Norme plus favorable

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 septembre 2007

N° de pourvoi : 05-41156

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Président : M. BAILLY conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 9 juin 1975 en qualité de mécanicien chef de quart par la société Compagnie française pour le développement des fibres textiles devenues la société Développement des agro-industries du Sud (Dagris), qui l’a affecté à des missions successives dans différents pays africains jusqu’au 25 février 2001 ; qu’il a été mis à la retraite par une décision du 11 avril 2001 ayant pris effet le 31 août 2001 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant notamment à la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages-intérêts pour la perte de droits à pension de retraite résultant de son défaut d’affiliation au régime d’assurance volontaire vieillesse de la sécurité sociale ainsi qu’à la requalification de sa mise à la retraite en licenciement et au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Dagris fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’elle avait une obligation conventionnelle de cotiser au régime vieillesse de la sécurité sociale et de l’avoir condamnée à verser à M. X... des dommages-intérêts pour perte de ses droits à la retraite de base de la sécurité sociale, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1 / que dès lors que les dispositions légales n’imposent à l’employeur aucune obligation d’assurance auprès du régime général des retraites lorsque le salarié a le statut d’expatrié et que, par ailleurs, les dispositions de l’article 72 de la convention collective des bureaux d’études techniques, en disposant que, lorsque l’employeur détache des salariés hors de France, le régime volontaire vieillesse de la sécurité sociale sera appliquée “dans les conditions prévues par la loi, ne dérogent pas à ce principe dans la mesure où elles renvoient nécessairement aux dispositions du code de la sécurité sociale distinguant le salariés détachés des salariés expatriés, il ne pouvait être fait obligation à la société Dagris de cotiser au régime volontaire vieillesse de la sécurité sociale pour un salarié en situation d’expatriation qui n’avait jamais manifesté sa volonté d’adhérer à un tel régime ; qu’en décidant du contraire, aux motifs que le renvoi aux “conditions prévues par la loi” ne pouvait dispenser l’employeur du maintien obligatoire de ce régime, la cour d’appel a violé l’article 72 de la convention collective des bureaux d’études techniques ;

2 / qu’il résulte de l’article L. 132-4 du code du travail que la convention ou l’accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur ; qu’en se contentant , dès lors, d’affirmer que la convention collective imposait à l’employeur le maintien du régime volontaire vieillesse de la sécurité sociale et ne lui permettait pas de lui substituer un autre type de régime de retraite, sans répondre au moyen déterminant de la société Dagris tendant à établir que le régime instauré par l’accord d’entreprise conclu en février 1993 était plus favorable au salarié que le régime légal, les cotisations ayant, en particulier, porté sur l’intégralité du salaire, y compris la prime d’expatriation, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu d’abord que le principe fondamental selon lequel en cas de conflit de normes, c’est la plus favorable aux salariés qui doit être observée, ne s’applique qu’autant que les normes en concours prévoient des avantages ayant le même objet ou la même cause ; que tel n’est pas le cas du régime d’assurance volontaire vieillesse de base de la sécurité sociale et d’un régime de retraite complémentaire ou d’un régime de retraite supplémentaire ; que, dès lors, la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à un moyen qui était inopérant ;

Attendu, ensuite, que l’alinéa 2 de l’article 72 de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils, applicable aux salariés travaillant hors de France métropolitaine, dispose que le régime volontaire risque vieillesse de la sécurité sociale et le régime des retraites complémentaires seront maintenus et la charge en sera supportée par le salarié et l’employeur dans les proportions habituelles et dans les conditions prévues par la loi ; qu’il résulte de ce texte que l’employeur d’un salarié exerçant son activité hors de France dans des conditions lui conférant la qualité de travailleur expatrié au sens de l’article L. 762-1 du code de la sécurité sociale est tenu de lui maintenir le bénéfice d’une assurance contre le risque vieillesse de la sécurité sociale en procédant d’office à son affiliation à l’assurance volontaire contre ce risque prévu à l’article L. 742-1 de ce code ;

Et attendu que la cour d’appel qui a constaté que la société Dagris qui n’avait pas affilié M. X... pendant la durée de son expatriation à l’assurance volontaire contre le risque vieillesse de la sécurité sociale, n’avait versé aucune cotisation à ce régime, en a exactement déduit que l’employeur avait commis une faute ayant causé un préjudice au salarié qu’elle a souverainement apprécié ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l’article L. 122-14-13 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu que pour condamner l’employeur à verser au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la rupture du contrat de travail du salarié s’analyse en un licenciement qui est sans cause réelle et sérieuse dès lors que, l’employeur n’ayant pas cotisé au régime d’assurance vieillesse volontaire de la sécurité sociale, le salarié ne pouvait prétendre à une pension de vieillesse à taux plein ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il ressort de l’article L. 351, alinéa 2, du code de la sécurité sociale que la pension de vieillesse à taux plein résulte d’une certaine durée d’assurance tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires ainsi que des périodes reconnues équivalentes, de l’article R. 351-4 du même code que les périodes équivalentes sont notamment les périodes d’activité professionnelles antérieures au 1er avril 1983 qui peuvent ou auraient pu donner lieu à rachat de cotisations d’assurance vieillesse au titre du régime obligatoire et de l’article 1er de la loi n° 65-555 du 10 juillet 1965 que la possibilité de rachat de cotisations a été offerte à tout français ayant été salarié à l’étranger, la cour d’appel qui n’a pas recherché si des périodes d’activité professionnelle salariée de M. X... à l’étranger pouvaient être retenues à titre de périodes reconnues équivalentes pour apprécier, à la date de la cessation du contrat de travail, la durée d’assurance servant à déterminer le taux applicable au salaire annuel de base, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail de M. X... constituait un licenciement et condamné la société Dagris à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 23 novembre 2004, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille sept.

Décision attaquée : cour d’appel d’Aix-en-Provence (18e chambre) du 23 novembre 2004