Décision de principe - paiement des heures supplémentaires oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 24 octobre 2018

N° de pourvoi : 17-20691

ECLI:FR:CCASS:2018:SO01525

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 18 octobre 2005, par la société Entreprise Malet en qualité de chef de chantier (ETAM niveau E) ; qu’il est devenu délégué du personnel suppléant le 29 juin 2012 ; que par courrier du 22 août 2014, le salarié a contesté la qualification de chef de chantier mentionnée sur son contrat de travail ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale le 24 septembre 2014 et pris acte de la rupture de son contrat de travail le 18 novembre 2014 ;

Sur les premier, deuxième, et troisième moyens du pourvoi principal de l’employeur :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :

Vu les articles L. 3121-10, L. 3121-22, du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu que pour limiter à une certaine somme la condamnation de la société Malet à titre de rappel d’heures supplémentaires, l’arrêt retient que la reconnaissance du statut de cadre et l’impact que cela peut avoir sur la réalisation d’heures supplémentaires, à défaut de pointage, pour des salariés autonomes et susceptibles de se déplacer, ne plaçait pas le salarié en position d’obtenir gain de cause concernant la période postérieure au 1er avril 2013, qu’il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation de la cour que l’employeur ait procédé à une violation des règles sur la durée du travail ;

Qu’en statuant ainsi alors, que la qualité de cadre et l’existence d’une liberté d’organisation dans le travail ne suffisent pas à exclure le droit au paiement d’heures supplémentaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il limite la condamnation de la société Entreprise Malet à payer à M. X... la somme de 5 387,18 euros, congés payés compris au titre de l’année 2012, l’arrêt rendu le 2 mai 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Poitiers ;

