Heures supplémentaires sous primes

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 14 décembre 2010

N° de pourvoi : 09-67634

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Spinosi, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 22 juillet 1996 par la société Planète services en qualité d’agent de propreté ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de diverses sommes notamment à titre d’heures supplémentaires ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal, qui est recevable :
Vu l’article L. 3121-22 du code du travail ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme la condamnation de l’employeur à titre de rappel sur les heures supplémentaires, l’arrêt retient que la demande du salarié ne saurait être retenue dans sa totalité compte tenu des sommes qu’il percevait au titre de différentes primes dont il apparaît qu’au moins une (prime exceptionnelle) servait en réalité au moins en partie à rémunérer des heures supplémentaires ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le versement de primes ne pouvait tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et, sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Vu l’article L. 212-5-1 du code du travail, alors en vigueur ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de repos compensateur, l’arrêt retient que le salarié n’établit pas ne pas avoir bénéficié de repos compensateur en contrepartie des heures supplémentaires qu’il a effectuées ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait accueilli les demandes du salarié en paiement d’heures supplémentaires et retenu qu’un certain nombre d’entre elles avaient été payées au moyen de primes, ce dont il résultait que le salarié n’avait pas été en mesure de formuler, du fait de son employeur, une demande portant sur le repos compensateur auquel ces heures lui donnait droit, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Vu l’article L. 8221-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé, l’arrêt retient que le montant des primes ayant été déclaré, l’intention frauduleuse de l’employeur n’était pas caractérisée ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher l’existence ou non d’une intention frauduleuse de l’employeur relative aux heures supplémentaires dont elle avait admis l’existence après avoir déduit les sommes payées à titre de primes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a limité la société Planète services aux sommes de 10 000 et 1 000 euros les condamnations à titre de rappel sur les heures supplémentaires et de congés payés afférents et débouté M. X... de ses demandes au titre des repos compensateurs et de dommages-intérêts pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 13 mai 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne la société Planète services aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir limité à la somme de 10. 000 euros le montant de la condamnation de l’employeur au titre des heures supplémentaires et, en conséquence, d’avoir également limité à 300 euros la somme allouée à titre de rappel de prime d’expérience ;
AUX MOTIFS QUE en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que selon l’employeur Monsieur X... exerçait les fonctions de chef d’équipe et avait pour mission, avec un véhicule fourni par l’entreprise, de visiter les différents sites pour contrôler les salariés présents et en vue de l’établissement de leur paie et la facturation aux clients dont la société PLANETE SERVICES nettoyait les locaux, et de les recenser sur des feuilles de pointage ; que ces feuilles, bien que remplies par Monsieur X... lui même en sa qualité de chef d’équipe, indiquaient la durée des travaux effectués sur les chantiers par les salariés ; que ces documents sont de nature à étayer la demande de l’appelant, même si celui-ci n’était pas tenu d’être constamment présent sur les chantiers ; qu’en l’absence d’explications précises de l’employeur de nature à contredire les éléments fournis par le demandeur, il y a lieu de dire que l’existence d’heures supplémentaires se trouve suffisamment établie ; que la demande de Monsieur X... ne peut être retenue dans sa totalité compte tenu des sommes qu’il percevait au titre des différentes primes dont il apparaît qu’au moins une (prime exceptionnelle) servait en réalité au moins en partie à rémunérer des heures supplémentaires ; qu’en l’état de ces pièces et éléments en sa possession, la cour peut fixer à 10. 000 euros la rémunération des heures supplémentaires non déjà réglées sous la forme de primes allouées à l’intéressé, outre 1. 000 euros au titre des congés payés y afférents ; que la demande relative à la prime d’expérience est une demande de rappel en raison de la demande de paiement d’heures supplémentaires ; qu’en raison des considérations qui précèdent, il y a lieu de calculer le montant des sommes dues à ce titre situé selon les périodes entre 2 et 4 %, selon un taux intermédiaire de 3 % à (10. 000 euros x 3 %) ;
