Dpae tardive oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 2 mars 2011

N° de pourvoi : 09-69314

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., qui a été employé sans contrat de travail écrit à compter du 1er juillet 2007 en qualité de cuisinier par la société ASI (Agence service immobilier) exploitant sous l’enseigne “camping Canet plage”, a été licencié verbalement le 24 août 2007 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement d’un rappel de salaire et de diverses indemnités au titre de la rupture et pour travail dissimulé ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt énonce que la société a procédé, même tardivement, à la déclaration unique d’embauche ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, d’une part, si, pour la période du 1er au 9 juillet 2007, l’employeur ne s’était pas intentionnellement soustrait à son obligation de déclaration préalable d’embauche indépendamment de la régularisation ultérieure, et, d’autre part, s’il n’avait pas intentionnellement mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour réformer le jugement sur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis et celle des congés payés afférents, l’arrêt retient qu’il est constant que les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective de l’industrie hôtelière de plein air, que selon l’article 22 de ladite convention, le préavis est fonction de la catégorie du salarié et que la durée de préavis est de quinze jours pour un emploi de cuisinier classé en 3e catégorie ;

Qu’en statuant ainsi, sans inviter les parties à s’expliquer sur la convention collective applicable qu’aucune d’elles n’avait invoquée et alors que l’employeur ne contestait pas la durée d’un mois revendiquée par le salarié, la cour d’appel a violé les textes invoqués ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et fixé l’indemnité de préavis à la seule somme de 640,81 euros et les congés payés afférents à celle de 64,08 euros, l’arrêt rendu le 11 juin 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société ASI aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION L

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement entrepris, et d’AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE le jugement sera réformé en ce qui concerne l’indemnité allouée sur le fondement de l’article L 8223-1 du Code du Travail, la société ayant procédé, même tardivement, à la déclaration unique d’embauche.

ALORS encore QU’il résulte de la combinaison des articles L. 1221-10 et L. 8221-5 (ex articles L. 320 alinéa 1er et L. 324-10 alinéas 4 et 5) du Code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de s’être soustrait à l’obligation d’établir une déclaration nominative d’embauche auprès des organismes de protection sociale avant l’embauche du salarié ; que l’article L. 8223-1 (ex article L. 324-11-1 alinéa 1er) du même code dispose quant à lui que le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l’article L. L. 8221-5 (ex article L.324-10 alinéas 4 et 5) a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire (à moins que l’application d’autres règles légales ou conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable) ; que le seul fait d’avoir a posteriori régularisé une déclaration d’embauche, s’il fait cesser pour l’avenir l’infraction de travail dissimulé résultant du défaut de déclaration ne fait pas disparaître rétroactivement ladite infraction ; qu’en se fondant sur la seule déclaration d’embauche dont elle a constaté qu’elle était tardive pour refuser d’indemniser le travail dissimulé, la Cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 (ex article L. 324-10 alinéas 4 et 5) du Code du travail.

ALORS en tout cas QUE les juges du fond ont relevé que « l’employeur lui-même (…) atteste que Monsieur X... est employé en qualité de cuisinier à compter du 1er juillet 2007 » (v. arrêt attaqué, p. 5, § 3) ; qu’en refusant néanmoins de rechercher, comme elle y était invitée, si l’employeur ne s’était pas soustrait intentionnellement à son obligation en vertu des articles L. 1221-10 et L. 8221-5 (ex articles L. 320 alinéa 1er et L. 324-10 alinéas 4 et 5) du Code du travail, alors qu’il ressortait de l’arrêt attaqué que l’employeur n’avait déclaré Monsieur X... auxdits organismes comme salarié de la SARL ASI LE CAMPLING CANET PLAGE que postérieurement à sa date d’embauche, qu’elle ne pouvait ignorer, et avait mentionné dans cette déclaration une fausse date d’embauche, à savoir le 9 juillet 2007 ainsi qu’il était indiqué dans les écritures même de l’employeur (v. conclusions adverses, p. 4), la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de textes susvisés.

