Obligation vérification situation administrative du salarié - documents falsifiés

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 septembre 2009

N° de pourvoi : 09-80416

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Chanet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Bouthors, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
"-" X... Habip,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 2008, qui, pour emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié et aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers en FRANCE, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d’amende et à une interdiction professionnelle et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires personnel, complémentaires et ampliatif produits ;
Sur le moyen unique de cassation des mémoires personnel et complémentaires, pris de la violation des articles L. 341-4, L. 341-6 anciens L. 2006-911 et R. 5224-4-1 nouveaux du code du travail, ensemble l’article 112-1 du code pénal ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 341-6, alinéa 1er, et L. 364-3 (devenus L. 8251-1 alinéa 1er et L. 8256-2) du code du travail, des articles 112-1 et 121-3 du code pénal, de l’article préliminaire et des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le requérant coupable du délit d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié, l’a condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende de 2 000 euros ainsi qu’à une interdiction de gérer toute entreprise du bâtiment pendant trois ans, enfin à verser à chacune des parties civiles la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
” aux motifs que, le 26 septembre 2006, sur réquisitions du procureur de la République de Bayonne, les services de police de l’inspection du travail effectuent un contrôle à Arbonne, sur le chantier de construction de 35 pavillons ; que la Société France Concept, titulaire du marché de gros oeuvre, représentée par Celal K..., a sous-traité le chantier à la Sarl Bati Corps, dirigée par Habip X..., présent sur les lieux ; que neuf ouvriers présentés comme salariés de Bati Corps, de nationalité turque, travaillent sous couvert de faux documents, et se trouvent ainsi en situation irrégulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers : 1) B... : arrivé de Clermont-Ferrand en voiture, ayant entendu dire qu’il y avait du travail sur Bayonne, a présenté ses papiers à X... Habip, sans préciser qu’ils étaient faux : il devait être payé 120 euros / jour et n’a pas signé de contrat ; 2) Mehmet A... : recruté à Paris par un certain “ Y... ” à qui il a présenté ses papiers, devait être payé 140 euros / jour il n’a pas signé de contrat et ignore pour quelle entreprise il travaille ; 3) Izzet Z... recruté à Paris par le précédent, ignore tout autant le nom de son employeur, n’a pas signé de contrat, devait être rémunéré de même que le précédent ; 4) Ismaël C... : venu de Paris par ouï dire, il présente de faux papiers sans le dire ; il n’a pas signé de contrat, devait être rémunéré de même que le précédent ; 5) Bekir D... : recruté par “ Y... ” à Paris, venu en train sans savoir qui a payé le voyage, il devait toucher la même somme en liquide ; 6) Boran I... : recruté également à Paris par un inconnu qui lui paye le billet SNCF, il n’a pas signé de contrat, devait être payé 135 euros / jour en liquide. On ne lui a pas demandé ses papiers ; 7) Hamdi E... : il travaille sur le chantier depuis le 4 septembre 2008. C’est son patron, Celai(K...) qui l’a récupéré à la gare : il lui a montré ses faux papiers et devait être payé en espèce, 150 euros / jour ; 8) Mehmet F...avait rencontré son patron, Celal à Paris, qui l’a récupéré à la gare de Bayonne s’enquérant de ses papiers ; pas de contrat signé, payé 150 euros / jour en liquide ; 9) Yusuf G...recruté à Paris par X..., qui ne lui demande pas ses papiers, il devait remettre une copie de sa carte de séjour à celui qui le réceptionnerait en gare de Bayonne, pas de contrat, rémunération de 100 euros / jour en liquide ; qu’entendu, Celal K..., gérant de la Société France Concept créée en septembre 2005 confirme la signature d’un contrat de