Emploi illégal salarié étranger sans titre de travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 7 septembre 1999

N° de pourvoi : 98-86069

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
"-" Y... Jianping,
"-" X... Chunying, épouse A...,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 15 septembre 1998, qui les a condamnés, le premier, pour complicité d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, complicité d’exécution d’un travail clandestin, aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France, recours aux services de travailleurs clandestins, faux et usage, à 18 mois d’emprisonnement dont 12 mois avec sursis, 50 000 francs d’amende et 3 ans d’interdiction du territoire français, la seconde, pour complicité d’exécution d’un travail clandestin, aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France, complicité de faux et usage, à 12 mois d’emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d’amende et 3 ans d’interdiction du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 341-6 et L. 364-3 du Code du travail, L. 324-11 et L. 362-3 du même Code, 121-6 et 121-7 du code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la présomption d’innocence ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jianping Y... coupable de complicité d’emploi d’étranger sans autorisation de travail, complicité de travail clandestin et recours aux services de travailleurs clandestins, et Chunying Y..., son épouse, coupable de complicité de travail clandestin et de travail clandestin, et les a condamnés de ces chefs, en prononçant en outre l’interdiction du territoire français pour une durée de 3 ans ;
” aux motifs propres et adoptés, que les époux Z..., donneurs d’ordre, ont indiqué avoir travaillé avec un atelier situé dans l’appartement de Chunying Y..., épouse de Jianping Y..., au 182 avenue Rouget-de-Lisle à Vitry-sur-Seine, Madame Z... ayant précisé y avoir vu deux machines dans le salon et avoir été reçue par un couple en septembre/ octobre 1996 ; que les époux He ont précisé que Chunying X... épouse A... travaillait à domicile aidée par des jeunes chinois, et avait trois machines dans le salon ; que la perquisition effectuée dans cet appartement a fait découvrir les traces récentes de l’existence d’un atelier de confection ; que, malgré l’importance des mouvements affectant les comptes bancaires des époux A..., ceux-ci ne se sont jamais valablement expliqués sur l’origine de ces sommes ;
” alors, d’une part, que tout jugement doit être motivé ;
que Jianping Y... était prévenu de complicité d’emploi d’étrangers sans autorisation de travail, de complicité de travail clandestin et de recours aux services de travailleurs clandestins, et Chunying Y... de travail clandestin et de complicité de travail clandestin, sans autre précision ; qu’en les déclarant coupables des faits visés à la prévention aux seuls motifs précités, sans préciser les faits exacts qui étaient reprochés à chacun d’eux, et sans caractériser les éléments constitutifs de chaque infraction, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;
” alors, d’autre part, qu’en déclarant les époux A... coupables de complicité de travail clandestin, et Jianping Y... de complicité d’emploi d’étrangers sans autorisation de travail, sans caractériser l’infraction principale ni les actes de complicité, la cour d’appel a violé les articles L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3, L. 341-6 et L. 364-3 du Code du travail, ainsi que 121-6 et 121-7 du Code pénal ;
” alors, de troisième part, qu’en déclarant Jianping Y... coupable de recours aux services de travailleurs clandestins, sans préciser les faits exacts qui lui sont reprochés ni caractériser les éléments constitutifs de l’infraction, la cour d’appel a violé les articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail ;
” alors, de surcroît, que le seul fait de travailler à domicile ne caractérise pas l’exercice d’un travail clandestin ; qu’en déclarant Chunying Y... coupable de ce délit au motif susvisé, sans caractériser les éléments constitutifs de l’infraction, la cour d’appel a violé les articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail ;
” alors, enfin, que la preuve des infractions pénales incombe aux autorités poursuivantes ; qu’en déduisant la culpabilité des époux A... de ce qu’ils n’ont pas justifié de l’origine des sommes se trouvant sur leurs comptes bancaires, la cour d’appel a renversé la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d’innocence “ ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jianping Y... coupable d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’étrangers en France, et Chunying Y... coupable d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger en France, en l’espèce “ X se disant Jianjun A... alias Jianping Y... ”, et les a condamnés de ce chef, en prononçant en outre l’interdiction du territoire français pour une durée de 3 ans ;
” aux motifs adoptés que, lors de son interpellation, Jianjun A... se faisait passer pour son frère Jianping Y... dont il produisait la carte de résident ; que la découverte, dans l’appartement des époux A..., de photocopies de passeports, d’imprimés vierges et de planches photographiques d’identité, démontre l’implication des époux A... dans un réseau de recrutement de clandestins à partir de la Chine ; que Jianping Y... a reconnu que ces documents devaient permettre le passage de chinois (de la famille) en France via l’Italie ;
” alors, d’une part, que, concernant Chunying Y..., la prévention ne visait que l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier de X, se disant Jianjun A... ” ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que Jianjun A..., frère de Jianping Y..., a utilisé, lors de son arrestation, l’identité de son frère en exhibant la carte de résident de ce dernier ; qu’en déclarant Chunying Y... coupable des faits visés à la prévention, sans préciser en quoi elle aurait, personnellement, aidé à l’entrée et au séjour irrégulier en France de son beau-frère, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
” alors, d’autre part, que, concernant Jianping Y..., la prévention visait l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier “ d’étrangers “ en France, l’arrêt attaqué précisant (p. 4) : “ en l’espèce des chinois entrés clandestinement en France “ ; qu’en déclarant Jianping Y... coupable des faits visés à la prévention, aux seuls motifs qu’il détenait des photocopies de passeport, des imprimés vierges et des planches photographiques d’identité “ devant “, selon lui, servir à des chinois pour passer en France, sans relever d’actes délictueux d’ores et déjà réalisés et susceptibles de recevoir la qualification prévue par l’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, la cour d’appel a violé les textes susvisés “ ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de violation des articles 441-1 et 441-2 du Code pénal, 121-6 et 121-7 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jianping Y... coupable de faux en documents administratifs, et d’usage à titre habituel de faux en documents administratifs, et Chunying Y... coupable de complicité de faux en documents administratifs, et les a condamnés de ces chefs en prononçant, en outre, l’interdiction du territoire français pour une durée de 3 ans ;
” aux motifs adoptés que la découverte, dans l’appartement des époux A..., de photocopies de passeports, d’imprimés vierges et de planches photographiques d’identité démontre l’implication des époux A... dans la fabrication de faux documents administratifs ;
” alors, d’une part, qu’en déclarant Jianping Y... coupable de faux en documents administratifs et usage à titre habituel, aux seuls motifs de la détention de photocopies de passeport, d’imprimés vierges et de planches photographiques d’identité, sans constater l’établissement par le prévenu, à l’aide de ces éléments, de faux documents administratifs et leur usage, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
” alors, d’autre part, qu’en déclarant Chunying Y... coupable de complicité de faux en documents administratifs et usage à titre habituel, sans caractériser l’infraction principale, et sans caractériser à son encontre le moindre acte de complicité, la cour d’appel a violé les textes susvisés “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris 12ème chambre , du 15 septembre 1998