ALORS encore QU’il ressort de l’article L. 8221-5 (ex article L. 324-10, alinéas 4 et 5) du Code du travail que constitue une dissimulation d’emploi salarié la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que dans ses écritures d’appel Monsieur X... faisait valoir que la SARL ASI – LE CAMPING CANET PLAGE lui avait proposé, le 9 juillet 2007, de signer un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel, ce qu’il avait refusé en raison de l’absence de stipulation de reprise de son ancienneté depuis le 26 juin 2007 et parce qu’à cette date il exerçait déjà ses fonctions de manière exclusive et à temps plein pour cette dernière (v. conclusions de l’exposant, p. 4) ; qu’il faisait valoir également que par courrier du 18 août 2007, versé au débat, il avait fait part à son employeur de sa surprise de voir que son bulletin de paie comportait des mentions inexactes, telles que son ancienneté, sa qualification et ses horaires effectifs et que, pour toute réponse, il s’était vu notifier son licenciement (v. conclusions de l’exposant, p. 6) ;
qu’après avoir relevé, d’une part, qu’ « il ressort des éléments versés aux débats que l’intimé a effectivement commencé à travailler au camping LE CANET PLAGE avant le 9 juillet 2007, (…) » et que « le contrat de travail liant les parties est à durée indéterminée (…) » et que la rupture s’analyse en « un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse » (v. arrêt attaqué, p. 5, § 2 et 4 ) et, d’autre part, que « l’employeur », contrairement à Monsieur X..., « ne produit aucun élément de nature à établir sa prétention selon laquelle (le salarié) était employé à temps partiel et ne fournit notamment pas les horaires applicables à l’entreprise, (…) » (v. arrêt attaqué, p. 5, § 6 à 8), la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait condamné l’employeur à verser à Monsieur X... « des sommes au titre du rappel de salaire sur la base d’un temps complet, d’heures supplémentaires et de congés payés afférents (…) » (v. arrêt attaqué, p. 5, § 9) ; que, cependant, en déboutant Monsieur X... de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé au motif que « le jugement sera reformé en ce qui concerne l’indemnité allouée sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail, la société ayant procédé, même tardivement, à la déclaration unique d’embauche » (v. arrêt attaqué, p. 6, § 2), sans rechercher, comme elle y était invitée par l’exposant, si l’employeur avait, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article L. 8221-5 (ex article L. 324-10 alinéas 4 et 5) du Code du travail.

QU’à tout le moins, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement entrepris, et d’AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d’une indemnité de préavis équivalente à un mois de salaire et de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE vu les conclusions des parties oralement reprises à l’audience ; que la société appelante prétend, sans produire de contrat de travail écrit signé par l’intimé, qu’elle a engagé le 9 juillet 2007, le salarié intimé par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel avec terme fixé au 24 août 2007 ; qu’il est constant que le 18 août 2007, Monsieur X... a adressé à son employeur un courrier ainsi libellé : « Vous m’avez remis en date du 3 août 07, mon premier bulletin de paie accompagné d’un chèque correspondant au montant (384.59 euros) inscrit en net à payer. Je suis surpris et étonné par son montant et certaines anomalies, que je tiens à vous les signaler pour rectifications.
A savoir :
1) PÉRIODE TRAVAIL BULLETIN DE PAIE : 09.07 AU 31.07.07 ???? Je vous rappelle que j’ai commencé à travailler au camping le 26juin 2007 (ma tache était de mettre la cuisine et le matériel en état avant l’ouverture du restaurant).
2) EMPLOI BULLETIN DE PAIE : EMPLOYÉ DE RESTAURANT ??????? Je vous rappelle que vous m’avez recruté comme cuisinier et depuis mon embauche j’assure mon emploi à la cuisine le midi et le soir.
3). HEURES PAYÉES BULLETIN DE PAIE 58 HEURES 27 ???? Je vous rappelle mes horaires du lundi au dimanche inclus (pas de jours de repos) : 9h à l4h30, 20h à22h00.
4) BULLETIN DE PAIE « ABS-ENTRÉE-SORTIE : moins -17h 50. Merci de me donner par écrit, vos explications concernant les 4 points évoqués ci-dessus. Je vous en remercie par avance » ; que ce courrier portait en outre la mention manuscrite suivante : « je vous signale que je n’ai toujours pas signé mon contrat de travail » ; que l’employeur n’a pas répondu à ce courrier pas plus qu’il n’a répondu au courrier en date du 27 septembre 2007 émanant du conseil de l’intimé et reprenant les demandes précédentes ; qu’il ressort des éléments versés aux débats que l’intimé a effectivement commencé à travailler au camping LE CANET PLAGE avant le 9 juillet 2007 ; que cela est conforté par les attestations circonstanciées établies par Monsieur Y... Fabrice et par Madame Isabelle Y... ainsi que par l’attestation délivrée le 25 juin 2007 par l’employeur lui même qui atteste que Monsieur X... est employé en qualité de cuisinier à compter du 1er juillet 2007 ; que dès lors qu’il ressort des éléments de la cause que le contrat de travail liant les parties est à durée indéterminée et qu’il a été irrégulièrement rompu par l’employeur le 24 août 2007 par l’envoi d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à l’ASSEDIC et d’un reçu pour solde de tout compte, le licenciement verbal du 22 août n’étant pas suffisamment établi ;
qu’en tout état de cause, en l’absence de lettre de convocation à un entretien préalable et de lettre énonçant un motif de licenciement, c’est à bon droit que les premiers juges ont dit que la rupture s’analysait comme étant un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ; que l’employeur ne produit aucun élément de nature à établir sa prétention selon laquelle Monsieur X... était employé à temps partiel et ne fournit notamment pas les horaires applicables à l’entreprise ; que, pour sa part, Monsieur X... a préalablement versé aux débats les attestations précitées dont il ressort, pour l’une, qu’il était employé de 9 heures à 14 heures et de 18 heures à minuit et pour l’autre pour une durée de 6 à 8 heures par jour en semaine et de 8 à 10 heures le week-end ; que, cependant dans sa propre réclamation initiale, il faisait valoir que ses horaires étaient de 9 heures 30 à 14 heures et de 20 heures à 22 heures soit une amplitude de 6 heures 30 par jour pour 7 jours travaillés à savoir 45 heures 30 par semaine ;
que dès lors qu’en allouant des sommes au titre du rappel de salaire sur la base d’un temps complet, d’heures supplémentaires et de congés payés afférents, pour des sommes exactement calculées et qui ne font l’objet d’aucune contestation sérieuse dans les écritures de la société appelante qui ne produit en outre aucun élément de nature à contredire ceux produits par l’intimé, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des éléments de la cause et le jugement sera confirmé de ces chefs ; qu’il est constant que les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective de l’industrie hôtelière de plein air ;
que selon l’article 5.2.2 de ladite convention, le préavis est fonction de l’ancienneté et de la catégorie du salarié : Moins de 6 mois de service continu :
"-" 1re et 2e catégories : 8 jours de date à date ;
"-" 3e catégorie : 15 jours de date à date ;
"-" 4e catégorie : 1 mois de date à date ; qu’il ressort des dispositions de la dite convention que l’emploi de cuisinier est classé en 3e catégorie et que dès lors le durée du préavis doit être fixée à 15 jours ; qu’en conséquence, l’indemnité de préavis doit être fixée à 640,81 euros et les congés payés afférents au montant de 64,08 euros, le jugement étant réformé en ce sens ; qu’en raison de la faible ancienneté du salarié dans l’entreprise et compte tenu également de l’absence de production de justificatifs d’un préjudice matériel résultant de la rupture, la Cour est en mesure de fixer à 2 000,00 euros le montant des dommage et intérêts qui seront alloués à l’intimé en réparation du préjudice résultant de l’irrégularité et de l’illégitimité du licenciement, le jugement étant réformé en ce sens ; que le jugement sera réformé en ce qui concerne l’indemnité allouée sur le fondement de l’article L 8223-1 du Code du Travail, la société ayant procédé, même tardivement, à la déclaration unique d’embauche.