sous-traitance avec Bati Corps le 4 septembre 2006 ; suite à un “ arrangement “ avec Habip X... alors absent, il a pris en charge les “ employés “ de Bati Corps réglant leurs chambres d’hôtel, que devait ensuite rembourser Habip X... : il ne connaît pas ces employés, mais s’est assuré qu’ils soient tous déclarés ; que Habip X..., gérant de la Société Bati Corps créée le même mois que France Concept confirme la signature du contrat de sous-traitance ; il a fait des DUE pour chaque ouvrier, au vu des papiers présentés ; il les avait recrutés (4 arrivés le week-end précédent) par le “ bouche à oreille “ au sein de la communauté turque, sans connaître les intermédiaires ; que lui-même ne s ‘ est présenté sur le chantier que la veille du contrôle, alors que ses “ recrues “ étaient déjà arrivées, installées dans un hôtel de Bayonne, dont K... Celal, gérant de France Concept payait les chambres ; que Celal K... s’abrite derrière le contrat de sous-traitance avec Bati Corps, et l’inscription des employés sur le RUP de cette entreprise ; il a obtenu le contrat d’entreprise avec le maître de l’ouvrage, la Société Picret, suite à un appel d’offre ; le marché porte sur 980 000 euros ; lui-même convient n’amener que du petit matériel, pas de matériaux ; que M. H..., salarié du maître d’oeuvre Cap Architecture déclare que les travaux ont débuté avec France Concept, Bati Corps n’intervenant qu’en septembre ; qu’il n’avait appris qu’incidemment cette intervention, X... Habip assistant à une réunion de chantier, la veille du contrôle ; il sommait alors France Concept de ne plus s’y adresser, en raison de l’absence de pièces dans le dossier ; Le responsable de Promobat (groupe Pichet) venait lui aussi d’apprendre l’existence et l’intervention de Bati Corps (arrêt p 9-10) ; que la responsabilité de Habip X... et Celal K... apparaît établie au vu du dossier et des débats : qu’en effet, le premier, à la tête de la Société qui a sous-traité le marché de la société dirigée par le second, s’est personnellement déplacé, impliqué, pour recruter de la main d’oeuvre principalement en région parisienne ; que le second est venu à la gare de Bayonne chercher quelques uns de ces ouvriers, s’occupant de les transporter, de les loger, et faisant l’avance lui-même des premiers frais d’hôtel ; qu’ils ne sauraient prétendre avoir ignoré l’irrégularité de la situation de ces neufs employés, l’essentiel du personnel de la Société Bati Corps, au prétexte que ceux-ci leur avaient présenté des papiers falsifiés :

qu’en effet, les conditions de recrutement, et surtout d’emploi, sans contrat, rémunérés à la journée, payés en liquide, ne pouvaient être acceptés que par des étrangers en situation irrégulière ; que du reste n’avaient-ils pas exigé des neufs qu’ils leurs présentent leurs papiers ; que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré ces deux prévenus, coupables des délits d’aide au séjour irrégulier et d’emploi d’étrangers démunis d’autorisation d’exercer une activité salariée (arrêt p 10-11) ;
” 1 / alors que, d’une part, l’obligation faite à l’employeur de s’assurer auprès des administrations territorialement compétentes, de l’existence d’un titre autorisant l’étranger à exercer une activité en France, telle qu’édictée par le décret n° 2007. 801 du 11 mai 2007, n’était pas applicable au moment des faits de la prévention situés courant septembre 2006 ; qu’en déclarant néanmoins l’employeur coupable d’emploi irrégulier à raison du caractère falsifié des titres qui lui avaient été présentés sans qu’il se fût assuré de leur validité auprès des administrations compétentes, quand il justifiait cependant avoir satisfait aux obligations légales de vérification et de déclaration alors en vigueur, la cour a fait rétroactivement application des dispositions nouvelles plus sévères en matière d’emploi irrégulier des travailleurs étrangers ;
