Accident du travail - cumul oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 21 juin 2005

N° de pourvoi : 04-87596

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de Me CAPRON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Serge,

"-" La SOCIETE PMP SONOREL,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 3 décembre 2004, qui, pour blessures involontaires, travail dissimulé, prêt de main d’oeuvre à but lucratif, marchandage, emploi de salarié sans mise à disposition de moyen de protection, embauche de travailleurs sans organisation de formation, a condamné le premier à 4 mois d’emprisonnement, 15 000 euros d’amende, 3 ans d’interdiction de gérer, et, pour blessures involontaires, travail dissimulé, prêt de main d’oeuvre à but lucratif, marchandage, a condamné la seconde à 30 000 euros d’amende, 5 ans d’exclusion des marchés publics, et, a ordonné une mesure de publication ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513, 591 et 592 du Code de procédure pénale et du principe à valeur constitutionnelle du respect des droits de la défense ;

”en ce qu’il ne résulte pas des énonciations de l’arrêt attaqué que, lors des débats, la société PMP Sonorel ou son avocat ont eu la parole les derniers ;

”alors que le prévenu ou son avocat ont, lors des débats devant la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel, toujours la parole les derniers ; que l’arrêt attaqué, dont les énonciations n’établissent pas que l’avocat de la société PMP Sonorel, qui représentait cette société à l’audience des débats, a eu la parole le dernier, est donc atteint de nullité” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que l’avocat de la Société PMP Sonorel, non comparante devant la cour d’appel a eu la parole en dernier ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-2, 121-3 et 222-19 du code pénal, L. 125-1, L. 125-3, L. 152-3, L. 231-2, L. 231-3-1, L. 263-2, L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Serge X... et la société PMP Sonorel coupables de blessures involontaires, de prêt illicite de main-d’oeuvre, de marchandage, de travail dissimulé, d’omission de mise à disposition des travailleurs de moyens de protection individuelle et de vérification de leur utilisation effective, et d’omission du respect des mesures relatives à l’hygiène, la sécurité ou les conditions de travail des travailleurs et, en conséquence, a condamné Serge X... aux peines de quatre mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, a ordonné, à son égard, l’affichage de son arrêt par extraits sur la porte de l’établissement de la société PMP Sonorel pendant un délai de deux mois et dans la limite du montant de l’amende, a condamné la société PMP Sonorel à une amende d’un montant de 30 000 euros, a prononcé son exclusion des marchés publics pour une durée de cinq années et a ordonné, à son égard, la publication de son arrêt, par extraits, dans le journal “ Le Parisien “ dans la limite de 1 000 euros ;

”aux motifs que, “c’est Serge X... qui a signé avec la société ABSL le contrat du 10 juillet 1997 “ (cf., arrêt attaqué, p. 8, 3ème considérant) ; que Serge X... se prévaut, pour s’exonérer de toute responsabilité pénale en l’espèce, de la délégation de pouvoirs qu’il a consentie en matière de sécurité à ses préposés Serge Y... et Michel Z..., conducteurs de travaux salariés de la société PMP Sonorel, en précisant que ces délégataires n’exerçaient pas leur mission en même temps ; qu’aux termes de l’avenant en date du 1er septembre 1995 au contrat de travail de Michel Z... et de l’avenant en date du 1er décembre 1995 au contrat de travail de Serge Y..., Serge X... a délégué à chacun de ces salariés “ pouvoirs pour exercer les facultés de contrôle et de direction sur le personnel de chantier et veiller au respect de tous textes législatifs, réglementaires ou communautaires, particulièrement ceux régissant le domaine du bâtiment et notamment la législation sur la sécurité du travail “ et mission d’” assurer le cas échéant par substitution du représentant légal de la société, la responsabilité pénale des infractions aux textes législatifs, réglementaires ou communautaires dans le domaine de la présente délégation” ; que, contrairement aux affirmations de Serge X..., il ne ressort d’aucune disposition contractuelle que ces deux salariés étaient appelés à se remplacer et n’étaient pas compétents en même temps ; qu’il s’en déduit qu’il y a eu, pendant l’exécution du chantier du Clos Nollet, délégation de pouvoirs en matière de sécurité à deux préposés concurremment ; que l’existence de deux délégations de pouvoirs pour l’exécution d’une même mission était en l’espèce de nature à entraver les initiatives des prétendus délégataires et à les priver de l’autorité et de l’efficacité requises ; que ces délégations, se trouvant dès lors dépourvues de validité, ne sauraient exonérer le chef d’entreprise des responsabilités pénales encourues en la matière ; : qu’au surplus, une délégation de pouvoir ne peut exonérer le chef d’entreprise de sa responsabilité pénale que pour autant que le délégataire soit pourvu de la compétence et de l’autorité lui permettant d’assumer efficacement ses obligations ;

