Requalification en salarié oui

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 juin 2020, 18-20.705, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 18-20.705
ECLI:FR:CCASS:2020:SO00497
Non publié au bulletin
Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 24 juin 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon, du 27 avril 2018

Président
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION


Audience publique du 24 juin 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 497 F-D

Pourvoi n° C 18-20.705

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

La société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-20.705 contre l’arrêt rendu le 27 avril 2018 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l’opposant à Mme R... K..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Distribution Casino France, après débats en l’audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 27 avril 2018), la société Distribution Casino France (la société Casino) a conclu le 19 décembre , avec Mme K..., un contrat de gérance mandataire non salariée et lui a confié la gérance d’un magasin à l’enseigne Petit Casino.

2. Par courrier du 21 mars 2013, la société Casino a informé Mme K... de la fermeture définitive du magasin qu’elle exploitait et, après plusieurs propositions de reclassement dans d’autres magasins refusées par Mme K..., a mis fin au contrat par lettre du 22 avril 2013 à effet au 26 avril suivant.

3. Mme K... a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen et le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Casino fait grief à l’arrêt de requalifier le contrat de gérance non salariée en contrat de travail et de la condamner à verser des indemnités de rupture alors « que si l’article L. 7322-2 du code du travail dispose que le gérant mandataire doit avoir toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité, cette condition exige seulement qu’ il ait la possibilité effective d’embaucher librement du personnel ou de se faire remplacer sans subir aucun contrôle de la société propriétaire de la succursale, et non qu’ il ait la possibilité effective d’embaucher compte tenu de ses moyens financiers ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le contrat de gérance de Mme K... prévoyait qu’elle avait tout latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à ses frais et sous sa propre responsabilité de sorte qu’il n’entravait pas sa liberté d’embauche ; qu’ en estimant que la condition prévue à l’article L. 7322 2 du code du travail n’était pas réunie au prétexte que Mme K... n’avait pas la possibilité financière d’embaucher et de se faire remplacer compte tenu de la faiblesse de sa rémunération, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de subordination juridique a violé les articles L. 1221 1, L. 7322 1 et L. 7322 2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d’appel qui, après avoir constaté que la rémunération de l’intéressée était très nettement inférieure au Smic, ce qui ne lui permettait pas de prendre des congés faute de pouvoir rémunérer une personne qu’elle embaucherait pour la remplacer et qu’elle ne bénéficiait pas de la possibilité effective d’embaucher son propre personnel, ce dont elle a déduit qu’en raison des défaillances de la société Casino, les conditions d’application du statut de gérant non salarié n’étaient pas réunies, a légalement justifié sa décision.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Distribution Casino France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Distribution Casino France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR requalifié le contrat de gérance non salariée de Mme K... du 19 décembre 2011 en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée et d’avoir condamné la société Casino France à verser à la gérante diverses indemnités de rupture ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur la demande de requalification en contrat de travail du contrat de gérant non salarié de succursale de commerce alimentaire : que les articles L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail disposent que : L 7322-1 : "Les dispositions du chapitre 1er sont applicables aux gérants non salariés définis à l’article L. 7322-2, sous réserve des dispositions du présent chapitre. L’entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l’application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord. Dans tous les cas, les gérants non salariés bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés. Par dérogation aux dispositions des articles L. 3141-1 et suivants relatives aux congés payés, l’attribution d’un congé payé peut, en cas d’accord entre les parties, être remplacée par le versement d’une indemnité d’un montant égal au douzième des rémunérations perçues pendant la période de référence. Les obligations légales à la charge de l’employeur incombent à l’entreprise propriétaire de la succursale." L. 7322-2 : "Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité. La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat." ; que la société Distribution Casino France soutient que depuis le 1er mai 2008, l’article L. 7182-7 du code du travail a été abrogé, de sorte que R... K... ne peut se prévaloir de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, la nouvelle qualification des articles L. 7322 -1 à L. 7322 -6 du code du travail concernant le statut légal des gérants non salariés n’étant pas intervenue à droit constant ; qu’il apparaît toutefois sur ce point que la modification rédactionnelle apportée à l’article L. 7322-1 du code du travail, tel qu’il résultait de l’ordonnance du 12 mars , a été uniquement motivée par le souci d’apporter une clarification de rédaction, de sorte que la requalification s’est effectuée à droit