Convention individuelle forfait en jours illicite - insuffisant travail dissimulé oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 septembre 2016

N° de pourvoi : 14-26099

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01479

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Frouin (président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Kerry ingredients France à compter du 16 septembre 2002, en qualité d’ingénieur recherche et développement ; qu’elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable compte clé au service d’un client principal Kraft Foods pour toute la zone Europe, Moyen Orient et Afrique ; qu’elle s’est trouvée en arrêt de travail pour maladie, de manière ininterrompue du 15 octobre 2010 au 21 juin 2011 ; qu’ayant été licenciée pour faute grave, le 9 juin 2011, elle a saisi la juridiction prud’homale ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé alors selon le moyen, que le fait de soumettre un salarié, cadre itinérant, à une convention de forfait en jours illicite en raison de l’absence de contrôle de la réalité de son temps de travail de nature à protéger son droit à la santé et au repos, tout en lui imposant des obligations dont l’exécution nécessite la réalisation de très nombreuses heures supplémentaires, caractérise la volonté délibérée de l’employeur d’éluder les règles du code du travail et justifie sa condamnation à l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail ; qu’en l’espèce, il ressortait des propres constatations de l’arrêt attaqué, d’une part, que la salariée avait été soumise à une convention de forfait en jours illicite en l’absence, notamment, de tout suivi de sa charge de travail, d’autre part, qu’elle avait accompli, pour l’exécution des tâches qui lui étaient confiées, des heures supplémentaires pour un montant total de 121 006, 31 euros pour la période non prescrite ; qu’en déboutant la salariée, qui évoquait le silence opposé à son employeur face à ses dénonciations d’une charge de travail excessive comme démontrant le caractère intentionnel de la dissimulation, de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé au motif que “ le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires dont le paiement a été ordonné plus avant, résulte de l’annulation de la convention de forfait ce qui ne saurait s’assimiler à un cas de dissimulation d’un emploi salarié “ la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;
Mais attendu que le caractère intentionnel de la dissimulation des heures supplémentaires résultant de la privation d’effet de la convention individuelle de forfait ne découle pas de la seule constatation de l’inexécution par l’employeur de ses obligations conventionnelles de contrôle de l’amplitude et de la charge de travail ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d’appel dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant, les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1154-1 du code du travail, déduit qu’il n’était pas établi des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :
Attendu que, sans encourir le grief du moyen, la cour d’appel a estimé que la salariée ne justifiait pas d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts du fait de l’absence de prise en charge de sa maladie dans le régime de prévoyance souscrit par la société à compter du 1er janvier 2008 ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de motifs inopérants ou hypothétiques, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que l’employeur avait satisfait à ses obligations d’information de la salariée ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l’article L. 3121-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, les articles L. 3121-11 et D. 3121-14-1 de ce même code, ensemble l’article 12 du code de procédure civile :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour privation de repos compensateur, l’arrêt retient que la somme réclamée au titre du repos compensateur ne résulte d’aucun calcul et n’est explicitée par aucun élément ;
Qu’en statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu’elle avait retenu l’accomplissement d’heures supplémentaires pour la période non prescrite, excédant tant le contingent hebdomadaire fixé par l’ancien article L. 3121-26 du code du travail que le contingent annuel fixé par le nouvel article D. 3121-14-1 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la salariée de ses demandes tendant à la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de repos compensateur, l’arrêt rendu le 9 septembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;
Condamne la société Kerry ingrédients France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement d’une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de repos compensateur ;
AUX MOTIFS QUE “ … la convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu’ainsi [la Cour de cassation] a-t-elle estimé que la convention de forfait en jours est nulle lorsque, s’agissant de l’amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, les accords collectifs prévoient seulement qu’il appartient aux salariés de tenir compte des limites journalières et hebdomadaires et d’organiser leurs actions dans ce cadre et en cas de circonstances particulières d’en référer à leur hiérarchie de rattachement ; que tel est le cas en l’espèce, les stipulations reproduites ci-dessus n’assurent aucune effectivité du respect des règles que l’employeur doit respecter et faire respecter ; qu’il n’est nullement précisé les mesures prises pour vérifier le temps de travail accompli par le cadre relevant du statut “ itinérant “ ; qu’ainsi, se trouve censuré le dispositif de l’autocontrôle