Formation du contrat de travail - promesse embauche

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 12 juillet 2010

N° de pourvoi : 09-40507

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Haas, SCP Peignot et Garreau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., vivant en Allemagne et envisageant de s’installer en France sur une propriété qu’il venait d’acquérir, a engagé M. Y... en qualité de jardinier gardien le 1er juin 2003 ; qu’il a en outre promis à Mme Z..., compagne de M. Y..., de l’engager pour s’occuper de ses enfants, à compter du 1er juin 2004, date prévue pour son installation, ensuite reportée au 1er août 2004 ; que Mme Z... n’a pas occupé son emploi lors de l’arrivée de la famille X... ; que, se prévalant d’un contrat de travail à compter du 1er juin 2003, Mme Z... a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la rupture ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 et L. 3141-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter Mme Z... de ses demandes, l’arrêt retient que la lettre du 10 février 2003 de M. X... qui fixe la nature de l’activité de la salariée, le temps de travail et le montant du salaire à compter du 1er juin 2004 constitue une promesse d’embauche ferme et définitive qui a été acceptée par l’intéressée, la date de début du travail étant reportée ensuite au 1er août 2004, que cette dernière n’a pas exécuté cette promesse d’embauche et n’a fourni aucune explication à cet égard ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que Mme Z... avait accepté la promesse ferme et définitive d’embauche de M. X..., ce dont il résultait qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties, et que la circonstance que le contrat n’ait pas reçu exécution n’excluait pas que la salariée puisse prétendre au paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, par application de l’article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif visé par le deuxième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme Z... de ses demandes tendant à obtenir une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité de préavis et les congés payés afférents et en ce qu’il la condamne à payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture de la promesse d’embauche et une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 9 avril 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mme Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Madame Juliette Z... de sa demande tendant à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité de préavis et les congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE « le courrier du 10 février 2003 qui fixe la nature de l’activité de la salariée (garde d’enfants), le temps de travail (35 heures par semaine) et montant du salaire (1 000 €) à compter du 1er juin 2004 constitue une promesse d’embauche ferme et définitive qui a été acceptée par Madame Z... ; qu’il ressort des courriers échangés entre les parties que Madame X... et Madame Z... ont mis au point les conditions d’arrivée de la famille X..., qui a été reportée au 1er août 2004 en raison du retard des travaux d’aménagement de la maison, sans que Madame Z... formule la moindre observation sur le report de son embauche, de sorte qu’il faut considérer qu’elle l’a accepté ; qu’il est constant qu’elle n’a pas exécuté cette promesse d’embauche et ne fournit aucune explication à cette défaillance, alors que les époux X... produisent deux courriers écrits le 30 août et le 1er septembre 2004 par lesquels ils lui demandent de commencer son travail ; que dès lors, c’est avec une particulière mauvaise foi que Madame Z... leur a écrit le 3 décembre 2004 pour solliciter des dommages et intérêts en raison de défaut de contrat de travail en juin et juillet 2004 sans expliquer son absence » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’ « aucun contrat n’a jamais été signé entre les époux X... et Madame Z... ; que nul lien de subordination réelle n’est prouvé et que, partant, aucun certificat de travail ni attestation ASSEDIC n’ont lieu d’être délivrés ;

ALORS D’UNE PART QUE la lettre d’embauche indiquant l’identité des parties, la date d’engagement, la nature de l’emploi, et la rémunération constitue un contrat de travail ; que dès l’engagement ferme des parties, celles-ci sont liées par un contrat de travail avec toutes les conséquences que cela entraîne ; qu’en considérant que la lettre du 10 février 2003 qui fixait la nature de l’activité de la salariée, le temps de travail et montant du salaire à compter du 1er juin 2004 constituait une promesse d’embauche ferme et définitive qui avait été acceptée par Madame Z..., la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé les articles 1134 du Code civil, et L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS D’AUTRE PART QUE la promesse ferme et définitive d’embauche constitue un contrat de travail dont la rupture du fait de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, même s’il n’a reçu aucun commencement d’exécution ; qu’en déboutant Madame Z... de sa demande d’indemnité de préavis outre les congés payés y afférents quand bien même il résultait de ses constatations que l’engagement de Monsieur X... constituait une promesse ferme et définitive d’embauche que la salariée avait acceptée, ce dont il résultait qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties, et que la circonstance que le contrat ait été rompu avant tout commencement d’exécution n’excluait pas que la salariée puisse prétendre au paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés y afférents, la Cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1234-5, L. 3141-1 du Code du travail ;

ALORS EN OUTRE QUE l’acceptation de la modification d’un contrat de travail doit être claire et précise et ne peut résulter de la seule absence de protestation du salarié ; qu’en énonçant qu’il ressortait des courriers échangés entre les parties que Madame X... et Madame Z... avaient mis au point les conditions d’arrivée de la famille X..., qui avait été reportée au 1er août 2004, sans que Madame Z... ne formule la moindre observation sur le report de son embauche, de sorte qu’il fallait considérer qu’elle l’a accepté, la Cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;

ALORS ENFIN ET PAR CONSEQUENT QUE lorsqu’un salarié démissionne en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d’acte et produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d’une démission ; qu’en refusant d’examiner les griefs invoqués par la salariée au soutien de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail, aux motifs erronés que les parties n’auraient pas été liées par un contrat de travail, cependant qu’en l’absence de preuve de l’acceptation de la salariée d’un report de la prise d’emploi du 1er juin au 1er août 2004, il apparaissait que les griefs exposés par Madame à l’appui de sa lettre de rupture étaient fondés, la Cour d’appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1232-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Madame Juliette Z... à payer à Monsieur X... la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture de la promesse d’embauche outre une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « le défaut d’exécution par Madame Z... d’une promesse d’embauche, sans motif légitime, constitue une faute contractuelle qui justifie, non pas le paiement à l’employeur de l’indemnité compensatrice de préavis, mais l’allocation à celui-ci de dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice, qui est évalué, compte tenu de la nature de l’emploi consistant en la garde de 6 enfants, à la somme de 3 000 € ; que Madame Z..., qui succombe, ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; qu’elle devra au contraire régler à Monsieur X... la somme de 1 500 € sur ce fondement » ;