constant et qu’en conséquence, l’abrogation d’une loi à la suite de sa codification à droit constant ne modifie ni la teneur ni la portée des dispositions transférées ; que dans ces conditions, il apparaît que, contrairement à ce qu’affirme la société Distribution Casino France, un gérant non salarié bénéficie de tous les avantages accordés au salarié par la législation sociale ; que c’est dans ces conditions qu’il a droit à des congés, qu’il est inscrit au régime général de sécurité sociale, qu’il bénéficie d’une adhésion à une mutuelle et des prestations sociales au même titre que les salariés, et qu’il bénéficie d’un régime d’épargne salariale ; que dans son préambule, l’accord collectif national du 18 juillet 1963 mis à jour le 1er mars 2008, rappelle que ce statut spécifique de gérant mandataire résulte du fait que vis-à-vis de la clientèle, il se comporte comme un commerçant, ce qui implique indépendance du gérant dans la gestion de l’exploitation du fonds, c’est-à-dire autonomie dans l’organisation de son travail et intéressement direct à l’activité du magasin par des commissions calculées sur le montant des ventes, tout en bénéficiant, dans le cadre de ce mandat d’intérêt commun liant le propriétaire du fonds au gérant qui jouit d’une indépendance, partage les risques de l’exploitation, mais bénéficie d’un statut social légal et conventionnel : que par ailleurs, il existe un contrat de travail dès lors que se trouvent réunies trois conditions cumulatives : l’état de subordination juridique vis-à-vis de l’employeur, le versement d’une rémunération et la fourniture d’une prestation de travail ; qu’il n’est pas contesté que les deux premières conditions (rémunération et fourniture d’une prestation de travail) sont ici réunies et que seule est donc litigieuse en l’espèce la condition liée au lien de subordination juridique ; que celui-ci se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que cette subordination juridique ne se confond ni avec la subordination économique ni avec l’intégration dans un service organisé ; qu’enfin, la qualification d’une relation de travail ne dépend ni de la dénomination donnée par les parties à leur convention, ni de la volonté qu’elles ont pu exprimer, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité ; qu’en l’espèce, le contrat conclu le 19 novembre 2011 entre la société Distribution Casino France et R... K... emportait expressément acceptation par cette dernière d’un mandat portant sur la gérance non salariée d’un magasin de vente au détail de la société Distribution Casino France, l’intéressée s’étant vu finalement confier, après une période de formation à la gérance, la succursale Petit Casino de Villebois (01) ; que selon avenant de même date, sa rémunération à la commission était fixée à 6,00 % ; que le contrat liant les parties précisait également que R... K... était indépendante dans sa gestion du magasin dans les limites et son mandat et sous réserve de se conformer à la réglementation et aux usages locaux, sans recevoir toutefois de directives de la société DCF quant à l’organisation de son travail et qu’elle pouvait procéder comme elle l’entendait pour parvenir à une chiffre d’affaires optimal sur lequel sa rémunération était calculée ; qu’il incombe donc à l’appelante de démontrer que, contrairement aux clauses prévues au contrat de gérance, elle a été soumise à des ordres, à des directives et au contrôle de la société Casino dans l’organisation de l’exercice de son propre travail, démontrant ainsi l’existence d’un lien de subordination juridique, différent de la subordination économique et de l’organisation d’un service organisé, et permettant de requalifier ledit contrat en contrat de travail ; qu’à cette fin, R... K... soutient d’abord que le statut de gérance non salariée auquel elle était soumise porte en lui-même la démonstration du lien de subordination dont elle invoque l’existence, dans la mesure où son contrat prévoyait qu’elle : - ne pouvait pas modifier la nature, la qualité ou la présentation des marchandises (article trois) - n’avait aucun moyen de recours contre la société Distribution Casino France en cas de défaut de livraison des marchandises (article quatre) - était tenue de participer "aux actions promotionnelles et publicitaires et plus généralement à la politique commerciale de la société en imposant le matériel publicitaire fourni par cette dernière et en se conformant à l’utilisation des divers documents qui leur seront transmis dans ce but" (article six) - était tenue de se soumettre aux inventaires imposés par la société Distribution Casino France sans discussion possible et sans possibilité de refus, la société Distribution Casino France se réservant le droit de "passer outre en faisant constater la régularité des opérations par un officier ministériel ou par tout autre personne assermentée" (article sept) - n’avait quasiment aucun moyen de s’opposer aux décisions prises par la société Distribution Casino France, le contrat stipulant notamment que la non contestation du bordereau des commissions dans les huit jours de sa réception "impliquera l’approbation pleine et entière par les cogérants de cette situation de compte" (article 12) - devait se soumettre à un règlement des inventaires et de tous les comptes entre les parties au siège de la société (article 14) ; que dans ce contexte, il appartient à la cour de rechercher concrètement l’existence du lien de subordination allégué, c’est-à-dire de définir si, dans l’exercice de la relation mandant-mandataire, il existe des contraintes telles qu’elle seraient précisément incompatibles avec le statut défini à l’article L. 7322-1 du code du travail ; que concernant les clauses du contrat de cogérance, il apparaît d’abord que, conformément à l’article 9 de leurs contrats de