comme appliqué en l’espèce ; qu’en effet, la société Kerry invoque l’existence d’un “ suivi rigoureux des horaires des Cadres et Assimilés Cadres par le biais d’un autocontrôle et d’une saisie de fiches de temps “ alors que rien de tel n’a été institué et encore moins pratiqué et que, de surcroît, les cadres itinérants en sont expressément exclus ; qu’enfin, Madame X... rappelle que les dispositions de l’article L. 3121-46, applicables aux conventions de forfait en cours lors de sa promulgation, prévoient également que “ Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié “, ce à quoi il n’a pas été satisfait en l’espèce ; que si ce dernier manquement n’est constitutif que d’un manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail, il résulte de ce qui précède que Madame X... est en droit de prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies sans que puisse lui être opposée la convention de forfait figurant dans son contrat de travail, frappée de nullité ;
QUE Madame X... justifie, notamment par la photocopie de ses agendas professionnels, des courriels adressés, des billets d’avion et des contrats de location de véhicule, et enfin des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires qu’elle a effectuées, du montant de sa demande formulée dans les limites de la prescription quinquennale alors applicable, à concurrence de 121. 006, 31 euros outre les congés payés afférents (…) ;
QUE par contre (…) la somme de 30 000 € réclamée au titre du repos compensateur ne résulte d’aucun calcul et n’est explicitée par aucun élément, il n’y a pas lieu d’accéder à cette demande “ (arrêt p. 12) ;
ALORS QUE lorsque l’employeur se soustrait à la législation relative aux repos compensateurs, le salarié subit nécessairement un préjudice dont il appartient aux juges du fond d’apprécier l’existence et l’étendue ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d’appel que Madame X... a justifié par la production de ses agendas et de tableaux récapitulatifs, de l’accomplissement d’heures supplémentaires pour la période non prescrite, soit entre juin 2006 et octobre 2010, pour un montant total de 121 006, 31 €, excédant tant le contingent hebdomadaire fixé par l’ancien article L. 3121-26 du Code du travail que le contingent annuel fixé par le nouvel article D. 3121-14-1 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ; qu’il en résultait une méconnaissance, par la Société Kerry Ingredients, du droit de la salariée au repos compensateur lui ayant nécessairement causé un préjudice qu’il incombait à la Cour d’appel d’évaluer ; qu’en la déboutant de sa demande à ce titre, motif pris que “ … la somme de 30 000 € réclamée au titre du repos compensateur ne résulte d’aucun calcul et n’est explicitée par aucun élément “ la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 3121-26 (ancien) et L. 3121-11-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE “ … “ Sur l’indemnité pour travail dissimulé : la dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du Code du travail n’est caractérisée que si l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que Madame X.... considère que, n’ayant conclu aucune convention de forfait avec son employeur, c’est donc sciemment que celui-ci n’a pas fait figurer sur ses bulletins de salaire, les heures supplémentaires effectuées, d’autant que cette dernière s’est, à de nombreuses reprises, plainte auprès de son supérieur hiérarchique direct de sa charge de travail et travaillait pendant ses vacances ou pendant sa maladie... ; que toutefois, le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires dont le paiement a été ordonné plus avant, résulte de l’annulation de la convention de forfait ce qui ne saurait s’assimiler à un cas de dissimulation d’un emploi salarié lequel ouvre droit à l’indemnité fixée par l’article L. 8223-1 du code du travail ; que la demande à ce titre est donc en voie de rejet (…) “ (arrêt p. 12 dernier alinéa, p. 13 alinéa 1er) ;
ALORS QUE le fait de soumettre un salarié, cadre itinérant, à une convention de forfait en jours illicite en raison de l’absence de contrôle de la réalité de son temps de travail de nature à protéger son droit à la santé et au repos, tout en lui imposant des obligations dont l’exécution nécessite la réalisation de très nombreuses heures supplémentaires, caractérise la volonté délibérée de l’employeur d’éluder les règles du Code du travail et justifie sa condamnation à l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du Code du travail ; qu’en l’espèce, il ressortait des propres constatations de l’arrêt attaqué, d’une part, que Madame X... avait été soumise à une convention de forfait en jours illicite en l’absence, notamment, de tout suivi de sa charge de travail, d’autre part, qu’elle avait accompli, pour l’exécution des tâches qui lui étaient confiées, des heures supplémentaires pour un montant total de 121 006, 31 € pour la période non prescrite ; qu’en déboutant la salariée, qui évoquait le silence opposé à son employeur face à ses dénonciations d’une charge de travail excessive comme démontrant le caractère intentionnel de la dissimulation, de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé au motif que “ … le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires dont le paiement a été ordonné plus avant, résulte de l’annulation de la convention de forfait ce qui ne saurait s’assimiler à un cas de dissimulation d’un emploi salarié … “ la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE “ … Il résulte des articles L. 1152- 1et L. 1154-1 du code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;
QU’à l’appui de son argumentation, Madame X... fait état des éléments suivants :