que tel n’était le cas en l’espèce ni pour Serge Y..., ni pour Michel Z..., dès lors que les délégataires ne disposaient ni de l’autonomie requise dans l’exercice des compétences prétendument déléguées - le président-directeur général s’immisçant fréquemment dans le déroulement des tâches prétendument confiées aux délégataires, comme en font foi les courriers signés par Serge X... dans les relations PMP Sonorel - ABSL-, ni de la compétence requise en matière de sécurité, notamment Michel Z..., manifestement peu au fait de la législation applicable et dont le certificat d’aptitude à la mission de coordonnateur de sécurité et de santé, invoqué par Serge X..., sans qu’il soit démontré que cette qualification était à l’origine suffisante, n’a en tout état de cause été délivré qu’en octobre 1997 “ (cf., arrêt attaqué, p. 11, 1er au 4ème considérants) ;

”alors que, de première part, la circonstance qu’un chef d’entreprise a délégué ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail n’est pas de nature à priver de telles délégations de leur effet exonératoire de la responsabilité pénale du chef d’entreprise, lorsque les délégataires n’ont pas exercé les pouvoirs qui leur ont été délégués en même temps, mais de manière successive dans le temps ; qu’en vertu du principe de la liberté de la preuve en matière pénale, la preuve de l’existence et de l’étendue de la délégation de pouvoirs peut être rapportée par tous moyens et n’est pas soumise à l’exigence de la production d’une preuve littérale ; qu’en conséquence, en se fondant, pour dénier tout effet exonératoire aux délégations de pouvoirs consenties par Serge X... à Michel Z... et Serge Y..., sur l’absence d’une stipulation de ces délégations de pouvoirs écrites prévoyant que ces salariés pouvaient être appelés à se remplacer et n’étaient pas compétents en même temps, au lieu de rechercher si, comme le soutenait Serge X..., lesdits salariés n’avaient pas, dans les faits, exercé les pouvoirs qui leur avaient été délégués d’une manière successive dans le temps, mais jamais au même moment, la cour d’appel a privé sa décision de motifs au regard des dispositions susvisées ;

”alors que, de deuxième part, en se fondant, pour considérer que Michel Z... et Serge Y... ne disposaient pas de l’autonomie requise dans l’exercice des pouvoirs qui leur avaient été délégués, sur l’existence de courriers signés par Serge X... adressés à la société ABSL, sans constater que ces courriers avaient trait aux tâches de contrôle et de direction du personnel de chantier pour l’exécution desquelles les délégations de pouvoir avaient été consenties, la cour d’appel a, également, privé sa décision de motifs au regard des dispositions susvisées ;

”alors que, de troisième part, la cour d’appel a dénaturé le contrat conclu, le 10 juillet 1997, entre la société PMP Sonorel et la société ABSL, en énonçant qu’il avait été signé par Serge X..., puisqu’il ressort de l’examen des paraphes et de la signature portés sur ce contrat qu’il a été signé, au nom de la société PMP Sonorel, par Michel Z... ;

”alors que, de quatrième part, en considérant que Michel Z... ne disposait pas de la compétence requise en matière de sécurité quand elle constatait que, le 15 décembre 1997, soit à la date des faits de blessures involontaires, d’omission de mise à disposition des travailleurs de moyens de protection individuelle et de vérification de leur utilisation effective, et d’omission du respect des mesures relatives à l’hygiène, la sécurité ou les conditions de travail des travailleurs, qui ont été reprochés à Serge X..., Michel Rouselle était titulaire d’un certificat d’aptitude à la mission de coordinateur de sécurité et de santé, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations ;

