Droit à l’image

Cour d’appel de Versailles 19 septembre 2002

Sommaire :

Toute personne, fût-elle mannequin professionnel, dispose sur son image et sur l’utilisation de celle-ci d’un droit lui permettant de s’opposer à sa reproduction et à sa diffusion sans autorisation de sa part ; la preuve de l’autorisation, de ses limites et de ses conditions incombant à celui qui reproduit l’image.S’agissant d’une autorisation délivrée par un mannequin en vue de la publication de photographies dans la rubrique " spécial beauté " d’un magazine féminin à grand tirage, dès lors que la rubrique " beauté " d’un tel magazine a notamment pour objet d’informer ses lectrices des problèmes de beauté qu’elles peuvent rencontrer et de proposer des moyens pour y remédier, un article consacré aux traitements cosmétiques et dermatologiques de nature à améliorer l’aspect du visage, s’inscrit dans le cadre de la ligne éditoriale de la rubrique considérée.Il s’ensuit que la reproduction d’un des clichés pour illustrer, sans citer de nom et de manière totalement impersonnelle, un paragraphe consacré à l’une des dix huit affections envisagées par cet article correspond à des conditions d’utilisation normalement prévisibles pour un mannequin professionnel.

Texte intégral :

Cour d’appel de Versailles 19 septembre 2002
République française

Au nom du peuple français
En page 177 de son numéro 1648 daté du 20 septembre 1999, le magazine ELLE, édité par la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES, a publié en illustration d’un article intitulé "COMMENT VA VOTRE PEAU - 18 solutions cosméto-dermato" une photographie de Mademoiselle X..., mannequin professionnel. Estimant que la publication de cette photographie pour illustrer des problèmes dermatologiques alors qu’elle n’avait accepté de poser pour le magazine ELLE que dans la perspective de figurer dans la rubrique "SPÉCIAL BEAUTÉ", constitue une violation du droit qu’elle possède sur son image, Mademoiselle X... a fait assigner par acte du 23 décembre 1999 la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES sur le fondement de l’article 1382 du code civil afin d’obtenir l’allocation d’une somme de 30489,8 à titre de dommages et intérêts outre 3048,98 sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile du nouveau code de procédure civile. Par jugement du 12 septembre 2000, le Tribunal l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et dit ne pas avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la condamnant aux entiers dépens. Pour statuer en ce sens, le Tribunal a notamment retenu que la reproduction de la photographie de Mademoiselle X... dans un article intitulé "SPECIAL PEAU" du magazine ELLE a été diffusée dans des conditions normalement prévisibles pour un mannequin professionnel et que Mademoiselle X... ne démontre pas que la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES a commis une faute en publiant son image. Appelante, Mademoiselle X..., aux termes de ses dernières écritures signifiées le 15 mai 2001 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé de ses moyens, conclut à l’infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour, en statuant à nouveau, de : - à titre principal, dire qu’en publiant sa photographie dans des conditions qui portent atteinte au droit dont elle dispose sur son image, la société HACHETTE FILIPPACHI

ASSOCIES a engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil et condamner en conséquence la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES à lui payer, en réparation de son préjudice, une somme de 30489,8 à titre de dommages et intérêts : - à titre subsidiaire, vu l’article 9 du code civil, constater que la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES a porté atteinte à sa vie privée et condamner en conséquence la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES à lui payer en réparation de son préjudice la somme de 30489,8 à titre de dommages et intérêts, - en tout état de cause, condamner la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES à lui payer la somme de 4573,47 sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile du nouveau code de procédure civile, - la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile. Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 10 juin 2002 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé de ses moyens, la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES conclut à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a considéré que la publication de l’image de Mademoiselle X... était dénuée de tout caractère fautif et l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et demande à la Cour, en le réformant pour le surplus, de condamner Mademoiselle X... à lui payer la somme de 4573,47 au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. SUR CE Considérant que toute personne, fût-elle mannequin professionnel, dispose sur son image et sur l’utilisation de celle-ci d’un droit qui lui permet de s’opposer à sa reproduction et à sa diffusion sans autorisation de sa part, étant rappelé que c’est à celui qui reproduit l’image de rapporter la preuve de l’autorisation et de ses limites et de celle des conditions d’utilisation de l’image telle qu’autorisées par le mannequin ; Considérant qu’il est constant que

