Restaurant

Le : 21/10/2011

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 juin 1999

N° de pourvoi : 98-82369

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" IBAKUYUMCU Avidis,

contre l’arrêt de la cour d’appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 30 janvier 1998, qui, pour travail clandestin, l’a condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d’amende et a ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 143-3, L. 143-5, L. 620-3 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a, par confirmation du jugement entrepris, déclaré Avidis Ibakuyumcu coupable du délit qui lui était reproché et, en répression, l’a condamné à la peine de 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d’amende ;

”aux motifs propres que, le 21 juillet 1994, à Avignon, les inspecteurs de l’URSSAF, dans le cadre d’une vérification des personnels des bars et restaurants de la place des Carmes se présentaient dans l’établissement de restauration “Avidis”, anciennement dirigé par Avidis Ibakuyumcu, lequel, depuis le 11 février 1993, avait vendu son fonds de commerce à la société Kismet dont il se disait directeur salarié ; qu’ils rencontraient une dizaine d’employés exerçant leur activité en salle et en cuisine ; que les responsables de l’entreprise, Françoise X... et Avidis Ibakuyumcu n’étaient pas en mesure de leur présenter le registre unique du personnel ainsi que les attestations de déclarations préalables à l’embauche pour les personnes embauchées depuis moins d’un mois ; que le prévenu opposant soutient en substance que l’infraction est imputable à Françoise X..., gérante de droit, alors que lui-même n’avait aucun rôle dans la société Kismet ; que, cependant, le dossier de la procédure fait apparaître que Françoise X..., définitivement retenue dans les liens de la prévention, avait plutôt un rôle de femme “de paille” et qu’en réalité, le prévenu, ancien dirigeant de l’établissement en cause, et qui devant la Cour a fait état de sa qualité d’associé dans la société, était le gérant de fait ; qu’au demeurant, c’est lui qui, au cours de l’enquête, a déféré à la convocation de l’URSSAF, muni des documents sollicités ; que les éléments de preuve résultant du dossier ont été sainement appréciés par les premiers juges qui ont correctement qualifié les faits retenus à la charge du prévenu ; que les débats devant la Cour ont conforté ces éléments ; qu’en définitive, le jugement entrepris, s’agissant d’Avidis Ibakuyumcu, mérite d’être confirmé sur la culpabilité ;

”et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu’il résulte du dossier la preuve que les prévenus se sont rendus coupables des faits qui leur sont imputés ; que ces faits sont constitutifs de l’infraction retenue par la prévention ; qu’il convient d’entrer en voie de condamnation ;

”alors, d’une part, qu’en l’absence de délégation de pouvoirs établie spécialement à cette fin, seul est responsable de l’embauche et de l’accomplissement des formalités y afférentes celui qui assume légalement les fonctions d’employeur ou qui dispose en fait des pouvoirs de direction, de contrôle et d’embauche ; qu’en retenant Avidis Ibakuyumcu dans les faits de la prévention, tout en relevant qu’il n’était que salarié et sans constater qu’il disposait en fait des pouvoirs de direction, de contrôle et d’embauche, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”alors, d’autre part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que le prévenu avait contesté sa qualité de dirigeant de fait ; que, dès lors, la cour d’appel ne pouvait statuer comme elle l’a fait, sans constater les faits d’où résulterait la qualité de dirigeant de fait d’Avidis Ibakuyumcu ;

”alors, de troisième part, que seule l’inobservation matérielle des formalités limitativement énumérées à l’article L. 324-10 du Code du travail caractérise le délit de travail clandestin prévu par l’article L. 324-9 dudit Code ; que, dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas se déterminer comme elle l’a fait, sans préciser si le prévenu avait lui-même omis de procéder à l’une ou l’autre des formalités prévues à la prévention ;

”et alors, enfin, que le caractère intentionnel du délit de travail clandestin doit être établi pour caractériser l’infraction ; qu’en l’absence de preuve irréfutable, l’infraction ne peut être sanctionnée ; que, dès lors, en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait s’abstenir, comme elle l’a fait, de se prononcer sur l’élément intentionnel de l’infraction” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, lors d’un contrôle, par des agents de l’URSSAF, de l’établissement de restauration de la société Kismet où plusieurs salariés étaient employés, les responsables présents sur les lieux n’ont pu présenter le registre du personnel ni les déclarations préalables d’embauche ; qu’à la suite de ces faits, Françoise X..., gérante de droit de la société, et Avidis Ibakuyumcu, dirigeant de fait, ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef du délit de travail clandestin par emploi de salariés dissimulés ;

Attendu que, pour écarter l’argumentation d’Avidis Ibakuyumcu qui contestait sa qualité de dirigeant de fait, la cour d’appel prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, exempts d’insuffisance, et procédant de leur appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, desquels il se déduit qu’Avidis Ibakuyumcu a procédé, comme gérant de fait, à l’embauche des salariés sans qu’aient été accomplies les formalités prévues par l’article L. 324-10,3 ancien du Code du travail applicable en l’espèce, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de NIMES, chambre correctionnelle du 30 janvier 1998

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Responsabilité pénale - Gérant de fait - Appréciation des juges du fond.

Textes appliqués :
* Code du travail L324-9, L362-3