Condamne la société Entreprise Malet aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Entreprise Malet et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Malet.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que sur la période courant du mois d’avril 2013 au 18 novembre 2014, M. X... a occupé les fonctions de conducteur de travaux, statut cadre, position B, niveau 1 et d’AVOIR en conséquence condamné la société Entreprise Malet à lui payer la somme de 9.969,38 euros à titre de rappel de salaire outre la somme de 996,96 euros au titre des congés payés ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le positionnement, attendu que la cour entend faire intégralement droit à la pertinente motivation des premiers juges, dont elle adopte le raisonnement consistant à considérer que la réalité des fonctions exercées permettait de classer M. X... dans la catégorie cadre dès le mois d’avril 2013, avec les conséquences financières qui en ont à juste titre été tirées ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur le statut de M. X... au sein de la société Entreprise Malet, titulaire d’un DUT génie civil (bac +2) M. X... a été embauché comme chef de chantier et conformément aux dispositions de la convention collective, et compte tenu de son âge, de son diplôme et de son expérience professionnelle, il a été classé ETAM, niveau E ; promu en février 2014 comme adjoint conducteur de travaux niveau F, M. X... considère néanmoins qu’il doit bénéficier du statut de cadre position B1 comme conducteur de travaux niveau G ; la société Entreprise Malet soutient que M. X... ne saurait prétendre à un tel classement comme cadre, celui-ci bénéficiant d’une évolution de carrière normale au sein de l’entreprise pour un salarié embauché sans diplôme d’ingénieur, les adjoints conducteurs de travaux pouvant prétendre à un classement au niveau G statut cadre seulement en fin de carrière ; s’agissant des cadres, la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2006 établit une grille de classification des emplois des cadres des travaux publics qui comprend 4 niveaux (A à D) regroupant 8 positions de classement (A1, A2, B1 à B4, C1, C2) (pièce n° dossier Malet) ; pour ce qui est de la positions B1 sollicitée, il s’agit d’une personne qui « exerce une fonction (management) d’un groupe de salariés affecté au même projet que lui. Prend en charge des problèmes variés et apporte des solutions dans ses fonctions courantes. Assure la transmission de connaissances. Agit dans le cadre de directives générales. S’approprie rapidement tous les aspects de sa fonction. Gère l’organisation de son travail, mais la prise de décisions importantes revient à sa hiérarchie. Assure des relations suivies avec des interlocuteurs variés, internes ou externes. Engage l’entreprise par délégation dans le cadre des directives reçues. Possède des compétences professionnelles requises pour l’exercice de sa fonction. Expérience acquise en niveau G – ETAM ou H – ETAM ou cadres A et formation générale, technologique ou professionnelle » ; la société Entreprise Malet considère ainsi que le conducteur de travaux B1 est responsable de l’organisation, de l’optimisation, et du contrôle de chacun des chantiers placés sous sa conduite et qu’il se doit notamment d’assurer : - la gestion rigoureuse des budgets et la réalisation des objectifs ; - les relations commerciales directes avec les clients et la promotion de l’image de l’entreprise ; - la conduite technique et la gestion des travaux, en ce compris le prévisionnel d’activité, la préparation des chantiers et leur exécution ; - la facturation et le recouvrement des créances ; - le contrôle du personnel, du matériel, des coûts et le suivi des budgets ; - le contrôle du personnel ; - le respect des règles de sécurité ; cependant, quels que soient les critères retenus par la société Entreprise Malet pour définir qui peut bénéficier ou non du statut de cadre au sein de son entreprise, le conseil doit apprécier in concreto si les tâches confiées à M. X... correspondent aux fonctions d’encadrement d’un conducteur de travaux position B1 ; en l’espèce, le conseil relève que : - plusieurs documents internes à l’entreprise mentionnent M. X... comme assumant les fonctions de conducteur de travaux : rapports de visites de chantier des 12 mai 2014 ou 19 mai 2014 (pièces n° 19 et 19-1 dossier X...), document interne présentant les résultats des chantiers pour la période février 2014 (pièce n° 20), document interne intitulé « FAE » du 31 janvier 2014 (pièce n° 21), organigramme figurant dans les documents d’appels d’offres publics (pièces n° 22 et 23), déclaration à la caisse des congés payés des travaux publics 2013 et 2014 (pièces n° 24 et 25) ; - M. X... s’est vu confier de manière effective de véritables missions de conduite de travaux notamment sur le site de Bessines (chantier Areva) alors même que le précédent conducteur de travaux intervenant sur ce site a quitté l’entreprise en mars 2013 et n’a pas été remplacé en tant que tel, bien que la société Entreprise Malet ait facturé des frais complémentaires à Areva pour la présence en permanence sur site d’un conducteur de travaux (pièce n° 56, et attestation Merino, pièce n° 55 dossier X...), et que dans ce cadre il devait, outre les autres tâches techniques, gérer le planning des salariés de l’entreprise (pièce n° 35) ; - à son embauche, M. X... disposait déjà d’une expérience professionnelle dans la conduite de travaux pour avoir été recruté comme tel en septembre 2004 par la société Art Bloc avec un statut cadre position A, niveau 1, (pièce n° 26 dossier X...) ; - M. X... justifie avoir assumé les différentes tâches dans la gestion et le suivi des budgets (pièces n° 36 à 36-7 dossier X...), relations commerciales avec les clients (pièces n° 37 à 37-4), établissement du prévisionnel d’activité (pièces n° 38 à 38-13), facturation (pièces n° 38-10 et 36-6), contrôle du personnel et du matériel (notamment pièce n° 39 exemple de rapports journaliers établis avec contrôle des durées de travail, du matériel