Mademoiselle X..., liée par un contrat de travail à l’agence CITY MODELS, a, par l’intermédiaire de cette agence, posé en juillet 1999 pour un photographe mandaté par le magazine ELLE en vue, selon elle, d’une publication dans la rubrique "Spécial Beauté" de ce magazine, la séance de photographies ayant donné lieu à une facturation de l’agence CITY MODELS à la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES pour une somme de 319,38 ; Considérant qu’il est également constant que, malgré les clauses du contrat de travail liant Mademoiselle X... à son agence, il n’a pas été régularisé un contrat de mission pour la mise à disposition du mannequin par l’agence ; Considérant qu’il est acquis que la publication a été autorisée par Mademoiselle X... en vue d’une publication dans la rubrique "SPECIAL BEAUTE" ; qu’il convient donc de rechercher si la publication est conforme à sa destination ou si, ainsi que soutenu par Mademoiselle X..., le cliché a été détourné de sa destination en illustrant un article sur les problèmes dermatologiques et s’il la présente comme affectée d’une maladie de peau, ce qui serait de nature à nuire à son image et à sa carrière, ce que conteste la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES ; Considérant que la rubrique "BEAUTE" d’un magazine féminin a notamment pour objet d’informer ses lectrices des problèmes de beauté qu’elles peuvent rencontrer et de proposer des moyens pour y remédier, l’article litigieux, intitulé "18 solutions cosméto-dermato", consacré aux traitements cosmétiques et dermatologiques susceptibles d’améliorer l’aspect du visage, s’inscrivant dans le cadre de cette ligne éditoriale ; Considérant qu’en tant que mannequin professionnel, en ayant accepté de vendre son image pour un article à paraître dans la rubrique "BEAUTE" du magazine ELLE, Dune VARELA DE SEITAS ne peut prétendre qu’elle ne pouvait être montrée que sous un aspect flatteur, valorisant ; qu’il sera observé que le cliché litigieux ne fait qu’illustrer l’article consacré aux taches d’hyperpigmentation

(lentigo) et aux remèdes possibles, étant relevé que l’article est impersonnel et ne cite pas Mademoiselle X... ; que c’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la diffusion de la photographie de Mademoiselle X... dans un article "SPECIAL PEAU" du magazine ELLE a été faite dans des conditions normalement prévisibles pour un mannequin professionnel, étant observé que contrairement à ce que soutient l’appelante, la lettre adressée le 6 octobre 1999 par la rédactrice en chef de la rubrique BEAUTE du magazine ELLE à l’agence CITY models ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité, la rédactrice de la lettre présentant ses excuses au mannequin dans la mesure où celle-ci se déclare blessée sans pour autant reconnaître que sa plainte et fondée ; qu’il s’ensuit que c’est à juste titre que Mademoiselle X... a été déboutée de sa demande fondée sur l’atteinte à son droit à l’image ; Considérant que Mademoiselle X... soutient subsidiairement que l’article a porté atteinte à sa vie privée en divulguant des faits intéressant sa santé ou les maladies dont elle pourrait souffrir, l’atteinte étant constituée indépendamment de la véracité des faits évoqués ; que toutefois, quand bien même l’article illustré par la photographie de Mademoiselle X... commence par les termes "J’ai des taches", à l’évidence, ce mode d’expression employé pour chaque article décrivant un problème dermatologique différent, qu’il soit ou non illustré par une photographie de mannequin, ne suffit pas à laisser croire au lecteur que c’est Dune VARALA de SEIJAS personnellement qui a une maladie de peau et il n’est révélé aucun fait relevant de sa vie privée ; qu’il s’ensuit que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté Mademoiselle X... de sa demande ; Considérant que par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l’appelante sera condamnée à indemniser la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES des frais non répétibles qu’elle l’a contrainte à exposer dans la

présente instance à concurrence d’une somme que l’équité commande de fixer à 1.500 ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DÉCLARE l’appel recevable mais non fondé, CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, Y AJOUTANT, CONDAMNE Mademoiselle X... à payer à la société HACHETTE FILIPPACHI ASSOCIES la somme de 1.500 au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LA CONDAMNE aux entiers dépens de l’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,
Le Président, Sylvie RENOULT
Francine BARDY

Demandeur : Mlle DS
Défendeur : HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIES
Décision attaquée : VERSAILLES