cogérance et à l’article 6 de l’accord collectif du 18 juillet 1963, R... K... a été rémunérée par le biais de commissions correspondant à 6 % du montant des ventes qu’elle a réalisées ; que de même, il apparaît au plan concret que les diverses obligations, énumérées ci-dessus par R... K... au soutien de sa demande, sont nées du contrat conclu entre les parties et ne caractérisent pas spécialement l’existence d’un lien de subordination imposant la requalification en contrat de travail, chacune de ces obligations s’expliquant par le statut de gérant non salarié ici adopté par les parties et étant compatible avec le régime juridique qu’il prévoit ; que le contrat de gérance litigieux prévoyait en outre qu’elle avait, conformément au statut, toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à ses frais et sous sa propre responsabilité ; qu’elle conteste ce point, estimant qu’il ne s’agissait là que d’une affirmation théorique, mais qu’en pratique elle n’était pas en mesure d’embaucher quiconque pour la remplacer, compte tenu de la faiblesse de la rémunération qu’elle retirait de cette activité professionnelle ; qu’il résulte des bulletins mensuels de commissions produits en pièce 9 par la société Distribution Casino France, afférents au mois de janvier 2012 octobre 2013, qu’au cours de cette période, R... K... a perçu des commissions pour un montant net fiscal de 23428,93 euros pour la période allant de janvier à octobre 2012, soit une moyenne de 2342,89 euros par mois, et de 6252,87 euros pour la période allant de novembre 2012 à avril 2013, date de la rupture du contrat, soit une moyenne de 1042,14 euros nets par mois ; que même si le contrat prévoyait que les différentes charges afférents au fonctionnement du magasin (loyer, assurances, éclairage, taxes ... ) étaient à la charge de la société Distribution Casino France, il est évident que cette rémunération, très nettement inférieure au SMIC alors en vigueur, ne laissait pas à R... K... 2013 la possibilité de prendre des congés, faute de pouvoir rémunérer la personne qu’elle embaucherait pour la remplacer dans le magasin ; que la société Distribution Casino France ne conteste pas la matérialité de cette situation et le peu de rentabilité de ce magasin, dont elle a en mars 2013 décidé de cesser l’exploitation, se contentant d’invoquer la clause du contrat permettant théoriquement à la salariée de se faire remplacer à ses frais ; qu’il en résulte que les conditions d’application de l’article L. 7322-2 précité n’étaient pas en l’espèce concrètement réunies faute de possibilité réelle pour R... K... "d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais" au sens de ce texte, et la société Distribution Casino France doit être tenu pour responsable de cette situation par application du deuxième alinéa de l’article L. 7322-1 précité ; que c’est donc à juste titre que R... K... sollicite la requalification de ce contrat en un contrat de travail à durée indéterminée, sans qu’il soit ici besoin d’examiner les autres moyens invoqués par elle au soutien de cette demande ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande de requalification.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE s’agissant de l’indépendance du gérant mandataire non-salarié dans la gestion de l’exploitation du magasin qui lui est confié, c’est-à-dire l’autonomie de celui-ci dans l’organisation de son travail en dehors de toute subordination juridique ; que la SAS DCF fournissait un document intitulé « bonne pratique hygiène-qualité » sur le thème « tout savoir sur la gestion des retraits prescrits ou des périmés
 » (pièce n° 34 de la demanderesse) ; que le libellé du document montre que, sous la dénomination bonne pratique, il s’agit en réalité pour la société de délivrer des directives très précises ; qu’il est notamment précisé page 5 « c’est la mise à jour de ce document qui vous permettra de prouver aux services officiels la bonne exécution des ordres de retrait transmis par Casino », page 6 « le service commercial doit fournir la preuve du contrôle effectif des retraits prescrits par Casino et ayant fait l’objet d’une demande de remboursement » ; Partenariat Casino Proximité – Logic’Imo/Top (pièce n° 46 de la demanderesse) ; que la SAS DCF imposait au gérant non-salarié la mise en place d’un présentoir ; que les termes utilisés par la SAS DCF dans la note rédigée par la direction de missions et services démontrent l’absence de libertés des gérants vis-à-vis des partenariats conclus avec d’autres sociétés : « Dans les jours et semaines qui viennent, vous allez être contactés par un commercial de la société Logic’Immo/Top, afin de convenir d’un rendez-vous pour la mise en place de ce présentoir. Ce support devra être mis soit à l’extérieur, soit à l’intérieur à proximité des caisses. Il sera approvisionné en magazine directement par la société et ne devra pas être laissé dehors pendant les heures de fermeture de votre magasin » ; La réception et la délivrance des colis CDISCOUNT (pièce n° 29 de la demanderesse) ; que la SAS DCF imposait au gérant non salarié de réceptionner et délivrer les colis CDISCOUNT en l’absence d’avenant au contrat de gérance permettant au juge du fond d’apprécier la volonté réciproque des parties ; qu’il s’évince de ces éléments que Mme R... K... n’avait pas le libre exercice de son activité professionnelle dans ses relations avec les partenaires de la SAS DCF ; que la subordination supposant l’impossibilité d’organiser librement l’exercice de son activité professionnelle, il s’ensuit que Mme R... K... se trouvait soumise à la SAS DCF par un lien de subordination juridique ; qu’en conséquence, le conseil de prud’hommes de Belley requalifie le contrat de gérance non salariée de Mme K... en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée.