ainsi que de la main d’oeuvre externe) et respect des règles de sécurité (pièce n° 40) ; - M. Z..., conducteur de travaux devant intervenir sur le chantier Areva a quitté l’entreprise en avril 2013 et n’a pas été remplacé ; il convient par conséquent de considérer que M. X... a rempli une véritable mission d’encadrement au sein de la société Entreprise Malet à compter du départ de M. Z... ; par suite, considérant que, le minimum conventionnel correspondant au statut cadre position B niveau 1 est fixé suivant les éléments non contestés produits aux débats : - pour l’année 2013 à la somme annuelle de 34.400 euros soit 2.866,66 euros par mois ; - pour l’année 2014 à la somme annuelle de 34.574 euros soit 2.881,16 euros par mois, et pour que la période du 1er avril 2013 au 31 décembre 2013, le salaire de base de M. X... était d’un montant de 21.878,82 euros pour 9 mois, et que pour la période allant du mois de janvier 2014 au 18 novembre 2014, il a perçu un salaire de base à hauteur de 24.780,15 euros, un rappel de salaire de 3.921,12 euros bruts pour 2013 et de 6.048,26 euros pour l’année 2014, soit au total 9.969,38 euros doit être versé au demandeur outre la somme de 996,94 au titre des congés payés ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’ils doivent assurer un traitement équitable des preuves respectivement fournies par les parties, ce qui participe du respect de l’égalité des armes ; qu’en l’espèce, en affirmant péremptoirement, par des motifs adoptés des premiers juges, que M. X... a rempli une véritable mission d’encadrement au sein de la société Entreprise Malet à compter du départ de M. Z..., et en disant par suite que sur la période courant du mois d’avril 2013 au 18 novembre 2014, celui-ci a occupé les fonctions de conducteur de travaux statut cadre, position B, niveau 1, sans viser ni analyser, même sommairement, les pièces faisant état de la promotion de M. X... au poste d’adjoint conducteur de travaux à compter du 1er février 2014, à savoir les cartes de visite à son nom, portant cet intitulé et éditées par la société Entreprise Malet qui lui ont été remises en mars 2014 (pièces n° 18, 18-1 et 19), l’organigramme de l’agence de Brive figurant dans la note d’organisation de la région atlantique du 25 février 2014 (pièce n° 58, page 15), la feuille d’entretien annuel d’évaluation du 4 mars 2014 mentionnant le poste occupé, « adjoint conducteur de travaux » et à laquelle il n’apposait aucune réserve (pièce n° 38), ni les attestations de M. A..., adjoint conducteur de travaux au sein de la société Entreprise Malet, établissant que, jusqu’à la fin du chantier Areva, M. X... était chef de chantier au même titre que M. B... et qu’il n’avait pas les responsabilités d’un conducteur de travaux, ni même d’un aide conducteur de travaux (pièce n° 22) et de M. C..., salarié d’un fournisseur de la société ATS sur le chantier Areva, établissant également que sur ce chantier, M. X... était chef de chantier au même titre que M. B... et que le conducteur de travaux était M. D..., et ce pendant toute la durée du chantier (pièce n° 57), ni enfin les pièces démontrant qu’il n’est plus apparu sur les plannings prévisionnels de chantier à 10 semaines, comme chef de chantier à partir du jeudi 3 octobre 2013, semaine 40 (pièces n° 20 et 21), la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile et de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’ils doivent assurer un traitement équitable des preuves respectivement fournies par les parties, ce qui participe du respect de l’égalité des armes ; qu’en l’espèce, pour juger que M. X... occupait le poste de conducteur de travaux, statut cadre, position B1, du mois d’avril 2013 au 18 novembre 2014 et condamner la société Entreprise Malet au titre du rappel de salaires pour la même période, la cour d’appel, par des motifs adoptés des premiers juges, a postulé comme étant établi que les tâches confiées au salarié correspondaient aux fonctions d’encadrement d’un conducteur de travaux, statut cadre, position B1 ; qu’en omettant cependant d’analyser, même sommairement, les attestations de M. A..., adjoint conducteur de travaux au sein de la société Entreprise Malet, établissant que, jusqu’à la fin du chantier Areva, M. X... était chef de chantier au même titre que M. B... et qu’il n’avait pas les responsabilités d’un conducteur de travaux, ni même d’un aide conducteur de travaux (pièce n° 22), et de M. C..., salarié d’un fournisseur de la société ATS sur le chantier Areva, affirmant que M. X... était chef de chantier sur ce chantier, et qu’en réalité, M. D... en était le conducteur de travaux (pièce n° 57), la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile et de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Entreprise Malet à payer au salarié la somme de 5.387,18 euros, congés payés compris au titre des heures supplémentaires effectuées en 2012 et d’AVOIR condamné la société Entreprise Malet à lui payer la somme de 3.502,73 euros congés payés compris au titre des heures supplémentaires effectuées en 2013 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, attendu ainsi qu’a pu le soulever le conseil, la reconnaissance du statut de cadre et l’impact que cela peut avoir sur la réalisation d’heures supplémentaires (à défaut de pointage, pour les salariés autonomes et susceptibles de se déplacer) ne place pas M. X... en position d’obtenir gain de cause concernant la période postérieure au 1er avril 2013 ; attendu qu’antérieurement, le décompte auquel parvient le conseil est correct, compte tenu des éléments communiqués (chantier Areva) ; que dès lors, les sommes allouées seront confirmées ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, bénéficiant comme indiqué ci-dessus du statut de cadre et de la rémunération correspondante, M. X... ne saurait prétendre au paiement d’heures supplémentaires à compter du 1er avril 2013 ; pour la période antérieure il convient de faire application de l’article L. 3171-4 du code du travail qui dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles (

) » ; or il apparait qu’en vertu du protocole d’accord conclu en janvier 2013 (pièce n° 72 dossier Malet) dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du travail, les conducteurs de travaux cadres ou Etam et assimilés, les chefs de chantiers, les adjoints chefs de chantiers, sont considérés comme faisant partie du personnel d’encadrement de chantier et bénéficient de 4 jours de congés exceptionnels et des jours de ponts ; par suite, la société Malet n’utilise pas de tableaux de pointage pour ces différents postes ; cependant, la société Malet ne peut à la fois discuter le statut de cadre de M. X... pour lui refuser la rémunération correspondante et s’en prévaloir marginalement pour refuser le paiement d’heures supplémentaires ; il résulte ainsi des relevés horaires établis par la société Areva (pièces 46, 47 et 50 versées au dossier demandeur) et utilement discutées par la société Malet que l’année 2012 la somme de 5.387,18 euros, congés payés compris, sera retenue ; pour les mois de janvier, février et mars 2013, la somme de 3.502,73 euros ;

1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, la société Entreprise Malet soutenait, dans ses écritures d’appel (pp. 17 à 22), que du fait de la spécificité de leurs postes, les chefs de chantier ou les conducteurs de travaux peuvent superviser l’avancement de plusieurs chantiers en même temps, de sorte qu’ils sont amenés à visiter plusieurs sites par jour, qu’ils modulent leurs horaires comme bon leur semble, et ce sans avoir à justifier à la fin d’une journée, du nombre d’heures de travail effectuées et que leur mission est donc indépendante des horaires de chantiers auxquels sont soumises les équipes d’ouvriers travaillant sur ces chantiers, que dans ces conditions, et parce qu’il est impossible d’exiger d’un conducteur de travaux le détail des 35 heures de travail accomplies par semaine et du temps passé sur chaque chantier, le décompte d’éventuelles heures supplémentaires s’avère également impossible, que contrairement à ce que prétend le salarié, la production des rapports hebdomadaires de chantier ne saurait justifier de prétendues heures supplémentaires qu’ils y auraient effectuées, son poste permettant d’évoluer d’un site à un autre, selon les priorités qu’il s’est fixé, que concernant le relevé d’entrées et de sorties sur le chantier Areva produit par M. X... pour étayer ses demandes de rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2012 et jusqu’à juin 2013, il ne s’agit pas de pointages de temps de travail mais du pointage des entrées et des sorties à la barrière d’accès au site ; qu’en se bornant à adopter les motifs des premiers juges, sans répondre à ce moyen nouveau et opérant de la société Entreprise Malet quant au mal fondé des demandes de M. X..., qu’il lui appartenait pourtant d’examiner, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE le protocole d’accord du 14 janvier 2013, conclu dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du travail, institue dans son article 1er, concernant l’organisation du travail des ouvriers, qu’à compter du 1er janvier 2013, la semaine de travail serait organisée sur la base de 5 jours de travail de 7 heures par jour et dans son article 2 que les conducteurs de travaux cadres ou ETAM et assimilés, les chefs de chantier, les adjoints chefs de chantier, les techniciens, les responsables bureau d’études, les géomètres et topographes sont considérés faisant partie du personnel d’encadrement de chantier et que pour tenir compte de la spécificité de ces postes de travail, ils bénéficieraient de 4 jours de congés exceptionnels et des jours de ponts accordés sans déduction de salaire, à condition de ne pas être accolés et d’être pris au rythme d’un par trimestre, afin de suppléer l’absence de rémunération d’heures supplémentaires ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a décidé de faire droit aux demandes de rappel d’heures supplémentaires du salarié pour la période antérieure au 1er avril 2013, aux motifs adoptés des premiers juges que la société Entreprise Malet ne pouvait à la fois discuter le statut de cadre à M. X... pour lui refuser la rémunération correspondante et s’en prévaloir marginalement pour refuser le paiement d’heures supplémentaires et qu’il résulte des relevés horaires établis par la société Areva et utilement discutées par la société Entreprise Malet que pour l’année 2012, la somme de 5.387,18 euros, congés payés compris, sera retenue et la somme de 3.502,73 euros pour les mois de janvier, février et mars 2013 ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, tandis qu’elle a constaté par ailleurs que M. X... occupait le poste de chef de chantier depuis son embauche en 2006 et retenu qu’il devait bénéficier du statut de cadre, en qualité de conducteur de travaux, à compter du 1er avril 2013, ce dont il résultait que, contrairement aux ouvriers de l’entreprise, il ne pouvait pas bénéficier du paiement d’heures supplémentaires pour la période antérieure au 1er avril 2013, conformément aux stipulations du protocole d’accord précité, la cour d’appel a violé les articles 1er et 2 du protocole d’accord du 14 janvier 2013 ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE le juge ne peut méconnaître l’objet du litige, tels que fixé par les conclusions claires et précises des parties, qu’il ne saurait dénaturer ; qu’en l’espèce, la société Entreprise Malet faisait valoir dans ses conclusions (page 17) que conformément au protocole d’accord du 14 janvier 2013 sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du travail, les conducteurs de travaux cadres ou ETAM et assimilés, les chefs de chantiers, les adjoints chefs