ALORS D’UNE PART QU’en application de l’article 624 du nouveau Code de procédure civile, la censure qui s’attachera au premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif attaqué par le deuxième moyen en l’état d’une dépendance nécessaire ;

ALORS D’AUTRE PART QU’en condamnant Madame Z... à payer à Monsieur X... une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture de la promesse d’embauche cependant qu’il résultait de ses propres constatations que les parties étaient liées par un contrat de travail, la Cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Madame Z... de ses demandes tendant à obtenir le paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « dans le courrier du 10 février 2003, Madame X..., agissant pour le compte de son mari puisque c’est elle qui connaît la langue française, a écrit : « Nous vous proposons également un contrat fixe, cependant seulement à partir du 1er juin 2004…Durant la période du 1er juin 2003 au 30 mai 2004, nous vous proposons de suivre des cours d’allemand, de cuisine, d’ordinateur ou autres, cours qui vous seront naturellement remboursés avec un salaire mensuel forfaitaire de 300 € net et comptant (?) plus les frais occasionnés par vos déplacements, hormis pour les cours » ; que Madame Z... a ainsi répondu le 28 février 2003 : « Je vous remercie pour vos offres de stage, vous rendrai compte de vos dépenses ; pourriez- vous me procurer une attestation dans laquelle vous indiqueriez l’embauche pour juillet 2004 et une attestation de logement nominative à partir de juin 2003 afin de bénéficier si possibilités de stages de l’Etat » : que ces deux courriers, qui expriment la commune volonté des parties, constituent une promesse d’embauche par Monsieur X... à l’attention de Madame Z..., qui l’accepte, à partir de juin ou juillet 2004, lors de l’arrivée de la famille X... en France, la future salariée ayant la possibilité d’effectuer des stages de formation préalables à cette embauche moyennant le remboursement de la somme mensuelle forfaitaire de 300 € » ; qu’il résulte des mails échangés entre les intéressées que Madame Z... n’a en fait suivi aucune formation et s’est contentée d’acheter des livres ; qu’en outre, il n’est pas établi qu’elle a exercé une quelconque activité en relation avec la garde des enfants X... puisqu’elle a écrit le 28 avril 2004 qu’elle avait hâte de les connaître et ne justifie pas les avoir rencontrés ultérieurement ; que s’agissant des prestations qu’elle prétend avoir effectuées, elles se limitent à quelques informations générales sur la scolarité en France et à la préparation d’une collation lors de la venue des époux X... une journée fin février 2004, qui entrent dans le cadre de la préparation de la future embauche et ne constituent pas l’exécution de tâches pour le compte du futur employeur ; que le versement par Monsieur X... de la somme mensuelle de 300 €, correspondant au remboursement forfaitaire de stages, ne constitue pas le paiement d’une rémunération même si Madame X..., qui ne maîtrise pas la langue française, a qualifié cette somme de salaire ; qu’enfin, Madame Z... n’apporte aucun élément de preuve de ce qu’elle était soumise à Monsieur X... par un quelconque lien de subordination à partir du mois de juin 90063/BP/MAM 2003, alors que les mails qu’elle produit concernent Monsieur Y... qui était effectivement salarié depuis cette date et les vacances du couple en août 2004 où elle était censée avoir commencé son emploi ; qu’ainsi que l’a exactement décidé le Conseil de prud’hommes, Madame Z... doit être déboutée de la totalité de ses prétentions qui reposent sur l’existence d’une relation salariée entre le 1er juin 2003 et le 31 juillet 2004 qu’elle ne justifie pas » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’« aucun contrat n’a jamais été signé entre les époux X... et Madame Z... ; que nul lien de subordination réelle n’est prouvé et que, partant, aucun certificat de travail ni attestation ASSEDIC n’ont lieu d’être délivrés » ;

ALORS D’UNE PART QU’en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve ; qu’en exigeant de la salariée qu’elle rapporte la preuve d’un lien de subordination avec Monsieur X..., la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le stage, qui entre dans l’obligation de l’employeur de formation et d’adaptation du salarié à l’emploi qu’il occupe ou doit occuper, place nécessairement le salarié hors de la subordination juridique de l’employeur mais sans rompre le lien contractuel avec lui ; qu’en déboutant la salariée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé aux motifs inopérants que Madame Z... ne rapportait ne rapportait pas la preuve qu’elle aurait été soumise par un quelconque lien de subordination à Monsieur X..., la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8221-5 du Code du travail ;

ALORS ENFIN QUE par des écritures demeurées sans réponse, Madame Z... faisait valoir qu’elle avait bénéficié de quinze jours de congés pour le mois d’août 2004, ce qui démontrait que les époux X... avaient considéré que la relation de travail avait débuté dès le mois de juin 2003, puisque, si la relation de travail avait débuté en juin 2004, Madame Z... n’aurait pu acquérir autant de droit à congés ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen déterminant des écritures d’appel de la salariée de nature à démontrer l’existence d’un travail dissimulé, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.
Décision attaquée : Cour d’appel de Toulouse du 9 avril 2008

Textes appliqués :
* Cour d’appel de Toulouse, 9 avril 2008, 07/02627