”alors qu’enfin, les personnes morales ne sont responsables pénalement que des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que la cassation à intervenir sur l’un quelconque des éléments du moyen de cassation entraînera, dès lors, la cassation par voie de conséquence des déclarations de culpabilité de la société PMP Sonorel dont la responsabilité pénale a été retenue en raison des infractions qui ont été retenues à l’encontre de Serge X...” ;

Attendu que c’est par une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, que les juges du second degré ont exposé les motifs dont ils ont déduit, sans insuffisance ni contradiction, que les salariés auxquels le prévenu prétendait avoir délégué ses pouvoirs en matière de sécurité n’étaient pas pourvus des moyens et de l’autorité nécessaires pour veiller efficacement au respect de la réglementation relative à la sécurité des travailleurs ;

Que, dès lors, le moyen qui, en sa première branche critique les motifs surabondants de l’arrêt relatifs à l’existence d’une double délégation, ne saurait être accueilli ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, L. 362-3 et L. 362-6 du Code du travail, 121-2 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, le principe à valeur constitutionnelle du respect des droits de la défense ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Serge X... et la société PMP Sonorel coupables de travail dissimulé et, en conséquence, a condamné Serge X... aux peines de quatre mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, ordonné, à son égard, l’affichage de son arrêt par extraits sur la porte de l’établissement de la société PMP Sonorel pendant un délai de deux mois et dans la limite du montant de l’amende, condamné la société PMP Sonorel à une amende d’un montant de 30 000 euros, a prononcé son exclusion des marchés publics pour une durée de cinq années et a ordonné, à son égard, la publication de son arrêt, par extraits, dans le journal “ Le Parisien” dans la limite de 1 000 euros ;

”aux motifs qu’ “ il est reproché à Serge X... et la société PMP Sonorel d’avoir employé Néji A..., Mohamed B..., Habib C..., Farhat D..., Lofti E... F... et Foued G... sans effectuer les formalités prescrites par le Code du travail ; qu’il incombe au donneur d’ordre, conformément aux dispositions des artiles L. 324-10 et R. 324-4 du Code du travail, d’obtenir de son sous-traitant les documents établissant que celui-ci s’acquitte de ses obligations en matière de déclarations sociales ; qu’il est constant que Néji A..., Mohamed B..., Habib C..., Farhat D..., Lofti E... F... et Foued G... étaient en situation irrégulière sur le territoire national et n’avaient fait l’objet d’aucune déclaration aux organismes sociaux compétents ; que la société PMP Sonorel et Serge X..., à qui incombait cette obligation puisque c’est lui qui a signé avec la société ABSL le contrat du 10 juillet 1997, se sont contentés de la seule attestation sur l’honneur signée le 10 juillet 1997 par Mohamed H..., gérant de fait de la société ABSL, certifiant que le travail serait effectué par des salariés régulièrement employés, et n’ont à aucun moment réclamé les déclarations préalables à l’embauche des salariés concernés, ou les attestations de l’Urssaf certifiant que la société ABSL était à jour du paiement de ses cotisations sociales ; que Mohamed I... H... a, de façon constante au cours de l’instruction, indiqué que les responsables de la société PMP Sonorel étaient informés de la situation irrégulière des ouvriers de la société ABSL ; que Michel Z... a reconnu ne pas s’être assuré que les papiers des ouvriers étaient ou non authentiques ; que les faits d’exécution de travail dissimulé pour les six salariés concernés sont dans ces conditions pleinement caractérisés à l’encontre de Serge X... et de la société PMP Sonorel “ (cf., arrêt attaqué, p. 8 et 9) ;