de chantiers, sont considérés comme faisant partie du personnel d’encadrement de chantier, que, conformément aux stipulations de l’article 1er dudit accord, la possibilité d’obtenir le paiement des heures supplémentaires ne concerne que les ouvriers de l’entreprise et que l’article 2 du même accord consacré à l’organisation du travail des personnels d’encadrement de chantier ne prévoit le paiement d’aucune heure supplémentaire au bénéfice des agents de maîtrise ; que la société Entreprise Malet en déduisait qu’il était établi que M. X..., n’étant pas ouvrier, il ne pouvait en conséquence prétendre à la rétribution d’aucune heure supplémentaire, que ce soit en qualité de chef de chantier ou d’adjoint conducteur de travaux ; qu’ainsi, la société, pour réfuter le droit du salarié au paiement d’heures supplémentaires, ne se prévalait nullement d’un prétendu statut de cadre du salarié, mais soutenait, différemment, qu’en sa qualité de chef de chantier puis d’adjoint conducteur de travaux, et en vertu des accords applicables dans l’entreprise, il n’avait pas vocation à bénéficier des heures supplémentaires, bénéficiant aux seuls ouvrier ; qu’en affirmant, pour condamner la société au titre des heures supplémentaires, que la société Entreprise Malet ne pouvait à la fois discuter le statut de cadre de M. X... pour lui refuser le paiement de la rémunération correspondante, et s’en prévaloir marginalement pour refuser le paiement d’heures supplémentaires, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de la société Entreprise Malet et, partant, méconnu l’objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d’un licenciement nul et d’AVOIR en conséquence condamné la société Entreprise Malet à payer à M. X... les sommes de 55.894,50 euros au titre de la sanction propre à l’annulation, 8.643,48 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 864,34 euros au titre des congés payés y afférents, 5.059,32 euros au titre de l’indemnité de licenciement et 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, sur la prise d’acte ; attendu que la question des heures supplémentaires n’est apparue qu’en cours de procédure prud’homale et ne pouvait dès lors constituer un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail ; attendu que celle du positionnement et de la prime ne le pouvaient davantage, dès lors que le contrat s’était de ce fait poursuivi ; attendu que la dernière question concerne la modification du contrat de travail déplorée par le salarié, qui fait état de son statut protégé ; attendu qu’il est constant que de chef de chantier, il a été amené à exercer après le départ du titulaire du poste de conducteur de travail diverses tâches liées à cet emploi, au point que l’employeur le positionnait finalement « adjoint » à cette dernière fonction ; qu’il doit être relevé que seule l’expérience de terrain et les qualités de l’intéressé permettaient d’avancer dans cette direction, compte tenu de son âge, de ses qualifications ; que le conducteur de travaux, à la différence du chef de chantier, oeuvre en effet sur plusieurs chantiers et exerce également des missions administratives, avec une plus grande responsabilité bien entendu ; attendu qu’il était dès lors cohérent, dans la logique tant formelle qu’interne à l’entreprise, que M. X... passe par un degré intermédiaire factuel à compter d’avril 2013, avant de se voir reconnaître « officiellement » adjoint à partir de février 2014 ; qu’il aura d’ailleurs attendu août 2014 avant de récriminer ; mais attendu que ce qui précède qualifie à l’évidence une modification du contrat de travail (pas simplement des conditions de travail) qui, bien qu’allant dans le sens de la promotion, nécessitait l’accord exprès du salarié et justifiait la signature d’un avenant ; que d’ailleurs M. X... a souhaité revenir à sa fonction première de chef de chantier, ce que l’employeur lui a refusé ; attendu que cette modification on explicitement agréée par le salarié – protégé – est équivalente à un refus et lui permet de prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur, laquelle produit – du fait de son statut protecteur – les effets d’un licenciement nul ; sur les conséquences ; attendu que la sanction légale prévue par le code du travail – cumulable avec celle de droit commun – consiste en pareille occurrence dans le paiement par l’employeur des salaires qu’aurait perçus le salarié entre la prise d’acte et la fin de la période pendant laquelle il bénéficiait de la protection en tant que délégué du personnel ; attendu que la prise d’acte est du 18 novembre 2014 ; que le mandat de délégué du personnel s’achevait le 29 juin 2016, date au-delà de laquelle M. X... ne demande plus rien ; que la base de calcul, compte tenu de la confirmation du jugement sur la question du positionnement – et donc du salaire – est une rémunération brute de 2.881,16 euros, ce qui représente pour la période un total de 55.894,50 euros (la demande du salarié n’est pas exactement calculée) ; attendu que s’ajoutent à cette somme les indemnités de rupture habituelles ; attendu que l’indemnité compensatrice de préavis emprunte sa durée au statut de cadre reconnu dès le premier jugement, soit 3 mois, ce qui représente en brut 8.643,48 euros, outre les congés payés y afférents pour 864,34 euros ; attendu que le calcul de l’indemnité de licenciement opéré par le salarié n’appelle pas de critique et la somme de 5.059,32 euros lui sera allouée ; attendu enfin que les dommages-intérêts que peut légitimement obtenir M. X... et que la loi prévoit au minimum à hauteur de 6 mois de salaire, seront au regard des éléments de la cause arbitrés à la somme de 20.000 euros ;