"-" sa nomination en qualité de responsable comptes-clés s’est accompagnée d’un accroissement de ses tâches, de ses responsabilités, devant couvrir un vaste secteur comprenant des déplacements en conséquence,

"-" elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires, était déstabilisée par Madame Z... sa directrice alors qu’elle se plaignait de sa charge de travail,

"-" alors que ses objectifs étaient revus à la hausse et qu’elle se plaignait de ses conditions de travail, sa directrice lui adressait des courriels tels que : « Si tu penses avoir travaillé en 2009, tu te trompes, en 2010, nous allons travailler « pour de vrai ». Prépare toi à une année plus chargée qu’en 2009. D’ailleurs, je vais te donner des responsabilités supplémentaires »,

"-" un arrêt de travail du 26 au 30 avril 2010 (qu’elle attribue au demeurant à des maux de gorge), puis à un deuxième arrêt de travail en date du 15 octobre 2010 en raison d’un burn out, à la suite duquel elle n’a pas repris son activité professionnelle,

"-" elle produit des documents médicaux attestant de son état dépressif ;
QUE ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser présumer un harcèlement moral faute pour la salariée d’établir la matérialité de faits précis et concordants susceptibles de caractériser un harcèlement ;
QU’il est, sous couvert de harcèlement, reproché à l’employeur de ne pas avoir pris en considération les doléances de la salariée qui estimait sa charge de travail excessive ce qui ne répond pas à la définition du harcèlement ; que l’intégralité des échanges entre la salariée et son DRH, Monsieur A..., durant son arrêt de travail, ne font référence qu’à un burn out dû à l’instauration du One Kerry ;
QUE les déclarations de la salariée perdent toute leur crédibilité lorsqu’elle soutient, après avoir décrit une charge de travail colossale lui ôtant la possibilité de se consacrer à sa vie privée, que Madame Z... l’a remplacée après son départ ;
QU’en effet, Madame X... produit aux débats de nombreux échanges, au demeurant tronqués, avec sa supérieure hiérarchique qui s’inscrivent dans un contexte de travail, contenant des directives, des mises en garde, des recommandations qui n’excèdent en aucune manière les pouvoirs de direction et de contrôle qu’exerce un employeur sur ses salariés même si le ton employé n’est pas empreint d’un sens diplomatique aigu (surtout à l’égard de tiers) ni encombré de formules de politesse bienveillantes ;
QUE Madame X... verse également aux débats une abondante littérature tirée de ses correspondances (en néerlandais pour la plupart) avec ses différents thérapeutes qui, sans occulter la profonde détresse dans laquelle elle se trouvait, n’établissent en rien un comportement qui puisse être qualifié de harcelant de la part de sa direction ;
QU’elle ne peut soutenir concurremment avoir été soumise à une charge de travail qualifiée d’inhumaine, qui serait ensuite échue en intégralité à sa directrice en plus de ses propres fonctions, avoir vu ses responsabilités élargies et prétendre avoir été dans le même temps dénigrée, ce qui au demeurant ne ressort que de ses propres affirmations ;
QUE les seuls éléments concrets et objectifs fournis par la salariée au soutien de ses allégations sont des pièces médicales qui font état d’un indiscutable “ burn out “ qui n’est pas, à lui seul, révélateur d’un harcèlement moral mais qui peut être corrélé au nombre d’heures supplémentaires réalisées et aux nombreux déplacements qu’elle effectuait ;
QUE les témoignages produits par Madame X... émanent pour la plupart de personnes extérieures à l’entreprise ou de salariés ayant quitté la société avant la période litigieuse en sorte qu’ils se trouvent dépourvus de toute pertinence ;
QU’en effet, la seule cadence des déplacements auxquels Madame X... était astreinte en raison de ses fonctions éminemment itinérantes n’est pas caractéristique d’un harcèlement ; que dans le rapport établi par l’employeur dans le cadre de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Madame X..., son activité était ainsi décrite : “ Sa zone de responsabilité couvrait 20 pays et 45 sites. Pour l’année 2010, il avait été demandé à Madame Adriana X... de couvrir 13 desdits sites. Un objectif étant de visiter ces établissements, une fois par an. Par ailleurs, la répartition du temps de travail de Madame Adriana X.... se scindait en 75 % de travail sur site et 25 % de travail en visite physique chez les clients “ ; que cette charge de travail n’apparaît pas exorbitante même si les contraintes engendrées par ces fonctions ne peuvent être mésestimées ; que l’employeur rappelle, concernant la charge de travail, que les entretiens d’évaluation de Madame X... avaient pointé :

