Vérifications insuffisantes

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 19 novembre 2002

N° de pourvoi : 02-80026

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire PONSOT, et les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

 X... Maurice,

 Y... DE CHAMBORD Hugues,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 2001, qui, pour recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, les a condamnés, le premier à 20 000 francs d’amende, et le second à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d’amende ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé par Maurice X... :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit à l’appui du pourvoi ;

II - Sur le pourvoi formé par Hugues Y... Z... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3 du Code pénal, L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, 427, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné Hugues Y... Z... à la peine de 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d’amende du chef de recours à une personne se livrant à un travail dissimulé ;

”aux motifs qu’il résulte des dispositions des articles L. 324-9, L. 324-10, du Code du travail résultant de la loi du 31 décembre 1991, modifié par la loi du 11 mars 1997 renforçant la lutte contre le travail clandestin devenu travail illégal, que sont interdits, d’une part, la dissimulation de l’exercice notamment d’une activité de prestation de services, d’autre part, le recours intentionnel à celui qui exerce une telle activité frauduleuse ; que, par application des articles L. 324-14 et R. 324-4 du Code du travail sur la solidarité de l’utilisateur avec le travailleur clandestin pour le paiement des prestations auxquelles celui-ci s’est soustrait, il y a lieu de s’assurer lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à 20 000 francs, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard de l’article L. 324-10 ou de l’une d’entre elles lorsqu’il s’agit d’un particulier ;

que l’utilisateur est réputé avoir procédé aux vérifications légales, donc de bonne foi, en se faisant remettre : - des documents attestant que les déclarations à caractère fiscal ou social ont été effectuées, à défaut un récépissé de dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises si celle du cocontractant a moins d’un an, - un extrait Kbis du RCS lorsque l’immatriculation est nécessaire, -au cas d’emploi de salariés, une attestation sur l’honneur établie par le cocontractant, certifiant que le travail sera effectué par des salariés employés régulièrement au regard des articles L. 143-3, L. 143-5, L. 620-3 du Code du travail” (arrêt, pages 6 et 7), et que “Laurent A... a travaillé pour le compte des magasins ATAC gérés par le prévenu, d’abord seul puis, très rapidement avec ses salariés, de décembre 1996 à septembre 1999 ;

que le contrat a porté, au vu des factures produites, sur plus de 20 000 francs ; que, lors de sa conclusion, aucune des formalités légales ou réglementaires n’a été respectée ; que bien mieux, si par la suite Laurent A... s’est inscrit au registre du commerce et des sociétés à compter du 17 mars 1997, d’autres obligations pesant sur le demandeur n’ont toujours pas été remplies ; qu’il faut observer, notamment, que le récépissé de déclaration des entreprises de moins d’un an et daté du 11 mars précédent seulement et que l’attestation sur l’honneur en cas d’emploi de salariés n’a même pas été évoquée ; que, Hugues Y... Z... ne peut, compte tenu de son expérience personnelle en tant qu’employeur et utilisateur des entreprises de services, courantes dans sa branche professionnelle, soutenir sérieusement avoir ignoré, d’une part, les vérifications qui lui incombaient, définies cinq ans avant les faits par la loi du 31 décembre 1991 modifiée le 11 mars 1997 et le décret du 11 juin 1992, d’autre part, la situation irrégulière de Laurent A... au regard de ses obligations sociales et fiscales en raison des taux horaires pratiqués, renégociés à la baisse en cours de contrat, et ne permettant manifestement pas à l’entreprise de faire face aux charges diverses qui lui incombaient normalement ; qu’il n’a pas hésité à déclarer, alors qu’une bonne partie du personnel de la grande distribution est payée au SMIC, qu’il ne connaissait pas le coût horaire d’un employé embauché sur cette base” (arrêt, page 7) ;

”alors, d’une part, qu’il résulte de l’article L. 324-9 du Code du travail, que la responsabilité pénale de celui qui a recours directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, ne peut être retenue que si ce recours a été fait sciemment, en toute connaissance de cause que, dès lors, ne caractérise pas, en violation de ce texte, l’élément intentionnel l’arrêt qui déduit l’intention coupable du prévenu du seul fait qu’il n’aurait pas exercé toutes les vérifications auxquelles l’article L. 324-14 du Code du travail subordonne l’exemption de solidarité dans le paiement des Impôts et des charges sociales entre le prestataire et son cocontractant, ce texte n’instituant aucune présomption de responsabilité pénale ;

”alors, au surplus, que l’article L. 324-14 du Code du travail, se bornant à sanctionner le défaut de vérification par la mise à la charge du contractant des Impôts et charges sociales dues par le prestataire et se trouvant dépourvu de toute sanction pénale, viole l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt qui décide que le non-respect de ces dispositions participerait à l’infraction poursuivie et justifierait la répression intervenue ;

”alors, de troisième part, que Hugues Y... Z... faisait valoir qu’il avait vérifié l’inscription au RCS de son cocontractant à compter du 17 mars 1996 et qu’il n’avait pas de raison particulière de se méfier d’un prestataire de services auquel avaient eu recours la mairie de Tours et d’autres enseignes prestigieuses ; que pour décider cependant que Hugues Y... Z... était coupable de recours à un travail dissimulé, la cour d’appel se contente d’énoncer que ses arguments ne seraient pas sérieux, de sorte qu’elle n’a pas motivé sa décision au regard de l’élément intentionnel du délit, privant sa décision de toute base légale ;

”alors, enfin, que l’arrêt laisse dépourvues de toute réponse les conclusions qui faisaient valoir que les taux horaires figurant sur les factures des prestataires ne pouvaient être probants, dès lors qu’ils apparaissaient comme fluctuants sur les factures versées aux débats et qui concernaient d’autres utilisateurs ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 593 du Code de procédure pénale” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Ponsot conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’Orléans chambre correctionnelle , du 27 novembre 2001