2001 délibération relative au traitement des procès-verbaux par les COLTI

Délibération 01-038 du 12 juin 2001
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

Nature de la délibération : Avis favorable avec reserves
Etat juridique : En vigueur

Date de publication sur Légifrance : Mercredi 13 novembre 2019

Délibération portant avis sur un projet d’arrêté présenté par le ministre de la justice portant création d’un traitement relatif à la gestion des procès-verbaux d’infractions de travail illégal destiné à être mis en oeuvre dans les comités opérationnels de lutte contre le travail illégal OLTI)

La Commission nationale de l’informatique et des libertés,

Saisie par le Ministre de la Justice d’un projet d’arrêté portant création d’un traitement automatisé d’informations nominatives à caractère personnel relatif à la gestion des procès-verbaux d’infractions de travail illégal destiné à être mis en oeuvre dans tous les comités opérationnels de lutte contre le travail illégal,

Vu la Convention du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981, pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel,

Vu la directive européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pris ensemble le décret n° 78-774 du 17 juillet 1978,

Vu loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 renforçant la lutte contre le travail clandestin,

Vu la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal, pris ensemble le décret n° 97-213 du 11 mars 1997 relatif à la coordination de la lutte contre le travail illégal ;

Vu la délibération de la CNIL n° 99-032 du 27 mai 1999 ;

Vu le projet d’arrêté présenté par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ;

Après avoir entendu Monsieur Hubert Bouchet, Vice-Président délégué, en son rapport et Madame Chadotte-Marie PITRAT, Commissaire du Gouvernement, en ses observations ;

OBSERVE :

La loi du 31 décembre 1991 relative à la lutte contre le travail clandestin a inséré dans le code du travail les articles L. 324-9 et suivants qui instituent un dispositif destiné à lutter contre le travail illégal et prévoient une coordination entre les différents corps de contrôle.

Par ailleurs, la loi du 11 mars 1997 a inséré dans le code du travail un article L. 324-13-2 qui prévoit que les aides publiques à l’emploi, ou à la formation professionnelle peuvent être refusées aux personnes physiques ou morales ayant fait l’objet d’un procès-verbal constatant l’existence d’une infraction de travail dissimulé ou de marchandage.

Le décret du 11 mars 1997 relatif à la coordination de la lutte contre le travail illégal a créé plusieurs instances ayant pour mission de favoriser la lutte contre le travail dissimulé, l’emploi non déclaré, l’introduction et l’emploi illicites de main-d’oeuvre étrangère, le marchandage, le prêt illicite de main-d’oeuvre, le cumul d’emplois, le placement et le cumul irrégulier de revenus de remplacement avec les revenus d’un emploi.

A cet effet, ont été créés dans chaque département des comités opérationnels de lutte contre le travail illégal (COLTI) qui ont pour mission de coordonner les opérations de contrôle, de recenser les moyens nécessaires à ces opérations, de mettre à disposition des URSSAF et des services des impôts les informations nécessaires au recouvrement des cotisations sociales et des impôts, de veiller aux échanges d’informations en direction des services de protection sociale en application de l’article L. 324-13 du code du travail et d’établir des statistiques destinées à mieux appréhender le phénomène du travail illégal.

Le projet d’arrêté soumis à l’examen de la Commission a pour objet de créer, au sein de chaque COLTI, dans tous les départements, un traitement automatisé d’informations nominatives de centralisation et de suivi des procès-verbaux établis en matière de travail illégal en vue d’échanger ces informations entre les différents agents chargés du contrôle et des suites administratives ou judiciaires. Ce traitement a pour finalités de mettre à disposition des services chargés d’opérer des recouvrements des informations concernant les procédures engagées contre une personne physique ou morale et leurs résultats en matière pénale ou administrative, de permettre aux services enquêteurs, préalablement à une intervention programmée à l’encontre d’une personne, de vérifier si la personne concernée fait ou a déjà fait l’objet d’une procédure en matière de lutte contre le travail illégal, de permettre au parquet de déclencher certaines enquêtes, et aux autorités concernées de mettre en oeuvre les dispositions de l’article L. 324-13-2 du code du travail, enfin, d’effectuer un suivi statistique de l’action des services enquêteurs et des réponses judiciaires et administratives ainsi qu’un suivi de la jurisprudence.