”alors que, de première part, les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis, sauf acceptation expresse par le prévenu d’être jugé sur des faits et circonstances non compris dans la poursuite ; que, saisie de faits de travail dissimulé par emploi de salariés sans respect des formalités de déclaration préalable à l’embauche, de remise d’un bulletin de paie, de tenue d’un livre de paie et de tenue d’un registre unique de personnel, la cour d’appel a substitué des faits distincts à ceux de la prévention et excédé les limites de sa saisine en retenant, sans constater l’acceptation expresse des prévenus d’être jugés sur des faits et circonstances non compris dans la prévention, que Serge X... et la société PMP Sonorel avaient commis, en s’abstenant de demander à la société ABSL les documents établissant qu’elle s’acquittait de ses obligations en matière de déclarations sociales, le délit de travail dissimulé par recours aux services d’un sous-traitant ayant exercé un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ;

”alors que, de deuxième part, en substituant d’office des faits distincts de ceux de la prévention, sans avoir invité, au préalable, les prévenus à présenter leur défense sur ces nouveaux faits, la cour d’appel a violé les textes et principe susvisés ;

”alors que, de troisième part et à titre subsidiaire, à supposer même qu’il soit retenu que la cour d’appel n’a pas substitué des faits distincts de ceux de la prévention, mais s’est bornée à les requalifier d’office, la cour d’appel a, en tout état de cause, violé les textes et principe susvisés, en statuant comme elle l’a fait sans avoir invité, au préalable, les prévenus à présenter leur défense sur la nouvelle qualification envisagée ;

”alors que, de quatrième part, la cour d’appel a dénaturé le contrat conclu, le 10 juillet 1997, entre la société PMP Sonorel et la société ABSL, en énonçant qu’il avait été signé par Serge X..., puisqu’il ressort de l’examen des paraphes et de la signature portés sur ce contrat qu’il a été signé, au nom de la société PMP Sonorel, par Michel Z... ; que cette dénaturation prive de motifs non seulement la déclaration de culpabilité de Serge X..., mais également celle de la société PMP Sonorel, dont la responsabilité pénale a été retenue en raison des infractions qui ont été retenues à l’encontre de Serge X... ;

”alors qu’enfin, en se fondant, pour caractériser l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé à l’encontre de Serge X... et de la société PMP Sonorel, sur les seules déclarations de Mohamed H... selon lesquelles “les responsables de la société PMP Sonorel” auraient été informés de la situation irrégulière des ouvriers de la société ABSL, et donc sur des déclarations qui n’établissaient, en l’absence de précision sur l’identité des “responsables” visés, ni que Serge X... personnellement, ni qu’un organe ou représentant, au sens de l’article 121-2 du Code pénal, de la société PMP Sonorel avaient connaissance de la situation des salariés de la société ABSL, la cour d’appel a privé sa décision de motifs au regard des dispositions susvisées” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel qui n’a procédé à aucune requalification a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du Code pénal, L. 125-1, L. 125-3, L. 152-3, L. 152-3-1 et L. 324-14 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, le principe “non bis in idem” ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Serge X... et la société PMP Sonorel coupables de prêt illicite de main-d’oeuvre et de marchandage et, en conséquence, a condamné Serge X... aux peines de quatre mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, ordonné, à son égard, l’affichage de son arrêt par extraits sur la porte de l’établissement de la société PMP Sonorel pendant un délai de deux mois et dans la limite du montant de l’amende, a condamné la société PMP Sonorel à une amende d’un montant de 30 000 euros, a prononcé son exclusion des marchés publics pour une durée de cinq années et a ordonné, à son égard, la publication de son arrêt, par extraits, dans le journal “ Le Parisien “ dans la limite de 1 000 euros ;