1°) ALORS QUE la dévolution aux salariés de nouvelles missions du salarié, sa rattachant à ses qualifications, et sans remise en cause en cause de ses responsabilités, ne constitue pas une modification du contrat de travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que de chef de chantier, le salarié a été amené à exercer après le départ du titulaire du poste de conducteur de travail diverses tâches liées à cet emploi, au point que l’employeur le positionnait finalement « adjoint » à cette dernière fonction, que seule l’expérience de terrain et les qualités de l’intéressé permettaient d’avancer dans cette direction, compte tenu de son âge, de ses qualifications, que le conducteur de travaux, à la différence du chef de chantier, oeuvre en effet sur plusieurs chantiers et exerce également des missions administratives, avec une plus grande responsabilité bien entendu, et qu’il était dès lors cohérent, dans la logique tant formelle qu’interne à l’entreprise, que M. X... passe par un degré intermédiaire factuel à compter d’avril 2013, avant de se voir reconnaître « officiellement » adjoint à partir de février 2014 ; qu’en retenant pourtant la modification du contrat de travail, sans faire ressortir en quoi ce passage intermédiaire n’était pas susceptible de se rattacher à la qualification de chef de chantier du salarié, ni en quoi cela aurait affecté négativement les responsabilités de l’intéressé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-3 et L. 2421-1 du code du travail.

