Heures supplémentaires sous primes oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 1 mars 2011

N° de pourvoi : 09-65590

Non publié au bulletin

Rejet

M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué(Montpellier, 21 janvier 2009), que Mme X..., engagée le 12 février 2007 par la société Digit supermarché en qualité d’employée commerciale à temps partiel, a été licenciée pour faute grave le 13 juin 2007 ;

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme au titre de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail, alors, selon le moyen :

1°/ que la dissimulation de travail salarié suppose que l’employeur ait cherché à éluder certaines des obligations qui lui incombent et donc que les droits du salarié à une rémunération correspondant aux heures effectuées ou bien les droits des organismes sociaux sur la rémunération perçue par le salarié aient été méconnus ; qu’en la condamnant au paiement d’une indemnité forfaitaire, sans avoir recherché si la prime exceptionnelle, dont elle a par ailleurs constaté qu’elle avait été versée pour rémunérer les heures effectuées au-delà de la durée prévue au contrat de travail, était d’un montant inférieur à la somme due à la salariée au titre du paiement des heures effectuées au taux majoré et sans avoir davantage recherché si, comme il l’indiquait dans ses conclusions d’appel, il s’était acquitté du paiement des cotisations sociales afférentes, la cour d’appel n’a pas caractérisé la dissimulation, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

2°/ que la condamnation de l’employeur au paiement de l’indemnité forfaitaire sanctionne la dissimulation volontaire de travail salarié et non pas le recours aux heures complémentaires au-delà de la durée légale du travail ; que la cour d’appel, en sanctionnant la violation, par l’employeur, de la règle selon laquelle les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale ou de la durée fixée conventionnellement, par sa condamnation au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue en cas de travail dissimulé, a violé les articles L. 3123-17, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a constaté qu’en avril et mai 2007, la durée de travail de la salariée avait excédé la durée légale et que, si le bulletin de salaire du mois d’avril faisait apparaître des heures complémentaires, il ne faisait pas mention de celles accomplies au-delà de la durée légale du travail en violation des dispositions de l’article L. 3123-17 du code du travail ; que, peu important que ces heures, qui ne pouvaient être rémunérées ainsi, aient donné lieu au versement d’une prime exceptionnelle et que l’employeur se soit éventuellement acquitté des cotisations sociales afférentes, elle en a exactement déduit l’existence d’un travail dissimulé et souverainement retenu le caractère intentionnel de cette dissimulation ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Digit supermarché aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Digit supermarché.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la SAS DIGIT à payer à Madame X... la somme de 7.028,34 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... a été embauchée à temps partiel sur la base de 27,75 heures par semaine ou 120,25 heures par mois, l’article 6 de son contrat prévoyant toutefois qu’en fonction des nécessités de service (surcroît d’activité, absence d’un pou plusieurs salariés, opérations d’inventaire ou promotionnelles), des heures complémentaires pourront être effectuées dans la limite du tiers de son horaire de travail de base et sous réserve de respecter un délai de prévenance de sept jours ; cette faculté de recourir aux heures complémentaires dans la limite du tiers de la durée stipulée au contrat est expressément prévue à l’article 6-6 de la convention collective applicable (du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire) ; qu’il résulte cependant de l’article L. 3123-17 alinéa 2 du code du travail, que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ; qu’en l’occurrence, il n’est pas discuté qu’au cours de la semaine du 9 au 14 avril 2007, Madame X... a effectué 43,25 heures de travail du mardi au samedi, alors qu’elle n’aurait dû accomplir, heures complémentaires comprises, qu’au maximum 35 heures de travail, réalisant même 7,35 heures au-delà de la durée légale ; qu’elle s’est, à nouveau, trouvée dans l’obligation de dépasser la durée légale du travail au mois de mai 2007 puisque sur la seule période du 1er au 14 mai 2007, lui ont été réglées 5,96 heures supplémentaires au taux majoré de 25% et 1, 90 heures au taux majoré de 50% ;
que le bulletin de paie de Madame X... pour le mois d’avril 2007 mentionne 8,58 heures complémentaires et le paiement d’une prime exceptionnelle de 205 eus ; cette prime, dont il est admis qu’elle était destinée à rémunérer le surplus des heures effectuées au-delà de la durée prévue au contrat de travail, vise donc à dissimuler le nombre d’heures réellement accomplies par la salariée – 15,50 heures au cours de la seule semaine du 9 au 14 avril 2007 – et la violation par l’employeur des dispositions de l’article L. 3123-17 du code du travail ; que la société Digit, qui a ainsi contraint la salariée, embauchée à temps partiel, à effectuer, sur une semaine, un nombre d’heures excédant la durée légale du travail, ne peut se contenter d’affirmer que celle-ci a été réglée de l’intégralité de ses heures et n’a subi aucun préjudice ; que le fait d’avoir mentionné sur le bulletin de paie d’avril 2007 un nombre d’heures de travail inférieur à celui accompli, constitue une dissimulation d’emploi salarié au sens de l’article L. 8221-5 du code du travail ; le versement d’une prime exceptionnelle destinée précisément à rémunérer les heures ne figurant pas sur le bulletin caractérisant, de la part de la société Digit, l’élément intentionnel de la dissimulation ;

ALORS QUE, D’UNE PART, la dissimulation de travail salarié suppose que l’employeur ait cherché à éluder certaines des obligations qui lui incombent et donc que les droits du salarié à une rémunération correspondant aux heures effectuées ou bien les droits des organismes sociaux sur la rémunération perçue par le salarié aient été méconnus ; qu’en condamnant l’exposante au paiement d’une indemnité forfaitaire, sans avoir recherché si la prime exceptionnelle, dont elle a par ailleurs constaté qu’elle avait été versée pour rémunérer les heures effectuées audelà de la durée prévue au contrat de travail, était d’un montant inférieur à la somme due à la salariée au titre du paiement des heures effectuées au taux majoré et sans avoir davantage recherché si, comme l’employeur l’indiquait dans ses conclusions d’appel, il s’était acquitté du paiement des cotisations sociales afférentes, la cour d’appel n’a pas caractérisé la dissimulation, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

ET ALORS QUE, D’AUTRE PART, la condamnation de l’employeur au paiement de l’indemnité forfaitaire sanctionne la dissimulation volontaire de travail salarié et non pas le recours aux heures complémentaires au-delà de la durée légale du travail ; que la cour d’appel, en sanctionnant la violation, par l’employeur, de la règle selon laquelle les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale ou de la durée fixée conventionnellement, par sa condamnation au paiement de l’indemnité forfaitaire prévue en cas de travail dissimulé, a violé les articles L. 3123-17, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail.
Décision attaquée : Cour d’appel de Montpellier du 21 janvier 2009