"-" son manque d’organisation : « Elske doit être plus concentrée sur ses cibles et ses objectifs dans la gestion du relationnel. » « Tu dois te focaliser à livrer ce qui est livrable et à enlever le superflu’’,

"-" ses difficultés à déléguer : “ Elle a besoin de comprendre son rôle,..., pas pour faire le travail mais pour assurer l’exécution’’« Tu dois être claire sur la quantité de travail que tu génères et t’assurer qu’il y a rentabilité’’,

QU’au demeurant, dans le cadre du débat relatif à l’application de la convention de forfait, Madame X... faisait précisément le reproche à son employeur d’avoir pratiqué le système de l’auto-contrôle des horaires et prises de repos ; qu’elle ne peut à présent, sans se contredire, reprocher à son employeur de lui avoir imposé des cadences de travail insoutenables ;
QU’enfin, la cour constate que la salariée ne produit en tout et pour tout que deux pièces contemporaines à la période travaillée faisant état de ses doléances en matière de travail : l’entretien du mois de mars 2010 (pièce n° 5) et sa déclaration aux fins de reconnaissance d’une maladie professionnelle adressée à la Caisse primaire d’assurance maladie le 15 octobre 2010, date de son arrêt de travail (pièce n° 175), dans laquelle elle expose, non un processus de harcèlement, mais l’accroissement de ses tâches qu’elle estime à l’origine de son affectio ; que ce n’est que le 26 août 2010 qu’elle aurait demandé un entretien avec le DRH ce qui n’est confirmé par aucun élément objectif ; qu’en tout état de cause, il est prouvé que lorsque Monsieur A..., DRH, a été indéniablement informé en décembre 2010 de la situation de burn out de la salariée, il a contacté Madame X... pour s’étonner d’une part de ses conditions de travail dont elle venait de se plaindre et qui n’avaient jusqu’alors jamais été portées à sa connaissance en vue d’engager une action, et d’autre part pour l’inviter à lui faire part de ses attentes dans l’éventualité d’une reprise. À aucun moment dans cet échange il n’est fait état de harcèlement moral mais seulement d’une surcharge de travail (’Burn out imputable aux conditions de travail qui m’ont été infligées depuis l’instauration de One Kerry’cf. courriel du 11 décembre 2010). Monsieur A...proposait à Madame X... un rendez-vous, avec lui même et Madame Z..., ce que refusait la salariée dans un courriel du 11 décembre 2010 ;
QU’ainsi, la quasi totalité des éléments avancés par la salariée pour conclure à une présomption de harcèlement procède de ses seules déclarations ou écrits, d’insinuations et de relations de faits totalement invérifiables (crise de spasmophilie lors d’un entretien informel avec le DRH, Madame Z... lui déclarant’” i moi je pouvais me reposer tous les samedis... “, l’employeur lui demandant de mentir aux clients sans aucune précision, l’employeur lui demandant de travailler les week-ends pendant les jours de maladie ou de congés payés sous peine d’être “ broyée “...) ou de témoignages indirects, voire se bornant à rapporter ses propres doléances, en sorte que l’employeur se voit dans l’impossibilité d’y apporter la contradiction ;
QU’il résulte de tout ce qui précède que l’existence d’un harcèlement moral dont aurait été victime Madame X... ne peut être retenue (…) “ (arrêt p. 13, 14, 15) ;
1°) ALORS QUE les juges du fond doivent examiner dans leur ensemble les faits invoqués par le salarié afin d’apprécier s’ils permettent, ou non, de présumer un harcèlement moral ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que Madame X..., soumise à une convention de forfait illicite en l’absence de contrôle de sa charge de travail et d’effectivité de son droit au repos, avait accompli pendant la période non prescrite, des heures supplémentaires pour un montant total de 121 006, 31 € ; que ses protestations itératives face au caractère excessif de sa charge de travail n’avaient obtenu aucune réponse de