à titre habituel oui - bâtiment

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 11 mai 1995

N° de pourvoi : 94-82277

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. MILLEVILLE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" AISSA B..., contre l’arrêt de la cour d’appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 1994, qui l’a condamné, pour travail clandestin, infraction à la réglementation sur la sécurité du travail et homicide involontaire, à 6 mois d’emprisonnement assortis du sursis et 10 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3, L. 362-4 du Code du travail, 1er et 3 du décret n 83-487 du 10 juin 1983, 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré B... Aissa coupable d’exécution d’un travail clandestin ;

”aux motifs que Aissa a reconnu ne pas être inscrit à la chambre des métiers en qualité d’artisan, avoir effectué les travaux de pose du chauffe-eau et avoir acheté simplement des petites pièces qui lui ont été remboursées par Aicha C... ;

Aicha C... a précisé qu’une rémunération de 3 000 francs était prévue pour ce service ;

”alors que l’exercice clandestin d’une activité suppose que son auteur se soit soustrait intentionnellement à l’obligation de se faire immatriculer au répertoire des métiers ;

que cette obligation n’existe que lorsque l’activité en question est exercée à titre principal ou secondaire et non pas de façon occasionnelle ou accessoire ou lorsqu’elle est de peu d’importance ;

qu’en reconnaissant Aissa coupable d’exercice clandestin de travail de plomberie sans établir le caractère principal ou secondaire de cette activité, la cour d’appel n’a pas légalement justifié l’arrêt attaqué” ;

Attendu que pour déclarer Ould Aissa coupable d’exercice d’un travail clandestin en qualité d’artisan, sur le fondement de l’article L. 324-10, 1 du Code du travail, la cour d’appel relève que celui-ci a installé un chauffe-eau dans un bar exploité par Aicha C... et a admis ne pas être inscrit au registre des métiers ; que pour écarter le moyen de défense du prévenu soutenant que cette prestation était bénévole et amicale, les juges ajoutent que le prévenu et Aicha C... ne se connaissaient pas avant les faits, qu’ils étaient entrés en contact par l’intermédiaire de relations communes laissant penser que B... Aissa exerçait de façon habituelle l’activité d’artisan plombier clandestin et qu’une rémunération de 3 000 francs avait été convenue ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel, qui n’avait pas à s’expliquer mieux qu’elle ne l’a fait sur le caractère habituel de l’activité clandestine, non discuté par le prévenu, a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 319 ancien du Code pénal, 221-6 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, présomption d’innocence, renversement de la charge de la preuve ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Aissa coupable d’homicide involontaire sur la personne de Sadoun Y... ;

”aux motifs que, d’une part, A... Mohamed Aissa a commis une faute déterminante en s’abstenant de vidanger l’appareil, dès lors qu’il avait conscience du caractère précaire des fixations : cette simple précaution aurait évité l’accident en supprimant l’essentiel du poids ;

d’autre part, M. Z... signale dans son expertise que le système de console prévu par A... Mohamed Aissa était inadapté ;

il aurait pu au mieux ralentir la chute de l’appareil ;

enfin, rien dans le dossier n’indique que le prévenu ait averti les autres intervenants du danger présenté par la mauvaise fixation de l’appareil ;

”alors, d’une part, que le délit d’homicide involontaire suppose l’existence d’un lien de causalité certain entre la faute retenue et le décès de la victime, que la cour d’appel qui a reconnu Aissa coupable d’homicide involontaire aux seuls motifs hypothétiques que s’il avait vidangé le cumulus, cela aurait évité l’accident en supprimant l’essentiel du poids, n’a pas caractérisé un tel lien de causalité ;

”alors, d’autre part, que l’arrêt attaqué ne pouvait, sans méconnaître la présomption d’innocence et renverser la charge de la preuve, présumer, en l’absence d’éléments au dossier, que Aissa n’avait pas averti les autres intervenants du danger ;

”alors, enfin, qu’il ressort de l’arrêt attaqué que la victime de l’accident a commis une faute, soit en s’appuyant sur le chauffe-eau, soit en déplaçant la console posée ;

qu’en entrant néanmoins en voie de condamnation, sans établir les fautes que Aissa aurait commises et leur lien de causalité avec le décès de la victime, l’arrêt attaqué n’est pas légalement justifié” ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué confirmatif a condamné B... Aissa à payer à Rachida X..., veuve Y..., pour elle-même 400 000 francs au titre du préjudice économique, 80 000 francs au titre du préjudice moral ;

en sa qualité d’administratrice légale de sa fille Kamelia Y... 80 000 francs au titre du préjudice économique et 50 000 francs au titre du préjudice moral ;

”alors qu’il ressort du rapport de l’expert, dont la Cour rappelle la teneur, que la victime, Sadoun Y..., a commis une faute en s’appuyant sur le cumulus ou en déplaçant la console posée, de nature à entraîner un partage de responsabilité entre le demandeur et la victime ;

qu’en déclarant néanmoins Aissa responsable de l’entier dommage subi par les ayants droit de la victime, sans s’expliquer sur de telles fautes, l’arrêt attaqué est insuffisamment motivé” ;

les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Sadoun Y... qui effectuait le branchement électrique d’un chauffe-eau posé huit jours auparavant par Ould Aissa, a été mortellement blessé par la chute de cet appareil ;

Attendu que pour le déclarer coupable d’homicide involontaire, la cour d’appel retient qu’Ould Aissa a procédé à la pose du chauffe-eau en méconnaissant le mauvais état de l’enduit du mur et en utilisant des chevilles et vis inadaptées, en infraction aux dispositions de l’article 2 du décret du 8 janvier 1965 ; que les juges ajoutent que le prévenu, qui prétendait être conscient de l’insuffisance des fixations et avoir entrepris de conforter l’ouvrage, s’était cependant abstenu de vidanger l’appareil et ne démontrait pas avoir averti les autres intervenants sur le chantier, du danger qu’il présentait ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

qu’elle a caractérisé la faute du prévenu et son lien de causalité avec l’accident ;

qu’elle a souverainement estimé que la faute de la victime, dont la preuve incombe au prévenu, n’était pas démontrée en l’espèce ;

qu’elle a, dès lors, à bon droit, condamné ce dernier à supporter la réparation de l’entier dommage subi par les parties civiles ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Milleville conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Fossaert-Sabatier conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pinsseau, Pibouleau conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Décision attaquée : cour d’appel de Grenoble, chambre correctionnelle du 30 mars 1994