1° - ALORS QUE si l’article L. 7322-2 du code du travail dispose que le gérant mandataire doit avoir toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité, cette condition exige seulement qu’il ait la possibilité effective d’embaucher librement du personnel ou de se faire remplacer sans subir aucun contrôle de la société propriétaire de la succursale, et non qu’il ait la possibilité effective d’embaucher compte tenu de ses moyens financiers ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le contrat de gérance de Mme K... prévoyait qu’elle avait tout latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à ses frais et sous sa propre responsabilité de sorte qu’il n’entravait pas sa liberté d’embauche ; qu’en estimant que la condition prévue à l’article L. 7322-2 du code du travail n’était pas réunie au prétexte que Mme K... n’avait pas la possibilité financière d’embaucher et de se faire remplacer compte tenu de la faiblesse de sa rémunération, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’existence d’un lien de subordination juridique a violé les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

2° - ALORS QUE l’obligation pour le gérant mandataire non salarié de respecter l’organisation mise en place par la société mère, en respectant la procédure de gestion des produits périmés ou retirés, en installant des présentoirs et en servant de point de retrait de colis CDISCOUNT, constitue des contraintes inhérentes aux conditions d’exploitation de son magasin ; que ces contraintes ne remettent pas en cause sa liberté de gestion et ne caractérisent pas l’existence d’un lien de subordination juridique avec la société propriétaire de la succursale ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail.