l’employeur, sinon, lors de ses entretiens d’évaluation, la stigmatisation d’un “ manque d’organisation “ et la nécessité de “ s’assurer qu’il y a rentabilité “ et, de la part de sa supérieure hiérarchique, un nouvel accroissement de ses tâches et responsabilités avec le commentaire : « Si tu penses avoir travaillé en 2009, tu te trompes, en 2010, nous allons travailler « pour de vrai » ; qu’en dépit de ses demandes, la réalité de ses fonctions n’avait jamais été clarifiée, entretenant un constant sentiment de précarité et mettant obstacle à toute organisation durable ; qu’elle produisait aux débats “ des pièces médicales [faisant] état d’un indiscutable “ burn out “ … [pouvant être] corrélé au nombre d’heures supplémentaires réalisées et au nombreux déplacements qu’elle effectuait “ et des correspondances démontrant sa “ profonde détresse “ ; qu’enfin, elle avait fait l’objet, pendant un arrêt de travail pour une maladie dont elle avait sollicité la prise en charge au titre de la législation des risques professionnels, d’un licenciement pour faute grave dont la Cour d’appel a jugé qu’il reposait sur des “ motifs dérisoires “ ; qu’en la déboutant cependant de sa demande sans examiner dans leur ensemble ces éléments de nature à caractériser un harcèlement moral la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que d’autre part, les juges du fond ne peuvent débouter un salarié de sa demande de harcèlement moral sans avoir examiné l’intégralité des faits invoqués et des éléments de preuve produits pour les établir ; qu’en l’espèce Madame X..., qui se plaignait d’avoir été victime de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique, Madame Z..., avait invoqué dans ses écritures et produit aux débats, outre des courriers et courriels émanés d’elle-même durant l’exécution du contrat de travail, établissant sa “ détresse “ provoquée par le comportement de cette dernière, de nombreuses attestations de collègues ou de contacts de la Société ayant connu Madame Z... et la décrivant comme “ arrogante, humiliante, opaque … “ dans son management, infligeant à ses subordonnés et notamment à Madame X... une “ pression disproportionnée “ (attestation) ; qu’elle avait également produit plusieurs pièces émanées de Madame Z... démontrant le traitement dévalorisant dont elle faisait l’objet, tel un courriel du 25 février 2010 par lequel Madame Z... lui déclarait : “ Tu ne sais pas comment travailler avec Dave. Je te fais savoir de manière claire et forte ce que pense et dit Dave. Tu as la réputation d’apporter des projets en pure perte de temps (…). Pour la 150ème fois, sers toi de ton cerveau (…) “ ; qu’elle avait encore invoqué et démontré le lien existant entre sa maladie et le harcèlement souffert par la production de plusieurs certificats médicaux, dont ceux de son médecin traitant, le Docteur B..., imputant sa pathologie à un état de “ démotivation – épuisement suite à trois années de harcèlement au travail “ ; qu’elle avait enfin signalé, en pure perte, ce harcèlement au directeur des ressources humaines, Monsieur A..., son courrier du 21 mars 2011 mentionnant notamment sa volonté de “ raconter au Groupe Kerry sous quelle pression [elle] devait travailler et quelles menaces [elle] avait subies “ mais évoquant également sa trop grande fragilité “ pour subir de nouveaux coups de [son] supérieur “ ; qu’en la déboutant de sa demande sans examiner les faits ainsi allégués, dont résultait une présomption de harcèlement moral qu’il incombait à l’employeur de renverser, la Cour d’appel a violé derechef les textes susvisés.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE … “ Madame X... a été licenciée pour les motifs ci-avant reproduits alors qu’elle se trouvait toujours en arrêt de travail ; que la procédure de licenciement a été initiée le 13 mai 2011 alors que les faits reprochés à la salariée remontaient à octobre 2010 et que plus spécialement :