1°) ALORS QUE le versement de primes ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu’en retenant que la somme due à titre d’heures supplémentaires avait déjà été, en partie, réglée sous la forme de primes, la cour d’appel a violé l’article L. 3121-22 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur la première branche du moyen entraînera, par voie de conséquence, l’annulation du chef de dispositif de l’arrêt attaqué ayant limité le montant du rappel de prime d’expérience, en vertu de l’article 624 du Code de procédure civile, dès lors qu’il existe un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire entre ces deux chefs de dispositifs.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de repos compensateur ;
AUX MOTIFS QUE la demande, réduite en cause d’appel à 21. 490 euros afférente au repos compensateur, ne saurait aboutir, Monsieur Mathieu X... n’établissant pas ne pas avoir bénéficié du repos compensateur en contrepartie des heures supplémentaires qu’il a effectuées ;
ALORS QUE le salarié dont la demande en paiement d’heures supplémentaires est accueillie par la juridiction prud’homale, a droit à des dommages-intérêts pour défaut d’information de ses droits aux repos compensateurs ; qu’ayant condamné l’employeur au paiement d’heures supplémentaires, ce dont il résultait que le salarié n’avait pas été informé de ses droits aux repos compensateurs, la cour d’appel ne pouvait exiger de ce dernier la preuve qu’il n’avait pas bénéficié desdits repos, sans violer l’article D. 3171-11 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU’il sera pareillement débouté de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé, le montant des primes ayant été déclaré de sorte que l’intention frauduleuse n’est pas caractérisée ;
ALORS QUE l’intention frauduleuse de l’employeur qui n’a pas versé intégralement au salarié les sommes dues au titre des heures supplémentaires doit être appréciée sur l’ensemble de celles-ci ; qu’en se bornant à relever que le montant des primes avait été déclaré, sans rechercher si l’élément intentionnel n’était pas caractérisé s’agissant des sommes qui n’ont pas été versées au titre des heures supplémentaires, même après déduction de la prime ayant pour objet de rémunérer en partie ces dernières, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8221-3 du Code du travail.
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Planète services, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné la société PLANETE SERVICES à verser à Monsieur X... les sommes de 10. 000 euros à titre de rappel sur les heures supplémentaires, de 1. 000 euros à titre de congés payés sur les heures supplémentaires et de 300 euros à titre de rappel sur la prime d’expérience ;
Aux motifs que « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Considérant, selon l’employeur, que Monsieur X... exerçait les fonctions de chef d’équipe et avait pour mission, avec un véhicule fourni par l’entreprise, de visiter les différents sites pour contrôler les salarié présents en vue de l’établissement de leur paie et de la facturation aux clients dont la société PLANETE SERVICES nettoyait les locaux, et de les recenser sur des feuilles de pointage.
Considérant que ces feuilles, bien que remplies par Monsieur X... lui-même en sa qualité de chef d’équipe, indiquaient la durée des travaux effectués sur les chantiers par les salariés.
Considérant que ces documents sont de nature à étayer la demande de l’appelant, même si celui-ci n’était pas tenu d’être constamment présent sur les chantiers.
Considérant qu’en l’absence d’explications précises de l’employeur de nature à contredire les éléments fournis par le demandeur, il y a lieu de dire que l’existence d’heures supplémentaires se trouve suffisamment établie.
Considérant que la demande de Monsieur X... ne peut être retenue dans sa totalité compte tenu des sommes qu’il percevait au titre de différentes primes dont il apparaît qu’au moins une (prime exceptionnelle) servait en réalité au moins en partie à rémunérer des heures supplémentaires.
Considérant qu’en l’état des pièces et éléments en sa possession, la cour peut fixer à 10. 000 euros la rémunération des heures supplémentaires non déjà réglées sous forme de primes allouées à l’intéressé, outre 1. 000 euros au titre des congés payés afférents » ;
Alors que nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu’en se contentant de relever que le salarié, auquel il appartenait de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires, produisait des feuilles de pointage établies par luimême, pour constater l’existence d’heures supplémentaires effectuées par ce salarié, la Cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 13 mai 2009