2°) ALORS QUE la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié protégé ne produit les effets d’un licenciement nul que lorsque les manquements de l’employeur empêchent la poursuite de l’exécution du contrat de travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté qu’il était cohérent que M. X... passe par un degré intermédiaire factuel à compter d’avril 2013 avant de se voir reconnaître « officiellement » adjoint à partir de février 2014 et qu’il avait attendu août 2014 avant de récriminer, ce dont il résultait l’ancienneté du grief soulevé par le salarié, et le fait qu’ils n’empêchait pas ainsi la poursuite du contrat de travail ; qu’en jugeant toutefois que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement nul, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et partant, violé les articles L. 1231-1, L. 2411-3 et L. 2421-1 du code du travail,

3°) ALORS QUE la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié protégé ne produit les effets d’un licenciement nul que lorsque les manquements de l’employeur empêchent la poursuite de l’exécution du contrat de travail ; que toute modification du contrat de travail ne justifie pas en soi la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, plus particulièrement lorsqu’elle n’exerce pas d’influence défavorable sur les attributions ainsi que le montant de la rémunération perçue par le salarié ; qu’en jugeant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié devait produire les effets d’un licenciement nul, sans faire ressortir que cette modification du contrat de travail exerçait une influence défavorable sur les responsabilités et la rémunération du salarié, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-3 et L. 2421-1 du code du travail. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir limité la condamnation de la société Entreprise Malet au profit de M. Nicolas X... au titre des heures supplémentaires à la somme de 5 387,18€ pour l’année 2012 et à celle de 3 502,73€ pour l’année 2013 et d’avoir, en conséquence, débouté M. X... de ses autres demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’ainsi qu’a pu le soulever le conseil, la reconnaissance du statut de cadre et l’impact que cela peut avoir sur la réalisation d’heures supplémentaires (à défaut de pointage, pour des salariés autonomes et susceptibles de se déplacer) ne place pas M. X... en position d’obtenir gain de cause concernant la période postérieure au 01 avril 2013 ; qu’antérieurement, le décompte auquel parvient le conseil est correct, compte tenu des éléments communiqués (chantier AREVA) ; que dès lors les sommes allouées seront confirmées ; qu’il ne découle pas des éléments soumis à l’appréciation de la cour que l’employeur ait procédé à une violation des règles sur la durée du travail ou les repos ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES que bénéficiant comme indiqué ci-dessus du statut de cadre et de la rémunération correspondante, M. X... ne saurait prétendre au paiement d’heures supplémentaires à compter du 1er avril 2013 ; que pour la période antérieure, il convient de faire application de l’article L. 3171-4 du code du travail qui dispose « qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles (

) » ; qu’or, il apparaît qu’en vertu du protocole d’accord conclu en janvier 2013 (pièce n° 72 dossier MALT) dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du travail, les conducteurs de travaux cadres ou ETAM et assimilés, les chefs de chantiers, les adjoints chefs de chantiers, sont considérés comme faisant partie du personnel d’encadrement de chantier et bénéficient de 4 jours de congés exceptionnels et des jours de ponts ; que par suite, la SA Malet ne peut à la fois discuter le statut de cadre de M. X... pour lui refuser la rémunération correspondante et s’en prévaloir marginalement pour refuser le paiement d’heures supplémentaires ; qu’il résulte ainsi des relevés horaires établis par la société AREVA (pièces 46, 47 et 50 versées au dossier demandeur) et utilement discutées par la SA MALET que l’année 2012 la somme de 5 387,18€ congés payés compris sera retenue ; que pour les mois de janvier, février et mars 2013 la somme de 3 502,73€ ;

1) ALORS QUE sauf à répondre à la qualification de cadre dirigeant, un cadre, quelle que soit son degré d’autonomie, relève de la réglementation sur la durée du travail de sorte que la seule qualité de cadre n’exclut pas le droit du salarié au paiement des heures supplémentaires accomplies ; qu’en retenant au contraire, pour limiter à une certaine somme la condamnation de la société Malet à titre de rappel d’heures supplémentaires, que « la reconnaissance du statut de cadre et l’impact que cela peut avoir sur la réalisation supplémentaires (à défaut de pointage, pour des salariés autonomes et susceptibles de se déplacer) ne plaçait pas M. X... en position d’obtenir gain de cause concernant la période postérieure au 01 avril 2013 », la cour d’appel a violé les articles L. 3121-10, L. 3121-22 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause, ensemble l’article L. 3171-4 du code du travail ;

2) ALORS QU’en toute hypothèse, sauf à prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur équivalent conformément aux dispositions de l’article L. 3121-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, un accord collectif ne peut exclure le paiement des heures supplémentaires accomplies par une catégorie de personnel ; qu’en jugeant au contraire, pour limiter à une certaine somme la condamnation de la société Malet à titre de rappel d’heures supplémentaires, qu’il résultait des dispositions du protocole d’accord de janvier 2013 accordant au profit du personnel d’encadrement 4 jours de congés supplémentaires et le bénéfice de certains ponts que M. X... ayant le statut de cadre à compter du 1er avril 2013, il ne pouvait prétendre au paiement d’heures supplémentaires à compter de cette date, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-22 et L. 3121-24 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause ;

3) ALORS QU’en toute hypothèse, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant au juge ses propres éléments ; qu’en l’espèce, pour limiter à une certaine somme la condamnation de la société Malet à titre de rappel d’heures supplémentaires, la cour d’appel a retenu, en substance, qu’un protocole d’accord conclu en janvier 2013 accordait quatre jours de congés exceptionnels et des jours de ponts au personnel d’encadrement et assimilé, que « par suite, la SA Malet n’utilise pas de tableaux de pointage pour ces différents postes » de sorte que M. X... ayant le statut de cadre à compter du 1er avril 2013, il ne peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, cependant qu’il lui appartenait de rechercher si le salarié produisait des décomptes suffisamment précis de ses heures pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Limoges , du 2 mai 2017