3° - ALORS QUE les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils s’appuient ; qu’en affirmant péremptoirement que la société Casino « imposait » au gérant non-salarié de réceptionner et délivrer les colis CDISCOUNT, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir une telle contrainte qui était contestée par la société Casino, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Casino à payer à Mme K... la somme de 15.000 euros net de CSG CRDS à titre de dommages-intérêts, outre 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS PROPRES QUE les articles L. 7322-1 et L. 7322-2 du code du travail disposent que : L. 7322-1 : "Les dispositions du chapitre 1er sont applicables aux gérants non salariés définis à l’article L. 7322-2, sous réserve des dispositions du présent chapitre. L’entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l’application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord. Dans tous les cas, les gérants non salariés bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés. Par dérogation aux dispositions des articles L. 3141-1 et suivants relatives aux congés payés, l’attribution d’un congé payé peut, en cas d’accord entre les parties, être remplacée par le versement d’une indemnité d’un montant égal au douzième des rémunérations perçues pendant la période de référence. Les obligations légales à la charge de l’employeur incombent à l’entreprise propriétaire de la succursale." L. 7322-2 : "Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d’embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité. La clause de fourniture exclusive avec vente à prix imposé est une modalité commerciale qui ne modifie pas la nature du contrat." ; que la société Distribution Casino France soutient que depuis le 1er mai 2008, l’article L. 7182-7 du code du travail a été abrogé, de sorte que R... K... ne peut se prévaloir de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, la nouvelle qualification des articles L. 7322 -1 à L. 7322 -6 du code du travail concernant le statut légal des gérants non salariés n’étant pas intervenue à droit constant ; qu’il apparaît toutefois sur ce point que la modification rédactionnelle apportée à l’article L. 7322-1 du code du travail, tel qu’il résultait de l’ordonnance du 12 mars 2007, a été uniquement motivée par le souci d’apporter une clarification de rédaction, de sorte que la requalification s’est effectuée à droit constant et qu’en conséquence, l’abrogation d’une loi à la suite de sa codification à droit constant ne modifie ni la teneur ni la portée des dispositions transférées ; que dans ces conditions, il apparaît que, contrairement à ce qu’affirme la société Distribution Casino France, un gérant non salarié bénéficie de tous les avantages accordés au salarié par la législation sociale ; que c’est dans ces conditions qu’il a droit à des congés, qu’il est inscrit au régime général de sécurité sociale, qu’il bénéficie d’une adhésion à une mutuelle et des prestations sociales au même titre que les salariés, et qu’il bénéficie d’un régime d’épargne salariale (
) - Sur les demandes indemnitaires de R... K... qu’en premier lieu, R... K... sollicite la condamnation de la société Distribution Casino France lui verser la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts en suite de la requalification de son contrat de gérance non salariée en un contrat de travail à durée indéterminée ; que cette demande sera toutefois rejetée faute par l’intéressée de préciser en quoi consiste ce préjudice et de rapporter la preuve tant de sa réalité que de son montant ; que par ailleurs, R... K... fait à juste titre valoir que la rupture de son contrat de gérance non salariée s’analyse en réalité en un licenciement sans cause réelle et sérieuse faute par l’employeur, qui avait décidé - apparemment pour motif économique - de fermer sa succursale Petit Casino de Villebois, d’avoir respecté les conditions de forme et de fond d’un tel licenciement que lui imposaient notamment les articles L. 1232 -1 et suivants, L. 232-6 et L. 1233-2 et suivants du code du travail ; qu’en effet, la lettre de la société Distribution Casino France du 22 avril 2013 par laquelle la société Distribution Casino France a notifié à R... K... la rupture de son contrat de gérance non salariée ne saurait être considérée comme valant lettre régulière de licenciement au sens de l’article L. 1232 -6 précité, faute par l’employeur d’y préciser le motif du licenciement, c’est-à-dire les causes de la fermeture définitive de sa succursale Petit Casino de Villebois ; que R... K... avait dans l’entreprise Distribution Casino France une ancienneté de moins de deux ans au moment de la rupture de son contrat de travail le 26 avril 2013 ; que compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances précitées de la rupture, du montant de la rémunération versée à R... K..., de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-5 du code du travail, une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né pour elle de la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la requalification ; que l’article L. 1235-5 du code du travail dispose que ne sont pas applicables aux licenciements d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et aux licenciements opérés dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, les dispositions relatives : 1° aux irrégularités de procédure, prévues à l’article L. 1235-2, 2° à l’absence de cause réelle et sérieuse, prévue à l’article L. 1235-3, 3° au remboursement des indemnités de chômage, prévus à l’article L. 1235-4 ; que les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse qui ne remplissent pas ces critères sont indemnisés uniquement en fonction du préjudice subi ; que ces salariés ont nécessairement subi un préjudice du fait de leur licenciement abusif ; que le juge devra forcément leur octroyer une indemnité ; que le montant de cette indemnité relève du pouvoir souverain des juges du fond ; que le conseil considère que Mme K... a subi un préjudice du fait de la rupture abusive de son contrat qu’il conviendra de réparer en lui allouant des dommages-intérêts à hauteur de 15.000 euros.

1° - ALORS QUE la cassation à intervenir de l’arrêt requalifiant en contrat de travail le contrat de gérance mandataire non salariée conclu entre la société Casino et Mme K..., critiqué au premier moyen, entraînera par voie de conséquence l’annulation de l’ensemble des autres chefs du dispositif qui sont dans sa dépendance nécessaire, en application de l’article 624 du code de procédure civile.