ALORS QUE l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, lesquelles sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense, que les juges du fond sont liés par ces écritures et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que pour rejeter la demande de Monsieur X... tendant à voir condamner son employeur au paiement de la somme de 1281,61 euros à titre d’indemnité de préavis équivalant à un mois de salaire brut sur la base d’un temps plein, l’arrêt retient que « selon l’article 5.2.2 de la convention collective de l’industrie hôtellerie de plein air, le préavis est fonction de l’ancienneté et de la catégorie du salarié ; (…) ; qu’il ressort des dispositions de ladite convention collective », qui n’avaient pourtant jamais été invoquées par les parties, « que l’emploi de cuisinier est classé en 3e catégorie et que dès lors la durée du préavis doit être fixée à 15 jours ; qu’en conséquence, l’indemnité de préavis doit être fixée à 640,81 euros et les congés payés afférents au montant de 64,08 euros » ; qu’en se déterminant ainsi, bien que dans ses écritures d’appel, l’employeur, à titre principal, se bornait à contester le principe de l’indemnité de préavis et, à titre subsidiaire, faisait valoir « que le salaire mensuel brut était de 640,25 Euros, l’indemnité de préavis, fixée dans le cas présent, à un mois de salaire, ne saurait être différente de cette somme », contestant ainsi non pas la durée d’un mois de préavis mais le salaire mensuel revendiqué par le salarié servant de base au calcul de l’indemnité de préavis, la Cour a modifié les termes du litige et violé les dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.

ET ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances observer le principe du contradictoire et inviter les parties à s’expliquer sur les moyens qu’il entend soulever d’office ; qu’en faisant application d’office des dispositions de l’article 5.2.2 de la convention collective nationale de l’hôtellerie de plein air, selon lesquelles « le préavis est fonction de l’ancienneté et de la catégorie du salarié », pour estimer que l’emploi de Monsieur X... « est classé en 3e catégorie et que dès lors la durée de préavis doit être fixée à 15 jours », déboutant ainsi ce dernier de sa demande en paiement d’une indemnité de préavis équivalente à un mois de salaire sur la base d’un temps complet et de congés payés afférents, en l’absence de tout moyen présenté par l’employeur sur ce fondement et sans inviter au préalable le salarié à présenter ses observations sur ce point, la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention européenne de droits de l’homme.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 11 juin 2009