Exclusivité non - prêt illicite non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 2 février 2010

N° de pourvoi : 09-84113

Non publié au bulletin

Cassation

M. Louvel (président), président

SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Claude,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2009, qui, pour prêt illicite de main-d’oeuvre hors du cadre légal du travail temporaire, l’a condamné à 1 500 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 125-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation de l’article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Claude X... coupable de prêt illicite de main d’oeuvre, et l’a condamné à la peine de 1 500 euros d’amende ;

” aux motifs que contrairement à ce que soutiennent les prévenus, les trois salariés ne se trouvaient pas sous l’autorité de leur propre société ; il est aisé de soutenir aujourd’hui, alors que rien dans la procédure ne l’établit, que M. Y... qui, curieusement, est le seul salarié qui n’a pu être entendu, ayant quitté l’entreprise et son adresse étant inconnue, était le chef d’équipe ; qu’il est patent que les personnels ne se trouvaient pas sous la direction effective de leur employeur et n’effectuaient pas une tâche particulière et précédemment définie, par rapport à l’entreprise sur place et, en ce sens, ne faisaient que renforcer le personnel de la société Demxel ; les infractions visées à la prévention sont donc bien établies pour chacun des prévenus, la culpabilité sera confirmée ;

” 1°) alors que le contrat de sous-traitance est exclusif de tout prêt illicite de main d’oeuvre, dès lors qu’il n’emporte pas transfert du lien de subordination ; que, dans ses écritures d’appel, Claude X... avait fait valoir que si les salariés de la société Dem anjou avaient été placés auprès de la société Aux Aménageurs angevins demxel, dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, ils étaient néanmoins demeurés sous la responsabilité de M. Y..., chef d’équipe au sein de la première de ces sociétés, ce qui ressortait des mentions portées sur la fiche de paie de ce salarié ainsi que des auditions dudit demandeur et de Hervé Breheret, responsable de la seconde de ces sociétés ; qu’en énonçant que ces salariés ne se trouvaient pas sous la direction effective de la société Dem anjou, par la considération que M. Y... n’avait pu être entendu, la cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve de l’infraction, et qui s’est de surcroît abstenue de répondre au chef péremptoire des conclusions du demandeur, n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

” 2°) alors que dans ses conclusions, le demandeur avait également fait valoir qu’était exclusive du prêt illicite de main d’oeuvre, la mise à disposition de l’entreprise utilisatrice, de salariés et du matériel nécessaires à la bonne exécution du travail spécifique pour lequel la société Dem anjou était intervenue, dès lors qu’à l’occasion des opérations de déménagement, les salariés de cette société disposaient d’un véhicule et de matériels de manutention fournis par celle-ci ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la fourniture d’un véhicule et du matériel de manutention ne caractérisait pas, de la part de l’entreprise Dem anjou, une compétence et un savoir faire spécifiques que la société Aux Aménageurs angevins n’était pas en mesure d’assumer, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés “ ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, tout jugement ou arrêt doit être motivé et répondre aux conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 8 décembre 2006 à Montreuil-Juigne (Maine-et-Loire), il a été constaté lors d’un déménagement confié à la société Aux Aménageurs angevins, que trois salariés de l’entreprise Dem anjou participaient à cette opération ; qu’à la suite de ces faits, Claude X..., dirigeant de cette dernière entreprise, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de prêt illicite de main-d’oeuvre hors du cadre légal du travail temporaire ; que les premiers juges ont déclaré le prévenu coupable de l’infraction poursuivie ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur la culpabilité, l’arrêt retient qu’il est établi qu’au moment du déménagement, les salariés mis à disposition de la société Aux Aménageurs angevins n’étaient plus sous la direction effective de leur propre employeur, qu’ils n’effectuaient pas une tâche distincte de celle confiée à l’entreprise utilisatrice et qu’ils ne faisaient que renforcer le personnel de celle-ci ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu invoquant, outre l’absence de subordination des salariés de sa société à l’entreprise utilisatrice, l’existence d’un contrat de sous-traitance conforme aux usages de la profession et la mise à disposition d’un matériel adéquat à l’opération envisagée, la cour d’appel, qui ne s’est pas expliquée sur le caractère exclusif de l’objet du prêt de main d’oeuvre en cause, n’a pas légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Angers, en date du 26 mai 2009, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de RENNES, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Angers et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Villar ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers du 26 mai 2009