L’article 30 de la loi du 6 janvier 1978 réservant aux seules juridictions et autorités publiques agissant dans le cadre de leurs attributions légales le traitement automatisés d’informations nominatives concernant les infractions et condamnations, il y a lieu d’observer que les COLTI, placés sous l’autorité du procureur de la République territorialement compétent, sont habilités, eu égard aux dispositions législatives et réglementaires citées ci-dessus, à procéder à un traitement de cette nature.

Seront enregistrés dans le traitement les nom, prénom, date de naissance, nationalité, sexe, qualité et qualification du mis en cause, la qualité de l’emploi salarié objet de la plainte, les numéro de procédure, de parquet et qualité du service enquêteur, la date des faits, la date de clôture du procès-verbal, le mode de saisine, des informations sur le contrôle (lieu, coordination), les nom, adresse, numéro SIRET et forme juridique de la société, la relation économique, la nationalité si l’entreprise est étrangère, l’adresse du lieu du constat, le type de lieu, le secteur d’activités concerné, le nombre de salariés et le nombre de salariés illicites, la nature de l’infraction constatée et le nombre d’infractions, ainsi que la nature des suites judiciaires apportées à l’affaire, les condamnations prononcées dans la procédure visée, la date du jugement, la menton d’un éventuel appel ou pourvoi en cassation et les éventuelles suites fiscales, sociales ou relatives aux aides publiques.

La Commission prend acte qu’aucune information nominative relative aux salariés ne sera enregistrée dans le traitement.

Le projet d’arrêté prévoit que les informations seront conservées pendant une durée de cinq ans à compter de leur inscription. Cette durée de conservation est pertinente et adaptée aux dispositions de l’article l’article 324-13-2 du code du travail qui prévoit que les aides publiques à l’emploi ou à la formation professionnelle peuvent être refusées pendant une durée maximale de cinq ans aux personnes physiques ou morales ayant fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé ou marchandage.

Le projet d’arrêté prévoit en outre que, en cas de non-lieu ou de relaxe, les informations nominatives relatives aux dirigeants et aux entreprises seront effacées dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive. En cas de classement sans suite, les informations seront effacées dans un délai de dix jours à compter de la date de la décision de classement.

La Commission relève que l’article 4 du projet d’arrêté précise que sont habilités à obtenir communication des informations traitées les magistrats du ou des parquets du ressort du COLTI, les membres du COLTI, ainsi que les agents habilités, aux termes de l’article L. 324-12 du code du travail, à constater les infractions en matière de travail dissimulé. Toutefois, seul le secrétaire permanent du COLTI, placé sous l’autorité du procureur de la République, disposant d’un accès direct au fichier, la rédaction de cet article devrait être précisée afin de distinguer, d’une part, les personnes et autorités disposant d’un accès direct au fichier (le procureur de la République et le secrétaire permanent du COLTI), d’autre part, les autres autorités et organismes qui pourront être destinataires des informations sur demande. Enfin, la Commission prend acte que les services de la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI) seront uniquement destinataires d’informations concernant des personnes morales.

Le droit d’accès et de rectification aux informations traitées s’exercera auprès du secrétariat permanent des COLTI. Les personnes en seront informées lors de l’établissement des procès-verbaux.

EMET un avis favorable au projet d’arrêté présenté par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, sous réserve que l’article 4 du projet d’arrêté soit ainsi rédigé ;

"Disposent seuls d’un accès direct au traitement les magistrats du ou des parquets du ressort et le secrétaire permanent du COLTI, placé sous l’autorité du procureur de la République. Peuvent en outre être destinataires des informations enregistrées dans le traitement les membres du COLTI ainsi que, sur leur demande, (les autres catégories d’agents ou de fonctionnaires visés par l’article 4 du projet d’arrêté)."

Le Président, Michel GENTOT