Tuyauteur soudeur

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 9 octobre 1996

N° de pourvoi : 95-83683

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GUILLOUX conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DINTILHAC ;

Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Bruno,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BESANCON, chambre correctionnelle, du 23 mai 1995, qui, pour marchandage, l’a condamné à 20 000 francs d’amende et a ordonné la publication de la décision ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 125-1, L. 152-3 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le demandeur “coupable ès qualité du délit de marchandage” et l’a en répression condamné à une peine de 20 000 francs d’amende et à diverses publications ;

”aux motifs qu’il est constant que les 28 et 30 mai 1990 les fonctionnaires de l’inspection du travail procédaient à un contrôle du personnel employé notamment aux bâtiments 18, 18 A et RRR des usines GEC ALSTHOM à Belfort ; qu’ils constataient que 13 salariés de la SARL TEM - qui n’est pas une société de travail temporaire et dont le prévenu est le gérant - étaient employés dans les ateliers ; que tous ces travailleurs venant pour l’essentiel du département de la Moselle étaient liés à la société TEM par “contrat à durée indéterminée pour la durée du chantier” ; que le contrat stipulait “que la fin normale du chantier constituera un motif légitime de rupture” et que “pour l’exécution du chantier le salarié est placé sous l’autorité de l’encadrement de la division travaux substantiels du TEM” ; qu’un contrat-cadre liant la société utilisatrice à la société TEM et qui n’était pas signé lors du contrôle précisait les conditions d’intervention des salariés de TEM et notamment art. II A que le personnel de TEM “ne peut faire état d’une quelconque subordination à GEC ALSTHOM” ; qu’en fait, contrairement à la clause précitée et aux termes du contrat liant les travailleurs à la société TEM, l’encadrement technique était assuré par GEC ALSTHOM en l’absence sur place de tout responsable de la société TEM ; d’autre part que le contrat-cadre de TEM fait référence au décret 77-1321 relatif aux conditions particulières d’hygiène et de sécurité quant aux travaux exécutés par une entreprise extérieure, mais aucun procès-verbal contradictoire tel que prévu par le décret n’a été dressé avant le début des travaux faute de responsable du TEM sur place ; que la facturation de TEM a GEC ALSTHOM était fondée sur les heures de travail exécutées et mentionnées aux bordereaux hebdomadaires et

le taux horaire convenu ; que contrairement aux prétentions du prévenu la SARL TEM n’est pas intervenue dans le cadre d’une sous-traitance licite ; qu’en effet la sous-traitance se définit comme l’exécution d’une tâche précise confiée à une entreprise par une autre, le sous-traitant l’exécutant sous sa propre responsabilité et avec le concours de son propre personnel ; qu’en l’espèce le personnel de TEM, qui n’est pas une société de travail temporaire, était détaché dans les ateliers de GEC ALSTHOM ; que la mission, la tâche n’était pas définie exactement même s’il est produit aux débats quelques documents relatifs aux compétences exigées des soudeurs ; que le prévenu ne saurait sérieusement prétendre que le personnel était encadré par la société TEM alors que les visites d’un cadre étaient épisodiques et qu’en vérité c’était l’encadrement de GEC ALSTHOM -entreprise utilisatrice- qui dirigeait le personnel mis à disposition ; que la circonstance que le personnel était classé OHQ ne dispensait pas le prévenu de l’encadrer en permanence ; que ce personnel n’est pas venu avec son matériel mais a mis en oeuvre celui de GEC ALSTHOM, société parfaitement à même avec sa compétence propre d’exécuter les travaux litigieux qui ont été délégués ; qu’on ne saurait tirer aucun argument de la retenue à laquelle a procédé l’entreprise utilisatrice qui avait convenu d’une rémunération forfaitaire, cette circonstance n’étant nullement exclusive du marchandage ; qu’il échet donc de confirmer le jugement entrepris quant à la culpabilité, le prévenu s’étant bien rendu coupable ès qualités du délit de marchandage dans la prévention ;

”alors, d’une part, que le délit de marchandage suppose que l’opération incriminée ait pour effet de causer un préjudice aux salariés ou d’éluder l’application des dispositions légales, règlementaires ou conventionnelles ; que pourtant il ne résulte d’aucune des constatations des juges du fond que les salariés embauchés par Bruno Dell’Arche aient subi un préjudice quelconque ou aient été privés de l’application de dispositions légales ou règlementaires ; de sorte qu’en s’abstenant sur l’existence de cet élément constitutif du délit, la cour d’appel a violé l’article L. 125-1 du Code du travail ;

”qu’au surplus, le prévenu faisait valoir dans ses conclusions que le personnel de la société TEM “n’a subi aucun préjudice ni personnel ni collectif dans la mesure où il percevait les salaires prévus dans les accords applicables au sein de la société TEM, touchant ainsi, outre les indemnités de grand déplacement, des indemnités de préavis et autres accessoires”, et qu’en ne répondant à ces conclusions, l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motifs caractérisé ;

”alors, d’autre part, que le délit prévu par l’article L. 125-1 du Code du travail suppose que le prévenu ait intentionnellement poursuivi un but lucratif par le moyen d’un simple prêt de main-d’oeuvre, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, sans caractériser un quelconque élément intentionnel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale, tant au regard de l’article L. 125-1 du Code du travail que l’article 121-3 du Code pénal” ;

Attendu que, pour déclarer Bruno Dall’arche coupable de marchandage, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où se déduit le caractère volontaire des agissements délictueux reprochés à l’intéressé, l’arrêt attaqué n’encourt pas les griefs allégués à la troisième branche du moyen ; que, par ailleurs, il n’importe que la cour d’appel n’ait pas constaté l’existence d’ un préjudice au détriment des salariés concernés et qu’elle n’ait pas, de ce fait, caractérisé le délit de marchandage prévu par l’article L. 125-1 du Code du travail, dès lors que les faits retenus par elle à l’encontre du prévenu constituent la participation à une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif un prêt de main-d’oeuvre visée à l’article L. 125-3 du Code précité et punie par l’article L. 152-3 des mêmes peines que le délit poursuivi ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Massé, Fabre, Mme Baillot, MM. Le Gall, Farge, Blondet conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Dintilhac ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Besançon chambre correctionnelle , du 23 mai 1995

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Opération à but lucratif ayant pour objet un prêt de main d’oeuvre - Article L125-3 du code du travail - Existence d’un préjudice au détriment des salariés - Nécessité (non).

Textes appliqués :
* Code du travail L125-3, L152-3