Clause de mobilité générale et indéterminée non

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 février 2013

N° de pourvoi : 11-27612

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00334

Non publié au bulletin

Cassation

M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Brouchot, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail, ensemble les articles 1129, 1134 et 1174 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 1er juillet 1998 en qualité d’agent du service commercial par la société Geodis Calberson projects ; que son contrat de travail a été transféré le 1er juillet 1999 à la société Calberson overseas ; qu’ayant accepté une proposition de mutation en Guadeloupe en qualité de chef de service maritime et aérien, la salariée a conclu un nouveau contrat de travail le 22 août 2002 avec la société Geodis overseas France, aux droits de laquelle est venue la société Geodis Wilson France ; que ce contrat comportait une clause de mobilité, la salariée s’engageant à accepter “toute mutation en tout lieu où le groupe Geodis est implanté en France et DOM/TOM, soit en son nom propre, soit par l’intermédiaire des sociétés filiales ou alliées” ; que la salariée a été licenciée le 5 mai 2008 pour avoir refusé sa mutation en qualité de responsable d’exploitation à Dunkerque au sein de la société Geodis Wilson France ;

Attendu que pour juger que le licenciement de la salariée reposait sur une cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail définit de façon précise sa zone géographique d’application et que sa mise en oeuvre n’impliquait pas de modification du contrat de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause par laquelle la salariée s’engageait à accepter à l’avance une mutation en tout lieu où l’employeur ou une autre société du même groupe est implanté était nulle en raison de son indétermination, même si elle n’impliquait pas nécessairement un changement d’employeur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 octobre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne la société Geodis Wilson France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Geodis Wilson France et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit que le licenciement de Mademoiselle Isabelle X... était intervenu pour un motif légitime, que son refus d’accepter sa mutation constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement et que cette rupture n’était pas abusive et de l’avoir en conséquence déboutée des demandes y attachées ;

AUX MOTIFS QUE

”le 22 août 2002 Madame X... accepte et signe un nouveau contrat de travail avec une clause de mobilité définie en ces termes :

”Mademoiselle X... exercera ses fonctions en GUADELOUPE. Toutefois, elle s’engage dès à présent à accepter toute mutation en tout lieu où le Groupe GEODIS est implanté en France et DOM/TOM, soit en son nom propre, soit par l’intermédiaire des sociétés filiales ou alliés”.

Cette clause de mobilité insérée dans le contrat de travail n’est pas imprécise, puisque cette clause stipulait expressément des limites géographiques en circonscrivant son application à la Métropole et aux DOM/ TOM, territoires dans lesquels la société se trouvait implantée.

Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette clause de mobilité en prévoyant son retour en métropole n’impliquait pour Madame X... aucune modification du contrat de travail, puisqu’il était clairement indiqué -par écrit- par l’employeur qu’elle conserverait dans sa nouvelle affectation (DUNKERQUE) sa qualification et sa rémunération antérieures ;

Madame X... reproche à son employeur un manque de précision sur les conditions de son affectation en France, et un délai de prévenance trop court : or la Société GEODIS a confirmé à Madame X..., en entretien et ensuite par courrier, sa proposition de mutation sur l’agence de DUNKERQUE, en qualité de Responsable d’Exploitation aux conditions d’ancienneté, de position et de rémunération identiques et ensuite la Société GEODIS a même prorogé la date de retour en Métropole, suite aux difficultés invoquées par Madame X... pour vendre son appartement étant d’ailleurs relevé qu’il est tout à fait loisible de confier la tâche à un mandataire” ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE

”une lettre du 08 juillet 2002, précisait les conditions de mutation de Madame X... de France vers la Guadeloupe.

Cette lettre du 08 juillet 2002 fixe une durée minimale de deux ans avec tacite reconduction annuelle.

La tacite reconduction n’a jamais été formalisée, sans que ni l’une ou l’autre des parties n’en fasse état.

Cette mutation de France vers la Guadeloupe s’est opérée depuis 5 ans et que Madame X... ne soulève aucune anomalie à cette mutation pendant toute sa durée.

En date du 22 août 2002, Madame X... accepte et signe un nouveau contrat de travail avec une clause de mobilité définie en ces termes :

”Mademoiselle X... exercera ses fonctions en GUADELOUPE. Toutefois, elle s’engage dès à présent à accepter toute mutation en tout lieu où le Groupe GEODIS est implanté en France et DOM/TOM soit en son nom propre, soit par l’intermédiaire des sociétés filiales ou alliés”.

Madame X... a été licenciée pour avoir refusé une mutation de Guadeloupe vers la France.

Son contrat de travail comportait une clause de mobilité qui ne peut être contestée

La mise en oeuvre de cette clause de mobilité n’entraîne pour Madame X... aucune modification du contrat de travail, elle conserve dans sa nouvelle affectation sa qualification et sa rémunération antérieures ;

Madame X... reproche à son employeur un manque de précision sur les conditions de son affectation en France, et un délai de prévenance trop court.

La Société GEODIS confirme à Madame X..., en entretien et ensuite par courrier, sa proposition de mutation sur l’agence de DUNKERQUE, en qualité de Responsable d’Exploitation aux conditions d’ancienneté, de position et de rémunération identiques.

La Société GEODIS proroge la date de retour en Métropole, suite aux difficultés invoquées par Madame X... pour vendre son appartement” ;

ALORS QU’est nulle la clause de mobilité par laquelle un salarié lié par contrat de travail à une société s’est engagé par avance à accepter toute mutation dans une autre société, alors même que cette société appartiendrait au même groupe ; qu’en estimant que le licenciement de Mademoiselle X... était intervenu pour un motif légitime, que son refus d’accepter sa mutation à l’agence de Dunkerque ayant un siège social distinct, constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement et que cette rupture n’était pas abusive, quand la clause de mobilité qui lui était opposée était nulle en ce qu’elle stipulait que la salariée s’engageait dès la signature du contrat à accepter toute mutation en tout lieu où le Groupe Geodis était implanté en France et Dom/Tom, soit en son nom propre, soit par l’intermédiaire des sociétés filiales ou alliées, ce dont il résultait de possibles changements d’employeur, la cour d’appel a violé l’article L 1222 1 du code du travail ensemble les articles L 1221-1,L 1235-1 et L 1235-3 du même code.

Décision attaquée : Cour d’appel de Basse-Terre , du 3 octobre 2011