” 2 / alors que, d’autre part, l’infraction d’emploi irrégulier de travailleurs étrangers non munis de titres les autorisant à exercer une activité salariée suppose que soit établie la connaissance par l’employeur de l’irrégularité de la situation des étrangers employés ; qu’en se bornant à l’affirmation générale suivant laquelle « les conditions de recrutement, et surtout d’emploi, sans contrat, rémunérés à la journée, payés en liquide, ne pouvaient être acceptés que par des étrangers en situation irrégulière », sans s’expliquer sur la production des contrats de travail des salariés, ni sur la déclaration régulière de ces derniers auprès des services de l’URSSAF, la cour s’est déterminée par des motifs inopérants et a privé son arrêt de toute base légale “ ;
Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 622-1 et L. 622-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de l’article préliminaire et des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu’il a déclaré le requérant coupable du délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France, l’a condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis, à une amende de 2. 000 euros ainsi qu’à une interdiction de gérer toute entreprise du bâtiment pendant trois ans, enfin à verser à chacune des parties civiles la somme de 1. 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
” aux motifs que, le 26 septembre 2006, sur réquisitions du procureur de la République de Bayonne, les services de police de l’inspection du Travail effectuent un contrôle à Arbonne, sur le chantier de construction de 35 pavillons ; que la société France Concept, titulaire du marché de gros oeuvre, représentée par Celal K..., a sous-traité le chantier a la Sarl Bati Corps, dirigée par Habip X..., présent sur les lieux ; que neuf ouvriers présentés comme salariés de Bati Corps, de nationalité turque, travaillent sous couvert de faux documents, et se trouvent ainsi en situation irrégulière au regard de la législation sur le séjour et le travail des étrangers : 1) B... : arrivé de Clermont-Ferrand en voiture, Ayant entendu dire qu’il y avait du travail sur Bayonne, a présenté ses papiers à Habip X..., sans préciser qu’ils étaient faux : il devait être payé 120 euros / jour et n’a pas signé de contrat ; 2) Mehmet A... : recruté à Paris par un certain “ Y... ” à qui il a présenté ses papiers, devait être payé 140 euros / jour il n’a pas signé de contrat et ignore pour quelle entreprise il travaille ; 3) Izzet Z... recruté à Paris par le précédent, ignore tout autant le nom de son employeur, n’a pas signé de contrat, devait être rémunéré de même que le précédent ; 4) Ismaël C... : venu de Paris par ouï dire, il présente de faux papiers sans le dire ; il n’a pas signé de contrat, devait être rémunéré de même que le précédent ; 5) Bekir D... : recruté par “ Y... ” à Paris, venu en train sans savoir qui a payé le voyage, il devait toucher la même somme en liquide ; 6) Boran I... : recruté également à Paris par un inconnu qui lui paye le billet SNCF, il n’a pas signé de contrat, devait être payé 135 euros / jour en liquide. On ne lui a pas demandé ses papiers ; 7) Hamdi E... : il travaille sur le chantier depuis le 4 septembre 2008. C’est son patron, Celai(K...) qui l’a récupéré à la gare : il lui a montré ses faux papiers et devait être payé en espèce, 150 euros / jour ; 8) Mehmet F...avait rencontré son patron, Celal à Parus, qui l’a récupéré à la gare de Bayonne s’enquérant de ses papiers ; pas de contrat signé, payé 150 euros / jour en liquide ; 9) Yusuf G...recruté à Paris par Habip X..., qui ne lui demande pas ses papiers, il devait remettre une copie de sa carte de séjour à celui qui le réceptionnerait en gare de Bayonne ; pas de contrat, rémunération de 100 euros / jour en liquide ; qu’entendu, Celal K..., Gérant de la Société France Concept créée en septembre 2005 confirme la signature d’un contrat de sous-traitance avec Bati Corps le 4 septembre 2006. Suite à un “ arrangement “ avec Habip X... alors absent, il a pris en charge les “ employés “ de Bati Corps réglant leurs chambres d’hôtel, que devait ensuite rembourser Habip X... : il ne connaît pas ces employés, mais s’est assuré qu’ils soient tous déclarés ; que Habip X..., gérant de la Société Bati Corps créée le même mois que France Concept confirme la signature du contrat de sous-traitance ; il a fait des Due pour chaque ouvrier, au vu des papiers présentés. Il les avait