profit des fournisseurs, distinctes de celles réalisées au profit du magasin Auchan Cesson, la pratique avérée de la sous-traitance par la partie civile qui facturait ainsi plusieurs prestations pour la même journée sans qu’aucune d’elles ne soit fictive, l’existence de liens directs entre la partie civile et les fournisseurs matérialisés par la transmission par la première aux seconds de comptes-rendus d’activité, enfin la variation du montant des prestations d’animation facturées par le prestataire tant à la société Auchan qu’aux fournisseurs ; que, dès lors, en se bornant, à faire état d’une rémunération fixe qui aurait été imposée à la partie civile par la société Auchan, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs impropres à établir l’existence d’un contrat de travail, privant ainsi sa décision de base légale ;
” 7) alors que le délit de travail dissimulé est un délit intentionnel ; qu’en retenant qu’aucun élément du dossier ne permettait de dire que la situation de la partie civile était d’une complexité telle qu’elle n’aurait pas permis à M. X... de l’apprécier sans s’expliquer sur les analyses contradictoires de la relation contractuelle ayant existé entre le magasin et son prestataire réalisées par les différents services d’enquête successivement saisis, attestant précisément d’une telle complexité, la cour a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs “ ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, et des pièces de procédure que M. X..., titulaire d’une délégation de pouvoirs consentie par la société Auchan pour diriger le magasin de la société à Cesson, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l’article L. 8221-5 du code du travail, pour avoir omis de procéder à la déclaration préalable à l’embauche de M. Y..., animateur et conseiller en vins au sein dudit magasin, et ainsi commis le délit de travail dissimulé ; que le tribunal a dit la prévention établie ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris sur l’action publique, après avoir relevé qu’il n’était pas nécessaire pour que l’infraction de travail dissimulé soit établie, que le salarié dissimulé soit employé de façon exclusive et continue par l’employeur poursuivi, les juges du second degré, se fondant sur les constatations des enquêteurs, énoncent notamment que, sous le couvert de prestations de conseil et d’animation censées émaner d’un travailleur indépendant, la société Auchan s’est assurée les services de M. Y... dans des conditions démontrant l’existence d’un lien de subordination, et, en conséquence, celle d’un contrat de travail ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé retenu, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article L. 8223-1 du code du travail, des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. X... à verser à la partie civile une indemnité forfaitaire de 9 870, 78 euros et a déclaré l’arrêt opposable à la société Auchan Melun Boissenart ;
” aux motifs que, contrairement à l’appréciation des premiers juges, M. Y... doit être jugé autant recevable que bien fondé en sa réclamation en paiement d’une indemnité de 9 870, 78 euros, équivalente à six mois de salaires sur la base, non discutée de la moyenne mensuelle de ses rémunérations des douze derniers mois ; qu’en effet, au terme de l’article L. 8223-1 du code du travail, cette indemnisation, qui est consécutive à la commission d’une infraction aux règles protectrices publiques du droit du travail, donc nécessairement préjudiciable à celui qui en a été la victime, est à caractère forfaitaire, et ainsi non modulable ; que, par ailleurs les conditions d’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale se trouvent bien réunies au profit de M. Y... à l’encontre de M. X..., tant en première instance, comme apprécié exactement par les premiers juges, qu’à hauteur d’appel pour une somme qu’il convient de fixer à 2500 euros ; qu’enfin, M. X... doit supporter les entiers dépens civils, tant de première instance que d’appel, dans les tenues du dispositif ci-après ; que, de dernière part, la présente décision doit être déclarée opposable à la société Auchan Melun Boissenart, en sa qualité de civilement responsable de M. X..., au titre de ses dispositions civiles ;
” 1) alors que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient exclusivement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; que le droit à indemnisation sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail est conditionné par la rupture de la relation de travail de sorte qu’il ne saurait réparer un préjudice directement causé par l’infraction ; que, dès lors, en faisant droit à la demande formulée par la partie civile sur le fondement de cet article, la cour a violé ce texte par fausse application ;
” 2) alors que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient exclusivement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; qu’en ne recherchant pas, comme l’y invitaient les demandeurs par leurs conclusions, si le montant de la rémunération de la partie civile au titre des prestations réalisées en qualité de travailleur indépendant, dès lors qu’il était bien supérieur à celui auquel M. Y... aurait pu prétendre en qualité de salarié, n’excluait pas que l’infraction poursuivie ait pu lui causer le moindre préjudice, la cour a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé “ ;
Vu l’article 2 du code de procédure pénale, ensemble l’article 3 du même code ;
Attendu qu’il résulte de ces textes que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction ne peut être exercée devant la juridiction pénale, en même temps que l’action publique, que pour les chefs de dommages découlant des faits qui sont l’objet de la poursuite ;
Attendu que, statuant sur la réparation du dommage causé par l’infraction de travail dissimulé commise, la cour d’appel a alloué à M. Y..., partie civile, la somme de 9 870, 73 euros représentant le montant de l’indemnité forfaitaire fixée à six mois de salaire par l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail des salariés employés dans les conditions prévues par l’article L. 8221-5 dudit code ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’indemnité en cause, dont l’allocation, liée à la rupture du contrat de travail, relevait de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale, ne pouvait constituer, au sens des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, la réparation du préjudice causé par l’infraction déclarée établie, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives aux intérêts civils, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 11 janvier 2011, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente octobre deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et Mme Couffrant le greffier de chambre ;
Publication : Bulletin criminel 2012, n° 226

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 11 janvier 2011

Titrages et résumés : ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Conditions - Dommage découlant des faits objet des poursuites

Il résulte des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction ne peut être exercée devant la juridiction pénale en même temps que l’action publique que pour les chefs de dommages découlant des faits qui sont l’objet de la poursuite.

Doit être cassé l’arrêt qui, dans une poursuite exercée du chef de travail dissimulé par dissimulation de salariés, alloue à la partie civile l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail de salariés employés dans les conditions prévues à l’article 8221-5 dudit code, alors que l’indemnité en cause, dont l’allocation relève de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes, ne pouvait constituer, au sens des articles 2 et 3 précités, la réparation du préjudice causé par l’infraction déclarée établie

TRAVAIL - Travail dissimulé - Dissimulation d’emploi salarié - Préjudice - Réparation - Allocation de l’indemnité forfaitaire pour rupture de contrat de travail (non)

Textes appliqués :
• articles 2 et 3 du code de procédure pénale ; articles L. 8223-1 et L. 8221-5 du code du travail