Loge de gardienne oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 23 avril 2003

N° de pourvoi : 02-82985

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois avril deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Danielle, épouse Y...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 19 mars 2002, qui, pour soumission d’une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine, l’a condamnée à 10 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 225-14 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de soumission d’une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement indignes ;

”aux motifs que les constatations du contrôleur du travail, corroborées par les photographies annexes à la procédure ainsi que la description faite de la loge par les fonctionnaires de police établissent que des conditions de logement indécentes ont été imposées à Diva Z... ; que Danielle Y... ne saurait invoquer que cet état des lieux résulterait d’un défaut d’entretien imputable à la gardienne alors qu’il est patent que l’humidité constante, résultant d’un défaut d’étanchéité est à l’origine de la dégradation et de l’insalubrité de la loge, et que la vétusté et le délabrement des équipements sanitaires et du chauffage ne peuvent provenir d’un manque de soin ;

que les quelques travaux de fortune dont fait état Danielle Y... en produisant plusieurs factures, qui certes démontrent qu’elle n’a pas ignoré ainsi qu’elle l’invoque les problèmes de fuite d’eau et d’installation électrique, auxquels était confrontée la gardienne, ne démontrent nullement que des mesures nécessaires ont été prises pour éviter l’état de délabrement et d’insalubrité qui a été constaté en 1999 et 2000 ; que l’état de dépendance de Diva Z... résulte, ainsi que l’a relevé le tribunal, du fait qu’employée depuis 1984 et âgée de 60 ans, elle ne dispose d’aucun autre logement que celui lié à son emploi ; que Danielle Y... ne saurait se prévaloir ni de sa bonne foi ni de sa qualité de simple mandataire du syndicat des copropriétaires ; qu’en effet la période visée par la prévention étant postérieure au 2 novembre 1999, date à laquelle le cabinet Artois Gestion a reçu la mise en demeure du contrôleur du travail, Danielle Y... ne peut soutenir avoir ignoré les conditions dans lesquelles la gardienne était logée ni la nécessité d’y remédier dans un bref délai ; qu’elle n’a d’ailleurs pas tardé à réunir une assemblée de copropriétaires “pour étudier des devis” ; que ce n’est néanmoins que sous la pression de la citation devant le tribunal qu’elle s’est décidée à provoquer la réunion d’une assemblée générale extraordinaire le 10 octobre 2000, soit près d’un an plus tard, afin d’examiner les devis, reçus pour certains depuis le mois de janvier, et soumettre enfin les travaux au vote des copropriétaires ; que Danielle Y... ne démontre ni même n’allègue avoir été confrontée aux réticences des copropriétaires ou soumise à des difficultés particulières l’ayant contrainte de différer la réunion d’une assemblée ; qu’il en résulte que sa culpabilité doit être retenue dans les limites fixées par le tribunal, soit à compter de janvier 2000, date à partir de laquelle, en pleine connaissance de la situation de logement de Diva Z..., elle a laissé s’écouler plusieurs mois avant de soumettre au vote de l’assemblée les travaux nécessaires ;

”alors, d’une part, que le délit de soumission d’une personne vulnérable ou dépendante à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ne peut être incriminé qu’en raison du comportement de l’employeur ou du bailleur qui abuse de la vulnérabilité ou de la dépendance de ses employés ou locataires ;

qu’en l’espèce, la prévenue, simple mandataire de la copropriété, ne peut être personnellement responsable des fautes éventuellement commises dans l’exercice de ses fonctions qui rejaillissent sur la copropriété ; que le droit pénal étant d’interprétation stricte, Danielle Y... ne peut être considérée comme l’auteur de l’infraction ; que, par suite, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de l’article 225-14 du Code pénal ;

”alors, d’autre part, qu’il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; qu’en l’espèce, Danielle Y... faisait valoir dans un chef péremptoire de ses conclusions d’appel délaissées que, dès réception de la mise en demeure qui lui a été notifiée, celle-ci a convoqué l’assemblée générale des copropriétaires tenue le 10 décembre 1999 qui, au vu de la mise en demeure, a mandaté le syndic pour l’établissement de devis ; que les devis ont été réunis et les travaux votés en assemblée générale extraordinaire le 10 octobre 2000, que ces travaux ont été immédiatement mis en oeuvre, qu’ainsi l’élément intentionnel fait défaut” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme que Danielle Y..., présidente de la société Artois Gestion, syndic de copropiété, a été poursuivie sur le fondement de l’article 225-14 du Code pénal pour avoir, en abusant de sa situation de dépendance, soumis Diva Z..., gardienne d’immeuble, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de ce délit, la cour d’appel retient que le contrôleur du travail, qui avait constaté l’existence de cette situation le 29 octobre 1999, a adressé à la société, le 2 novembre 1999, une mise en demeure de procéder, dans le délai de deux mois, à certains travaux, afin d’y remédier, et que, faute d’avoir reçu un procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires décidant de les réaliser, et, ayant constaté que la gardienne continuait à vivre dans les mêmes conditions de logement, il a dénoncé ces faits au procureur de la République, le 3 février 2000 ;

Que, après avoir constaté que les conditions d’hébergement décrites dans le procès-verbal du contrôleur du travail étaient contraires à la dignité humaine et que la gardienne, employée depuis 1984, âgée de soixante ans, ne disposant d’aucun autre logement, se trouvait dans une situation de dépendance à l’égard de son employeur, les juges du second degré, pour écarter l’argumentation de Danièle Y... qui soutenait que la responsabilité pénale du syndic ne pouvait être retenue pour d’éventuelles fautes commises par le syndicat des copropriétaires, énoncent que celle-ci, qui, depuis la mise en demeure, ne pouvait ignorer les conditions d’hébergement, ni la nécessité d’y remédier dans un bref délai, ne s’est néanmoins décidée à réunir l’assemblée des copropriétaires, afin d’examiner les devis reçus, qu’après qu’elle eut été citée devant le tribunal correctionnel ; qu’ils ajoutent qu’elle ne démontre ni même n’allègue avoir été confrontée aux réticences des copropriétaires, ou soumise à des difficultés particulières l’ayant contrainte à différer la réunion de cette assemblée, et que sa culpabilité devait donc être retenue, la prévenue ayant, en pleine connaissance de cause, laissé s’écouler plusieurs mois avant de soumettre les travaux à un vote ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que, contrairement à ce qui est allégué, l’article 225-14 du Code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur, incrimine le comportement de toute personne qui abuse de la situation de dépendance ou de vulnérabilité d’autrui pour le soumettre à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, sans exiger que l’auteur soit l’employeur ou le bailleur de la victime ;

D’où il suit que le moyen qui, en sa seconde branche, se borne à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond de l’élément intentionnel de l’infraction, ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, M. Beyer conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 11ème chambre du 19 mars 2002

Titrages et résumés : ATTEINTE A LA DIGNITE DE LA PERSONNE - Article 225-14 du Code pénal - Soumission d’autrui à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine - Eléments constitutifs - Auteur employeur ou bailleur de la victime (non).

Textes appliqués :
* Code pénal 225-14