recrutés (4 arrivés le week-end précédent) par le “ bouche à oreille “ au sein de la communauté turque, sans connaître les intermédiaires ; que lui-même ne s ‘ est présenté sur le chantier que la veille du contrôle, alors que ses “ recrues “ étaient déjà arrivées, installées dans un hôtel de Bayonne, dont K... Celal, gérant de France Concept payait les chambres ; que Celal K... s’abrite derrière le contrat de sous-traitance avec Bati Corps, et l’inscription des employés sur le Rup de cette entreprise. Il a obtenu le contrat d’entreprise avec le maître de l’ouvrage, la Société Picret, suite à un appel d’offre. Le marché porte sur 980 000 euros. Lui-même convient n’amener que du petit matériel, pas de matériaux ; que M. H..., salarié du maître d’oeuvre Cap Architecture déclare que les travaux ont débuté avec France Concept, Bati Corps n’intervenant qu’en septembre. II n’avait appris qu’incidemment cette intervention, Habip X... assistant à une réunion de chantier, la veille du contrôle ; il sommait alors France Concept de ne plus s’y adresser, en raison de l’absence de pièces dans le dossier ; Le responsable de Promobat (groupe Pichet) venait lui aussi d’apprendre l’existence et l’intervention de Bati Corps (arrêt p 9-10) ; que la responsabilité de Habip X... et Celal K... apparaît établie au vu du dossier et des débats : qu’en effet, le premier, à la tête de la société qui a sous-traité le marché de la société dirigée par le second, s’est personnellement déplacé, impliqué, pour recruter de la main-d’oeuvre principalement en région parisienne ; que le second est venu à la gare de Bayonne chercher quelques uns de ces ouvriers, s’occupant de les transporter, de les loger, et faisant l’avance lui-même des premiers frais d’hôtel ; qu’ils ne sauraient prétendre avoir ignoré l’irrégularité de la situation de ces neufs employés, l’essentiel du personnel de la société Bati Corps, au prétexte que ceux-ci leur avaient présenté des papiers falsifiés ; qu’en effet, les conditions de recrutement, et surtout d’emploi, sans contrat, rémunérés à la journée, payés en liquide, ne pouvaient être acceptés que par des étrangers en situation irrégulière ; que du reste n’avaient-ils pas exigé des neufs qu’ils leurs présentent leurs papiers ; que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré ces deux prévenus, coupables des délits d’aide au séjour irrégulier et d’emploi d’étrangers démunis d’autorisation d’exercer une activité salariée (arrêt p 10-11) ;
” alors que, si le fait d’embaucher sur le territoire français un étranger en situation irrégulière peut constituer une aide au séjour irrégulier, c’est à la condition que l’employeur ait eu connaissance de l’irrégularité de la situation de son salarié ; que l’employeur, trompé par la production de titres falsifiés ayant par ailleurs satisfait à l’ensemble de ses obligations déclaratives au moment du recrutement, ne peut être retenu dans les liens de la prévention du délit intentionnel d’aide au séjour irrégulier “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Habip X... coupable des délits d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié et d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers en France, l’arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits aux moyens du mémoire ampliatif ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, d’où il résulte que le prévenu ne pouvait ignorer que les conditions de recrutement et d’emploi des salariés concernés ne pouvaient être acceptées que par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, et dès lors qu’en application de l’article L. 346-6 du code du travail, applicable au moment des faits, qui interdisaient d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, impliquaient nécessairement que l’employeur s’informe de la nationalité de celui qu’il embauchait et vérifie, dans le cas où il s’agissait d’un ressortissant étranger, s’il était titulaire du titre précité, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Chanet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Arnould conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : Cour d’appel de Pau du 18 décembre 2008