"-" concernant l’utilisation abusive de la carte Total, la société Kerry avait adressé en décembre 2010 à Madame X..., qui se trouvait en arrêt de travail, une nouvelle carte Total, aucun document opposable à la salariée ne venait limiter les conditions d’utilisation de cette carte qui faisait l’objet d’une retenue pour avantage en nature de 258 euros chaque mois sur son bulletin de paie, ce premier grief ne peut constituer un motif de licenciement au surplus prononcé pour faute grave,

"-" concernant l’usage du téléphone professionnel, Madame X... rappelle également qu’aucune convention lui étant opposable ne prévoyait les conditions d’utilisation de la ligne téléphonique qui lui était affectée, les faits sanctionnés étant connus de l’employeur depuis le mois d’octobre 2010, pour un préjudice que seul le ridicule dispense la société Kerry d’en préciser le montant ;
QU’en outre, l’ancienneté de la salariée dans l’entreprise, comme l’ancienneté des faits eux-mêmes, de même que l’absence de tout antécédent disciplinaire ne pouvaient autoriser l’employeur à s’emparer de motifs aussi dérisoires pour asseoir une mesure de licenciement ; que de plus, la cour observe que le poste de Madame X... n’a pas été pourvu après son départ, ses fonctions ayant été attribuées à Madame Z... et il est par la suite précisé que l’entreprise a cessé toute activité sur le site d’Apt ce qui milite en faveur d’une présomption de motif plus économique que personnel à l’origine de ce licenciement ; que le jugement qui a alloué les sommes suivantes à Madame X... sera confirmé :

* 16. 824, 00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (étant rappelé que le salaire brut mensuel de la salariée était de 5. 608 euros),

* 1. 682, 00 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 12. 226, 50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 50. 000, 00 euros à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
QUE Madame X... ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui causé par la perte de son emploi et indemnisé par ailleurs ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral (…) “ (arrêt p. 15 in fine, p. 16).
ALORS QUE les circonstances brutales ou vexatoires de la rupture peuvent caractériser pour le salarié un préjudice distinct de la perte de son emploi qu’il appartient au juge prud’homal de réparer ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué que Madame X..., salariée de dix ans d’ancienneté n’ayant jamais fait l’objet de reproches antérieurs, a été licenciée pour faute grave, alors qu’elle se trouvait en arrêt de travail à la suite d’un syndrome d’épuisement professionnel et de souffrance au travail connu de l’employeur, dont elle avait demandé la prise en charge au titre de la législation des risques professionnels, pour des motifs que la Cour d’appel a qualifiés de “ dérisoires “, et fallacieux ; qu’en la déboutant cependant de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct ainsi caractérisé par les circonstances de la rupture la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 du Code civil.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement d’une somme de 73 908 € à titre de dommages et intérêts du fait de l’absence de prise en charge de sa maladie dans le régime de prévoyance souscrit par l’employeur ;
AUX MOTIFS QUE “ Madame X... estime que l’employeur doit être condamné à indemniser le préjudice de Madame X..., car dans le contrat de prévoyance qu’il a négocié avec la société OCSO, il n’a pas prévu le cas où le salarié serait médicalement dispensé de travailler en raison des actes de harcèlement dont il est victime sur son lieu de travail ; que l’existence d’un harcèlement n’ayant pas été retenue, et la reconnaissance d’une maladie professionnelle n’étant à ce jour pas acquise, cette argumentation ne peut être suivie ;
QUE la société Kerry fait observer que le contrat de prévoyance souscrit auprès de la Société OCSO en 2008 répond aux conditions prévues par la Convention collective applicable (article 8-1. 4 applicable aux Cadres), à savoir : “ Les absences par suite de maladie ou d’accident dûment constatées par certificat médical et contre visite s’il y a lieu, prises en charge par la sécurité sociale, ainsi que l’interruption légale du travail dû à l’état de grossesse médicalement constaté, donnent lieu au versement des indemnités suivantes :