”aux motifs que “ il est reproché à Serge X... et la société PMP Sonorel d’avoir, en utilisant la main d’oeuvre fournie par la Sarl ABSL, réalisé une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre hors des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire, et ayant pour effet de causer un préjudice aux salariés concernés ; qu’il n’est pas contesté que le choix par la société PMP Sonorel de la société ABSL n’a pas été soumis à l’agrément du maître d’ouvrage comme l’exigeaient les dispositions du cahier des clauses administratives particulières du marché SIEMP-PMP Sonorel applicables à la sous-traitance ; que l’intervention de la société ABSL ne s’inscrivait dès lors pas dans le cadre d’une sous-traitance officielle ; que Mohamed H..., gérant de fait de la société ABSL, a toujours fait valoir que le contrat conclu le 10 juillet 1997 entre PMP Sonorel et ABSL avait pour seul objet la fourniture par ABSL d’ouvriers sur le chantier du Clos Nollet ; qu’il ressort des déclarations constantes de Mohamed H..., de Mohamed J... et de Serge Y... : - que la société ABSL, dont le manque manifeste de compétence a été reconnu par Mohamed J..., Serge Y... et Michel Z..., ne mettait en oeuvre aucune technique qui lui fût propre ; - que le périmètre d’intervention d’Absl n’était pas distinct de celui du donneur d’ordre, les ouvriers d’ABSL intervenant concurremment avec ceux de PMP Sonorel pour l’exécution des travaux de ravalement objet de la convention du 10 juillet 1997 et étant intégrés dans les équipes de PMP Sonorel ; - que l’encadrement des personnels d’ABSL, dont le gérant de fait n’était présent que très épisodiquement sur le chantier, n’était assuré que par PMP Sonorel dont le chef de chantier, Mohamed J..., distribuait quotidiennement le travail aux ouvriers d’ABSL ; - que, pour les travaux exécutés par ABSL, PMP Sonorel fournissait tout sur le chantier (outils, matériels, marchandises) à l’exception du personnel ; que ces éléments démontrent une absence d’indépendance du prestataire par rapport au donneur d’ordre et un transfert, au profit de ce dernier, de l’autorité exercée sur les salariés d’ABSL ; qu’il s’en déduit que la convention du 10 juillet 1997 ne présentait pas les caractères d’un contrat d’entreprise, mais avait en réalité pour seul objet la fourniture de main d’oeuvre au profit de la société PMP Sonorel ;

que la convention ayant été conclue moyennant une rémunération pour la société ABSL, l’opération avait un but lucratif ; que le délit de prêt de main d’oeuvre à but lucratif prévu par l’article L. 125-3 du Code du travail se trouve, dans ces conditions, pleinement caractérisé ; que l’opération a causé un préjudice aux salariés de la société ABSL dès lors qu’en l’absence de déclaration des intéressés aux organismes sociaux, le prêt de main-d’oeuvre a eu pour effet de les priver des avantages sociaux conférés aux salariés de la société PMP Sonorel ; que le délit de marchandage prévu par l’article L. 125-1 du Code du travail se trouve, dans ces conditions, pleinement caractérisé “ (cf., arrêt attaqué, p. 9 et 10) ;

”alors que, d’une part, un même fait ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ; que dès lors la cour d’appel ne pouvait déclarer Serge X... et la société PMP Sonorel coupables à la fois de prêt illicite de main d’oeuvre et de marchandage ;

”alors que, d’autre part, en énonçant qu’il ressortait des déclarations constantes de Mohamed H... que l’encadrement des ouvriers de la société ABSL n’était assuré que par les salariés de la société PMP Sonorel et que la société ABSL n’avait fourni aucun matériel, la cour d’appel a dénaturé le procès-verbal d’audition de Mohamed H... du 17 décembre 1997 (D 20), relatant que celui-ci a déclaré que la société Absl “ donn(ait) aux ouvriers les pinceaux, les rouleaux, le ciment, la peinture, les marteaux, en fait tout le petit outillage “ et que c’était “ (lui) qui dit aux ouvriers ce qu’ils doivent faire. Je suis le chef de chantier. Lorsque je ne suis pas présent, ils savent ce qu’ils ont à faire. ( ) Le chef des travaux de la société PMP n’a pas à commander mes ouvriers” ;

”alors qu’enfin, en retenant que l’opération litigieuse avait causé un préjudice aux salariés de la société ABSL, au motif qu’en l’absence de déclaration aux organismes sociaux, cette opération avait eu pour effet de les priver des avantages sociaux de la société PMP Sonorel, quand, en application des dispositions de l’article L. 324-14 du Code du travail, les salariés de la société ABSL pouvaient bénéficier de ces avantages de la part de la société PMP Sonorel, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits de prêt illicite de main-d’oeuvre et de marchandage, lesquels constituent des infractions distinctes, dont elle a déclaré les prévenus coupables et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 11ème chambre du 3 décembre 2004