2° - ALORS QUE l’article L. 7322-1 du code du travail, applicable depuis le 1er mai 2008, fixe limitativement les dispositions du code du travail applicables aux gérants nonsalariés de succursale en les limitant aux dispositions du Livre I de la troisième partie relatif à la durée du travail, aux repos et aux congés, et la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, et ce à la condition que soient fixées par l’entreprise propriétaire de la succursale les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement, ou soumises à son agrément ; que les gérants de succursales non-salariés dont le contrat a été rompu après l’entrée en vigueur de cet article ne peuvent dès lors pas se prévaloir des articles du code du travail relatifs au licenciement en général et au licenciement pour motif économique en particulier ; qu’en jugeant que la « requalification » du code du travail s’était effectuée à droit constant et que le gérant non salarié bénéficiait de tous les avantages accordés au salarié par la législation sociale, avant d’appliquer à Mme K... les dispositions du code du travail relatives au licenciement prononcé pour motif économique, la cour d’appel a violé l’article L. 7322-1 du code du travail, ensemble l’article 14 de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) et l’article 2-X de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant cette ordonnance, ensemble l’article L. 782-7 de l’ancien code du travail par fausse application, et les articles L. 1232-6, L. 1233-1, L. 1233-2, L. 1233-3 du code du travail.

3° - ALORS QUE les articles du code du travail qui sont applicables aux gérants non-salariés de succursales ne le sont que sous réserve des dispositions les concernant spécifiquement ; qu’en l’espèce, les articles 13 et 14 de l’Accord collectif national du 18 juillet 1963 imposent seulement à la société propriétaire de la succursale qui entend rompre le contrat de gérance en raison de la fermeture définitive de la succursale exploitée, de notifier sa décision au gérant par lettre recommandée, après avoir reçu l’intéressé en entretien préalable, sans exiger de motivation particulière des causes ayant justifié la fermeture définitive de la succursale ; qu’en reprochant à la société Casino, qui avait envoyé une lettre de résiliation du contrat de gérance motivée par la fermeture définitive du magasin, d’avoir insuffisamment motivé cette lettre de rupture faute d’y préciser les causes de la fermeture définitive de la succursale, la cour d’appel a violé l’article L. 7322-1 du code du travail, ensemble les articles précités les articles L. 1233-2 et suivants, l’article L. 1233-16 et L. 1232-6 de ce même code .

4° - ALORS en tout état de cause QUE la fermeture définitive d’un établissement constitue un motif autonome et suffisant de licenciement sans qu’il soit nécessaire de préciser les raisons de cette fermeture ; qu’en jugeant que la lettre de résiliation du contrat de gérance du 22 avril 2013, qui invoquait la fermeture définitive de la succursale gérée par Mme K..., n’était pas suffisamment motivée faute de préciser le motif du licenciement, c’est-à-dire les causes de la fermeture définitive de la succursale, la cour d’appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 alinéa 1er du code du travail.

5° - ALORS QUE l’objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties et ne peut être modifié par le juge ; qu’il ressort de l’arrêt que Mme K... avait repris oralement ses conclusions de première instance ; que dans ces conclusions, elle faisait uniquement valoir que la rupture de son contrat s’analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour la société Casino lui avoir imposé une mobilité géographique, d’avoir procédé l’information préalable du comité Gérant mandataires, de lui voir proposé l’ensemble des succursales disponibles et de l’avoir fait bénéficier d’une priorité d’emploi dans un de ses services ; qu’en retenant que Mme K... faisait à juste titre valoir que la rupture de son contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse faute pour la société Casino faute d’avoir respecté les conditions de forme et de fond d’un licenciement économique prévues aux articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1233-2 du code du travail, et faute d’avoir suffisamment motivé la lettre de rupture, la cour d’appel a dénaturé ses conclusions et méconnu les termes du litige, en violation de l’article du code de procédure civile.

6° - ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en jugeant que la lettre de résiliation du contrat de gérance du 22 avril 2013 n’était pas suffisamment motivée faute de préciser le motif du licenciement, c’est-à-dire les causes de la fermeture définitive de la succursale, lorsqu’il résulte de l’arrêt que Mme K... avait repris oralement à l’audience ses conclusions de première instance et que celles-ci ne contenaient pas un tel moyen, la cour d’appel qui a modifié le fondement juridique de la demande et soulevé d’office ce moyen sans avoir recueilli les observations des parties sur ce point, a violé l’article 16 du code de procédure civile.