(...) Après cinq ans de présence :

"-" pendant quatre mois

"-" 100 % des appointements calculés comme indiqué ci-dessus ;

"-" pendant les quatre mois suivants :

"-" 75 % des appointements

(...) Si au cours de la période de douze mois suivant le début de la première absence indemnisée l’intéressé est à nouveau absent pour maladie ou accident, il sera à nouveau indemnisé dans les conditions de délai et de calcul indiquées aux paragraphes ci-dessus sans que la durée d’indemnisation puisse, pendant les douze mois considérés, dépasser au total les périodes d’indemnisation indiquées ci-dessus selon l’ancienneté de l’intéressé “ ;
QU’il n’est pas discuté que ces dispositions ont été appliquées en l’espèce, Madame X... reconnaissant qu’elle a perçu l’intégralité de son salaire jusqu’au 16 février 2011 et [qu’] à partir de cette date jusqu’au 9 juin 2011 (jour du licenciement), elle n’a perçu que 75 % de son salaire ; que Madame X... ne précise pas en quoi l’employeur avait l’obligation de souscrire une assurance collective couvrant les affections psychiques et tout syndrome dépressif pour la période postérieure à son licenciement ;
QUE Madame X.... soutient qu’elle n’a pas été informée par l’employeur des garanties offertes par le nouveau contrat d’assurance collective souscrit à effet à compter du 1er janvier 2008 et qu’elle n’était pas en possession de la notice d’information prévoyant, entre autres, les exclusions ; que ces assertions sont contredites par le fait que depuis le mois d’octobre 2010, et même pour son arrêt de travail antérieur en avril 2010, elle a pu bénéficier des garanties offertes par ce contrat d’assurance groupe dont elle connaissait les modalités d’application ; que du reste, elle était bien détentrice des conditions particulières du précédent contrat conclu auprès d’AXA et [que] les observations contenues dans le courrier de l’employeur du 11 août 2011 rappelant que l’ensemble du personnel avait été informé des conditions du contrat de prévoyance conclu avec la société OCSO ne paraissent pas devoir être démenties “ ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de l’arrêt attaqué déboutant Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral entraînera par voie de conséquence (article 624 du Code de procédure civile) celle du chef de décision la déboutant de sa demande tendant à la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts du fait de l’absence de prise en charge de sa maladie dans le régime de prévoyance souscrit par l’employeur, qui lui est indivisiblement lié par la Cour d’appel ;
2°) ALORS subsidiairement QUE l’employeur qui a souscrit une convention ou un contrat en vue d’apporter des garanties collectives a l’obligation de remettre à l’adhérent une notice d’information détaillée définissant les garanties prévues et leurs conditions d’application ; qu’en sa qualité de débiteur de cette obligation particulière d’information, il lui incombe de démontrer qu’il s’en est acquitté ; qu’en l’espèce, Madame X... contestait que la notice d’information des conditions du nouveau contrat de prévoyance souscrit par la Société Kerry auprès du Groupe OCSO lui eût été remise ; qu’en retenant, pour la débouter de sa demande à ce titre, que cette “ assertion “ était “ … contredite par le fait que depuis le mois d’octobre 2010, et même pour son arrêt de travail antérieur en avril 2010, elle [avait] pu bénéficier des garanties offertes par ce contrat d’assurance groupe dont elle connaissait les modalités d’application … qu’elle était bien détentrice des conditions particulières du précédent contrat conclu auprès d’AXA et [que] les observations contenues dans le courrier de l’employeur du 11 août 2011 rappelant que l’ensemble du personnel avait été informé des conditions du contrat de prévoyance conclu avec la société OCSO ne parais [saisent] pas devoir être démenties “ la Cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs inopérants et, pour partie, hypothétiques, insusceptibles de caractériser la remise, à Madame X... d’une notice détaillée définissant les garanties offertes par le contrat collectif de prévoyance OCSO, a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Nîmes , du 9 septembre 2014